Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C...A...B...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 28 octobre 2016 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un certificat de résident algérien, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1700843 du 10 octobre 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 20 décembre 2017, Mme A...B..., représentée par
Me Tercero, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 10 octobre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 28 octobre 2016 ;
3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un certificat de résidence algérien d'une durée d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui remettre dans cette attente et dès la notification de l'arrêt à intervenir, une autorisation provisoire de séjour " l'autorisant à travailler " ;
4°) d'enjoindre, à titre subsidiaire, au préfet de la Haute-Garonne d'annuler la décision portant obligation de quitter le territoire français, de procéder au réexamen de son dossier dès la notification de l'arrêt à intervenir, de prendre une décision dans un délai de deux mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui remettre dans cette attente dès la notification de l'arrêt à intervenir, une autorisation provisoire de séjour " l'autorisant à travailler " ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- les décisions sont entachées d'un défaut de motivation ;
- la décision portant refus de délivrance d'un certificat de résidence est entachée d'un défaut d'examen individuel et personnel de sa situation dès lors qu'elle n'a pas été mise en mesure de fournir des éléments aux services préfectoraux sur sa pathologie et sur la possibilité pour elle de bénéficier effectivement d'un traitement dans son pays d'origine ; il revient aux services préfectoraux de justifier des recherches effectuées quant à l'accès effectif à ce traitement en Algérie au regard de sa situation personnelle ;
- la décision est entachée d'une erreur de droit, le préfet s'étant fondé sur l'avis du médecin de l'agence régionale de santé sans rechercher si elle pouvait avoir un accès effectif aux soins dont elle a besoin ;
- elle méconnaît les stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien en ce que le préfet n'a apporté aucun élément permettant d'établir que les soins dont elle a besoin pourront effectivement lui être apportés dans son pays d'origine ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de son âge avancé et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que la majeure partie de sa famille réside régulièrement en France, notamment son petit-fils qui l'héberge et la prend en charge financièrement, et qu'elle ne dispose d'aucune attache familiale dans son pays d'origine depuis le décès de son époux ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour qui la fonde ;
- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L.511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense enregistré le 14 février 2018, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.
Mme A...B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 novembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Jean-Claude Pauziès a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C...A...B..., ressortissante algérienne née le 6 mai 1932 à Tizi-Ouzou, est entrée régulièrement en France le 8 janvier 2016, sous couvert d'un visa court séjour. Le 23 mai 2016, elle a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence algérien en qualité d'étranger malade, sur le fondement des stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Le préfet de la Haute-Garonne a, par un arrêté du 28 octobre 2016, rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement en date du 10 octobre 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de Mme A...B...tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté du 28 octobre 2016 :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Mme A...B...est entrée en France sous couvert d'un visa court séjour le 8 janvier 2016 à l'âge de 83 ans. Il ressort des pièces du dossier que Mme A...B...réside chez son petit fils Jugurtha, lequel est titulaire d'un certificat de résidence algérien de 10 ans. Sa fille, Ourida Mouchene, réside également en France sous couvert d'un certificat de résidence valable jusqu'au 10 octobre 2023. Deux autres de ses petits-enfants, Malika et Djamel, bénéficient également de certificats de résidence de 10 ans valables respectivement jusqu'en 2026 et 2022. De même, deux autres de ses petites-filles Hakima et Tassadit résident également sur le territoire français, la première est titulaire d'un certificat de résidence d'un an en qualité d'étudiante et la seconde a fait une demande de certificat de résidence algérien. Ainsi, nonobstant la circonstance que Mme A... B...a vécu en Algérie après le départ de ses enfants et le décès de son mari, jusqu'à son entrée en France en 2016, la plupart des membres de la famille de la requérante vivent en France en situation régulière et, si Mme A...B...ne justifie pas que son fils Rabah est également présent sur le territoire français, elle ne dispose pas d'autres attaches familiales dans son pays d'origine depuis le décès de son époux et elle doit être regardée comme ayant en France l'essentiel de ses attaches familiales proches. Dans ces conditions, l'arrêté attaqué a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus et méconnaît ainsi l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le refus de séjour opposé à la requérante, ainsi que, par voie de conséquence, les décisions dont il a été assorti, doivent être annulés.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A...B...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 28 octobre 2016.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
5. Eu égard aux motifs sur lesquels se fonde l'annulation du refus de titre de séjour opposé à Mme A...B..., le présent arrêt implique nécessairement que soit délivrée à cette dernière, comme elle le demande, un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de délivrer un tel certificat à Mme A...B...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative:
6. Mme A...B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale dans la présente instance. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Tercero, avocat de Mme A...B..., de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1700843 du 10 octobre 2017 du tribunal administratif de Toulouse et l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 28 octobre 2016 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Garonne de délivrer à Mme A...B...un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Tercero la somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...B..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, au préfet de la Haute-Garonne et à Me Tercero.
Délibéré après l'audience du 15 mars 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
M. Jean-Claude Pauziès , président-assesseur,
Mme Cécile Cabanne, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 26 avril 2018.
Le rapporteur,
Jean-Claude PAUZIÈSLe président,
Catherine GIRAULT
Le greffier,
Virginie MARTY
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 17BX04030