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24/05/2018 | FRANCE | N°16BX01671

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 24 mai 2018, 16BX01671


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G...A...a demandé, le 27 juin 2014, au tribunal administratif de la Guadeloupe de condamner la commune de Port-Louis à lui verser une somme globale de 327 207,28 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de la chute dont elle a été victime le 29 octobre 2011 sur le territoire de cette collectivité.

Par un jugement n° 1400597 du 24 mars 2016, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté cette demande et a mis à la charge de Mme A...les frais d'expertise taxé

s et liquidés à la somme de 1 200 euros.

Procédure devant la cour :

Par une ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G...A...a demandé, le 27 juin 2014, au tribunal administratif de la Guadeloupe de condamner la commune de Port-Louis à lui verser une somme globale de 327 207,28 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de la chute dont elle a été victime le 29 octobre 2011 sur le territoire de cette collectivité.

Par un jugement n° 1400597 du 24 mars 2016, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté cette demande et a mis à la charge de Mme A...les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 1 200 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête, un mémoire et des pièces complémentaires, enregistrés respectivement les 19 mai et 5 juillet 2016 et le 26 janvier 2017, MmeA..., représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 24 mars 2016 ;

2°) de condamner solidairement la commune de Port-Louis et son assureur, la société Allianz Iard, à l'indemniser de ses préjudices résultant de sa chute, à hauteur d'une somme globale de 327 207,28 euros ;

3°) de réserver le poste de préjudice " assistance par tierce personne " comme étant non fixé définitivement par l'expert sur la période suivant l'année de consolidation ;

4°) de juger que l'arrêt à intervenir sera opposable à la caisse générale de sécurité sociale de la Guadeloupe ;

5°) d'ordonner l'exécution provisoire de la décision qui sera prise ;

6°) de mettre solidairement à la charge de la commune de Port-Louis et de son assureur les dépens et la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la commune de Port-Louis est entièrement responsable de la survenance de sa chute, imputable à une double faute de la collectivité, à savoir l'absence de signalisation d'un trou situé sur la voie publique et la défaillance de l'éclairage public ; en effet, l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales fait obligation aux maires d'assurer la sûreté et la commodité des passages, en particulier dans les rues et voies publiques ; or, il ressort des pièces versées au dossier que le trou dans lequel elle est tombée se trouve sur une route communale et non départementale ; des témoins affirment la matérialité des faits et une attestation du service départemental d'incendie et de secours témoigne de l'intervention des sapeurs pompiers route des Poules d'eau en vue de lui porter secours ; les photographies contenues dans le procès-verbal de constat, établi par un huissier de justice le 12 décembre 2012, permettent de relever la faute de la commune dès lors que l'espace en cause est désormais couvert par des planches alors que le reste du caniveau, d'une profondeur de trente centimètres, est protégé par des grilles de quarante centimètres sur quarante centimètres ; il est évident que la collectivité a ainsi fait fermer le trou depuis l'accident en raison du danger qu'il présentait pour les riverains ;

- compte tenu de la responsabilité de la commune, il appartient à celle-ci de l'indemniser ; les dépenses de santé exposées par la caisse générale de sécurité sociale, soit un montant de débours de 68 301,90 euros, doivent être mis à la charge de la commune ; ses préjudices doivent être évalués à hauteur de 19 354,16 euros au titre des frais divers liés à l'aide d'une tierce personne avant consolidation, calculés sur la base d'un taux horaire de 18,19 euros, de 6 360 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, de 15 000 euros au titre des souffrances endurées, de 4 893,12 euros au titre de l'assistance par tierce personne après consolidation, calculés sur la base d'un taux horaire de 16,99 euros, de 210 000 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs, de 20 000 euros au titre de l'incidence professionnelle, de 30 600 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, de 3 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent, de 10 000 euros au titre du préjudice sexuel, de 10 000 euros au titre du préjudice d'agrément.

Par un mémoire enregistré le 2 mai 2017, la société Allianz Iard et la commune de Port-Louis, représentées par MeE..., concluent au rejet de la requête de MmeA....

Elles font valoir que :

- la demande de Mme A...est irrecevable dès lors, d'une part, qu'il n'est pas fait mention en première instance d'un recours gracieux préalable auprès de la commune de Port-Louis et que, d'autre part, la décision de refus de la collectivité n'est pas jointe à la requête ;

- la requête est également entachée d'une irrecevabilité à défaut de mise en cause par l'intéressée des organismes de sécurité sociale auxquels elle est affiliée alors qu'elle sollicite l'indemnisation d'un préjudice corporel ;

- aux termes de la jurisprudence, l'usager de l'ouvrage public doit apporter la preuve d'un lien de causalité entre le préjudice invoqué et le fait générateur, et établir le caractère dangereux de cet ouvrage, sachant que, en qualité d'usager habituel d'une voie publique, il est censé être informé de son mauvais état ; or, en premier lieu, Mme A...ne justifie pas du lieu précis où s'est déroulé l'accident et de l'appartenance au domaine public communal de la voie mentionnée ; en effet, l'attestation de M. F...est imprécise sur la localisation de la chute de l'intéressée et date celle-ci du 20 octobre alors qu'elle aurait eu lieu le 29 octobre 2011 ; le procès-verbal de constat rédigé par un huissier ne peut être considéré comme impartial puisqu'il se borne à décrire les lieux tels que désignés par la requérante ; les nouveaux témoignages, datés de 2016, sont des attestations de complaisance et le document émanant du service départemental d'incendie et de secours ne permet pas davantage de localiser avec précision l'accident ; en outre, les voies situées dans la résidence " Am filaola " sont gérées par la société d'HLM Sikoa et sont donc placées sous la responsabilité de cette dernière, la commune étant traversée par une route départementale ; en second lieu, Mme A...n'apporte pas la preuve de la dangerosité du lieu présumé de sa chute ; en effet, le constat d'huissier précise que la zone concernée bénéficie d'un éclairage public, signale qu'elle est fermée par des planches, et révèle enfin que le trou était de dimensions réduites et que la requérante et son petit-fils ne pouvaient donc, contrairement à ce qu'a affirmé le premier témoin, avoir " disparu " concomitamment dans un espace aussi restreint ;

- à titre subsidiaire, si la cour ne confirme pas le jugement du tribunal administratif, le droit à indemnisation de Mme A...devra être limité à 10% dès lors qu'elle connaissait les lieux de sa chute qui se trouvent à proximité immédiate de son domicile ; concernant les préjudices patrimoniaux temporaires, il sera sursis à statuer sur les dépenses de santé actuelles dans l'attente de la mise en cause des organismes sociaux et le poste relatif à la tierce personne sera évalué à la somme de 6 690 euros, calculés sur la base d'un taux horaire de 10 euros, concernant les préjudices patrimoniaux permanents ; il sera également sursis à statuer sur la perte de gains professionnels futurs ; l'aide à la tierce personne définitive sera arrêtée à 3 120 euros, calculés sur la base d'un taux horaire de 10 euros ; l'incidence professionnelle ne saurait dépasser un montant de 5 000 euros ; concernant les préjudices extrapatrimoniaux temporaires, l'évaluation du déficit fonctionnel temporaire sera maintenue à 6 360 euros, le pretium doloris sera porté à 8 000 euros ; concernant les préjudices extrapatrimoniaux permanents, il est proposé de chiffrer le déficit fonctionnel permanent à 18 000 euros, le préjudice esthétique permanent à 2 000 euros ; enfin, ses demandes indemnitaires tendant à la réparation de ses préjudices sexuels et d'agrément devront être rejetées.

Par ordonnance du 2 mai 2017, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 6 juin 2017 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sabrina Ladoire,

- les conclusions de M. D...de la Taille Lolainville, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant la commune de Port-Louis et la société Allianz Iard.

Considérant ce qui suit :

1. Le 29 octobre 2011, aux environs de 18 heures, alors qu'elle regagnait à pied son domicile après avoir effectué une promenade, MmeA..., âgée de cinquante-et-un ans à la date des faits, déclare avoir fait une chute dans un trou laissé béant sur la chaussée, lui occasionnant une fracture fermée du pilon tibial gauche et de la malléole gauche. A sa demande, le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe a missionné, par une ordonnance du 3 juin 2013, le docteur Rouvillain, expert, aux fins notamment de décrire les séquelles dont l'intéressée resterait affectée à la suite de cet accident et d'évaluer l'ensemble de ses préjudices. Cet expert a rendu son rapport le 25 octobre 2013. Imputant cet accident à un défaut d'entretien normal de la voie publique, l'intéressée a alors demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de condamner la commune de Port-Louis à réparer ses préjudices à hauteur de 327 207,28 euros. Par un jugement du 24 mars 2016, les premiers juges ont rejeté la demande de la requérante et ont mis à sa charge les frais d'expertise. Mme A...relève appel de ce jugement.

2. Il appartient à l'usager, victime d'un dommage survenu sur une voie publique, d'établir l'existence de l'obstacle et d'un lien de causalité direct et certain entre celui-ci et le préjudice. La collectivité en charge de l'ouvrage public doit alors, pour que sa responsabilité ne soit pas retenue, établir que l'ouvrage public faisait l'objet d'un entretien normal ou que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure.

3. Mme A...impute sa chute à la présence d'une excavation de trente centimètres de profondeur à l'intersection du boulevard Jacques Edwige et de la rue des Poules d'eau à Port-Louis, laquelle serait due à un défaut d'entretien de cette voie. Afin d'établir l'existence d'un lien de causalité entre ses préjudices et la défectuosité de la chaussée, Mme A...s'est prévalue, en première instance, d'une unique attestation émanant d'un témoin de cet accident, laquelle mentionne que l'intéressée a chuté avec son petit-fils le 20 octobre 2011. Or, cette attestation ne permet pas de déterminer avec exactitude la date ni les circonstances de cet accident. En effet, les pièces du dossier font état d'une chute survenue le 29 octobre 2011 et non le 20 octobre. De plus, cette attestation indique que la chute aurait eu lieu " dans la cité Am Filaola " et non au croisement de la rue des Poules d'eau et du boulevard Jacques Edwige. Ensuite, le constat d'huissier produit par Mme A...reprend, pour l'essentiel, les déclarations de cette dernière et n'est pas de nature à démontrer, dès lors qu'il a été établi plus d'un an après la survenue de sa chute, l'état de la chaussée le jour où elle s'est produite, ni même que cet accident serait imputable à l'excavation dont il fait état. Si Mme A...produit également, pour la première fois en appel, une attestation du service départemental d'incendie et de secours en date du 12 avril 2016, sur laquelle figurent la date et l'heure de son intervention sur la " route des Poules d'eau 97117 Port-Louis " en raison d'une " personne blessée suite à chute ", ce document ne fournit aucune précision sur le lieu exact de l'accident ni sur les circonstances de celui-ci. Enfin, l'intéressée se prévaut de deux nouveaux témoignages, établis près de cinq années après l'accident en litige, peu circonstanciés et qui comportent en outre des incohérences sur le lieu même et les circonstances de l'accident, ceux-ci ne mentionnant d'ailleurs pas la présence du petit-fils de MmeA..., contrairement aux déclarations du premier témoin. Dans les circonstances de l'espèce, et en l'absence de tout autre élément probant permettant de déterminer et de comprendre les circonstances exactes de l'accident, notamment le lieu précis où il s'est produit, Mme A...ne peut être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe de l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre le dommage incontestable qu'elle a subi et la défectuosité de l'ouvrage public incriminé. La circonstance que l'excavation en cause soit désormais couverte par des planches, à supposer même qu'elle concerne le lieu exact de la chute, n'est pas davantage de nature à démontrer l'existence d'un tel lien.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par la commune de Port-Louis et la société Allianz Iard, que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.

Sur les frais d'expertise :

5. Il y a lieu de maintenir les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 200 euros, à la charge définitive de MmeA....

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administratif font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Allianz Iard et de la commune de Port-Louis, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme demandée par Mme A...au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G...A..., à la commune de Port-Louis, à la société Allianz Iard et à la caisse générale de sécurité sociale de la Guadeloupe.

Copie en sera adressée à la ministre des outre-mer et au préfet de la Guadeloupe.

Délibéré après l'audience du 26 avril 2018 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Sabrina Ladoire, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 24 mai 2018.

Le rapporteur,

Sabrina LADOIRELe président,

Aymard de MALAFOSSELe greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 16BX01671


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX01671
Date de la décision : 24/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-03-01-02-02 Travaux publics. Différentes catégories de dommages. Dommages sur les voies publiques terrestres. Défaut d'entretien normal. Chaussée.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Sabrina LADOIRE
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS JUDEXIS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-05-24;16bx01671 ?
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