Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...A...a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision du 12 juin 2014 par laquelle la présidente du conseil général de La Réunion lui a infligé un blâme.
Par un jugement n° 1400816 du 12 mai 2016, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 11 août 2016, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de La Réunion du 12 mai 2016 ;
2°) d'annuler la décision du 12 juin 2014 par laquelle la présidente du conseil général de La Réunion lui a infligé un blâme ;
3°) d'enjoindre à la présidente du conseil général de produire son entier dossier disciplinaire ;
4°) de mettre à la charge du département de La Réunion une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité ; les premiers juges ont méconnu le principe du contradictoire et le droit à un recours effectif ; le jugement est par ailleurs insuffisamment motivé ;
- la décision en litige est entachée de vices de procédure ; elle a tout d'abord été adoptée sans procédure disciplinaire ; la convocation à l'entretien préalable a été reçue moins d'un mois avant la date de celui-ci et il n'a pas disposé du temps suffisant pour préparer sa défense ; il n'a pas eu la possibilité de consulter son entier dossier disciplinaire, des éléments lui ayant été cachés ;
- la décision en litige est insuffisamment motivée ;
- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas de nature à justifier une sanction ; la matérialité des faits n'est d'ailleurs pas établie ;
- la sanction disciplinaire prise à son encontre est excessive et entachée d'erreur d'appréciation ;
Par un mémoire en défense enregistré le 4 novembre 2016, le département de La Réunion conclut au rejet de la requête. Il soutient que le jugement est régulier et qu'aucun des moyens invoqués par le requérant n'est fondé.
Par ordonnance du 21 août 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 31 octobre 2017 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux ;
- le décret n° 92-850 du 28 août 1992 portant statut particulier du cadre d'emplois des agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Sylvie Cherrier,
- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., représentant M.A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A...est rédacteur principal de 1ère classe du département de La Réunion et responsable de la cellule ressources humaines au territoire d'action sociale Est à Saint-Benoît. Par décision du 12 juin 2014, la présidente du conseil général a prononcé un blâme à son encontre au motif qu'il avait eu un comportement ambigu et inapproprié à l'égard de deux agents publics. Par la présente requête, M. A... demande à la cour d'annuler le jugement du 12 mai 2016 par lequel le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la légalité de l'arrêté du 12 juin 2014 :
2. Aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 : " Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination. / Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée à droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. (...) " ; Aux termes de l'article 4 du décret du 18 septembre 1989 : " L'autorité investie du pouvoir disciplinaire informe par écrit l'intéressé de la procédure disciplinaire engagée contre lui, lui précise les faits qui lui sont reprochés et lui indique qu'il a le droit d'obtenir la communication intégrale de son dossier individuel au siège de l'autorité territoriale et la possibilité de se faire assister par un ou plusieurs conseils de son choix. / L'intéressé doit disposer d'un délai suffisant pour prendre connaissance de ce dossier et organiser sa défense. (...). ". Il résulte de ces dispositions qu'une sanction ne peut être prononcée légalement sans que l'intéressé ait été mis en mesure de présenter utilement sa défense.
3. M. A... soutient que la sanction litigieuse a été adoptée au terme d'une procédure irrégulière dès lors que deux courriers des 3 et 4 février 2014, établis par des personnes de son service, ne lui ont pas été communiqués au cours de la procédure disciplinaire, malgré ses demandes en ce sens, alors même qu'ils présentaient une importance particulière s'agissant des griefs qui lui étaient reprochés.
4. Il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport d'enquête administrative en date du 12 février 2014, que la procédure disciplinaire engagée à l'encontre de l'intéressé était fondée sur deux courriers émanant de collègues féminines de celui-ci, qui ne lui ont pas été communiqués malgré ses demandes en ce sens. Si le département soutient en défense que cette absence de communication était justifiée par la nécessité de protéger les jeunes femmes concernées, tant leur identité que les griefs qu'elles avaient formulés à l'égard de M. A... ont été portés à la connaissance de celui-ci en cours de procédure. Le département fait également valoir que ces courriers ne faisaient état d'aucun élément nouveau et que leur défaut de communication à l'intéressé au cours de la procédure disciplinaire n'a dès lors eu aucune conséquence sur la régularité de celle-ci. Néanmoins, et dans la mesure où le département n'a produit ces courriers ni en première instance ni devant la cour, en dépit des demandes formées en ce sens par le requérant, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils auraient été exempts d'éléments nouveaux. Par suite, et dès lors que, comme il a été dit, la sanction en litige est fondée principalement sur ces deux courriers, M. A... est fondé à soutenir qu'il a été privé de la garantie prévue à l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983. Il convient, en conséquence, de faire droit à sa demande tendant à l'annulation de la décision du 12 juin 2014 par laquelle la présidente du conseil général de La Réunion a prononcé un blâme à son encontre.
5. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la sanction en cause.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner le département de La Réunion à verser à M. A... une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1400816 du tribunal administratif de La Réunion en date du 12 mai 2016 est annulé.
Article 2 : La décision du 12 juin 2014 par laquelle la présidente du conseil général de La Réunion a prononcé un blâme à l'encontre de M. A... est annulée.
Article 3 : Le département de La Réunion versera à M. A... une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A...et au département de La Réunion.
Copie en sera adressée à la ministre des outre-mer et au préfet de La Réunion.
Délibéré après l'audience du 29 mars 2018 à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur,
Mme Sylvie Cherrier, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 26 avril 2018.
Le rapporteur,
Sylvie CHERRIERLe président,
Aymard de MALAFOSSE Le greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX02742