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20/03/2018 | FRANCE | N°17BX02674

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 20 mars 2018, 17BX02674


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...D...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les décisions du 27 mars 2017 par lesquelles le préfet de la Haute-Vienne a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office à défaut de se conformer à cette obligation.

Par un jugement n° 1700509 du 13 juillet 2017, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. >
Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 août 2017, le préfet de l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...D...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les décisions du 27 mars 2017 par lesquelles le préfet de la Haute-Vienne a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office à défaut de se conformer à cette obligation.

Par un jugement n° 1700509 du 13 juillet 2017, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 août 2017, le préfet de la Haute-Vienne demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 13 juillet 2017.

Il soutient que les premiers juges ont fait une mauvaise appréciation des éléments produits à l'appui de ses écritures afin de démontrer la disponibilité d'un traitement de

l'hépatite B en République démocratique du Congo et ont ainsi à tort estimé qu'il avait méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 janvier 2018, MmeD..., représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 800 euros soit mise à la charge de l'État et versée à son conseil sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- c'est à bon droit que le tribunal a estimé que le préfet ne justifiait pas, par des généralités sur le traitement de l'hépatite B, alors qu'elle est atteinte d'une souche très particulière, de la disponibilité en République démocratique du Congo du traitement approprié à son état ;

- l'arrêté contesté est entaché d'irrégularité pour défaut de saisine de la commission du titre de séjour ;

- il méconnait l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation et d'erreur de fait quant à sa situation ;

- il porte atteinte à sa vie privée et familiale en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par une décision du 30 novembre 2017 le bureau d'aide juridictionnelle a prononcé le maintien de plein droit de l'aide juridictionnelle au bénéfice de MmeD....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. MmeD..., ressortissante congolaise (République démocratique du Congo) née en mars 1978, est entrée en France au mois de février 2012. Le mois suivant elle a déposé une demande d'asile qui a été rejetée par décision du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), le 30 novembre 2012, et, en définitive, par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), le 8 juillet 2013. Mme D...s'est vu délivrer, entre le 16 décembre 2013 et le 7 août 2016, un titre de séjour en raison de son état de santé dont elle a sollicité le renouvellement le 2 août 2016 auprès du préfet de la Haute-Vienne. Par arrêté du 27 mars 2017, ce dernier a refusé de faire droit à sa demande de renouvellement de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office à défaut de se conformer à cette obligation. Le préfet de la Haute-Vienne relève appel du jugement rendu le 13 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Limoges a annulé son arrêté et lui a enjoint de délivrer à

Mme D...une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers du droit d'asile, dans sa version en vigueur à la date de la demande présentée par MmeD... : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à

l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. ".

3. Pour justifier le fait qu'il se soit écarté de l'avis émis par le médecin de l'agence régional de santé du 6 octobre 2016, par lequel il n'est pas lié, le préfet de la Haute-Vienne se prévaut d'un courriel du médecin référent de l'ambassade de France à Kinshasa du 5 septembre 2013, mentionnant notamment que l'on trouve, dans les pharmacies de la capitale de la République démocratique du Congo (RDC), toutes les spécialités usuelles et notamment les médicaments inscrits à la pharmacopée belge et française ou leurs équivalents importés depuis l'Inde, ainsi que d'un extrait de la liste nationale des médicaments essentiels et des renseignements fournis par la base de données médicales européennes Medical Country of Origin Information (MedCOI). S'agissant du traitement de l'hépatite B chronique à virus mutant dont Mme D...souffre, il ressort de ces éléments, notamment des fiches " MedCOI " produites par le préfet, que le Ténofovir, principe actif du Viread qui est le médicament antirétroviral prescrit à MmeD..., est disponible en RDC. Or, les certificats médicaux produits par l'appelante, qui se bornent à décrire ses pathologies et les caractéristiques du suivi médical dont elle bénéficie, ainsi que l'attestation du frère de l'intéressée, praticien hospitalier exerçant en France, spécialisé en chirurgie orthopédique, qui affirme " qu'il n'existe pas à [s]a connaissance de traitement approprié à la maladie virale du foie en République démocratique du Congo ", ne sont pas de nature à contredire les éléments circonstanciés produits par le préfet, dont il n'est pas démontré, ni même allégué qu'ils ne seraient plus d'actualité à la date de l'arrêté contesté, quant à la disponibilité dans ce pays d'un suivi médical et de traitements appropriés à la prise en charge médicale de MmeD.... Dans ces conditions, le préfet de la Haute-Vienne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont annulé les décisions contenues dans son arrêté du 27 mars 2017 au motif qu'il avait méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. Il suit de là qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par Mme D...devant le tribunal administratif de Limoges et devant la Cour.

Sur les autres moyens invoqués par Mme D... :

5. Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors en vigueur: " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. Par dérogation, à Paris, ce médecin est désigné par le préfet de police. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. Quand la commission médicale régionale a été saisie dans les conditions prévues à l'article R. 313-26, l'avis mentionne cette saisine. (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier de première instance que le préfet a produit l'avis du médecin de l'agence régionale de la santé, signé le 6 octobre 2016 par le docteur Françoise Archambeaud, qui comporte toutes les précisions qu'il lui incombait de transmettre au préfet. Par une décision du directeur général de l'agence régionale de santé du 13 mai 2014, publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Haute-Vienne n° 14 du 2 juin 2014, le docteur Archambeaud a été désigné pour émettre des avis dans le cadre de l'application de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré du caractère irrégulier et incomplet du médecin de l'agence régionale de santé doit être écarté.

7. Le préfet n'est tenu, en application des articles L. 312-2 et R. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de saisir la commission du titre de séjour que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions permettant d'obtenir de plein droit un titre de séjour, et non de tous les étrangers qui sollicitent un tel titre. Mme D... n'établissant pas être en situation de bénéficier de plein droit d'un titre de séjour en France sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour.

8. Compte tenu de ce qui a été dit au point 4, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation au regard de son état de santé et la méconnaissance des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étranger et du droit d'asile soulevé par Mme D...doit être écarté.

9. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 1 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de

1 'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

10. Il ressort des pièces du dossier que Mme D...est entrée irrégulièrement en 2012 sur le territoire français, à l'âge de 34 ans, et a ainsi passé l'essentiel de son existence en RDC, où elle ne conteste pas que vivent encore ses parents, sa fille et ses sept frères et soeurs. Les seules attaches familiales dont elle dispose en France sont constituées d'un frère. Elle est par ailleurs célibataire et n'établit pas avoir développé des liens d'une intensité particulière en France. Ainsi, en dépit d'un effort d'insertion dans la société française, marqué par son emploi en qualité d'aide soignante diplômée, la décision de refus de titre de séjour n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Vienne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a annulé son arrêté du 27 mars 2017. Par conséquent, les conclusions de l'intimée présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi

du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Limoges du 13 juillet 2017 est annulé.

Article 2 : La demande de Mme D...devant le tribunal administratif de Limoges est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de Mme D...présentées sur le fondement des

articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...D..., au ministre de l'intérieur et à MeC....

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 15 février 2018, à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme Aurélie Chauvin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 20 mars 2018.

Le rapporteur,

Aurélie A...

Le président,

Éric Rey-Bèthbéder

Le greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N°17BX02674


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX02674
Date de la décision : 20/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Aurélie CHAUVIN
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : KARAKUS

Origine de la décision
Date de l'import : 03/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-03-20;17bx02674 ?
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