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03/04/2018 | FRANCE | N°16BX00779

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 03 avril 2018, 16BX00779


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Les sociétés SCAM TP, EHTP et SOGEA Sud-Ouest ont demandé au tribunal administratif de Pau de condamner le syndicat intercommunal à vocation unique (SIVU) de Beyrède-Jumet, Ilhet et Sarrancolin à leur verser la somme de 873 683,083 euros TTC qu'elles estiment leur être due au titre des travaux supplémentaires qu'elles ont dû engager pour l'exécution d'un marché relatif à la réalisation de l'assainissement collectif et séparatif des eaux usées.

Par un jugement n° 1401495 du 29 décembre 2015,

le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Les sociétés SCAM TP, EHTP et SOGEA Sud-Ouest ont demandé au tribunal administratif de Pau de condamner le syndicat intercommunal à vocation unique (SIVU) de Beyrède-Jumet, Ilhet et Sarrancolin à leur verser la somme de 873 683,083 euros TTC qu'elles estiment leur être due au titre des travaux supplémentaires qu'elles ont dû engager pour l'exécution d'un marché relatif à la réalisation de l'assainissement collectif et séparatif des eaux usées.

Par un jugement n° 1401495 du 29 décembre 2015, le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 25 février et 7 juillet 2016, les sociétés SCAM TP, EHTP et SOGEA Sud-Ouest, représentées par le cabinet d'avocats Gerando, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 29 décembre 2015 ;

2°) de condamner le SIVU à leur verser la somme de 730 504,25 euros HT, soit 873 683,083 € TTC assortie des intérêts moratoires capitalisés à compter du 9 novembre 2013 en règlement du marché relatif à la réalisation de l'assainissement collectif et séparatif des eaux usées ;

3°) de mettre à la charge du SIVU la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- le jugement attaqué a été rendu en méconnaissance du principe du contradictoire ;

- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de l'irrégularité du décompte ;

- le décompte général leur a été irrégulièrement notifié en méconnaissance des dispositions des articles 13-2, 13.3 et 13.4 du CCAG travaux et n'a, par suite, pas pu devenir définitif ;

- elles ont dû exposer des frais non prévus au marché pour le croisement de réseaux, pour la réalisation de sur-largeurs de tranchées, pour la fermeture quotidienne des tranchées et pour la prolongation du délai partiel D du secteur géographique n° 9 ;

- l'absence d'habilitation du signataire du mémoire en réclamation est sans incidence sur sa régularité dès lors que ce mémoire a été signé par le président de la société mandataire du groupement, que cette société était, à ce titre, habilitée à contester l'ensemble du décompte général du marché et que, s'agissant d'un groupement solidaire, chacun de ses membres pouvaient en faire autant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juin 2016, le SIVU conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 400 euros soit mise à charge solidaire des appelantes au titre des frais exposés pour l'instance.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est régulier dès lors qu'il appartenait aux appelantes de se manifester auprès du greffe pour obtenir la communication de son mémoire en défense et que les premiers juges ont implicitement mais nécessairement considéré que le document qu'elles ont signé correspond au décompte général du marché ;

- bien qu'il n'ait pas été notifié par ordre de service, le décompte général signé le 1er octobre 2013 est devenu définitif, faute d'avoir fait l'objet d'une réclamation ;

- en tout état de cause, le décompte général notifié le 12 novembre 2013 est devenu définitif dès lors que le signataire de la réclamation n'était pas contractuellement habilité à le contester, que cette réclamation ne concernait pas le groupement mais uniquement certains de ses membres et qu'elle n'a pas été adressée au maître d'oeuvre en méconnaissance des dispositions de l'article 13.45 du CCAG ;

- les frais supplémentaires dont les appelantes demandent le paiement correspondent à des prestations prévues au marché ou par avenant à ce marché.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 modifié approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M.B...,

- les conclusions de M. Katz, rapporteur public ;

- et les observations de Me A..., représentant le SIVU de Beyrède-Jumet, Ilhet et Sarrancolin.

Considérant ce qui suit :

1. Par acte d'engagement signé le 3 décembre 2009, le syndicat intercommunal à vocation unique (SIVU) de Beyrède-Jumet, Ilhet et Sarrancolin a conclu avec le groupement constitué des sociétés SCAM TP, EHTP, SOGEA Sud-Ouest, SNATP et Mur un marché relatif à la réalisation de l'assainissement collectif et séparatif des eaux usées. La réception des travaux a été prononcée à effet du 14 décembre 2012. Les sociétés SCAM TP, EHTP et SOGEA Sud Ouest demandent à la cour d'annuler le jugement du 29 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande tendant à ce que le SIVU soit condamné à leur verser la somme de 873 683,083 € TTC au titre des travaux supplémentaires qu'elles estiment avoir engagés pour l'exécution de ce marché.

Sur la régularité du jugement :

2. En vertu de l'article L. 5 du code de justice administrative, l'instruction des affaires est contradictoire. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 612-1 du même code : " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser ". L'article R. 611-1 prévoit que la requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties dans des conditions définies notamment par l'article R. 611-3 du code. Aux termes de ce dernier article : " Les décisions prises pour l'instruction des affaires sont notifiées aux parties (...). La notification peut être effectuée au moyen de lettres simples. / Toutefois, il est procédé aux notifications de la requête, des demandes de régularisation, des mises en demeure, des ordonnances de clôture, des décisions de recourir à l'une des mesures d'instruction prévues aux articles R. 621-1 à R. 626-3 ainsi qu'à l'information prévue à l'article R. 611-7 au moyen de lettres remises contre signature ou de tout autre dispositif permettant d'attester la date de réception (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au juge administratif d'inviter l'auteur d'une requête entachée d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte en cours d'instance à la régulariser et qu'il doit être procédé à cette invitation par lettre remise contre signature ou par tout autre dispositif permettant d'attester la date de réception. La communication au requérant par lettre simple d'un mémoire en défense soulevant une fin de non-recevoir ne saurait, en principe, dispenser le juge administratif de respecter l'obligation ainsi prévue, à moins qu'il ne soit établi par ailleurs que le mémoire en défense a bien été reçu par l'intéressé.

3. En l'occurrence, le SIVU a soulevé, dans son mémoire en défense devant le tribunal administratif, une fin de non recevoir, tirée du caractère définitif du décompte général du marché, que le tribunal a accueillie. Il ne résulte pas de l'instruction que ce mémoire ait été notifié aux demandeurs, lesquels ont d'ailleurs fait valoir cette absence de notification par une note en délibéré. Dans ces conditions, il y a lieu d'annuler le jugement du 29 décembre 2015 pour irrégularité. Dans les circonstances de l'espèce, il y a également lieu pour la cour de se prononcer immédiatement par voie d'évocation sur les demandes présentées par les appelantes devant le tribunal administratif de Pau.

Sur la recevabilité de la demande :

4. Aux termes de l'article 13.4 du cahier des clauses administratives générales - travaux approuvé par le décret n°76-87 du 21 janvier 1976 visé au titre des pièces constitutives du marché dans le cahier des clauses administratives particulières applicables au marché en cause (CCAG) : " 13.41. Le maître d'oeuvre établit le décompte général qui comprend : - le décompte final défini au 34 du présent article ; - l'état du solde établi, à partir du décompte final et du dernier décompte mensuel, dans les mêmes conditions que celles qui sont définies au 21 du présent article pour les acomptes mensuels ; - la récapitulation des acomptes mensuels et du solde. Le montant du décompte général est égal au résultat de cette dernière récapitulation. /13.42 Le décompte général, signé par la personne responsable du marché, doit être notifié à l'entrepreneur par ordre de service. .... /13.44. L'entrepreneur doit, dans un délai compté à partir de la notification du décompte général, le renvoyer au maître d'oeuvre, revêtu de sa signature, sans ou avec réserves, ou faire connaître les raisons pour lesquelles il refuse de le signer. Ce délai est (...) de quarante-cinq jours, dans le cas où le délai contractuel d'exécution du marché est supérieur à six mois. / Si la signature du décompte général est refusée ou donnée avec réserves, les motifs de ce refus ou de ces réserves doivent être exposés par l'entrepreneur dans un mémoire de réclamation qui précise le montant des sommes dont il revendique le paiement et qui fournit les justifications nécessaires en reprenant, sous peine de forclusion, les réclamations déjà formulées antérieurement et qui n'ont pas encore fait l'objet d'un règlement définitif ; ce mémoire doit être remis au maître d'oeuvre dans le délai indiqué au premier alinéa du présent article. Le règlement du différend intervient alors suivant les modalités indiquées à l'article 50. (...) /13.45. Dans le cas où l'entrepreneur n'a pas renvoyé au maître d'oeuvre le décompte général signé dans le délai de trente jours ou de quarante-cinq jours, fixé au 44 du présent article, ou encore, dans le cas où, L'ayant renvoyé dans ce délai, il n'a pas motivé son refus ou n'a pas exposé en détail les motifs de ses réserves en précisant le montant de ses réclamations, ce décompte général est réputé être accepte par lui ; il devient le décompte général et définitif du marché. "

5. Il résulte de l'instruction qu'en réponse au projet de décompte final que la société SCAM TP, mandataire du groupement d'entreprises lui avait précédemment adressé, le maître d'oeuvre a adressé à la société SCAM TP un courrier contenant un document intitulé " décompte général et définitif ". Ainsi qu'il était indiqué dans la lettre qui l'accompagnait, ce document comprenait le décompte final modifié par le maître d'oeuvre et arrêté à la somme de 7 685 294,66 euros TTC, la récapitulation des acomptes mensuels arrêtés à la somme de 7 658 922,93 euros TTC et l'état du solde fixé à la somme de 26 371,58 euros TTC. Par suite et contrairement à ce que soutiennent les appelantes, ce document constitue le décompte général du marché dont s'agit, bien qu'il n'ait pas été signé par le maître de l'ouvrage en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 13.42 du CCAG. La société SCAM TP a signé ce décompte sous réserves le 1er octobre 2013. Toutefois, il ressort expressément du " mémorandum " qu'elle a joint à cette signature que celui-ci ne valait pas réclamation.

6. Le décompte général du marché, revêtu cette fois de la signature du maître de l'ouvrage, a été une nouvelle fois notifié à la société SCAM TP le 12 novembre 2013, qui a refusé de le signer. Si les appelantes font valoir que ce second envoi du décompte général n'a pas été adressé au mandataire du groupement par ordre de service ainsi que le prévoient les dispositions de l'article 13.42 du CCAG, cette circonstance demeure sans incidence sur la régularité de la notification de ce décompte. Par suite, il appartenait au mandataire du groupement d'adresser au maître d'oeuvre un mémoire de réclamation dans le délai de 45 jours suivant cette notification. S'il n'est pas contesté que la société SCAM TP a bien adressé un mémoire en réclamation au maître de l'ouvrage le 20 novembre 2013, les appelantes ne justifient en revanche pas avoir adressé au moins une copie de ce mémoire au maître d'oeuvre en se bornant à produire une lettre intitulée " bordereau d'envoi " dont elles soutiennent qu'elle aurait accompagné l'envoi de cette réclamation au maître d'oeuvre.

7. Il résulte de ce qui précède que le SIVU est fondé à soutenir que le groupement n'établit pas avoir remis de mémoire en réclamation au maître d'oeuvre dans le délai de 45 jours prévus par les dispositions précitées de l'article 13.44 du CCAG et qu'en application des dispositions également précitées de l'article 13.45 du même cahier, le groupement doit être regardé comme ayant accepté sans réserve le décompte général du marché qui lui avait été notifié le 12 novembre 2013, de sorte que ce décompte général est devenu définitif. Dès lors, la demande présentée par les appelantes devant le tribunal administratif de Pau doit être rejetée comme tardive.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge du SIVU, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge des appelantes la somme que réclame le SIVU au titre des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Pau du 29 décembre 2015 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par les sociétés SCAM TP, EHTP et SOGEA Sud-Ouest devant le tribunal administratif de Pau et le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions du SIVU tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié aux sociétés SCAM TP, EHTP et SOGEA Sud-Ouest et au syndicat intercommunal à vocation unique de Beyrède-Jumet, Ilhet et Sarrancolin. Copie en sera adressée au préfet des Hautes-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 6 mars 2018 à laquelle siégeaient :

M. Didier Salvi, président,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller,

Mme Aurélie Chauvin, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 avril 2018

Le rapporteur,

Manuel B...Le président,

Didier SalviLe greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N°16BX00779


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX00779
Date de la décision : 03/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-02-01 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat. Règlement des marchés. Décompte général et définitif.


Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : CABINET GERANDO AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-04-03;16bx00779 ?
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