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26/04/2018 | FRANCE | N°17BX04005

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 26 avril 2018, 17BX04005


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...E...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'une part, d'annuler la décision du 6 juillet 2017 par laquelle le préfet du Tarn lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire national dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, et d'autre part, la décision du 20 septembre 2017 par laquelle il a prononcé son assignation à résidence.

Par un jugement n° 1703756 du 11 octobre 2017, le magistrat désigné par le président

du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...E...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'une part, d'annuler la décision du 6 juillet 2017 par laquelle le préfet du Tarn lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire national dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, et d'autre part, la décision du 20 septembre 2017 par laquelle il a prononcé son assignation à résidence.

Par un jugement n° 1703756 du 11 octobre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant le délai de départ volontaire et le pays de renvoi et a renvoyé à la formation collégiale l'examen du bien-fondé des conclusions de l'intéressée tendant à l'annulation de la décision de refus de séjour.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 décembre 2017, et un mémoire présenté le 20 février 2018, MmeE..., représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse du 11 octobre 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2017 en tant que le préfet du Tarn lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi, ainsi que l'arrêté du 20 septembre 2017 par lequel il a prononcé son assignation à résidence ;

3°) d'enjoindre au préfet du Tarn de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation administrative ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

Sur l'ensemble des décisions :

- l'ordonnance de non-conciliation ayant reconnu un droit de visite et d'hébergement au père de son fils, elle ne peut quitter le territoire national au risque de se rendre coupable d'enlèvement et de non-présentation de son enfant ; ces arrêtés méconnaissent ainsi l'autorité de la chose jugée par le juge aux affaires familiales ;

- l'exécution de ces décisions la priverait du droit de se défendre durant sa procédure de divorce ;

- ces décisions méconnaissent l'intérêt supérieur de son fils qui se trouverait ainsi privé de son père ;

- elles portent atteinte à son droit de mener une vie privée et familiale dès lors qu'elles l'empêchent de s'inscrire dans un parcours professionnel en France ;

- ces décisions ont été prises à la suite des dénonciations calomnieuses de son mari, qui est connu défavorablement des services de l'Etat ;

Sur l'exception d'illégalité de la décision portant refus de séjour :

- la motivation de l'arrêté révèle que le préfet n'a pas procédé à un examen approfondi de sa situation ;

- contrairement aux mentions de cet arrêté, M. A...participe effectivement à l'entretien et à l'éducation de son fils par le versement d'une pension alimentaire et l'exercice de son droit de visite et d'hébergement ; elle maîtrise parfaitement la langue française et a obtenu le baccalauréat ; elle n'a pu entreprendre son parcours d'insertion professionnelle qu'à partir du moment où son fils a été scolarisé ; elle a débuté une formation d'aide soignante en septembre 2017 ;

- le refus de séjour porte une atteinte disproportionnée à son droit de mener une vie privée et familiale normale, en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle a débuté une formation professionnelle en France, que son fils, scolarisé, serait privé de son père en cas de retour au Cameroun et qu'elle doit être présente durant la procédure de divorce ;

- cette décision porte atteinte à l'intérêt supérieur de son enfant, en violation de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors qu'elle l'empêchera de suivre une formation professionnelle qui lui permettrait de s'insérer sur le marché du travail en France ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation pour les mêmes motifs que ceux invoqués précédemment ;

Sur la mesure d'éloignement :

- cette décision, qui a pour effet de priver l'enfant de la présence de son père, méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; son père a porté plainte à son encontre pour non-présentation d'enfant, ce qui démontre son attachement à cet enfant dont il ne veut pas être séparé, ayant d'ailleurs l'autorité parentale sur ce dernier ;

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle vit en France depuis plus d'un an, qu'elle est mère d'un enfant scolarisé en France dont le père est titulaire d'une carte de résident, et qu'elle a entrepris une formation professionnelle ;

- pour les mêmes motifs, cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de renvoi doit être annulée en raison de l'illégalité de la mesure d'éloignement ;

Sur la décision portant assignation à résidence :

- elle doit être annulée en raison de l'illégalité de la mesure d'éloignement ;

- cette mesure ayant pour but de permettre l'exécution de la mesure d'éloignement, elle méconnait l'intérêt supérieur de son fils en violation de l'article 3-1 de la CIDE dès lors qu'elle priverait ce dernier de son père, qui est seul apte à s'en occuper ;

- pour les mêmes motifs que ceux précédemment invoqués, cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle est insuffisamment motivée et n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation.

Par ordonnance du 25 janvier 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 5 mars 2018 à 12 heures.

Par un mémoire enregistré le 19 février 2018, le préfet du Tarn conclut au rejet de la requête de MmeE....

Il soutient que :

Sur le jugement :

- la requête sera irrecevable si son avocate ne justifie pas avoir reçu mandat de sa cliente pour interjeter appel du jugement ;

- l'éloignement de la requérante au Cameroun n'empêcherait pas le père de son enfant de maintenir des liens avec ce dernier dans la mesure où il a la nationalité camerounaise ;

- cette décision ne porte pas atteinte à la chose jugée dès lors qu'aucune inscription ni aucun signalement n'a été fait pour interdire à l'enfant de quitter le territoire français sans l'accord de ses deux parents ;

- le fait qu'une personne ne soit pas présente à l'audience ne constitue pas une violation du procès équitable garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que la personne peut être représentée par son avocat ;

Sur le refus de séjour :

- l'arrêté est suffisamment motivé et a été précédé d'un examen approfondi de sa situation personnelle ; il ne saurait être reproché au préfet de n'avoir pas mentionné le versement mensuel de 130 euros de pension alimentaire par son époux alors qu'elle a indiqué à la CAF qu'elle était mère isolée et n'a pas mentionné cette pension ;

- ce refus ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que la requérante a ses attaches familiales au Cameroun où elle a vécu jusqu'en 2016 avec son fils né en 2014 ;

- cette décision ne méconnait pas l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, signée à New York le 22 janvier 1990 ; son fils n'est scolarisé en France que depuis 2017 ; cette décision ne l'empêchera pas de maintenir des liens avec son père qui a également la nationalité camerounaise ;

Sur la mesure d'éloignement :

- elle n'avait pas à être motivée dès lors que la décision de refus de séjour l'était ;

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

- elle n'est pas fondée à exciper de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et éloignement du territoire français ;

- elle ne méconnaît pas l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur l'assignation à résidence :

- elle est suffisamment motivée ;

- cette décision, qui ne l'a contraint à se présenter que trois fois par semaine, n'est pas entachée d'une erreur d'appréciation.

Mme E...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 novembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Sabrina Ladoire a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. MmeE..., ressortissante camerounaise née le 30 mars 1990, a épousé, le 31 mars 2013, au Cameroun, M. C... A..., un compatriote titulaire d'une carte de résident valable du 23 février 2014 au 22 février 2024, dont elle a eu un enfant né le 12 mai 2014 à Yaoundé. Mme E...est entrée régulièrement en France en mars 2016 dans le cadre d'une procédure de regroupement familial et a ensuite bénéficié d'un titre de séjour " vie privée et familiale " valable du 5 avril 2016 au 4 avril 2017. Dans le cadre de sa demande de renouvellement de titre de séjour présentée en mars 2017, Mme E...a présenté une ordonnance de non-conciliation en date du 15 décembre 2016 attestant de la rupture de sa communauté de vie avec son époux. Par un arrêté du 6 juillet 2017, le préfet du Tarn a alors refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire national dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme E...a contesté cet arrêté par une demande enregistrée le 9 août 2017. Par un second arrêté du 20 septembre 2017, le préfet du Tarn a prononcé son assignation à résidence. Mme E...relève appel du jugement du 11 octobre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse, statuant selon la procédure prévue au III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a rejeté ses conclusions dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de renvoi et prononçant son assignation à résidence.

Sur la légalité de la mesure d'éloignement :

En ce qui concerne le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision refusant le renouvellement du titre de séjour :

2. En premier lieu, au soutien du moyen tiré de l'insuffisante motivation du refus de séjour, Mme E...ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas utilement la réponse apportée sur ce point par le tribunal administratif. Il y a donc lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinemment retenus par le premier juge.

3. En deuxième lieu, il ressort de la motivation de l'arrêté en litige que le préfet du Tarn a procédé à un examen circonstancié de la situation personnelle et familiale de l'intéressée.

4. En troisième lieu, Mme E...soutient que contrairement aux mentions de l'arrêté attaqué, son époux participe à l'entretien et à l'éducation de son fils par le versement d'une pension alimentaire et l'exercice de son droit de visite. Cependant, si l'ordonnance de non-conciliation rendue le 15 décembre 2016 a effectivement reconnu à M. A... un droit de visite et d'hébergement et a mis à la charge de ce dernier une pension alimentaire de 130 euros, il ne ressort pas des pièces du dossier que M.A..., qui selon les termes de cette ordonnance, n'a d'ailleurs pas souhaité exercer son droit d'hébergement durant les vacances scolaires, ait régulièrement accueilli son fils à son domicile durant le week-end. De même, la requérante n'a versé au dossier aucun document, tels que des témoignages, de nature à démontrer que M. A...s'impliquerait effectivement dans l'éducation de son enfant. Dans ces conditions, le préfet du Tarn, en relevant qu'il n'était pas établi que M. A...participait à l'éducation de son fils, n'a pas entaché la décision susvisée d'une erreur de fait.

5. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. Il ressort des pièces du dossier que Mme E...ne résidait en France que depuis seize mois à la date à laquelle lui a été refusé le renouvellement de son titre de séjour. De plus, l'intéressée est dépourvue, en France, d'attaches familiales autres que son mari, dont elle s'est séparée quelques mois après son arrivée sur le territoire national. En revanche, l'intéressée a conservé, dans son pays d'origine, sa mère, un frère et ses trois soeurs. Elle ne saurait en outre se prévaloir de la scolarisation de son fils sur le territoire national dès lors que celle-ci n'est antérieure que de six mois à la décision en litige. Dans ces conditions, et bien que la requérante ait entrepris une formation d'aide soignante, la décision lui refusant le renouvellement de son titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a donc pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette décision n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle et familiale de l'intéressée.

7. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, publiée par décret du 8 octobre 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. (...) ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

8. D'une part, Mme E...ne saurait se prévaloir utilement, à l'appui du moyen tiré de la violation des stipulations précitées, du fait que l'arrêté en litige l'empêcherait de suivre une formation professionnelle qui lui permettrait de s'insérer professionnellement. D'autre part, si la requérante soutient que cette décision aurait pour conséquence de séparer son fils du père de ce dernier, il ne ressort pas des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit au point 4, que M. A... participe activement à l'éducation de cet enfant. En effet, la requérante n'a produit aucun élément de nature à établir que M. A...entretiendrait avec son fils, dont il a vécu séparé durant les deux premières années de sa vie, des relations effectives et suivies. L'intéressée ne produit pas davantage de document établissant qu'il accueillerait effectivement cet enfant le week-end, ainsi que le prévoit l'ordonnance de non-conciliation. En outre, M. A...n'a jamais manifesté sa volonté d'obtenir la garde de cet enfant dans l'hypothèse où son épouse retournerait vivre au Cameroun, un retour dont il est pourtant à l'origine, comme en témoignent les courriers qu'il a adressés à l'administration en dénonçant le mariage " gris " qu'il déclare avoir contracté avec la requérante. Enfin, la décision de refus de séjour prise à l'encontre de Mme E...n'empêchera pas M. A...de maintenir des liens avec cet enfant dès lors qu'il pourra lui rendre visite au Cameroun, pays dont il a la nationalité, ou exercer son droit d'hébergement en France à l'occasion des vacances. Dans ces conditions, et dès lors que le fils de la requérante, qui n'était scolarisé en petite section de maternelle que depuis quelques mois à la date de la décision en litige, pourra poursuivre sa scolarité au Cameroun, la décision de refus de séjour n'a pas porté atteinte à l'intérêt supérieur de cet enfant et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

9. Il résulte de ce qui précède que Mme E...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision de refus de séjour à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la mesure d'éloignement.

S'agissant des autres moyens dirigés à l'encontre de la mesure d'éloignement :

10. En premier lieu, au soutien du moyen tiré de l'insuffisante motivation de la mesure d'éloignement, Mme E...ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas utilement la réponse apportée sur ce point par le tribunal administratif. Il y a dès lors lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinemment retenus par le premier juge au point 9 du jugement attaqué.

11. En deuxième lieu, Mme E...fait valoir que cette mesure méconnaît l'autorité de la chose jugée par le juge aux affaires familiales dans la mesure où elle la contraint à quitter le territoire français l'exposant ainsi au délit d'enlèvement et de non-présentation d'enfant alors que l'ordonnance de non-conciliation a reconnu au père de son enfant un droit de visite et d'hébergement. Cependant, l'ordonnance de non-conciliation rendue le 15 décembre 2016 rappelle que Mme E...et son époux exercent en commun l'autorité parentale sur leur enfant et qu'ainsi, ils devront prendre d'un commun accord toutes les dispositions importantes concernant la vie de leur enfant mineur et notamment les sorties du territoire national. Cette ordonnance indique en outre que la fréquence et la durée des périodes au cours desquelles M. A...pourra accueillir son fils seront déterminées amiablement. Ainsi, cette ordonnance de non-conciliation, si elle impose de recueillir l'accord de M. A...avant de procéder à l'éloignement de la requérante avec son enfant, ne fait pas, par elle-même, obstacle à ce que cet enfant quitte le territoire national. Par suite, la mesure d'éloignement en litige n'est pas de nature à porter atteinte à l'autorité de la chose jugée par cette décision.

12. En troisième lieu, Mme E...soutient que la décision contestée est de nature à porter atteinte à son droit à un procès équitable, tel que garanti par les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dans la mesure où elle ne lui permettra pas d'assister à l'audience dans le cadre de sa procédure de divorce. Toutefois, l'obligation de quitter le territoire français faite à la requérante ne la prive pas de la possibilité de faire valoir ses droits lors de cette procédure en se faisant représenter par un avocat et elle n'est pas de nature à faire obstacle, par elle-même, à ce que cette procédure de divorce suive normalement son cours. Ainsi, le moyen tiré de la violation de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

13. En quatrième lieu, les moyens tirés de ce que la mesure d'éloignement méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, et le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux retenus aux points 6 et 8.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

14. Il résulte de ce qui précède que Mme E...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la mesure d'éloignement prise à son encontre à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi.

En ce qui concerne l'assignation à résidence :

15. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que la mesure d'éloignement n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision ne peut qu'être écarté.

16. En deuxième lieu, au soutien des moyens tirés de l'insuffisante motivation de la décision susvisée et de l'absence d'examen circonstancié de sa situation, Mme E...ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas utilement les réponses apportées sur ces points par le tribunal administratif. Il y a donc lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinemment retenus aux points 15 et 16 du jugement attaqué.

17. En troisième lieu, la décision d'assignation à résidence n'a pas pour effet de séparer l'enfant de Mme E...de l'un de ses parents. Par suite, la requérante ne saurait se prévaloir utilement des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant à l'encontre de cette décision. De même, à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision susvisée, Mme E...se borne à soutenir que cette décision méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et qu'elle serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation au motif qu'elle aurait pour finalité de permettre l'exécution de la mesure d'éloignement en litige. Cependant, les moyens de la requérante, ainsi articulés, sont sans incidence sur la légalité de la décision par laquelle le préfet a prononcé son assignation à résidence.

18. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation d'une part, de l'arrêté du 6 juillet 2017 en tant que le préfet du Tarn lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi et d'autre part, de l'arrêté du 20 septembre 2017 par lequel il a prononcé son assignation à résidence. Par voie de conséquence, les conclusions de Mme E... aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme E...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...E...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée à Me D...et au préfet du Tarn.

Délibéré après l'audience du 29 mars 2018 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président- assesseur,

Mme Sabrina Ladoire, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 26 avril 2018.

Le rapporteur,

Sabrina LADOIRELe président,

Aymard de MALAFOSSELe greffier,

Christophe PELLETIER La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 17BX04005


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 17BX04005
Date de la décision : 26/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Sabrina LADOIRE
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : MARTIN-CAMBON

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-04-26;17bx04005 ?
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