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21/03/2018 | FRANCE | N°18BX00979

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 21 mars 2018, 18BX00979


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 28 février 2018, la société anonyme Sanofi-Aventis France, représentée par MeE..., demande à la cour de prononcer la récusation de M. A...B...en tant que sapiteur désigné, le 3 janvier 2018, dans le cadre de l'expertise ordonnée le 25 octobre 2016 dans l'instance 16BX01900.

Elle soutient que :

- M. B...intervient en qualité d'expert de partie pour le compte de demandeurs dans le cadre d'instances en réparation de dommages corporels à l'encontre de laboratoires pharmaceutiques et notamment de Sanofi-

Aventis France ;

- il est ainsi récemment intervenu à l'occasion de deux procédu...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 28 février 2018, la société anonyme Sanofi-Aventis France, représentée par MeE..., demande à la cour de prononcer la récusation de M. A...B...en tant que sapiteur désigné, le 3 janvier 2018, dans le cadre de l'expertise ordonnée le 25 octobre 2016 dans l'instance 16BX01900.

Elle soutient que :

- M. B...intervient en qualité d'expert de partie pour le compte de demandeurs dans le cadre d'instances en réparation de dommages corporels à l'encontre de laboratoires pharmaceutiques et notamment de Sanofi-Aventis France ;

- il est ainsi récemment intervenu à l'occasion de deux procédures d'indemnisation dans laquelle elle est mise en cause ;

- il en découle que son impartialité peut être mise en doute ;

- or, en vertu de l'article R. 621-6 du code de justice administrative un expert peut être récusé pour les mêmes causes que les juges et ces derniers doivent être récusés s'il existe une raison sérieuse de mettre en doute leur impartialité, aux termes de l'article L. 721-1 du même code ;

- par ailleurs, M. B...est affilié à la compagnie des experts médecins près la cour d'appel de Paris et, de ce fait, soumis aux règles de déontologie édictées par le conseil national des compagnies d'experts de justice ;

- ces dernières prévoient notamment qu'un expert adhérent d'une compagnie membre du conseil national s'interdit d'accepter des missions de conseil dont le caractère récurrent pourrait être de nature à porter atteinte à son indépendance ou à en faire douter ;

- enfin, le maintien de M. B...en tant que sapiteur dans cette affaire serait contraire aux dispositions de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 mars 2018, M. B...conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la demande de la société Sanofi-Aventis France intervient tardivement, alors que la première réunion d'expertise est prévue le 29 mars 2018 ;

- il a effectivement donné un avis purement technique à deux patients, qui n'a porté que sur des questions pharmacologiques, lesquels ont ensuite saisi la Commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ;

- il est donc intervenu à cette occasion avant toute action entreprise à l'encontre de la société requérante et, de plus, trois autres laboratoires pharmaceutiques étaient concernés ;

- il n'entretient strictement aucun lien avec ces patients, pas plus qu'avec l'une des parties dans l'instance dans le cadre de laquelle il a été désigné par le président de la présente cour et il n'a pas travaillé directement ou indirectement sur le médicament Exacyl fabriqué par les laboratoires de la société Sanofi-Aventis France ;

- en conséquence, son impartialité ne saurait être mise en doute.

Un mémoire a été présenté, le 15 mars 2018, par la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde.

Un mémoire a été présenté, le 16 mars 2018, par la société Sanofi-Aventis France.

Un mémoire a été présenté, le 19 mars 2018, postérieurement à la clôture de l'instruction, par M.B....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu l'ordonnance du 3 janvier 2018 du président de la cour administrative d'appel de Bordeaux qui a désigné M. B...comme sapiteur auprès de M.F..., expert désigné dans l'instance 16BX01900.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rey-Bèthbéder, président-rapporteur,

- les conclusions de M. Katz rapporteur public,

- et les observations de MeE..., représentant la société Sanofi-Aventis France, et de MeG..., représentant MmeD....

Une note en délibéré a été présentée, le 20 mars 2018, pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Considérant ce qui suit :

1. Par ordonnance du 6 novembre 2015, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a prescrit une expertise médicale de MmeD..., qui a fait l'objet d'une endométrectomie par hystéroscopie au centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux le 26 août 2013. Dans le pré-rapport de l'expertise du 11 janvier 2016, qu'il a adressé aux parties, l'expert désigné a relevé que " le caractère exceptionnel et brutal des lésions de nécrose corticale rénale observées en l'absence de tout facteur de risque clinique ou biologique identifié fait évoquer une étiologie médicamenteuse " et qu'" un seul médicament administré au cours de l'intervention a été impliqué dans la survenue de nécroses corticales rénales (...), l'acide tranexamique (Exacyl) ". L'expert en a conclu que l'hypothèse la plus vraisemblable de l'origine de la nécrose corticale rénale bilatérale dont a souffert Mme D...et qui s'est traduite par une insuffisance rénale aiguë est l'administration de ce médicament. En conséquence de ces observations, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux d'étendre les opérations d'expertise à la société Sanofi-Aventis France qui produit ledit médicament, mais, par ordonnance du 19 mai 2016, ledit juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Cependant, le juge des référés de la présente cour, saisi par l'ONIAM, a annulé cette ordonnance et a étendu l'expertise précitée à la société Sanofi-Aventis France. Par la suite et à la demande de l'expert, M.F..., un sapiteur spécialisé en pharmacologie a été désigné, M.B..., par ordonnance du président de la présente cour du 3 janvier 2018. La société Sanofi-Aventis France demande à la cour de prononcer la récusation de ce sapiteur, lequel n'acquiesce pas à cette demande.

2. Aux termes de l'article R. 621-6 du code de justice administrative : "Les experts ou sapiteurs mentionnés à l'article R. 621-2 peuvent être récusés pour les mêmes causes que les juges (...) La partie qui entend récuser l'expert ou le sapiteur doit le faire avant le début des opérations ou dès la révélation de la cause de la récusation. ". Aux termes de l'article R. 621-6-4 de ce code : " Si l'expert acquiesce à la demande de récusation, il est aussitôt remplacé. / Dans le cas contraire, la juridiction (...) se prononce sur la demande, après audience publique dont l'expert et les parties sont avertis (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 721-1 du même code : " La récusation d'un membre de la juridiction est prononcée, à la demande d'une partie, s'il existe une raison sérieuse de mettre en doute son impartialité ".

3. Il résulte de l'instruction que M.B..., professeur de médecine à la réputation internationale et spécialisé en pharmacologie biologique, expert judiciaire près la cour de Paris et la cour administrative d'appel de Paris ainsi qu'auprès de la Commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CCI), a été consulté par deux personnes physiques afin de donner un avis technique sur le rôle joué par différents médicaments, dont l'un est fabriqué par la société requérante, dans l'apparition des affections présentées par ces personnes. Ses avis ont ensuite été produits par ces dernières à l'appui de demandes d'indemnisation formées auprès de la CCI.

4. Il ne résulte ni du contenu de ces avis pharmacologiques, rendus à la demande de patients avant toute démarche contentieuse et d'une nature strictement médicale, ni d'aucune autre pièce produite à l'instance, que M.B..., qui n'apparaît pas être membre ou proche d'aucune association dédiée à l'assistance aux victimes dans le cadre d'affaires de responsabilité médicale, puisse être regardé comme défavorable ou favorable à la société Sanofi-Aventis France. De même, la circonstance que ces documents ont été ensuite produits par les patients concernés au soutien de demandes d'indemnisation présentées à l'encontre de cette société ne saurait, dans les circonstances de l'espèce, davantage être regardée comme de nature à faire douter de son impartialité au sens des dispositions de l'article L. 721-1 du code de justice administrative, applicables aux experts en vertu des dispositions de l'article R. 621-6 du même code. Il n'est pas, en outre, établi que M. B...aurait été le conseil d'un des deux patients précités dans le cadre d'un recours exercé à l'encontre de la société requérante. Pour les mêmes motifs celle-ci n'est pas fondée à soutenir que la désignation en tant que sapiteur de M. B...méconnaîtrait les stipulations de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de la requête de la société Sanofi-Aventis France tendant à ce que la cour prononce la récusation de M. B...doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête n° 18BX00979 de la société Sanofi-Aventis France est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme Sanofi-Aventis France, à M. A...B..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à Mme C...D..., au centre hospitalier universitaire de Bordeaux, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde et à M. H...F..., expert.

Délibéré après l'audience du 20 mars 2018 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 mars 2018.

Le président-assesseur,

Didier Salvi

Le président

Éric Rey-BèthbéderLe greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX00979


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18BX00979
Date de la décision : 21/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Récusation

Analyses

Procédure - Instruction - Moyens d'investigation - Expertise.

Procédure - Incidents - Récusation.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Eric REY-BETHBEDER
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : SELARL BIROT - RAVAUT ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 22/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-03-21;18bx00979 ?
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