Vu la procédure suivante :
Procédures contentieuses antérieures :
La Compagnie AGF Vie a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision implicite, née le 11 juillet 2007 du silence gardé par l'inspecteur du travail sur sa demande d'autorisation de licenciement de Mme E...C...et de lui accorder cette autorisation.
Par un jugement n° 0705680 du 6 mai 2010, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision de l'inspecteur du travail ayant implicitement rejeté la demande d'autorisation de licenciement et rejeté le surplus des conclusions présentées par la Compagnie AGF Vie.
La société Allianz Vie, venant aux droits de la Compagnie AGF Vie, a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 8 juillet 2011, rendue sur recours hiérarchique formé par la salariée, par laquelle le ministre du travail a annulé la décision en date du 10 janvier 2011 de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement de Mme B...E...C...et a rejeté la demande d'autorisation de licenciement.
Par un jugement n° 1103735 du 7 mars 2013, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande formée par la société Allianz Vie.
Par un arrêt n° 13BX01208 du 23 juin 2014, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé le jugement du 7 mars 2013 ainsi que la décision du ministre du travail du 8 juillet 2011.
Par un arrêt n° 383827 du 8 juin 2015, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a rejeté le pourvoi formé par le ministre du travail à l'encontre de l'arrêt du 23 juin 2014.
Mme E...C...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 10 janvier 2011 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement, ensemble la décision du ministre du travail en date du 17 septembre 2014, rejetant son second recours hiérarchique.
Par un jugement n° 1404488 du 7 janvier 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision du ministre du travail du 17 septembre 2014 et rejeté le surplus des conclusions présentées par Mme E...C....
Procédure devant la cour :
I.- Par un recours, enregistré le 8 févier 2016 sous le n° 16BX00557, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 7 janvier 2016 ;.
2°) de rejeter la demande de Mme E...C...présentée devant le tribunal administratif de Bordeaux.
Il soutient que :
- en annulant sa décision du 17 septembre 2014, le tribunal administratif a commis une erreur de droit ; en effet, il résulte clairement de la jurisprudence que l'annulation contentieuse de la décision de refus du ministre, prise sur recours hiérarchique, n'a pas eu pour effet de faire revivre la décision d'autorisation de l'inspecteur du travail ; c'est donc à bon droit qu'il a estimé que le recours hiérarchique formé devant lui était sans objet ;
- par suite, le recours formé par Mme E...C...est dépourvu d'objet en ce qu'elle attaque une décision de l'inspecteur du travail en date du 10 janvier 2011, disparue de l'ordonnancement juridique.
Par une ordonnance en date du 7 mars 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 avril 2017.
II.- Par une requête, enregistrée le 29 février 2016 sous le n° 16BX00809, Mme E...C..., représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 7 janvier 2016, en ce qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail du 10 janvier 2011 ;
2°) d'annuler la décision de l'inspecteur du travail du 10 janvier 2011 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision de l'inspecteur du travail n'est pas signée et elle est insuffisamment motivée ;
- l'inspecteur du travail n'a pas respecté le caractère contradictoire de l'enquête qu'il a menée ;
- elle a été rétrogradée dans ses fonctions, sans justifications ;
- elle a subi de multiples brimades et a été mise à l'écart ; elle a été privée de ses entretiens annuels d'évaluation de 1997 à 2005 ; il s'agit d'une exécution déloyale du contrat de travail de la part de son employeur ; elle a été victime de harcèlement moral et de discrimination syndicale ; sa santé s'est dégradée en raison de la dégradation de ses relations de travail ; la demande d'autorisation de licenciement était en lien avec son mandat ou ne constituent pas des fautes ;
- les fautes qui lui sont reprochées ne sont pas suffisamment grave pour justifier un licenciement ; certains des griefs ne sont pas matériellement établis ;
- en tout état de cause, lors de la seconde demande d'autorisation de licenciement, ces fautes étaient prescrites en vertu de l'article L. 1332-4 du code du travail ; à supposer qu'il y ait eu interruption de la prescription, seuls les faits du 1er février, 22 février et 6 mars 2017 doivent être pris en compte ; en outre, l'employeur ne peut sanctionner deux fois les mêmes fautes.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mai 2016, la société Allianz Vie, représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme E...C...la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés ; en particulier, celle-ci a commis des fautes réitérées et suffisamment graves pour justifier son licenciement ; ces faits ne sont pas prescrits.
Par une ordonnance du 7 mars 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 mars 2017.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,
- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant MmeC....
Considérant ce qui suit :
1. Mme E...C..., recrutée en qualité d'employée par les assurances générales de France (AGF) en 1980, a occupé différents postes au sein de la société et a été affectée à compter du 1er janvier 2004 sur un poste de secrétaire assistante au sein de la direction régionale du courtage de Bordeaux. Elle exerçait également les fonctions de représentant syndical au sein du comité d'établissement jusqu'en 2010 et de conseiller du salarié depuis 2001. La société a engagé à son encontre une procédure de licenciement disciplinaire. Sa demande d'autorisation de licenciement, présentée le 10 mai 2007, a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. Par un jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 6 mai 2010 devenu définitif, cette décision implicite de rejet a été annulée, en raison de la non-communication de ses motifs. La société Allianz Vie, venant aux droits de la société AGF, a, le 9 novembre 2010, sollicité une nouvelle autorisation de licenciement. Par une décision du 10 janvier 2011, l'inspecteur du travail lui a accordé cette autorisation. Mme E... C...été licenciée le 3 février 2011 mais a formé un recours hiérarchique auprès du ministre du travail. Celui-ci, par une décision en date du 8 juillet 2011, a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 10 janvier 2011 et rejeté la demande d'autorisation. La décision du ministre a cependant été annulée par la cour administrative d'appel de Bordeaux le 23 juin 2014, arrêt confirmé par le Conseil d'Etat le 8 juin 2015. A la suite de l'arrêt de la cour, Mme E...C...a saisi de nouveau le ministre, qui a rejeté sa demande comme devenue sans objet par une décision du 17 septembre 2014. Par un jugement du 7 janvier 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision du ministre du travail du 17 septembre 2014 et rejeté le surplus des conclusions présentées par Mme E... C...tendant à l'annulation de la décision du 10 janvier 2011 de l'inspecteur du travail. Par un recours, enregistré sous le n° 16BX00557, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social demande à la cour d'annuler ce jugement du 7 janvier 2016 et de rejeter la demande présentée par Mme E... C...devant le tribunal administratif. Par une requête, enregistrée sous le n° 16BX00809, Mme E... C...demande à la cour d'annuler ce même jugement, en ce qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail du 10 janvier 2011. Ces deux requêtes présentant des questions identiques à juger et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt.
Sur le bien-fondé du jugement du 7 janvier 2016 :
2. Par sa décision du 17 septembre 2014, le ministre du travail a informé Mme E... C...de ce que " la décision de l'inspecteur du travail ayant été annulée par l'autorité ministérielle le 8 juillet 2011, elle a définitivement disparu de l'ordonnancement juridique, nonobstant l'annulation ultérieure de la décision ministérielle sur appel interjeté par la société Allianz Vie, par arrêt du 24 juin 2014 ". Par conséquent, il a considéré que " le recours formé contre la décision du 10 janvier 2011 est devenu sans objet ".
3. Pour annuler la décision du ministre du 17 septembre 2014 comme entachée d'erreur de droit, les premiers juges ont considéré que l'annulation de sa décision par la cour administrative d'appel avait eu pour effet de faire revivre la décision de l'inspecteur du travail du 10 janvier 2011 et de le saisir de nouveau du recours présenté par Mme E...C...le 25 février 2011.
4. Cependant, la décision de l'inspecteur du travail accordant ou refusant l'autorisation de licencier un salarié protégé étant soumise au contrôle hiérarchique dans les conditions du droit commun (CE, 32041, 20 nov 2009), l'annulation par le juge administratif d'une décision par laquelle le ministre compétent a lui-même annulé l'autorisation donnée par l'inspecteur du travail de procéder au licenciement d'un représentant du personnel et refusé d'accorder ladite autorisation ne rend pas l'employeur titulaire d'une autorisation de rompre le contrat de travail du salarié. Il s'ensuit que, si la décision du juge administratif n'a pas pour effet, dans cette hypothèse, d'entraîner la remise en vigueur de la décision initialement prise par l'inspecteur du travail et qu'il appartient à l'employeur de confirmer auprès du ministre compétent, qui demeure saisi du recours hiérarchique, qu'il maintient sa demande d'autorisation de procéder au licenciement.
5. Dans ces conditions, c'est sans commettre d'erreur de droit que le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a pu considérer que le recours formé par Mme E...C...contre la décision de l'inspecteur du travail du 10 janvier 2011, qui a disparu de l'ordonnancement juridique, était sans objet. Par suite, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a annulé sa décision du 17 septembre 2014 et a rejeté au fond la demande de Mme E...C...en ce qu'elle tendait à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail du 10 janvier 2011, qui n'existe plus.
6. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner la demande présentée par Mme E...C...devant le tribunal administratif de Bordeaux.
Sur la demande présentée par Mme E...C...devant le tribunal administratif de Bordeaux :
7. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la décision de l'inspecteur du travail du 10 janvier 2011 ayant disparu de l'ordonnancement juridique avant même l'introduction de son recours devant le tribunal administratif, la demande formée par Mme E...C...tendant à l'annulation de cette décision est irrecevable, la société Allianz Vie n'étant plus titulaire d'aucune autorisation de licenciement à son encontre et alors au demeurant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que cette société ait confirmé auprès du ministre du travail qu'elle maintenait sa demande d'autorisation de procéder au licenciement.
8. Il résulte de tout ce qui précède qu'au titre de l'instance n° 16BX00557, le ministre du travail est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué et que la demande enregistrée sous le n° 16BX00809 présentée par Mme E...C...devant le tribunal administratif est irrecevable.
Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans les présentes instances, la somme que demande Mme E...C...sur ce fondement. Il n'y a pas non plus lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme E...la somme que demande la société Allianz Vie sur le même fondement.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1404488 du tribunal administratif de Bordeaux du 7 janvier 2016 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme E...C...devant le tribunal administratif de Bordeaux et ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées tant par Mme E...C...que par la société Allianz Vie sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre du travail,, à Mme E...C...et à la société Allianz Vie.
Délibéré après l'audience du 30 mars 2018 à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
M. Gil Cornevaux, président-assesseur,
Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 27 avril 2018.
Le rapporteur,
Florence Rey-GabriacLe président,
Pierre Larroumec
Le greffier,
Cindy Virin La République mande et ordonne au ministre du travail et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Cindy Virin
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N°s 16BX00557, 16BX00809