Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Les consorts A...agissant en leur nom propre et en leur qualité de représentants légaux de leur fils mineur G...A...ainsi que M. B...A...ont demandé au tribunal administratif de La Réunion de condamner l'Etat au versement d'une somme de 150 000 euros en réparation des préjudices subis par M. D...A...lors de l'accident de baignade dont il a été victime en pratiquant le surf à Saint-Leu le 5 août 2012, dont il estime l'Etat responsable.
Par un jugement n° 1400880 du 12 mai 2016, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés respectivement les 12 juillet 2016 et 24 juillet 2017, les consortsA..., représentés par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de La Réunion du 12 mai 2016 ;
2°) de déclarer l'Etat responsable de l'accident dont M. D...A...a été victime le 5 août 2012 en pratiquant le surf à Saint-Leu ;
3°) de condamner l'Etat à verser à M.A..., en réparation du préjudice subi, la somme de 150 000 euros à parfaire, les droits à indemnité devant être définitivement fixés après expertise médicale que la cour devra ordonner ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement est entachée d'une erreur de fait car contrairement à ce qu'ont retenus les premiers juges, les mesures prises par les autorités locales n'ont pas permis à M. D...A..., eu égard à la gravité du danger d'être parfaitement informé des risques encourus par la pratique du surf ;
- le comportement de M. A...ne peut être retenu pour écarter la responsabilité du préfet ;
- le tribunal a commis une erreur de droit en ne retenant pas la responsabilité du préfet alors que les mesures de police relevaient de sa compétence et qu'il n'a pas pris les mesures visant à prévenir ou à faire cesser un danger grave puisque le tribunal fait état des seules mesures prises par le maire de la commune de Saint-Leu.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juin 2017, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
La requête a été communiquée à la Caisse générale de sécurité sociale de La Réunion, ainsi qu'à la mutuelle générale de l'éducation nationale qui n'ont pas présenté de mémoire en défense.
Par ordonnance du 25 juillet 2017, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 17 août 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'environnement ;
- le décret n° 2007-236 du 21 février 2007 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Gil Cornevaux ;
- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public
- et les observations de MeE..., représentant les consortsA....
Considérant ce qui suit :
1. M. D...A...a été victime, le 5 août 2012, d'une attaque de requin alors qu'il pratiquait le surf sur le spot dit " du bol " sur le domaine public maritime de la commune de Saint-Leu, à la sortie du port de cette commune. A la suite de cette attaque M. A...a du subir une amputation de la main et du pied droits. M.A..., son épouse et leurs enfants ont recherchés la responsabilité de l'Etat en invoquant la carence de l'autorité préfectorale dans l'exercice des ses pouvoirs de police administrative devant le tribunal administratif de La Réunion. Ils relèvent appel du jugement 12 mai 2016 par lequel les premiers juges ont rejetés leurs demandes.
Sur la responsabilité :
2. Aux termes de l'article L. 2213-23 du code général des collectivités territoriales: " Le maire exerce la police des baignades et des activités nautiques pratiquées à partir du rivage avec des engins de plage et des engins non immatriculés. Cette police s'exerce en mer jusqu'à une limite fixée à 300 mètres à compter de la limite des eaux. / Le maire réglemente l'utilisation des aménagements réalisés pour la pratique de ces activités. Il pourvoit d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours. / Le maire délimite une ou plusieurs zones surveillées dans les parties du littoral présentant une garantie suffisante pour la sécurité des baignades et des activités mentionnées ci-dessus. Il détermine des périodes de surveillance. Hors des zones et des périodes ainsi définies, les baignades et activités nautiques sont pratiquées aux risques et périls des intéressés. / Le maire est tenu d'informer le public par une publicité appropriée, en mairie et sur les lieux où elles se pratiquent, des conditions dans lesquelles les baignades et les activités nautiques sont réglementées. ". Aux termes de l'article L. 2215-1 du même code : " La police municipale est assurée par le maire, toutefois : / 1° Le représentant de l'Etat dans le département peut prendre, pour toutes les communes du département ou plusieurs d'entre elles, et dans tous les cas où il n'y aurait pas été pourvu par les autorités municipales, toutes mesures relatives au maintien de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité publiques. (...) / 3° Le représentant de l'Etat dans le département est seul compétent pour prendre les mesures relatives à l'ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publique, dont le champ d'application excède le territoire d'une commune. (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions qu'il incombe au maire d'une commune sur le territoire de laquelle sont situés des lieux de baignade qui, sans avoir été aménagés à cet effet, font l'objet d'une fréquentation régulière, notamment pour la pratique de sports nautiques tel que le surf, de prendre les mesures nécessaires pour signaler les dangers qui excèdent ceux contre lesquels les intéressés doivent normalement se prémunir, notamment par la prévention du risque d'attaques de requins et pour assurer le sauvetage des baigneurs et des pratiquants de ces sports en cas d'accident. Toutefois, il revient au préfet d'exercer les pouvoirs de police qu'il détient, sur le fondement des dispositions de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales dans les cas où les mesures excéderaient le territoire d'une commune, voire en cas de carence de l'autorité municipale. Le préfet de La Réunion détient aussi des pouvoirs de police lorsque les lieux concernés se situent dans le périmètre de la réserve naturelle nationale marine de La Réunion, des dispositions du décret n° 2007-236 du 21 février 2007 par lequel a été créée ladite réserve naturelle sur le fondement des articles L. 332-1 et suivants du code de l'environnement.
4. Il résulte de l'instruction que M. D...A..., le 5 août 2012, alors qu'il pratiquait le surf, depuis 16 h 00 sur le domaine public maritime de la commune de Saint-Leu, au lieu dit du " spot de la Gauche de Saint-Leu ", dans la limite des 300 mètres marin et dans le périmètre de la réserve naturelle nationale marine de La Réunion, a été victime, entre 17 h 00 et 17 h15, selon les procès verbaux des services de police, d'une attaque d'un requin qui lui a sectionné la main droite et la jambe droite au niveau du mollet. Cette partie du rivage qui ne constituait pas un lieu de baignade présentant une garantie suffisante pour la sécurité des baignades et des activités nautiques, était signalé comme " accès et site dangereux, à vos risques et périls, baignade interdite " par un arrêté du maire de Saint-Leu n° 34/2011 du 1er mars 2011 portant réglementation de la baignade sur cette commune, l'article 15 de cet arrêté, spécifiant que " toute personne qui se baigne dans les zones non surveillées signalées par des panneaux et dont l'accès est libre, le fait à ses risques et périls ". Il est constant que le spot sur lequel a eu lieu l'accident relevait de ce secteur désigné par l'arrêté municipal, qui au demeurant était matérialisé, par un panneau explicite quant à la dangerosité des lieux sur lequel était mentionné : " baignade interdite, site dangereux, accès à vos risques et périls " indiquant sans ambiguïté que la baignade y était strictement interdite. Ainsi, il ne peut être reproché au maire de Saint-Leu une quelconque carence quant au caractère approprié de l'affichage et d'une information suffisante sur des dangers identifiés, au regard des articles L. 2213-23 et L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales ou des dispositions du décret n° 2007-236 du 21 février 2007, en ce secteur spot de la Gauche de Saint-Leu. Par conséquent, il ne peut être fait reproche d'une quelconque carence du préfet dans l'exercice de son pouvoir de substitution au maire qu'il tient de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales.
5. Il résulte de l'instruction que M. A...qui était un surfeur expérimenté et qui connaissait les lieux, ne pouvait ignorer qu'il s'était aventuré dans cette zone pour y pratiquer le surf, à ses risques et périls, en infraction avec les mesures de polices prises par le maire et par le préfet dans le périmètre de la réserve naturelle nationale marine de La Réunion, et que le risque auquel il s'exposait en pratiquant le surf en ce lieu était encore plus élevé en prolongeant sa pratique à une heure avancée de la journée, après 17 heures, alors que la plupart des autres surfeurs avaient regagné le rivage. M.A..., qui réside à La Réunion depuis 1981, ne pouvait davantage ignorer les risques d'attaques de requins compte tenu de la circonstance que la mairie de Saint-Leu à la suite du conseil municipal du 26 juillet 2012 a diffusé un lettre du conseil dans laquelle était détaillée le dispositif spécifique de lutte et de prévention contre les attaques de requin, sans compter les nombreux communiqués de presse émanant des services préfectoraux qui présentaient les divers dispositifs face au risque requin, entre le mois de mars 2011 et l'été 2012. Ainsi, l'accident dont a été victime M.A..., le 5 août 2012, qui se devait de se prémunir par un comportement prudent et adapté aux circonstances dans laquelle il pratiquait son activité sportive, ne peut être attribué et imputable qu'à sa seule imprudence.
6. Au surplus, il ne peut être reproché au préfet de La Réunion, sur le fondement du 3° de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales au motif que le représentant de l'Etat dans le département détient le pouvoir de prendre des mesures de police administrative qui excèdent le territoire d'une commune, puisque le lieu de l'accident était inclus dans le périmètre de la réserve naturelle nationale marine de La Réunion, de n'avoir pas suffisamment, à la date de l'accident, avoir pris des mesures de prélèvements de requins bouledogues ou requins tigres dans les eaux maritimes de la réserve naturelle, sans avoir eu au préalable une connaissance scientifique suffisante, notamment par des opérations de marquages des individus, afin de déterminer la sédentarisation de la population pour mener une action efficace " risque requin ", sans pour autant que le risque puisse être totalement supprimé. Enfin la circonstance qu'après l'accident dont M. D...A...a été victime, des panneaux faisant expressément référence aux attaques de requins aient été mis en place sur les lieux concernés, ne saurait, à elle seule, établir l'existence d'une faute du maire de la commune ou du préfet dans l'exercice de leur pouvoir de police.
7. Il résulte de ce qui précède que les consorts A...ne sont pas fondés à rechercher la responsabilité, même partielle, de l'Etat au titre des conséquences dommageables de l'accident du 5 août 2012.
8. Il résulte de tout ce qui précède que les consorts A...ne sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté leurs conclusions tendant à ce que l'Etat soit déclaré responsable de la totalité des conséquences dommageables de l'accident survenu à M. D... A.... Par conséquent les conclusions présentées par les consorts A...à fin d'expertise et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête des consorts A...est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. D...A..., à Mme F...A..., à M. B...A..., au ministre de l'intérieur, à la mutuelle générale de l'éducation nationale et à la caisse générale de sécurité sociale de La Réunion.
Copie en sera adressée au préfet de La Réunion.
Délibéré après l'audience du 27 avril 2018, à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
M. Gil Cornevaux, président-assesseur,
M. Axel Basset, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 mai 2018.
Le rapporteur,
Gil CornevauxLe président,
Pierre LarroumecLe greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Cindy Virin
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No16BX02294