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26/04/2018 | FRANCE | N°18BX00163

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 26 avril 2018, 18BX00163


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 26 octobre 2017 par lequel le préfet des Pyrénées-Atlantiques a ordonné son transfert aux autorités allemandes considérées comme responsables de l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1702198 du 6 novembre 2017 et une ordonnance rectificative du 22 novembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a rej

eté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 janvi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 26 octobre 2017 par lequel le préfet des Pyrénées-Atlantiques a ordonné son transfert aux autorités allemandes considérées comme responsables de l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1702198 du 6 novembre 2017 et une ordonnance rectificative du 22 novembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 janvier 2018, M.B..., représenté par Me A...dit Labaquère demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et cette ordonnance rectificative du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau ;

2°) d'annuler l'arrêté du 26 octobre 2017 par lequel le préfet des Pyrénées-Atlantiques a décidé du transfert de la prise en charge de sa demande d'asile auprès des autorités allemandes et l'a assigné à résidence pour une durée de 45 jours ;

3°) d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Atlantiques de mettre un terme à cette procédure, de lui délivrer un dossier de demande d'asile et de le transmettre à l'OPFRA, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à l'expiration d'un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un récépissé de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

5°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision et de lui délivrer durant ce réexamen une autorisation provisoire de séjour assortie d'une astreinte de 100 euros par jour de retard suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant remise aux autorités allemandes :

- elle est insuffisamment motivée dans la mesure où elle est stéréotypée et n'indique pas les dates de prise de ses empreintes, de déroulement de son entretien et de remise des documents d'information ;

- elle est entachée d'un vice de procédure, la notification par les services de police ayant été réalisée au sein du centre d'hébergement d'urgence, ce qui constitue une violation de son domicile ;

- les dispositions de l'article 4 du règlement Dublin III n'ont pas été respectées, puisqu'il n'a pas reçu une information complète, dans une langue qu'il comprend, lors du dépôt de sa demande d'asile, ni d'ailleurs lors de la notification de l'arrêté contesté ; s'il a eu un interprète au téléphone, il ne l'entendait pas ;

- les dispositions de l'article 5 du même règlement dit " Dublin III " ont été méconnues, le préfet n'établissant pas que l'entretien individuel, d'une part, a été mené par une personne qualifiée et, d'autre part, qu'il s'est déroulé dans une langue que le requérant comprenait ;

- le compte-rendu de l'entretien n'a pas été communiqué au requérant ni à son conseil en violation de l'article 3 du même règlement ;

- les dispositions de l'article 29 du règlement Eurodac ont été méconnues dès lors qu'il n'a pas été informé de la raison pour laquelle ses empreintes ont été relevées ;

- son droit à être entendu a été méconnu ;

- l'arrêté ne mentionne pas la possibilité pour l'intéressé d'avertir ou de faire avertir son consulat en violation du règlement communautaire du 26 juin 2013 et des articles L. 742-1 à L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision est entachée d'erreur de droit, la hiérarchie et les critères de détermination de l'Etat responsable de la demande d'asile n'ayant pas été respectés, en violation de l'article 17 du règlement précité ; cette décision ne mentionne pas le fondement juridique sur lequel les autorités allemandes ont accepté de le reprendre en charge, en méconnaissance de l'article 4 de ce règlement ;

- le délai de deux mois, fixé par les articles 21 et 24 du règlement Dublin III pour requérir la prise en charge par le pays responsable de la demande d'asile n'a pas été respecté ;

- le préfet a méconnu les articles 26 et 29 de ce règlement en retardant sans justification le transfert du requérant vers le pays responsable de sa demande d'asile ;

- le préfet n'ayant pas examiné ses possibilités d'admission au séjour au titre du dernier alinéa de l'article L. 742-1 du code de l'entrée du séjour des étrangers et du droit d'asile, il a commis une erreur de droit ;

- en refusant de le faire bénéficier de la faculté prévue par les articles 3-2 et 17 du règlement susvisé, le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ; il ne pourra être soigné en Allemagne dès lors que les soins doivent être poursuivis à Pau, sans interruption ; sa demande d'asile a déjà été refusée en Allemagne d'où il sera donc directement renvoyé en Afghanistan ;

- la décision a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la mesure où elle l'empêchera de poursuivre sa vie privée en France ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que les autorités allemandes le renverront en Afghanistan où il sera personnellement exposé à des peines ou traitement contraires à ces stipulations ; en outre, il ne disposera pas en Allemagne du traitement médical requis par son état de santé ;

S'agissant de la décision portant assignation à résidence :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de remise aux autorités allemandes sur laquelle elle est fondée ;

- elle a été prise selon une procédure irrégulière en ce que la police s'est rendue à son domicile pour la lui notifier ;

- elle est irrégulière, des locaux de police ne pouvant légalement se trouver au sein du centre d'hébergement pour procéder aux pointages hebdomadaires prescrits par le préfet ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par ordonnance du 23 janvier 2018, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 5 mars 2018 à 12h00.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 7 décembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;

- le règlement n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace du règlement n° 604/2013 ;

- le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Sabrina Ladoire a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., ressortissant afghan né en 1992, déclare être entré sur le territoire français le 5 février 2017. Il s'est présenté le 14 avril 2017 à la préfecture de la Gironde afin de déposer une demande d'asile. Ses empreintes décadactylaires, qui ont été relevées après qu'il a présenté cette demande d'asile, ont révélé que le requérant était connu des autorités grecques et allemandes. Le 14 juin 2017, une demande de reprise en charge de l'intéressé a été adressée aux autorités allemandes, lesquelles se sont reconnues compétentes le 29 juin 2017. Par deux arrêtés du 26 octobre 2017, le préfet des Pyrénées-Atlantiques a décidé la remise de M. B...aux autorités allemandes responsables de l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence. M. B...relève appel du jugement du 6 novembre 2017 et de l'ordonnance rectificative du 22 novembre 2017 par lesquels le magistrat désigné du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision de transfert aux autorités allemandes :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. Cette décision est notifiée à l'intéressé. Elle mentionne les voies et délais de recours ainsi que le droit d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix. Lorsque l'intéressé n'est pas assisté d'un conseil, les principaux éléments de la décision lui sont communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend. ".

3. A l'appui des moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision prononçant sa remise aux autorités allemandes et de l'absence de mention, dans cette décision, de son droit d'avertir son consulat, M. B...ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas utilement les réponses apportées sur ces points par le tribunal administratif. Il y a donc lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinemment retenus par le premier juge. En outre, le fait que l'arrêté n'ait pas mentionné les dates précises du relevé de ses empreintes décadactylaires et de son entretien n'est pas de nature à entacher l'arrêté d'une insuffisance de motivation.

4. En deuxième lieu, M. B...fait valoir que la décision de remise aux autorités allemandes est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'elle a été notifiée au sein même du centre d'hébergement où il réside, ce qui constituerait en outre une violation de son domicile. Or, les modalités de notification d'une décision sont sans incidence sur sa légalité. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté comme inopérant.

5. En troisième lieu, en vertu de l'article 4 du règlement UE n° 604/2013 du 26 juin 2013, " Droit à l'information / 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement (...) 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. ". Aux termes de l'article 5 du même règlement " Entretien individuel / (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ". Enfin, l'article 29 du règlement Eurodac 604/2013 du même jour dispose : " Toute personne relevant de l'article 9, paragraphe 1, de l'article 14, paragraphe 1, ou de l'article 17, paragraphe 1, est informée par l'État membre d'origine par écrit et, si nécessaire, oralement, dans une langue qu'elle comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'elle la comprend: (...) b) de la raison pour laquelle ses données vont être traitées par Eurodac, (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier que M. B...a bénéficié d'un interprète au téléphone par l'intermédiaire de l'association " Inter Service Migrants " tant lors de son entretien individuel le 14 avril 2017, que lors de la notification de l'arrêté attaqué. S'il prétend que la réception téléphonique était de mauvaise qualité et qu'il n'a ainsi pas été en mesure de comprendre correctement l'interprète, il ressort cependant du résumé de l'entretien individuel qu'il a déclaré avoir compris les informations reçues concernant le déroulé de la procédure Dublin. En outre, le requérant s'est vu remettre, lors de l'introduction de sa demande d'asile, le guide du demandeur d'asile et la brochure prévue au paragraphe 3 de l'article 4 du règlement contenant les informations mentionnées au paragraphe 1 de cet article, notamment le guide du demandeur d'asile et les brochures " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " (A) et " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' " (B). Il ressort également des pièces du dossier qu'une copie du résumé de cet entretien individuel lui a été remise. Si le requérant soutient que cet entretien individuel n'aurait pas été conduit par une personne qualifiée au sens des dispositions précitées, il n'assortit cependant ce moyen d'aucune précision de nature à établir qu'il aurait été privé de la garantie tendant à la confidentialité de cet entretien. Enfin, et contrairement à ce que soutient M.B..., les raisons pour lesquelles ses empreintes devaient être traitées par Eurodac lui ont été indiquées. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des articles 4, 5 et 29 du règlement 604/2013 du 26 juin 2013 doivent être écartés.

7. En quatrième lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit implique ainsi que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision de remise aux autorités compétentes d'un autre Etat membre de l'Union européenne, sur le fondement des dispositions de l'article 18 du règlement du 26 juin 2013, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne.

8. Il ressort des pièces du dossier que M. B...a pu présenter ses observations antérieurement à l'édiction de l'arrêté en litige, et en particulier lors de l'entretien qui s'est tenu le 14 avril 2017. Ses observations ont d'ailleurs été consignées dans le compte-rendu d'entretien qu'il a signé le même jour. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que M. B...aurait été privé du droit d'être entendu manque en fait.

9. En cinquième lieu, le règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 pose en principe dans le paragraphe 1 de son article 3 précité qu'une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre. Cet Etat est déterminé par application des critères fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre. M. B...soutient que le critère de détermination de l'Etat responsable du traitement de sa demande d'asile appliqué par le préfet serait erroné dès lors que l'arrêté ne mentionne pas la date de relevé de ses empreintes décadactylaires, ni le fondement juridique sur lequel les autorités allemandes ont accepté de le reprendre en charge. Cependant, il ressort des pièces du dossier que les empreintes digitales de M. B... ont été enregistrées en Grèce le 29 novembre 2015 puis en Allemagne le 26 janvier 2016. Le fichier Eurodac a d'ailleurs révélé l'introduction par l'intéressé d'une demande d'asile en Allemagne, ce que ce dernier a d'ailleurs confirmé lors de son entretien individuel. Enfin, et contrairement à ce que soutient le requérant, l'arrêté en litige mentionne que les autorités allemandes ont accepté de le reprendre en charge sur le fondement de l'article 18-1 d du règlement du 26 juin 2013 applicable aux ressortissants de pays tiers dont la demande d'asile a été rejetée et qui ont présenté une demande auprès d'un autre Etat membre. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait entaché d'une erreur de droit doit être écarté.

10. En sixième lieu, aux termes de l'article 21 du règlement susvisé : " L'État membre auprès duquel une demande de protection internationale a été introduite et qui estime qu'un autre État membre est responsable de l'examen de cette demande peut, dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois à compter de la date de l'introduction de la demande au sens de l'article 20, paragraphe 2, requérir cet autre État membre aux fins de prise en charge du demandeur. Nonobstant le premier alinéa, en cas de résultat positif (" hit ") Eurodac avec des données enregistrées en vertu de l'article 14 du règlement (UE) n o 603/2013, la requête est envoyée dans un délai de deux mois à compter de la réception de ce résultat positif en vertu de l'article 15, paragraphe 2, dudit règlement. (...) ". Selon l'article 24 de ce règlement : " (...) / 2.... lorsqu'un État membre sur le territoire duquel une personne se trouve sans titre de séjour décide d'interroger le système Eurodac conformément à l'article 17 du règlement (UE) n o 603/2013, la requête aux fins de reprise en charge d'une personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point b) ou c), du présent règlement ou d'une personne visée à son article 18, paragraphe 1, point d), dont la demande de protection internationale n'a pas été rejetée par une décision finale, est formulée aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac, en vertu de l'article 17, paragraphe 5, du règlement (UE) n o 603/2013. / 3. Si la requête aux fins de reprise en charge n'est pas formulée dans les délais prévus au paragraphe 2, l'État membre sur le territoire duquel la personne concernée se trouve sans titre de séjour donne à celle-ci la possibilité d'introduire une nouvelle demande (...). ". Aux termes de l'article 26 du même règlement : " 1. Lorsque l'État membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge d'un demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), l'État membre requérant notifie à la personne concernée la décision de le transférer vers l'État membre responsable (...) ". L'article 29 de ce règlement dispose : " 1. Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'État membre requérant vers l'État membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'État membre requérant, après concertation entre les États membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre État membre (...) ".

11. Il ressort des pièces du dossier que le requérant a déposé une demande d'asile auprès du préfet de la Gironde le 14 avril 2017. Les autorités allemandes ont été saisies, le même jour, par le préfet de la Gironde, du résultat de la consultation du fichier Eurodac, conformément aux articles 21 et 24 précités du règlement communautaire du 26 juin 2013. A la suite de l'accord de reprise en charge de M. B...par les autorités allemandes le 29 juin 2017, le préfet des Pyrénées-Atlantiques a pris, le 26 octobre 2017, l'arrêté de transfert de l'intéressé. Dans ces conditions, l'arrêté en litige est intervenu dans le délai de six mois prescrit par l'article 29 du règlement dit " Dublin III ". M. B...n'est dès lors pas fondé à soutenir que les délais mentionnés par les dispositions précitées n'auraient pas été respectés ni même que l'Etat français aurait retardé sans justification son transfert vers le pays responsable de sa demande d'asile.

12. En septième lieu, aux termes de l'article 17 de ce règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) 2. L'Etat membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'Etat membre responsable, ou l'Etat membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre Etat membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre Etat membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. Les personnes concernées doivent exprimer leur consentement par écrit ". En vertu de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'autorité administrative estime que l'examen d'une demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat qu'elle entend requérir, l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la fin de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. L'attestation délivrée en application de l'article 741-1 mentionne la procédure dont il fait l'objet. Elle est renouvelable durant la procédure de détermination de l'Etat responsable et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. Le présent article ne fait pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre Etat ".

13. D'une part, il ressort de la motivation de la décision de transfert que le préfet a examiné, comme il était tenu de le faire, les éléments du dossier de M. B...en exerçant le pouvoir d'appréciation prévu notamment par la clause discrétionnaire mentionnée ci-dessus, sans s'estimer lié par l'accord des autorités allemandes. Le moyen tiré de l'erreur de droit ne peut dès lors qu'être écarté.

14. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, et en particulier de l'audition de M. B..., que ce dernier, âgé de 25 ans, a déclaré être arrivé en France récemment, le 5 février 2017, être hébergé en centre d'hébergement de demandeurs d'asile, et n'avoir aucune attache familiale en France. S'il invoque désormais ses problèmes de santé, il n'en avait toutefois pas informé l'administration. De plus, et ainsi que l'a relevé le tribunal, il ne ressort pas du certificat médical établi le 3 octobre 2017 que la pathologie dont il souffre ne pourrait être soignée en Allemagne ni même qu'elle l'empêcherait de voyager. Par suite, en s'abstenant de faire usage du pouvoir discrétionnaire dont il disposait en application de l'article du 17 du règlement précité, le préfet des Pyrénées-Atlantiques n'a pas entaché la décision de transfert aux autorités allemandes d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

15. En huitième lieu, si M. B...invoque l'article 3 du règlement du 26 juin 2013, il n'établit ni même n'allègue qu'il existerait en Allemagne des défaillances systémiques faisant obstacle à l'examen de sa demande d'asile. Par suite, en décidant le transfert de M. B...en Allemagne, le préfet des Pyrénées-Atlantiques n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article 3-2 du règlement communautaire du 26 juin 2013.

16. En neuvième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

17. M.B..., âgé de 25 ans, a déclaré qu'il était entré en France le 5 février 2017, qu'il était célibataire et sans enfant et qu'il ne disposait d'aucune attache familiale en France. Ainsi, le moyen tiré de ce que la décision en litige méconnaîtrait les stipulations précitées de l'article 8 de la convention précitée ne peut qu'être écarté.

18. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitement inhumains ou dégradant ".

19. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 14 et 15 du présent arrêt, M. B...n'est pas fondé à soutenir à l'appui du moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées, qu'il ne pourra disposer d'un traitement médical approprié en Allemagne ni que les autorités allemandes le renverront automatiquement en Afghanistan, en méconnaissance de son droit de demander l'asile.

Concernant la décision d'assignation à résidence :

20. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que la décision de transfert aux autorités allemandes n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant assignation à résidence serait dépourvue de base légale ne peut qu'être écarté.

21. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'irrégularité de la notification de la décision attaquée par un officier de police judiciaire au sein du centre d'hébergement du programme d'accueil et d'hébergement des demandeurs d'asile.

22. En troisième lieu, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision portant assignation à résidence, que le requérant reprend en appel sans plus de précision ou de justification, doit être écarté par adoption des motifs du jugement attaqué, retenus à bon droit par le premier juge.

23. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : 1° Doit être remis aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ou fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 (...) ".

24. Contrairement à ce que soutient le requérant, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une annexe de commissariat soit prévue au sein du centre d'hébergement du programme d'accueil et d'hébergement des demandeurs d'asile de Pau. Aucune disposition législative ou règlementaire n'interdit la mise à disposition de locaux collectifs du centre d'hébergement géré par l'OFPRA à destination de fonctionnaires de police afin d'éviter des déplacements aux demandeurs d'asile et ainsi faciliter les opérations de pointages auxquelles ils sont soumis. Si les dispositions de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et des demandeurs d'asile précitées prévoient la présentation périodique de l'étranger assigné à résidence aux services de police ou aux unités de gendarmerie, elles ne s'opposent pas à ce que ces services effectuent un déplacement pour venir à la rencontre de l'assigné à résidence sur son lieu d'habitation afin de vérifier que ses obligations sont remplies. Ainsi, ces modalités de contrôle ne sont pas plus contraignantes que l'obligation de se déplacer chaque semaine dans un service de police et la présence des agents au sein du centre d'hébergement n'est que ponctuelle. En outre, si ces modalités obligent M. B...à être présent tous les lundis à 10h sur son lieu de résidence, ce dernier n'invoque pas de difficulté particulière ni l'existence d'une activité qui serait spécialement affectée par cette sujétion. Dans ces conditions, et en tout état de cause, en fixant les modalités de l'assignation à résidence qu'il a prononcée à l'encontre de M.B..., le préfet des Pyrénées-Atlantiques n'a pas méconnu les dispositions précitées.

25. En dernier lieu, et contrairement à ce qu'allègue le requérant, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ait été assigné à résidence de manière automatique. Par ailleurs, et ainsi qu'il a été dit précédemment, M. B...est entré seul en France où il ne dispose d'aucune attache familiale. Dans ces conditions, la décision d'assignation à résidence n'a pas porté à son droit de mener une vie privée et familiale normale une atteinte disproportionnée, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette décision n'est pas non plus entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

26. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par le requérant, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ne peuvent être accueillies.

Sur les conclusions présentées au titre du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

27. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées au titre du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Atlantiques.

Délibéré après l'audience du 29 mars 2018 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président- assesseur,

Mme Sabrina Ladoire, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 26 avril 2018.

Le rapporteur,

Sabrina LADOIRELe président,

Aymard de MALAFOSSELe greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX00163


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX00163
Date de la décision : 26/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Sabrina LADOIRE
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : MASSOU DIT LABAQUERE

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-04-26;18bx00163 ?
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