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04/04/2018 | FRANCE | N°17BX04032

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 04 avril 2018, 17BX04032


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...D'haiti a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté du 9 mars 2016 par lequel le préfet de la Guyane a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français avec délai, en fixant le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1600713 du 4 mai 2017, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 décembre 2017, M. D'haiti, représenté par Me C...,

demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guyane du 4 mai 2017...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...D'haiti a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté du 9 mars 2016 par lequel le préfet de la Guyane a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français avec délai, en fixant le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1600713 du 4 mai 2017, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 décembre 2017, M. D'haiti, représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guyane du 4 mai 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 9 mars 2016 du préfet de la Guyane susmentionné ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Guyane de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande dans le délai de deux mois et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 800 euros en application des dispositions combinées des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- la décision de refus de séjour est entachée d'un défaut de motivation au regard de la loi du 11 juillet 1979 dès lors qu'elle comporte des éléments de fait lacunaires, ce qui révèle un défaut d'examen de sa situation particulière ;

- la même décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est également entachée d'erreur de fait et d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation ; il justifie d'une durée significative de séjour en Guyane où il est bien intégré ; le centre de ses intérêts privés et familiaux se trouve désormais en France où résident son neveu, sa nièce et sa soeur qui l'héberge; il s'est marié à Cayenne en 2010 ;

- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur de droit dès lors que le préfet n'a pas examiné sa demande de régularisation exceptionnelle au séjour sollicitée au regard de son ancienneté de plus de quinze ans sur le territoire français sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la mesure d'éloignement est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale.

Par ordonnance du 5 janvier 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 14 février 2018.

Le préfet de la Guyane a produit un mémoire en défense, enregistré le 26 février 2018, qui n'a pas été communiqué.

M. D'haiti été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 septembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée, désormais reprise dans le code des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 pris pour son application ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B...D'haiti, ressortissant haïtien, né le 6 juillet 1982, est entré irrégulièrement en France selon ses déclarations le 20 juillet 2002. Le 1er novembre 2006, il a déposé une demande d'asile qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 30 mars 2007, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 21 décembre 2007. Il a introduit une demande de réexamen de sa demande d'asile le 11 août 2008 qui a été rejetée par l'OFPRA le 18 septembre 2009. Il a été définitivement débouté de l'asile par la CNDA le 13 janvier 2011. Le 20 février 2014, le préfet de la Guyane a rejeté sa demande d'admission au séjour sollicitée en octobre 2013 sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et a pris à son encontre une mesure d'éloignement le 20 février 2014. S'étant illégalement maintenu sur le territoire, M. D'haiti a réalisé le 5 octobre 2015 une nouvelle demande d'admission au séjour sur le même fondement et s'est vu opposer, le 9 mars 2016 par le préfet de la Guyane, un arrêté portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français avec délai et fixation du pays de renvoi. L'intéressé relève appel du jugement du 4 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté précité.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 de ce même code : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".

3. M. D'haiti reprend en appel le moyen déjà soulevé en première instance et tiré du caractère insuffisamment motivé de la décision de refus de séjour au regard de la loi du 11 juillet 1979 susvisée, désormais reprise dans le code des relations entre l'administration et le public. Toutefois l'arrêté contesté, qui vise notamment l'article L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, mentionne que M. D'haiti prétend s'être maintenu sur le territoire français depuis 2002 tandis que les preuves de sa présence sur le territoire sont discontinues et peu probantes, qu'il n'apporte par ailleurs aucun justificatif pour les années 2011 et 2012, qu'ainsi il ne dispose pas d'une ancienneté territoriale suffisante pour prétendre à une admission exceptionnelle au séjour, qu'il ne justifie pas d'une activité salariale antérieure et qu'il ne peut se prévaloir à ce titre des dispositions de l'article L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, et contrairement à ce que soutient l'intéressé, la décision portant refus de renouvellement de son titre de séjour, qui n'avait pas à reprendre de manière exhaustive tous les éléments dont il pourrait se prévaloir, est suffisamment motivée au regard des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre l'administration et le public.

4. En deuxième lieu, il ne ressort ni de la motivation de cet arrêté ni des autres pièces du dossier que le préfet de la Guyane aurait négligé de procéder à un examen particulier de la situation de M. D'haiti avant de prendre les décisions litigieuses.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ".

6. M. D'haiti se prévaut d'une présence continue en France depuis 2002, soit depuis plus de quinze ans, de ce que le centre de ses intérêts privés et familiaux se trouve désormais en France où résident son neveu, sa nièce et sa soeur qui l'héberge depuis 2010 et de ce qu'il s'est marié à Cayenne en 2010. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. D'haiti n'établit pas plus en appel qu'en première instance par la production de ses passeports valables de 2005 à 2007 et de 2010 à 2015, l'ancienneté et la continuité du séjour allégué. Il n'a au demeurant été admis à séjourner sur le territoire national que le temps de l'instruction de sa demande d'asile qui n'a été adressée à l'OFPRA que le 1er novembre 2006 et a été définitivement rejetée par la CNDA le 13 janvier 2011. En outre, il s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire national malgré les mesures d'éloignement prononcées à son encontre par le préfet de la Guyane. S'il justifie s'être marié le 18 septembre 2010 à Cayenne, M. D'haiti, qui s'est déclaré célibataire et sans enfant, n'établit pas partager de communauté de vie avec son épouse. En outre, il ne soutient pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où vit sa fille née le 7 août 2013 et où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt ans. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que M. D'haiti soit particulièrement inséré dans la société française et y ait tissé des liens personnels d'une particulière intensité. Dans ces conditions, la décision en litige n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus qui lui est opposé et n'a méconnu ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le préfet de la Guyane n'a pas davantage commis d'erreur de fait ou d'erreur manifeste quant à l'appréciation de la situation personnelle et familiale de M. D'haiti.

7. En quatrième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) ".

8. Il ressort de l'examen de l'arrêté contesté qu'il mentionne : " (...) M. A...B...ne justifie d'aucune considération humanitaire ni d'aucun motif exceptionnel permettant une admission exceptionnelle et la délivrance d'un titre de séjour " vie privée et familiale " au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code susvisé ". Ce faisant le préfet a, contrairement à ce que soutient l'appelant, examiné sa demande sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. En cinquième et dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier et des circonstances exposées au point 6 ci-dessus, qu'en édictant la mesure d'éloignement contestée le préfet de la Guyane aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de M. D'haiti.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. D'haiti n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et celles tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D'haiti est rejetée.

Article 2: Le présent arrêt sera notifié à M. B...D'haiti et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera adressée au préfet de la Guyane.

Délibéré après l'audience du 5 mars 2018 à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Gil Cornevaux, président-assesseur,

Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 avril 2018.

Le rapporteur,

Florence Rey-GabriacLe président,

Pierre Larroumec

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

2

N° 17BX04032


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX04032
Date de la décision : 04/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : PIGNEIRA

Origine de la décision
Date de l'import : 10/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-04-04;17bx04032 ?
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