Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...D...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, d'annuler l'arrêté du 24 juin 2015 par lequel le maire de Marmande l'a licencié en fin de stage pour insuffisance professionnelle, d'autre part, d'enjoindre à la commune de Marmande de le titulariser, enfin de condamner ladite commune à lui verser une somme 5 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il estime avoir subi.
Par un jugement n° 1503789 du 5 juillet 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 6 septembre 2016, 7 décembre 2016, 15 décembre 2017 et 28 février 2018, M.D..., représenté par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 5 juillet 2016 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) d'annuler l'arrêté du 24 juin 2015 par lequel le maire de Marmande l'a licencié en fin de stage ;
3°) d'enjoindre à la commune de Marmande de le titulariser dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de condamner la commune de Marmande à lui verser une somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
5°) de mettre à la charge de la commune de Marmande une somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier ; le tribunal a considéré à tort que son insuffisance professionnelle était établie et que le non-respect de l'obligation d'information de la commission administrative paritaire sur les motifs de son licenciement était sans incidence sur la légalité de l'arrêté en litige ;
- ainsi que cela résulte des termes du courrier du maire de Marmande du 18 juin 2015, ladite autorité a décidé de le licencier avant d'avoir consulté la commission administrative paritaire ;
- en méconnaissance des dispositions de l'article 30 du décret du 17 avril 1989 relatif aux commissions administratives paritaires des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, le maire de Marmande n'a pas informé la commission administrative paritaire, qui avait rendu un avis défavorable à son licenciement, des motifs pour lesquelles il avait pris une décision contraire ;
- son insuffisance professionnelle n'est pas établie ; il n'est pas établi qu'il aurait refusé d'autres tâches que la conduite de véhicules ;
- le licenciement repose sur une erreur manifeste d'appréciation ; l'avis défavorable de la commission administrative, s'il ne liait pas le maire de Marmande, aurait dû le conduire à reconsidérer sa position ; sa manière de servir a fait l'objet de bonnes appréciations durant le stage ; il avait auparavant donné son satisfaction en qualité d'agent contractuel ;
- le licenciement, prononcé en raison de ses absences répétées pour motifs de santé, lesquelles étaient justifiées, constitue une sanction déguisée ;
- le refus de licenciement présente un caractère fautif et engage la responsabilité de la commune de Marmande ; il s'était investi dans ses fonctions, pour l'exercice desquelles il a passé un permis de conduire des poids lourds ; il a subi un préjudice moral ;
- en l'absence de motifs y faisant obstacle, il doit être titularisé en conséquence de l'annulation de son licenciement.
Par des mémoires en défense enregistrés les 4 septembre 2017, 2 février 2018 et 7 mars 2018, la commune de Marmande conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. D... d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- la méconnaissance des dispositions de l'article 30 du décret du 17 avril 1989 relatif aux commissions administratives paritaires des collectivités territoriales et de leurs établissements publics est sans incidence sur la légalité du licenciement contesté ;
- le courrier du maire de Marmande du 18 juin 2015, malgré sa formulation maladroite, ne constitue pas une décision de licenciement, décision qui a été prise par arrêté du 24 juin suivant, après l'avis de la commission administrative paritaire ;
- le comportement général de M.D..., compte tenu de ses absences répétées et injustifiées qui nuisaient au bon fonctionnement et à l'organisation des services, de son incapacité à exécuter les tâches qui lui étaient confiées et d'une attitude difficile avec ses supérieurs hiérarchiques et ses collègues, traduisait une insuffisance professionnelle ; ces éléments résultent du rapport de fin de stage du 10 juin 2015 ;
- la matérialité des faits est établie, et ces faits justifient le licenciement prononcé ; en effet :
- M. D...n'a pas justifié ses absences à son domicile les 14 mars et 28 novembre 2014, alors qu'il était placé en congé de maladie ordinaire ; il a en outre été rappelé à l'ordre par courrier du 14 novembre 2014 s'agissant de la justification de ses absences, l'intéressé n'adressant pas ses arrêts maladie dans le délai de 48 heures qui lui était imparti ;
- il ressort du rapport de fin de stage que M. D...a refusé d'exécuter certaines tâches, souhaitant concentrer ses missions sur la conduite des véhicules communaux ; cette unique tâche de conduite des véhicules ne représentait pas à elle seule 80 % de ses tâches d'après sa fiche de poste ; son refus d'exécuter certaines tâches a été soulignée par le directeur des services techniques de la commune, et l'intéressé a lui-même indiqué dans son courrier adressé à la commission administrative paritaire que ses absences étaient liées au refus d'exécuter des tâches qui ne correspondaient pas à ses aspirations ;
- M. D...n'a eu de cesse de solliciter des changements d'affectation, ce qui témoigne de son incapacité à assumer les tâches qui lui étaient confiées ;
- le comportement conflictuel de M. D...était incompatible avec l'exercice de ses fonctions ; cela résulte du courrier adressé par le requérant à la commission administrative paritaire.
Par une ordonnance du 1er mars 2018, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 9 mars 2018 à 12h00.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le décret n° 89-229 du 17 avril 1989 relatif aux commissions administratives paritaires des collectivités territoriales et de leurs établissements publics ;
- le décret n° 92-1194 du 4 novembre 1992 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires stagiaires de la fonction publique territoriale ;
- le décret n° 2006-1691 du 22 décembre 2006 portant statut particulier du cadre d'emplois des adjoints techniques territoriaux ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy,
- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public,
- et les observations de Me A...représentant M. D...et les observations de Me C... représentant la commune de Marmande.
Considérant ce qui suit :
1. M.D..., après avoir travaillé pour le compte de la commune de Marmande sous couvert de contrats à durée déterminée d'une durée totale de vingt-neuf mois en qualité d'adjoint technique territorial, a été nommé à compter du 1er janvier 2014 dans le cadre d'emplois des adjoints techniques territoriaux en qualité d'adjoint technique de deuxième classe stagiaire à temps complet. Par un arrêté du 17 décembre 2014, le maire de Marmande a prolongé le stage de l'intéressé, d'une durée d'un an, à partir du 1er janvier 2015 du fait de sa prise de congés maladie ordinaire, ce " jusqu'à accomplissement de la durée effective de stage d'un an ". Par un arrêté du 24 juin 2015, la même autorité a prononcé le licenciement de M. D...en fin de stage pour insuffisance professionnelle. M. D...a saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une requête tendant à l'annulation de cet arrêté, à ce qu'il soit enjoint à la commune de Marmande de le titulariser et à la condamnation de ladite commune à lui verser une somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral. M. D...relève appel du jugement du 5 juillet 2016 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes.
2. Aux termes de l'article 4 du décret du 4 novembre 1992 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires stagiaires : " La durée normale du stage et les conditions particulières dans lesquelles elle peut éventuellement être prorogée sont fixées par les statuts particuliers des cadres d'emplois (...) ". Aux termes de l'article 5 de ce décret : " Le fonctionnaire territorial stagiaire peut être licencié pour insuffisance professionnelle lorsqu'il est en stage depuis un temps au moins égal à la moitié de la durée normale du stage. Le licenciement est prononcé après avis de la commission administrative paritaire compétente pour le cadre d'emplois dans lequel l'intéressé a vocation à être titularisé (...) " Aux termes de l'article 8 du décret du 22 décembre 2006 portant statut particulier du cadre d'emplois des adjoints techniques territoriaux, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Les candidats recrutés en qualité d'adjoint technique territorial de 2e classe sur un emploi d'une collectivité territoriale (...) sont nommés stagiaires par l'autorité territoriale investie du pouvoir de nomination pour une durée d'un an.(...) ". L'article 10 de ce décret dispose : " A l'issue du stage, les stagiaires dont les services ont donné satisfaction sont titularisés par décision de l'autorité territoriale investie du pouvoir de nomination (...). Les autres stagiaires peuvent, sur décision de l'autorité territoriale, être autorisés à effectuer un stage complémentaire d'une durée maximale d'un an. Si le stage complémentaire a été jugé satisfaisant, les intéressés sont titularisés. / Les adjoints techniques territoriaux de 2e classe stagiaires (...) qui n'ont pas été autorisés à effectuer un stage complémentaire, ou dont le stage complémentaire n'a pas été jugé satisfaisant, sont soit licenciés s'ils n'avaient pas auparavant la qualité de fonctionnaire, soit réintégrés dans leur grade d'origine. ".
3. La décision de licenciement en fin de stage de M. D...pour insuffisance professionnelle est fondée sur " ses absences répétées qui nuisent au bon fonctionnement et à l'organisation des services ", sur le caractère injustifié des absences des 14 mars 2014 et 28 novembre 2014 et la justification tardive d'une autre absence, sur son refus d'exécuter d'autres tâches que la conduite des véhicules, sur son attitude conflictuelle avec ses supérieurs hiérarchiques et ses collègues, et sur le fait qu'il n'a pas déféré à la convocation du jury qui s'est réuni le 2 juin 2015 pour examiner sa candidature sur un poste de placier ouvert à la mutation interne.
4. Il ressort des pièces du dossier qu'alors que le requérant était placé en congé maladie, les deux contrôles effectués à son domicile les 14 mars 2014 et 28 novembre 2014, en dehors des heures de sortie autorisées par ses arrêts maladie, ont permis de constater son absence injustifiée. Il est également constant que l'intéressé a adressé un arrêt maladie à la commune avec un jour de retard. S'agissant du refus d'exécuter certaines tâches, aucune pièce du dossier ne permet de tenir pour établi que M.D..., qui produit trois attestations rédigées par ses collègues, aurait refusé d'exécuter toute autre tâche que celle tenant à la conduite de véhicules. Il ressort en revanche des attestations concordantes établies par le directeur et le directeur adjoint du service communal " fêtes et cérémonies, " au sein duquel M. D...était affecté durant le premier semestre de son stage, par le directeur du service " propreté ", au sein duquel le requérant était affecté durant la deuxième partie de son stage, ainsi que du rapport de fin de stage, que l'intéressé n'accomplissait les tâches demandées " que dans la mesure où elles l'intéressaient ". Il n'est ensuite nullement établi que M. D...aurait entretenu des relations conflictuelles avec ses supérieurs hiérarchiques, le rapport de fin de stage faisant état d'une attitude " acceptable ", ou avec ses collègues, trois d'entre eux ayant attesté de la qualité des relations professionnelles entretenues avec le requérant. Enfin, s'il est reproché au requérant de ne pas avoir déféré à la convocation du jury qui s'est réuni le 2 juin 2015 pour examiner sa candidature sur un poste de placier ouvert à la mutation interne, le requérant soutient, sans contredit, qu'il n'avait pas confirmé sa candidature et n'avait pas reçu de convocation.
5. Les faits que le présent arrêt considère comme établis ayant motivé le licenciement de M.D..., à savoir deux absences injustifiées, une absence tardivement justifiée et un défaut de diligence de l'intéressé dans l'exécution des tâches qui lui étaient confiées, constituent des fautes disciplinaires et ne relèvent pas de l'insuffisance professionnelle. Par ailleurs, la durée des congés maladie du requérant, prise en compte pour prolonger la durée de son stage, ne saurait légalement justifier une mesure de licenciement. Ainsi, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens soulevés, M. D...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision le licenciant pour insuffisance professionnelle.
6. L'illégalité fautive de la décision de licenciement de M. D...en fin de stage pour insuffisance professionnelle a causé à l'intéressé un préjudice moral pour l'indemnisation duquel il est fondé à demander une somme de 2 000 euros.
7. Enfin, compte tenu du motif de l'annulation prononcée par le présent arrêt, celui-ci n'implique pas la titularisation de M.D..., mais seulement le réexamen de ses mérites à une telle titularisation. Les conclusions de M. D...aux fins d'injonction et d'astreinte ne peuvent, par suite, être accueillies.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M.D..., qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par la commune de Marmande et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ladite commune une somme de 1 500 euros sur le fondement des mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1503789 du tribunal administratif de Bordeaux du 5 juillet 2016 et l'arrêté du 24 juin 2015 par lequel le maire de Marmande a licencié M. D...en fin de stage pour insuffisance professionnelle sont annulés.
Article 2 : La commune de Marmande est condamnée à verser à M. D...une indemnité de 2 000 euros.
Article 3 : La commune de Marmande versera une somme de 1 500 euros à M. D...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D...et les conclusions présentées par la commune de Marmande sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...D...et à la commune de Marmande.
Délibéré après l'audience du 15 mars 2018 à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 10 avril 2018.
Le rapporteur,
Marie-Pierre BEUVE DUPUYLe président,
Aymard de MALAFOSSE
Le greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX03098