Vu la procédure suivante :
Procédure antérieure :
La commission départementale d'aménagement commercial (CDAC) des Landes, statuant en matière cinématographique, a, par une décision du 15 décembre 2016, refusé à la société par actions simplifiée (SAS) Le Royal Cinéma l'autorisation d'exploiter, dans son établissement à l'enseigne " Les Toiles du Moun " implanté sur la commune de Saint-Pierre-du-Mont, 3 salles supplémentaires représentant 610 places par un transfert de l'établissement exploité en centre-ville de Mont-de-Marsan.
Par un recours enregistré sous le n° 280, l'exploitant a demandé à la commission nationale d'aménagement cinématographique d'annuler ce refus.
Par une décision en date du 10 mai 2017, la commission nationale d'aménagement cinématographique a rejeté ce recours.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 10 juillet 2017, la SAS Le Royal Cinéma, représentée MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler la décision du 10 mai 2017 de la commission nationale d'aménagement cinématographique ;
2°) d'enjoindre à cette commission de lui délivrer l'autorisation sollicitée dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 180 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la lecture de la décision litigieuse ne permet pas de s'assurer que la commission aurait été composée conformément aux dispositions de l'article L. 212-6-6 du code du cinéma et de l'image animée, ni que l'ensemble des pièces utiles visées à l'article R. 212-7-26 du même code auraient été adressées à ses membres ;
- la décision est illégale dès lors que l'avis émis pour le compte du ministre en charge de la culture n'a pas été signé par une personne dûment habilitée à cet effet ;
- les motifs de refus relatifs à la diversité cinématographique et à l'atteinte portée au cinéma voisin et concurrent " Le Grand Club " de Mont-de-Marsan ne sont pas fondés ; l'offre cinématographique demeurera identique dès lors que le projet consiste en un transfert de fauteuils du cinéma de centre-ville voué à la fermeture vers celui implanté en périphérie ; la coexistence de cinémas à dominante généraliste n'est pas en elle-même porteuse d'une atteinte à la diversité ; ces motifs apparaissent en contradiction avec l'arrêt du Conseil d'Etat du 15 octobre 2014 qui a admis que deux projets pouvaient avoir leur place en termes de diversité cinématographique ; la DRAC montre bien dans son rapport d'instruction devant la CDAC que la fermeture du cinéma " Le Royal " de Mont de Marsan et le transfert des sièges sur Saint-Pierre du Mont est sans effet véritable sur l'équilibre cinématographique de l'agglomération, d'autant plus pour des cinémas tous deux à dominante généraliste ; le léger suréquipement de Mont-de-Marsan relevé par la DRAC résulte bel et bien de l'ouverture du cinéma " Grand Club " en 2016, et le remplacement du " Royal " de centre-ville par l'extension sur celui des " Toiles du Moun " n'y changera rien ;
- la commission ne peut sans erreur affirmer dans son refus d'autorisation que le projet est purement généraliste, alors notamment qu'il ressort du rapport d'instruction de la DRAC que le projet de programmation prévoit notamment la diffusion de films " art et essai " dont certains en version originale et le renforcement de sa politique d'animation, l'accueil des scolaires auparavant assuré par le cinéma Royal du centre-ville ayant vocation à être déporté pour des questions de commodité, sur le Grand Club ;
- en opposant la fragilisation du cinéma Le Grand Club, la commission nationale s'est fondée sur la densité des équipements, qui n'est pas un critère légal d'appréciation de l'autorisation ; au demeurant, le projet n'emporte aucune fragilisation de ce cinéma, multiplexe neuf de 1 350 places, subventionné alors qu'il n'emporte pas la création de salles nouvelles et qu'il demeurerait le seul et unique cinéma du plein centre-ville ;
- le projet est compatible avec le schéma de cohérence territoriale dans la mesure où le document d'orientation prévoit que les équipements cinématographiques doivent s'implanter à Mont-de-Marsan et à Saint Pierre du Mont, à proximité immédiate du pôle urbain, à l'instar du projet litigieux ; les dispositions du schéma dont a fait application la commission sont relatives aux commerces ; en outre, ces dispositions permettent, en dehors des ZACOM, l'extension des activités existantes ; la commission nationale ajoute au texte en subordonnant l'implantation originelle à une autorisation ; aucune manoeuvre ne peut lui être reprochée ; enfin, le document d'orientation et d'objectifs, qui mentionne que les implantations doivent s'effectuer prioritairement à l'intérieur du centre-ville de Mont-de-Marsan, des ZACOM et des centre-bourgs, ne commande pas une interdiction en cas d'implantation différente ;
- le motif selon lequel le projet favoriserait l'usage de la voiture et la desserte en bus serait insuffisante ne saurait à lui seul justifier un refus d'autorisation ; par ailleurs, une ligne de bus existe et l'extension se situe à seulement 2 km du centre-ville ; l'avis de la direction départementale des territoires précise notamment que le projet n'aura pas d'impact significatif sur les flux de circulation existants.
- la multiplicité des refus et l'absence de fondement des motifs doit conduire à prononcer l'injonction de délivrer l'autorisation.
Par un mémoire en défense enregistré le 1er décembre 2017, la commission nationale d'aménagement cinématographique, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Royal Cinéma d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- l'ensemble des procédures amiables et contentieuses engagées par la société Royal Cinéma, notamment envers son concurrent " le Grand Club " n'ont que pour objet principal de lui assurer une situation de monopole au sein de la zone primaire d'influence cinématographique ;
- aucune disposition législative ou réglementaire, ni aucun principe n'impose que ses décisions attestent du respect des règles de convocation et de quorum fixées par l'article R. 212-7-26 du code du cinéma et de l'image animée, ni de l'envoi de l'ordre du jour et des documents nécessaires à ses délibérations ;
- l'avis du ministre de la culture et de la communication a été signé par une personne dûment habilitée, contrairement à ce que soutient l'appelante sans toutefois l'établir ; au demeurant, et à supposer même que cet avis n'aurait pas été signé par une personne dûment habilitée, il n'est pas démontré qu'une telle irrégularité aurait été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision querellée ou aurait privé les intéressés d'une garantie ;
- conformément aux dispositions de l'article L. 212-9 du code du cinéma et de l'image animée, les projets de création ou d'extension des établissements de spectacles cinématographiques doivent assurer la diversité cinématographique offerte aux spectateurs ; or, en l'espèce, la société appelante ne conteste pas que son projet n'améliorera pas la diversité de l'offre de films sur la zone d'influence cinématographique en évoquant tout au plus un " statu quo " ; les six établissements implantés dans la zone d'influence cinématographique proposent tous une programmation généraliste et le projet en litige ne présente aucune complémentarité par rapport aux équipements existants ; les engagements de programmation décrits par la société pétitionnaire ne prévoient pas de mesures de nature à favoriser la diversité cinématographique et la complémentarité entre les différents établissements, ou à limiter son impact sur l'accès des oeuvres cinématographiques aux salles et des salles aux oeuvres cinématographiques pour les établissements existants ; dans ces conditions, aucun effet positif sur la diversité culturelle de l'offre n'est démontré ;
- le projet d'extension de la société requérante aura des conséquences négatives sur l'animation culturelle du centre-ville ainsi que sur l'équilibre entre les communes de l'agglomération de Mont-de-Marsan ; l'augmentation significative prévue de la fréquentation du cinéma projeté s'effectuera nécessairement au détriment des spectateurs fréquentant actuellement les cinémas du centre-ville de Mont-de-Marsan, dont le cinéma Le Grand Club tout récemment ouvert et alors qu'il est prévu la fermeture du cinéma Le Royal existant en centre-ville, lequel a d'ailleurs récemment bénéficié d'aides publiques pour sa rénovation ; en outre, l'abandon de cet équipement génèrera une friche commerciale au coeur de la commune, ce qui nuira fortement à l'attractivité du centre-ville de Mont-de-Marsan ;
- contrairement à ce que soutient l'appelante, la commission ne s'est pas fondée sur la densité des équipements pour refuser la demande d'extension sollicitée ; ainsi, tous ses développements venant au soutien de son argumentation relative au taux d'équipement au sein de la zone d'influence cinématographique sont inopérants ; la commission a souhaité mettre l'accent sur le déséquilibre géographique entre les communes composant l'agglomération montoise que le projet ne manquera pas d'entraîner ;
- le projet favorise principalement l'usage de la voiture et n'est pas suffisamment desservi par les transports en commun, contrairement à ce qui est imposé à l'article L.212-9 du code du cinéma et de l'image animée ; en effet, la seule ligne de bus desservant le site s'arrête à 19 heures en semaine et ne fonctionne pas le dimanche et l'intervalle de presqu'une heure entre les passages des bus est de nature à dissuader les spectateurs de recourir aux transports en commun le reste de la semaine ; si l'appelante indique que le site est accessible à pied depuis le centre-ville de Mont-de-Marsan, il est permis de douter de la volonté des spectateurs de parcourir près de deux kilomètres de nuit, le long d'un axe particulièrement fréquenté par les véhicules et donc peu propice à la circulation piétonne ;
- le projet n'est pas compatible avec les objectifs et les prescriptions du schéma de cohérence territoriale du Marsan ; la circonstance que l'implantation de l'établissement existant au cours de l'année 2014 n'était pas soumise à autorisation en matière d'aménagement cinématographique est sans influence sur cette incompatibilité ; l'ensemble des dispositions du SCOT relatives aux équipements commerciaux et, plus généralement, aux activités économiques sont opposables aux équipements cinématographiques ; l'interdiction de développement des activités commerciales en dehors des centres-villes inscrite dans le document d'orientation a pour objet " d'éviter tout nouveau développement d'équipements commerciaux de manière diffuse et opportuniste et qu'elle qu'en soit la surface " et les possibilités d'extension en-dehors des zones prioritaires apparaissent exceptionnelles et dérogatoires ; le projet favorise un développement de l'urbanisation en périphérie et abandonne l'établissement historiquement implanté en centre-ville ; consciente de l'incompatibilité du projet avec le schéma, la requérante a tenté de scinder son projet, en ne le soumettant pas dans sa première partie à la commission départementale ; la compatibilité du projet avec les objectifs du SCOT doit être appréciée dans son ensemble et non au regard de la seule extension ; le projet favorise principalement la voiture et n'est pas suffisamment desservi par les transports en commun, ce qui ne favorise pas le rééquilibrage souhaité par le SCOT ; les espaces de stationnement ne seront pas situés à l'arrière du bâtiment mais seront visibles depuis l'espace public ; le projet générera une friche commerciale en abandonnant le site actuellement exploité par le cinéma Le Royal, en contradiction avec le SCOT.
Par ordonnance du 4 décembre 2017, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 22 janvier 2018 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du cinéma et de l'image animée ;
- le code de commerce ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 15 mars 2018 :
- le rapport de Mme Cécile Cabanne ;
- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;
- et les observations de MeA..., représentant la SAS Royal Cinéma.
Considérant ce qui suit :
1. La SAS Royal Cinéma, exploitante du cinéma " Le Royal " à Mont-de-Marsan, a envisagé sa fermeture et son remplacement par un multiplexe de 9 salles et 1 298 fauteuils, implanté sur un autre site de la commune. L'autorisation d'ouverture de ce nouvel équipement déposée en 2012 a été refusée par la Commission nationale d'aménagement commercial statuant en matière cinématographique. Ce refus a été annulé par le Conseil d'Etat par une décision du 15 octobre 2014 considérant, notamment, qu'en dépit de l'autorisation accordée par ailleurs par la commission nationale à un autre exploitant d'ouvrir un ensemble de huit salles dans le centre-ville de Mont-de-Marsan, son ouverture ne compromettait pas l'objectif de diversité de l'offre cinématographique. Entre-temps, la société Le Royal Cinéma s'est désistée de ce projet et, maintenant son cinéma en centre-ville de Mont-de-Marsan limité à quatre salles en raison de problèmes d'accessibilité et d'inondation de deux salles, a également ouvert en novembre 2014 un établissement de spectacles cinématographiques à l'enseigne " Les Toiles du Moun " de 4 salles et 299 places, à Saint-Pierre-du-Mont en périphérie de l'agglomération sur la route de Bayonne, lequel ne nécessitait pas d'autorisation. Un premier refus d'extension de trois salles supplémentaires représentant 724 places de cet établissement a été opposé par la Commission nationale d'aménagement cinématographique le 30 juin 2015. Envisageant de fermer le cinéma " Le Royal " à Mont-de-Marsan, la SAS Le Royal Cinéma a déposé le 28 octobre 2016 auprès de la commission départementale d'aménagement commercial des Landes, statuant en matière cinématographique, une demande tendant à l'extension de l'établissement " Les Toiles du Moun " par création de trois salles supplémentaires représentant 610 places, portant le total des fauteuils à 909. Un refus a été opposé par la commission départementale le 15 décembre 2016. L'exploitant demande à la cour d'annuler la décision n° 280 du 10 mai 2017 par laquelle la Commission nationale d'aménagement cinématographique a rejeté son recours et confirmé ce refus.
Sur les conclusions en annulation :
2. Aux termes de l'article L. 212-6 du code du cinéma et de l'image animée : " Les créations, extensions et réouvertures au public d'établissements de spectacles cinématographiques doivent répondre aux exigences de diversité de l'offre cinématographique, d'aménagement culturel du territoire, de protection de l'environnement et de qualité de l'urbanisme, en tenant compte de la nature spécifique des oeuvres cinématographiques. Elles doivent contribuer à la modernisation des établissements de spectacles cinématographiques et à la satisfaction des intérêts du spectateur tant en ce qui concerne la programmation d'une offre diversifiée, le maintien et la protection du pluralisme dans le secteur de l'exploitation cinématographique que la qualité des services offerts.". L'article L. 212-9 du même code prévoit que, dans le cadre de ces principes, " les commissions d'aménagement commercial statuant en matière cinématographique se prononcent sur les deux critères suivants : / 1° l'effet potentiel sur la diversité cinématographique offerte aux spectateurs dans la zone d'influence cinématographique concernée, évalué au moyen des indicateurs suivants : / a) le projet de programmation envisagé pour l'établissement de spectacles cinématographiques objet de la demande d'autorisation et, le cas échéant, le respect des engagements de programmation éventuellement souscrits en application des articles L. 212-19 et L. 212-20 ; / b) la nature et la diversité culturelle de l'offre cinématographique proposée dans la zone concernée, compte tenu de la fréquentation cinématographique ; / c) la situation de l'accès des oeuvres cinématographiques aux salles et des salles aux oeuvres cinématographiques pour les établissements de spectacles cinématographiques existants./ 2° L'effet du projet sur l'aménagement culturel du territoire, la protection de l'environnement et la qualité de l'urbanisme, évalué au moyen des indicateurs suivants : / a) l'implantation géographique des établissements de spectacles cinématographiques dans la zone d'influence cinématographique et la qualité de leurs équipements ; / b) la préservation d'une animation culturelle et le respect de l'équilibre des agglomérations ; / c) la qualité environnementale appréciée en tenant compte des différents modes de transports publics, de la qualité de la desserte routière, des parcs de stationnement ; / d) l'insertion du projet dans son environnement ; / e) la localisation du projet, notamment au regard des schémas de cohérence territoriale et des plans locaux d'urbanisme. / Lorsqu'une autorisation s'appuie notamment sur le projet de programmation cinématographique, ce projet fait l'objet d'un engagement de programmation cinématographique souscrit en application du 3° de l'article L. 212-23 (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet d'équipement cinématographique contesté compromet la réalisation des objectifs et principes énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial statuant en matière cinématographique, lorsqu'elles se prononcent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs et principes, au vu des critères d'évaluation et indicateurs mentionnés à l'article L. 212-9 du code du cinéma et de l'image animée, parmi lesquels ne figure plus la densité d'équipement en salles de spectacles cinématographiques dans la zone d'attraction du projet.
4. Pour refuser le projet, la commission nationale a opposé quatre motifs. Il est reproché au projet de ne pas améliorer la diversité de l'offre des films sur la zone, le type de programmation généraliste étant porté par tous les établissements cinématographiques et en particulier " Le Grand Club " situé à 2 km et à 4 minutes en voiture. Dans ce contexte, la commission considère que le projet fragilise " Le Grand Club " avec des conséquences sur l'animation culturelle du centre-ville et entraîne un déséquilibre entre les communes composant l'agglomération. Elle ajoute que le projet favorise principalement l'usage de la voiture, avec une desserte en bus peu compatible avec l'usage d'un cinéma. De plus, la commission a regardé le projet comme n'étant pas compatible avec le schéma de cohérence territorial du Marsan.
En ce qui concerne l'effet sur la diversité de l'offre cinématographique :
5. Il ressort des pièces du dossier que le projet d'extension des " Toiles du Moun " en entrée d'agglomération permet une amélioration des conditions d'accueil et de confort des spectateurs, en particulier, ceux extérieurs à l'agglomération montoise de la zone d'influence cinématographique, qui ne disposent que de salles mono-écran et qui se déplacent en voitures. Par ailleurs, l'analyse de l'offre cinématographique de la zone d'influence cinématographique fait apparaître un faible nombre de séances par film ainsi qu'une fréquentation des salles de cinéma inférieure au niveau national. Le projet, qui consiste à transférer l'activité du cinéma " Le Royal " appartenant à la société requérante implanté en centre-ville, qui s'accompagnera de la disparition d'une salle sur l'agglomération montoise et la création de trois fauteuils supplémentaires, n'apparaît pas de nature à modifier la situation de la zone en termes d'offre d'équipements cinématographiques. En augmentant le nombre de séances et en allongeant la durée d'exposition des films, tout en offrant aux spectateurs des équipements modernes et des services annexes, le nouvel établissement participera à redynamiser l'offre cinématographique, quand bien même le projet associe essentiellement une programmation grand public à une offre de films d'art et essai. La commission fait valoir que l'extension autorisée portera également atteinte à l'objectif en cause, en limitant la capacité à obtenir la diffusion de ces films. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision contestée aurait par elle-même un tel effet dans l'agglomération montoise, eu égard à l'économie générale de la distribution des films. De même, l'impact de l'extension, évaluée à 3 000 entrées détournées, sera limité sur les cinémas mono-salles de la zone concernée, lesquels s'adressent à une clientèle de proximité et qui n'ont au demeurant subi aucune baisse de fréquentation depuis l'ouverture du cinéma " Les Toiles du Moun " en 2014. Dans ces conditions, la société requérante est fondée à soutenir que la commission n'a pu sans erreur d'appréciation refuser son projet au motif qu'il méconnaîtrait l'objectif de diversité de l'offre cinématographique.
En ce qui concerne l'effet du projet sur l'aménagement culturel du territoire, la protection de l'environnement et la qualité de l'urbanisme
6. La Commission nationale d'aménagement cinématographique a retenu que le projet de Saint-Pierre-du-Mont comporterait des risques pour la préservation de l'animation culturelle cinématographique du centre-ville de Mont-de-Marsan, en fragilisant le cinéma " Le Grand Club ". Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que le parti pris par la société requérante d'étendre le cinéma existant situé à Saint-Pierre-du-Mont, plutôt que de rénover et de mettre aux normes les quatre salles existantes du cinéma " Le Royal ", serait de nature à compromettre la situation de ce cinéma concurrent. Situés tous deux en centre-ville, la fermeture du cinéma " Le Royal " emportera nécessairement un report d'une partie des spectateurs sur le cinéma " Le Grand Club ". Il n'est pas davantage démontré que cet établissement ouvert en 2016 serait sous-dimensionné pour répondre aux besoins des habitants du centre-ville de Mont-de-Marsan. La circonstance que le devenir de l'espace occupé par le cinéma " Le Royal " ne serait pas déterminé ne permet pas davantage de caractériser à elle seule une méconnaissance du critère d'aménagement culturel du territoire. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit précédemment, le projet participe à un rééquilibrage territorial pour les spectateurs résidant à l'extérieur de l'agglomération montoise, avec un impact limité sur les établissements mono-salles de la zone d'influence cinématographique. Dans ces conditions, la société requérante est fondée à soutenir que la commission n'a pu sans erreur d'appréciation refuser son projet au motif qu'il méconnaîtrait l'objectif d'aménagement culturel du territoire.
7. De même, contrairement à l'appréciation de la commission nationale, l'accessibilité au multiplexe ne se fera pas de manière exclusive en voiture, dès lors que le projet, situé à une vingtaine de minutes de marche du centre-ville, dispose d'un arrêt de bus à proximité. L'avenue qui le dessert a été réaménagée en 2014 avec la création d'un giratoire, d'une voie piétonne, d'une piste cyclable et d'une voie de bus. Enfin, si les autobus ne circulent pas le dimanche ni en semaine après 19 heures, de telles circonstances ne suffisent pas à elles seules à considérer la qualité environnementale du projet comme insuffisante.
8. Aux termes de l'article L. 122-1-15 du code de l'urbanisme : " Les programmes locaux de l'habitat (...) sont compatibles avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale et les schémas de secteur. Il en est de même pour les autorisations prévues par l'article L. 752-1 du code de commerce et l'article L. 212-7 du code du cinéma et de l'image animée. " L'article R. 122-1 du même code prévoit que : " Le schéma de cohérence territoriale comprend un rapport de présentation, un projet d'aménagement et de développement durables et un document d'orientation et d'objectifs assortis de documents graphiques. Les documents et décisions mentionnées à l'article
L. 122-1-15 doivent être compatibles avec le document d'orientation et d'objectifs et les documents graphiques dont il est assorti. ".
9. Le projet a été également regardé par la commission en raison de sa localisation comme incompatible avec les objectifs et recommandations du schéma de cohérence territoriale établi en décembre 2012 par la communauté d'agglomération de Marsan et adopté en juin 2014. Elle a estimé que l'extension sollicitée dérogerait au principe selon lequel " les nouvelles implantations ou extension d'établissements commerciaux (ou d'ensembles commerciaux de nature diverses : lotissements, retails-parks, galeries marchandes ...) dont la surface totale de plancher est supérieure à 1 000 m² s'effectueront prioritairement à l'intérieur du centre-ville de Mont de Marsan, des zones d'aménagement commerciales (ZACOM) (...), des centres-bourgs et des pôles de quartier et de proximité de l'agglomération ". Elle a considéré que cette extension ne peut être analysée, au regard de la création très récente en novembre 2014 de l'activité d'exploitation cinématographique à Saint-Pierre-du-Mont qui n'était pas soumise à autorisation, comme entrant dans les exceptions permettant d'assurer " la pérennité et la gestion d'activités existantes hors des centres-villes, des centres-bourgs et des pôles commerciaux de l'agglomération et des ZACOM. ".
10. Toutefois, s'il n'est pas contesté que la surface de l'établissement passerait de 1 443 m² à 2 762 m², le document d'orientation et d'objectifs prescrit également de façon spécifique dans sa partie II.5.2 " l'implantation des activités culturelles d'envergure à proximité immédiate du pôle urbain de Mont-de-Marsan et Saint-Pierre du Mont (ou d'assurer une desserte en transports collectifs et alternatifs efficaces). Or, il ressort des pièces du dossier que le projet d'extension du complexe cinématographique est prévu sur des terrains situés sur la commune de Saint-Pierre-du-Mont, entre la route départementale 824 et la voie ferrée reliant Bordeaux à Pau, à environ 300 mètres de la limite communale ouest de Mont-de-Marsan, dans une zone périurbaine. Par ailleurs, et en tout état de cause, il ne ressort pas de la lecture du SCOT que ses auteurs, qui ont inséré les priorités citées au point 13 dans une partie relative au document d'aménagement commercial, aient entendu assimiler les complexes cinématographiques qui ne sont pas installés sur le même site qu'un commerce à des pôles commerciaux. Par suite, la Commission nationale d'aménagement cinématographique ne pouvait utilement se référer à ces orientations pour apprécier la compatibilité du projet avec le schéma de cohérence territoriale.
11. La Commission nationale d'aménagement cinématographique ajoute en défense à sa motivation en faisant valoir que le projet est également incompatible avec la politique d'économie de l'espace préconisée par le schéma de cohérence territoriale. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que les places de stationnement sont proportionnées au projet, respectant le plan local d'urbanisme de la commune. Si l'espace dédié au stationnement n'a pas été réalisé à l'arrière du bâtiment, le document d'orientation et d'objectifs ne l'impose que " dans la mesure du possible ". Or, le bâtiment existant, autorisé antérieurement à l'adoption du schéma de cohérence territoriale, disposait de stationnements à l'avant du bâtiment. Le projet ne peut davantage être regardé comme contribuant à un développement linéaire de l'urbanisation, alors qu'il fait face à une importante zone pavillonnaire de l'autre côté de la RD 624. De même, pour éviter une façade linéaire, l'extension est en léger décroché avec le bâtiment existant et une marge de recul et la plantation d'arbres à haute tige assureront un écran végétal. De plus, contrairement à ce qu'il est soutenu, le projet répond à l'objectif d'un rééquilibrage vers les modes de déplacement autres qu'automobile dans la mesure où une piste cyclable, un chemin piétonnier et une desserte en bus existent. Enfin, il n'est démontré ni que l'extension porterait atteinte à l'économie du centre ville, ni qu'elle emporterait nécessairement la création d'une friche. Dans ces conditions, le projet ne peut être regardé comme incompatible avec le schéma de cohérence territoriale du Marsan.
12. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la société Royal Cinéma est fondée à demander l'annulation de la décision de la Commission nationale d'aménagement cinématographique n° 280 du 10 mai 2017.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
13. L'annulation de la décision n° 280 du 10 mai 2017 implique seulement que la Commission nationale d'aménagement cinématographique procède à un nouvel examen de la demande d'autorisation dont elle se trouve à nouveau saisie, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :
14. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Royal Cinéma, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande l'Etat au titre des frais exposés. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à la requérante sur le fondement de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er: La décision de la Commission nationale d'aménagement cinématographique n° 280 du 10 mai 2017 est annulée.
Article 2 : Il est enjoint à la Commission nationale d'aménagement cinématographique de procéder au réexamen de la demande de la société Royal Cinéma dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à la société Royal Cinéma au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Royal Cinéma est rejeté.
Article 5 : Les conclusions présentées par l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Royal Cinéma et au ministre de la culture (Commission nationale d'aménagement en matière cinématographique). Copie en sera adressée pour information au préfet des Landes.
Délibéré après l'audience du 15 mars 2018 à laquelle siégeaient :
- Mme Catherine Girault, président,
- M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,
- Mme Cécile Cabanne, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 26 avril 2018.
Le rapporteur,
Cécile CABANNE Le président,
Catherine GIRAULT
Le greffier,
Virginie MARTY
La République mande et ordonne au ministre de la culture, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
17BX02158 2