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28/05/2018 | FRANCE | N°18BX00212

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 28 mai 2018, 18BX00212


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...E...C...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 30 octobre 2017 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1702572 du 18 décembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enre

gistrée le 17 janvier 2018, M. A...E...C..., représenté par la SCP Artur Caliot, demande à la cour ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...E...C...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 30 octobre 2017 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1702572 du 18 décembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 janvier 2018, M. A...E...C..., représenté par la SCP Artur Caliot, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers du 18 décembre 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 30 octobre 2017 du préfet de la Vienne susmentionné ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Vienne de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, à défaut, de prendre une nouvelle décision dans un délai d'un mois et dans l'attente de lui délivrer dans les quarante-huit heures, une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions des articles 35 et 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le premier juge a rejeté à tort son moyen tiré de ce que l'arrêté litigieux vise non pas l'arrêté de délégation de signature de M.B..., signataire de l'arrêté, mais celui de M. Soumbo ;

- l'ensemble des décisions attaquées sont entachées d'un défaut de motivation au regard des articles L.211-2 et L.211-5 du code des relations entre le public et l'administration, dés lors qu'elles se bornent à mentionner que la Préfecture de la Vienne refuse de faire droit à sa demande de titre de séjour du fait du refus de la demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) ;

- la décision de refus de séjour est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il justifie de considérations humanitaires et de motifs exceptionnels ; il a été menacé et blessé au Sénégal par les membres du groupe Kankourang qui voulaient le voir succéder à son père en tant que chef du rituel de l'excision et de la circoncision ;

- cette décision porte atteinte à sa vie privée et familiale dés lors qu'il entretient des relations avec son frère et sa soeur qui vivent en France, qu'il vit chez cette dernière, qu'il est aidé par des associations pour s'insérer dans la société française et n'éprouve aucune difficulté pour réaliser des démarches quotidienne comme aller faire ses courses ou aller à la Poste ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale et méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale ;

- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît en outre les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales puisqu'il risque d'être soumis à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine où il a été l'objet de menaces et de violences de la part des membres du groupe Kankourang.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 mars 2018, le préfet de la Vienne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.

M. C...été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 février 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 pris pour son application ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Gil Cornevaux a été entendu au cours de l'audience publique :

Considérant ce qui suit :

1. M.C..., ressortissant sénégalais, né le 10 septembre 1980, est entré irrégulièrement en France le 14 septembre 2016. Sa demande d'asile, sollicitée le 23 novembre 2016, a été rejetée le 31 mars 2017 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la Commission de recours des réfugiés le 10 juillet 2017. Par un arrêté du 30 octobre 2017, le préfet de la Vienne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. C...relève appel du jugement du 18 décembre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 octobre 2017.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. En premier lieu, M. C...soutient que l'arrêté du 30 octobre 2017 vise l'arrêté de délégation du 4 septembre 2017 donnant délégation de signature à M. Soumbo, secrétaire général de la préfecture de la Vienne, et non celui donnant délégation à M.B..., sous-préfet de Châtellerault, signataire de l'arrêté pris à son encontre, de sorte que la compétence de ce dernier n'est pas établie. Toutefois, il ressort des dispositions des articles 3 et 7 de l'arrêté du 4 septembre 2017 précité, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Vienne, que M. D...B..., sous-préfet de Châtellerault, disposait d'une délégation de signature à l'effet de signer, en cas d'absence de M. Soumbo, l'ensemble des décisions et actes relevant des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige manque en fait.

3. En deuxième lieu, M. C...reprend en appel le moyen déjà soulevé en première instance et tiré du caractère insuffisamment motivé de l'arrêté contesté au regard des articles L. 211-2 et L.211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Il ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal. Par suite, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par le premier juge.

4. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) "

5. M. C...soutient que le préfet de la Vienne a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne régularisant pas sa situation administrative sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois l'intéressé, qui n'a pas sollicité de titre de séjour sur le fondement de ces dispositions, ne peut utilement s'en prévaloir devant le juge administratif. En tout état de cause, s'il allègue, sans l'établir, avoir été menacé et blessé dans son pays d'origine par les membres du groupe Kankourang qui voulaient le voir succéder à son père en tant que chef du rituel de l'excision et de la circoncision, ces circonstances, comme l'ont à juste titre relevé les premiers juges, ne sauraient tenir lieu de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées.

6. En quatrième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. M. C...fait valoir qu'il dispose d'attaches familiales en France, puisque son frère et sa soeur vivent à Poitiers, qu'il est hébergée par sa soeur et entretient des relations avec son frère, qu'il est aidé par des associations pour s'insérer dans la société française, qu'il s'est d'ailleurs construit un tissu social composé d'amis et n'éprouve aucune difficulté pour réaliser des démarches quotidienne comme aller faire ses courses ou aller à la Poste. Toutefois il ressort des pièces du dossier, que l'intéressé est entré irrégulièrement en France selon ses déclarations, le 14 septembre 2016 et que sa présence sur le territoire national n'a été régulière que le temps de l'examen de sa demande d'asile, rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 mars 2017, confirmée le 10 juillet 2017 par la Cour nationale du droit d'asile. En outre M.C..., qui est sans charge de famille en France, ne justifie pas par la production de deux attestations de connaissances, au demeurant peu circonstanciées, de l'intensité de liens personnels qu'il aurait tissé sur le territoire national, ni ne justifie être particulièrement intégrée dans la société française. Il n'établit pas d'avantage être isolé dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de trente six ans et où réside sa fille mineure. Dans ces conditions, la décision en litige n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. En cinquième lieu, pour les mêmes motifs que ceux par lesquels a été écartée l'illégalité du refus de séjour au point 7, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée serait entachée d'une erreur de droit en ce qu'elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale et d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

9. Aux termes des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; / 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il établit être légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (...) ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

10. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité administrative chargée de prendre la décision fixant le pays de renvoi d'un étranger a l'obligation de s'assurer, au vu du dossier dont elle dispose et sous le contrôle du juge, que les mesures qu'elle prend n'exposent pas l'étranger à des risques sérieux pour sa liberté ou son intégrité physique, non plus qu'à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle est en droit de prendre en considération à cet effet les décisions de l'Office français de protection des refugies et apatrides ou de la Cour nationale du droit d'asile ayant statué sur la demande d'asile de l'étranger, sans pour autant être liée par ces éléments.

11. M. C...soutient qu'il ne peut pas retourner au Sénégal, dés lors qu'il y encourt des persécutions de la part des membres du groupe Kankourang qui l'ont menacé et violenté pour le contraindre succéder à son père en tant que chef du rituel de l'excision et de la circoncision. Toutefois, et alors que la Cour nationale du droit d'asile a relevé, dans sa décision de rejet de sa demande d'asile, que " M. C...a tenu un discours confus et imprécis quant à son parcours et à ses craintes exactes en cas de retour ", qu'" il a décrit de façon sommaire la proposition qui lui aurait été faite le 5 août 2016 par ce groupe, tout comme les menaces verbales et téléphoniques qui en auraient résulté " et que " l'exposé de son agression présumée le 10 août 2016 et de sa vie quotidienne jusqu'à son départ a été empreint du même caractère confus et sommaire ", M. C... ne démontre pas, par la production d'articles de presse relatifs à l'interdiction et aux exactions du Kankourang et d'une attestation de sa soeur qui se borne à relayer ses allégations, qu'il serait personnellement et actuellement exposé à des risques pour sa vie en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, la décision fixant le pays de renvoi n'a pas méconnu, d'une part, les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni, d'autre part, les dispositions précitées de l'article L.513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur les autres conclusions :

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à se plaindre que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions combinées des articles 35 et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...E...C...et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera adressée au préfet de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 27 avril 2018, à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Gil Cornevaux, président assesseur,

M. Axel Basset, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 mai 2018.

Le rapporteur,

Gil CornevauxLe président,

Pierre LarroumecLe greffier,

Cindy Virin La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

2

N° 18BX00212


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18BX00212
Date de la décision : 28/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Gil CORNEVAUX
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : SCP ARTUR - CALIOT

Origine de la décision
Date de l'import : 05/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-05-28;18bx00212 ?
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