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29/05/2018 | FRANCE | N°17BX04176

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 29 mai 2018, 17BX04176


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 2 mai 2017 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1702250 du 3 octobre 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de

cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 décembre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 2 mai 2017 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1702250 du 3 octobre 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 décembre 2017, MmeB..., représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 3 octobre 2017 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 2 mai 2017 du préfet de la Gironde ;

3°) d'enjoindre à l'autorité préfectorale de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

- le tribunal a insuffisamment motivé sa réponse au moyen tiré de la méconnaissance, par la décision attaquée, de l'article L. 313-11 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne la légalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français :

- c'est à tort que les premiers juges n'ont pas retenu qu'elle remplissait les critères du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; les éléments relevés par le préfet de la Gironde ne sont pas suffisamment précis et concordants et ne permettent pas d'établir que le père français de sa fille aurait établi de manière frauduleuse sa reconnaissance de paternité de l'enfant ;

- les décisions en litige ont été prises en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'une erreur de droit dès lors qu'elle a un fils de nationalité française et que sa soeur réside sur le territoire français ; elles sont également entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

- la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'un défaut de motivation dès lors qu'elle n'énonce pas clairement les éléments précis sur lesquels le préfet de la Gironde se fonde pour prendre une telle décision ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, d'une erreur de droit et d'un défaut d'examen particulier dès lors que le préfet de la Gironde ne prend pas en compte la présence régulière de sa soeur sur le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 février 2018, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par Mme B...ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 19 février 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 13 mars 2018 à 12h00.

Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 novembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Faïck, premier conseiller ;

- et les observations de MeA..., représentant MmeB....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C...B..., ressortissante camerounaise née le 18 septembre 1987, est entrée en France, selon ses déclarations, le 7 novembre 2014. Le 10 août 2015, elle a sollicité un titre de séjour en qualité de parent d'un enfant français sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 2 mai 2017, le préfet de la Gironde a pris à son encontre une décision portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, désignation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Mme B...relève appel du jugement rendu le 3 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Au point 5 de sa décision, le tribunal a suffisamment motivé sa réponse au moyen soulevé par Mme B...tiré de la méconnaissance, par l'arrêté contesté, des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi, le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments présentés par Mme B... à l'appui de son moyen, n'a pas entaché sa décision d'irrégularité.

Sur la légalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ".

4. Si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé. Ce principe peut conduire l'administration à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ces compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers. Tel est le cas pour la mise en oeuvre des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ont pas entendu écarter l'application des principes ci-dessus rappelés. Par conséquent, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit notamment un lien de filiation, et s'impose donc en principe à l'administration, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée.

5. Pour délivrer le refus de séjour contesté, le préfet de la Gironde a relevé que " un faisceau d'indices concordants amène à la conviction d'une reconnaissance frauduleuse à visée migratoire établie dans le seul but d'obtenir un titre de séjour " et ce à propos du père, de nationalité française, déclaré du fils de MmeB.... Il ressort ainsi des pièces du dossier que ce père déclaré avait déjà reconnu deux autres enfants " dans des circonstances similaires ". Ces éléments avaient conduit le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Bordeaux à diligenter une enquête pour tentative d'obtention indue d'un titre de séjour par MmeB..., laquelle se prévalait de la nationalité française du père déclaré de son enfant.

6. Les attestations produites au dossier par Mme B...ne permettent pas d'établir, au regard de leur teneur, la réalité de la relation qu'elle soutient avoir nouée avec le père déclaré de son enfant. Et si la requérante soutient que ce dernier contribue à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, les quelques tickets de caisse et mandats produits au dossier, non datés, non nominatifs et pour certains postérieurs à l'arrêté en litige, n'établissent pas la réalité de cette allégation.

7. Il ressort également des pièces du dossier que, dans son rapport du 4 janvier 2017, le " référent-fraude " de la préfecture de région, qui s'est entretenu avec MmeB..., a relevé des contradictions et des imprécisions dans la description que cette dernière avait faite quant à la réalité de sa relation avec le père présumé de son enfant.

8. Dans ces conditions, il existe des éléments précis et concordants de nature à établir que la reconnaissance de paternité dont se prévaut la requérante a été effectuée dans le seul but d'obtenir un titre de séjour. Par suite, le préfet a fait une exacte application des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prenant l'arrêté contesté. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas davantage commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle et familiale de la requérante.

9. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

10. Pour soutenir que la décision portant refus de titre de séjour a été prise en méconnaissance des stipulations précitées, Mme B...se prévaut de la naissance en France de sa fille, qui aurait la nationalité française, et de la présence de sa soeur. Toutefois, MmeB..., d'une part, ne verse au dossier aucun élément de nature à établir l'intensité et la stabilité de ces liens avec sa soeur et, d'autre part, n'est pas dépourvue d'attache familiale dans son pays d'origine où résident sa mère, sa soeur et ses deux autres enfants mineurs. Elle a en outre passé l'essentiel de son existence dans son pays d'origine où elle vécu jusqu'à l'âge de vingt-six ans tandis que sa présence sur le territoire français n'était ancienne que de deux ans et demi à la date de l'arrêté contesté. Dans ces conditions, la décision contestée n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de Mme B...au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts qu'elle poursuit.

11. En troisième lieu, à l'appui de sa contestation du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français en litige, Mme B...se contente de se référer aux autres moyens qu'elle avait soulevés en première instance et tirés du défaut de motivation et de l'absence d'examen réel et sérieux de sa situation. Toutefois, elle ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal. Par suite, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :

12. En premier lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. [...] La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. "

13. La décision contestée comporte les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle vise le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne les éléments sur lequel le préfet de la Gironde s'est fondé pour prendre sa décision, à savoir que Mme B...se maintient irrégulièrement sur le territoire national depuis qu'elle y est entrée, qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales au Cameroun où elle a vécu la plus longue partie de son existence et où vivent d'autres membres de sa famille et qu'elle ne justifie pas de la nature et de l'ancienneté de ses liens privés et familiaux sur le territoire français. Dans ces conditions, le préfet de la Gironde, qui n'avait pas à mentionner l'ensemble des éléments relatifs à la situation de MmeB..., a suffisamment motivé la décision contestée et a procédé à un examen approfondi de sa demande. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisante motivation et du défaut d'examen particulier de la situation propre de la requérante ne peuvent qu'être écartés.

14. En deuxième lieu, Mme B...n'apporte aucun élément de nature à prouver la réalité des liens qu'elle soutient entretenir avec sa soeur qui résiderait régulièrement en France. Compte tenu de la durée et des conditions de séjour en France de MmeB..., et eu égard aux effets d'une interdiction de retour en France qui peut être abrogée à tout moment par l'autorité administrative, notamment à la demande de l'étranger justifiant résider hors de France, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en fixant à deux ans la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français de la requérante alors même que celle-ci n'a pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à MeA.... Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 3 mai 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Pierre Bentolila, président assesseur,

M. Frédéric Faïck, rapporteur,

Lu en audience publique, le 29 mai 2018.

Le rapporteur,

Frédéric Faïck Le président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Evelyne Gay-Boissières

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 17BX04176


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX04176
Date de la décision : 29/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : SELAS SED LEX

Origine de la décision
Date de l'import : 05/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-05-29;17bx04176 ?
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