Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'établissement SNCF Réseau a demandé le 10 juin 2015 au tribunal administratif de Pau d'expulser M. A...D...de dépendances situées à Dax cadastrées section BE n°235 et 239 qu'il occupe sans titre, de l'autoriser à procéder lui-même à l'expulsion, le cas échéant avec le concours de la force publique, de prescrire à M. D...de remettre les lieux en état ou, à défaut, de permettre à SNCF Réseau d'y procéder aux frais, risques et périls de M.D..., et ce, sous astreinte de 200 euros par jour de retard et de mettre à la charge de M. D...la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n°1501238 du 21 juin 2016, le tribunal administratif de Pau a prononcé l'expulsion de M. A...D...des dépendances du domaine public de SNCF Réseau cadastrées section BE n° 235 et 239 et lui a enjoint, d'une part, de procéder au nettoyage complet et à la remise en état desdites parcelles, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, et d'autre part, de quitter définitivement les lieux dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement, et ce sous astreinte de 20 euros par jour de retard en cas de non respect du délai fixé, et a mis à la charge de M. D...la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par une ordonnance du 15 septembre 2016, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a renvoyé à la cour les conclusions dirigées contre le même jugement qui avaient également été présentées directement devant lui.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 24 août 2016, M.D..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau ;
2°) de mettre à la charge de SNCF Réseau une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le juge administratif était incompétent pour ordonner son expulsion du domaine public dès lors que les terrains en cause, qui appartenaient au domaine public ferroviaire de l'Etat, ne font plus partie de ce domaine public depuis son transfert à Réseau ferré de France, société de droit privé, en application de l'article 5 de la loi du 13 février 1997 ;
- SNCF Réseau ne justifie pas de sa qualité de propriétaire des terrains en question ;
- il bénéficie d'un titre d'occupation matérialisé par une convention d'occupation des parcelles litigieuses ; il justifie de cette convention et surtout de sa pérennité par plusieurs factures de décembre 2015 à juin 2016 ;
- la décision de résiliation de la convention d'occupation des parcelles avec effet rétroactif du 23 mars 2015 est irrégulière et il peut en exciper de l'illégalité ; cette décision de résiliation a été prise par une autorité incompétente ; elle est abusive et n'est fondée sur aucun moyen de fait ou de droit ; elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la remise en état des lieux ordonnée par le juge est infondée dès lors qu'aucune dégradation n'est établie ;
- le prononcé d'une astreinte, alors qu'il n'y avait pas lieu à exécution, est abusif.
M. D...a sollicité sans avocat une tentative de conciliation, en indiquant avoir proposé en vain à SNCF Réseau une médiation. Sa demande a été rejetée par une lettre du président de la Cour du 27 septembre 2016.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 novembre 2016, SNCF Réseau conclut au rejet de la requête et à ce que la cour mette à la charge de M. D...une somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- contrairement à ce que soutient le requérant, Réseau Ferré de France (SNCF Réseau) est un établissement public à caractère industriel et commercial et dispose d'un domaine public ; les litiges relatifs à l'occupation sans titre du domaine public relèvent bien de la juridiction administrative ;
- les biens constitutifs de l'infrastructure ferroviaire ainsi que les immeubles non affectés à l'exploitation des services de transport ont fait partie des biens transférés par la loi du 13 février 1997 à Réseau Ferré de France, ce transfert concerne bien les parcelles n° 235 et 239 de la section BE occupées illégalement par M.D..., lesquelles comportent un terrain nu et un bâtiment qui constituait le logement du garde-barrière du passage à niveau de Peyrouton ; ces biens immobiliers ne sont donc pas liés à l'exploitation des services de transport et entrent, en application des dispositions précitées, dans le patrimoine de SNCF Réseau, venu aux droits de RFF par l'effet de la loi n°2014-872 du 4 août 2014 ; si le relevé de propriété issu du cadastre indique que le propriétaire de la parcelle est l'établissement public Société Nationale des Chemins de Fer (SNCF), cela résulte uniquement du fait que, compte tenu de l'ampleur des propriétés transférées en 1997, les régularisations n'ont pas été faites dans l'ensemble des cadastres de France et cette circonstance est sans influence sur le transfert de propriété qui est intervenu légalement ;
- le principe du versement d'une contrepartie financière à l'occupation privative du domaine public s'applique d'une manière générale à toute occupation ou utilisation du domaine, que celle-ci s'exerce dans le cadre d'une autorisation ou d'une convention, ou qu'elle s'exerce sans titre ; par suite, les circonstances que des factures ont été émises et réglées ne suffisent pas à établir l'existence d'une autorisation d'occupation domaniale ;
- si la jurisprudence a ouvert la possibilité au cocontractant de l'administration de contester la validité d'une mesure de résiliation du contrat par le biais d'un recours de plein contentieux tendant à la reprise des relations contractuelles, elle a expressément mentionné que ce recours devait être introduit dans les deux mois à compter de la notification de la mesure de résiliation ; l'exception d'illégalité invoquée dans le cadre d'un recours de plein contentieux à l'encontre d'une mesure de résiliation d'un contrat administratif n'est pas soumise à un régime de forclusion moins strict ; par courrier recommandé du 4 mars 2015, reçu le 9 mars 2015, la société Nexity Saggel Property Management a résilié la convention conclue le 13 mars 2014 entre SNCF Réseau et M.D... ; le délai de recours de deux mois expirait le 10 mai 2015, de sorte que la mesure de résiliation est devenue définitive, et l'exception d'illégalité est irrecevable ;
- subsidiairement, la société Nexity avait qualité pour agir au nom et pour le compte de SNCF Réseau à l'égard de M.D... ; la résiliation était justifiée dès lors que M. D...avait été autorisé à occuper le domaine public de SNCF Réseau pour y exercer une activité de " stockage d'outils de jardinage ", et qu'il a utilisé les lieux pour pratiquer un élevage de canards et pour y habiter ;
- il ressort clairement des différentes constatations effectuées par les services de la police municipale de Dax et par l'huissier de justice mandaté par SNCF Réseau, que M. D...n'a pas respecté les termes de l'autorisation d'occupation qui lui avait été accordée malgré mise en demeure, et le jugement du tribunal administratif de Pau pouvait imposer la remise en état des lieux au vu des éléments figurant au dossier ;
- le prononcé de l'astreinte relève d'une appréciation souveraine des juges du fond quant aux circonstances et faits de l'espèce et ne suppose pas, comme le soulève M.D..., qu'il soit apporté la preuve que la personne contre laquelle elle est prononcée entende se soustraire à ses obligations, ce qui au demeurant est totalement le cas ; l'astreinte est justifiée et malgré le rejet des deux procédures par lesquelles il a sollicité la suspension et le sursis à exécution du jugement litigieux, M. D...n'a toujours pas entendu exécuter l'injonction prise à son encontre et s'est maintenu sur les lieux.
M. D...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 septembre 2016.
Par ordonnance du 29 janvier 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 28 février 2018 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 97-135 du 13 février 1997 ;
- le décret n° 97-445 du 5 mai 1997 ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-Claude Pauziès ;
- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;
- et les observations de MeC..., représentant M.D....
Considérant ce qui suit :
1. Par une convention conclue le 13 mars 2014, la société Nexity Property Management, gestionnaire du patrimoine immobilier de SNCF Réseau, a autorisé M. D...à occuper des biens immobiliers sis 2 rue des Salines à Dax, sur les parcelles cadastrées n° 235 et 239 de la section BE, soit 313 m² de terrain nu et un entrepôt de 50 m², pour une utilisation exclusive de stockage d'outils de jardin, à effet du 1er avril 2014 jusqu'au 31 décembre 2018. Après avoir constaté que M. D...utilisait ces biens afin d'y élever des canards, qu'il y avait érigé un abri d'une vingtaine de mètres carrés, et qu'il y stockait des palettes ainsi que divers objets et détritus, la société Nexity, par courrier du 27 janvier 2015, a mis en demeure M. D...de se conformer aux conditions de sa convention d'occupation. Devant le refus de M. D...de se conformer à cette mise en demeure, la société Nexity a résilié la convention d'occupation temporaire du domaine public par un courrier du 4 mars à effet du 23 mars 2015. Par un jugement n°1501238 du 21 juin 2016, le tribunal administratif de Pau a prononcé, sur la demande de SNCF Réseau, l'expulsion de M. A...D...des dépendances du domaine public de SNCF Réseau et lui a enjoint, d'une part, de procéder au nettoyage complet et à la remise en état desdites parcelles, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, et d'autre part, de quitter définitivement les lieux dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement, et ce sous astreinte de 20 euros par jour de retard en cas de non respect du délai fixé.
2. En premier lieu, contrairement à ce que soutient M.D..., " Réseau Ferré de France ", aujourd'hui dénommé SNCF Réseau, est selon l'article 1er de la loi n° 97-135 du 13 février 1997 un établissement public national à caractère industriel et commercial, et non une société commerciale, et il dispose à ce titre d'un domaine public. D'autre part, il n'est ni établi ni même allégué qu'une décision de déclassement serait intervenue afin de permettre la sortie des biens en cause du domaine public. Par suite, la juridiction administrative est bien compétente pour connaître de ce litige relatif à une convention temporaire d'occupation du domaine public.
3. En deuxième lieu, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, les biens constitutifs de l'infrastructure ferroviaire ainsi que les immeubles non affectés à l'exploitation des services de transport ont fait partie des biens transférés à Réseau Ferré de France en application de l'article 5 de la loi du 13 février 1997. Il est constant que les parcelles n° 235 et 239 occupées par M. D... supportent un terrain nu et un bâtiment anciennement affecté au logement du garde-barrière du passage à niveau de Peyrouton. Ces biens immobiliers ne sont donc pas liés à l'exploitation des services de transport et Réseau Ferré de France en est devenu propriétaire aux termes de l'article 5 de la loi précitée. Par suite, en qualité de propriétaire des biens en cause, SNCF Réseau pouvait demander au juge administratif de faire cesser l'occupation illégale de ces parcelles.
4. En troisième lieu, nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public. Eu égard aux exigences qui découlent tant de l'affectation normale du domaine public que des impératifs de protection et de bonne gestion de ce domaine, l'existence de relations contractuelles en autorisant l'occupation privative ne peut se déduire de sa seule occupation effective, même si celle-ci a été tolérée par l'autorité gestionnaire et a donné lieu au versement de redevances domaniales. Par suite, la circonstance que M. D...s'est vu facturer, par la société gestionnaire des biens de SNCF Réseau, des indemnités d'occupation sans titre postérieurement au 23 mars 2015 ne saurait révéler que la mesure de résiliation aurait été retirée ou que M. D...serait titulaire d'une nouvelle autorisation d'occupation du domaine public.
5. En quatrième lieu, la société Nexity Property Management a résilié la convention d'occupation des parcelles litigieuses avec effet au 23 mars 2015, par un courrier notifié le 9 mars 2015 à M.D.... Par suite, le délai de recours contentieux contre une mesure de résiliation d'un contrat et tendant, par suite, à la reprise des relations contractuelles, expirait le 10 mai 2015 et M. D...n'est plus recevable à contester cette mesure par voie d'exception.
6. En cinquième lieu, M. D...fait valoir qu'il ne peut lui être ordonné de remettre en état les lieux en l'absence de démonstration de dégradations faute d'état des lieux d'entrée et de sortie. Toutefois, M. D...ne remet pas en cause les constatations de la ville de Dax et d'un huissier selon lesquelles il stockait sur les parcelles des objets et des détritus et y pratiquait un élevage de canards dans des conditions d'hygiène déplorables. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.
7. En sixième et dernier lieu, au regard de l'attitude de M. D...à la suite de la notification de la résiliation de la convention, manifestant sa volonté de ne pas quitter les lieux, les premiers juges ont pu à bon droit prononcer une astreinte à son égard.
8. Il résulte de ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a prononcé son expulsion des dépendances du domaine public de SNCF Réseau et lui a enjoint, d'une part, de procéder au nettoyage complet et à la remise en état desdites parcelles, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, et d'autre part, de quitter définitivement les lieux dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement, et ce sous astreinte de 20 euros par jour de retard en cas de non respect du délai fixé.
Sur les frais exposés par les parties au litige :
9. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. D... la somme que demande SNCF Réseau au titre des frais qu'il a exposés.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de SNCF Réseau au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D...et à SNCF Réseau.
Délibéré après l'audience du 29 mars 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,
M. Paul-André Braud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 mai 2018.
Le rapporteur,
Jean-Claude PAUZIÈSLe président,
Catherine GIRAULT
Le greffier,
Virginie MARTY
La République mande et ordonne au ministre chargé des transports en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
3
No 16BX02902