La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/05/2018 | FRANCE | N°18BX00360

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 15 mai 2018, 18BX00360


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...se disant B...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les arrêtés du 1er novembre 2017 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, l'a interdit de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1705066 du 29 décembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 1er novembre 2017 e

t a mis à la charge de l'État la somme de 600 euros à verser à Me Pech-Cariou, avocat de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...se disant B...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les arrêtés du 1er novembre 2017 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, l'a interdit de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1705066 du 29 décembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 1er novembre 2017 et a mis à la charge de l'État la somme de 600 euros à verser à Me Pech-Cariou, avocat de M.B..., en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 janvier 2018, le préfet des Pyrénées-Orientales, représenté par la SCP Vial - Pech de Laclause Escale - Knoepffler, demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 29 décembre 2017 et de mettre à la charge de M. B...la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- M. B...n'a pas déposé de demande d'asile en France ;

- l'affirmation de l'intéressé, selon laquelle il entendait déposer une demande d'asile politique à Paris, constitue une demande dilatoire ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français ne porte pas atteinte à la vie privée et familiale de l'intéressé ;

- l'arrêté litigieux ne porte pas atteinte à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il n'établit pas les risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine.

Par ordonnance du 6 février 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 5 mars 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C...a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A...se disantB..., ressortissant algérien, né le 28 mai 1985, a été interpellé en situation irrégulière le 31 octobre 2017 dans le train reliant la ville de Barcelone à celle de Paris. Par arrêté du 1er novembre 2017, le préfet des Pyrénées-Orientales l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, l'a interdit de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans, a décidé de le placer en rétention administrative et a fixé le pays de renvoi. Le préfet des Pyrénées-Orientales relève appel du jugement du 29 décembre 2017 par lequel le magistrat désigné par le tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 1er novembre 2017.

Sur la légalité de l'arrêté contesté :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande et procède à la détermination de l'État responsable en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ou en application d'engagements identiques à ceux prévus par le même règlement, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. L'enregistrement a lieu au plus tard trois jours ouvrés après la présentation de la demande à l'autorité administrative compétente, sans condition préalable de domiciliation. (...) Lorsque l'enregistrement de sa demande d'asile a été effectué, l'étranger se voit remettre une attestation de demande d'asile dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont fixées par décret en Conseil d'État. (...) La délivrance de cette attestation ne peut être refusée au motif que l'étranger est démuni des documents et visas mentionnés à l'article L. 211-1. Elle ne peut être refusée que dans les cas prévus aux 5° et 6° de l'article L. 743-2. Cette attestation n'est pas délivrée à l'étranger qui demande l'asile à la frontière ou en rétention. ". Selon l'article L. 743-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 743-1, sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée à Rome le 4 novembre 1950, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : (...) 5° L'étranger présente une nouvelle demande de réexamen après le rejet définitif d'une première demande de réexamen ;6° L'étranger fait l'objet d'une décision définitive d'extradition vers un État autre que son pays d'origine ou d'une décision de remise sur le fondement d'un mandat d'arrêt européen ou d'une demande de remise par une cour pénale internationale. ". Aux termes de l'article R. 741-2 du même code : " Lorsque l'étranger présente sa demande auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, des services de police ou de gendarmerie ou de l'administration pénitentiaire, la personne est orientée vers l'autorité compétente. Il en est de même lorsque l'étranger a introduit directement sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sans que sa demande ait été préalablement enregistrée par le préfet compétent. Ces autorités fournissent à l'étranger les informations utiles en vue de l'enregistrement de sa demande d'asile. ".

3. Ces dispositions ont pour effet d'obliger l'autorité de police à transmettre au préfet, et ce dernier à enregistrer, une demande d'admission au séjour lorsqu'un étranger, à l'occasion de son interpellation, formule une demande d'asile. Il résulte également de ces dispositions que le préfet est tenu d'enregistrer cette demande d'asile et, hors les cas visés à l'article L. 556-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, concernant l'hypothèse d'un ressortissant étranger placé en rétention, et aux 5° et 6° de l'article L. 743-2 du même code, de délivrer au demandeur l'attestation mentionnée à l'article L. 741-1 de ce code lorsque l'étranger a fourni l'ensemble des éléments mentionnés à l'article R. 741-3 ou, lorsque la demande est incomplète ou les empreintes inexploitables, de convoquer l'intéressé à une date ultérieure pour compléter l'enregistrement de sa demande ou pour procéder à un nouveau relevé de ses empreintes. Ce n'est que dans l'hypothèse où l'attestation de demande d'asile n'a pas été préalablement délivrée par le préfet sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 743-2 que ce dernier peut, le cas échéant sans attendre que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ait statué, obliger l'étranger à quitter le territoire français.

4. Il ressort des pièces du dossier, en particulier du procès-verbal établi par les services de police lors de l'audition de M. A...se disant B...le 31 octobre 2017, que celui-ci venait d'entrer en France depuis l'Espagne et qu'il a explicitement manifesté son intention de déposer une demande d'asile politique. Il est constant que le préfet n'a pas enregistré cette demande alors pourtant qu'elle était antérieure à l'édiction de la mesure d'éloignement en litige et que M. A...se disant B...ne se trouvait dans aucun des cas où l'attestation prévue à l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile devait ou pouvait lui être refusée par le préfet.

5. Si le préfet soutient que la demande d'asile formulée par M. A...se disant B...n'avait été présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente, il ne l'établit pas en se bornant, d'une part, à faire état de ce que l'intéressé a déclaré avoir résidé plus de six mois en Espagne sans avoir déposé de demande d'asile et qu'il n'aurait accompli aucune démarche pour demander l'asile en France, ni durant son placement en rétention administrative le 1er novembre 2017, ni après la mainlevée de cette mesure par une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Toulouse du 3 novembre 2017, ces circonstances étant au demeurant postérieures à l'arrêté litigieux, et, d'autre part, à soutenir que M. A...se disant B...n'établirait pas avoir subi de violences dans son pays d'origine.

6. Il résulte de ce qui précède que le préfet des Pyrénées-Orientales n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé pour erreur de droit la décision du 1er novembre 2017 obligeant M. A...se disant B...à quitter le territoire français sans délai et, par voie de conséquence, les décisions lui interdisant un retour sur le territoire français d'une durée de trois ans et fixant le pays de renvoi. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter les conclusions de la requête tendant à l'annulation de ce jugement ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet des Pyrénées-Orientales est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...se disant AhmedB..., au ministre de l'intérieur et à la SCP Vial - Pech de Laclause Escale - Knoepffler. Une copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.

Délibéré après l'audience du 3 avril 2018 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 mai 2018

Le rapporteur,

Manuel C...Le président,

Éric Rey-BèthbéderLe greffier,

Vanessa BeuzelinLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX00360


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18BX00360
Date de la décision : 15/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : SCP VIAL-PECH DE DE LACLAUSE-ESCALE- KNOEPFFLER

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-05-15;18bx00360 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award