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15/03/2018 | FRANCE | N°16BX01773

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 15 mars 2018, 16BX01773


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...C...a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision du 10 août 2015 par laquelle le préfet de La Réunion l'a mis en demeure de procéder, conformément à l'arrêt de la cour d'appel de Saint-Denis du 8 août 2013, à la démolition du bâtiment édifié sur la parcelle AO 382 à l'Entre-Deux.

Par un jugement n° 1500900 du 31 mars 2016, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistré

e le 31 mai 2016, M.C..., représenté par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du trib...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...C...a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision du 10 août 2015 par laquelle le préfet de La Réunion l'a mis en demeure de procéder, conformément à l'arrêt de la cour d'appel de Saint-Denis du 8 août 2013, à la démolition du bâtiment édifié sur la parcelle AO 382 à l'Entre-Deux.

Par un jugement n° 1500900 du 31 mars 2016, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 mai 2016, M.C..., représenté par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de La Réunion du 31 mars 2016 ;

2°) d'annuler la décision du 10 août 2015 par laquelle le préfet de La Réunion l'a mis en demeure de procéder, conformément à l'arrêt de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion du 8 août 2013, à la démolition du bâtiment édifié sur la parcelle AO 382 à l'Entre-Deux ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal ne répond pas à l'argument soulevé selon lequel l'acte du 10 août 2015 ne relèverait pas d'une " exception " prévue par l'arrêté du 1er septembre 2014 ; le tribunal n'a pas répondu à l'ensemble de ces arguments ;

- il n'est pas établi que le signataire de la décision attaquée disposait d'une délégation de signature régulière ayant fait l'objet d'une publication adéquate ;

- le plan d'occupation des sols sur le fondement duquel les poursuites ont été menées n'est plus en vigueur et au regard du nouveau plan local d'urbanisme, les constructions entreprises ne seraient plus contestables ;

- il a procédé à la régularisation sur site des bâtiments litigieux et les manquements en leur temps reprochés ont ainsi fait l'objet d'aménagements de nature à leur ôter tout caractère irrégulier, et à assurer à l'ouvrage dans son ensemble la destination agricole conforme aux prescriptions des permis délivrés et à la nature des travaux soumis à autorisation ;

- il a déposé une demande de permis de construire en date du 28 août 2015 aux fins de régularisation des travaux effectués, tant au regard du respect des prescriptions des permis initiaux qu'à celui des nouvelles dispositions réglementaires applicables à la zone A ; l'autorité administrative n'est pas tenue d'exécuter la démolition d'un ouvrage ordonnée par le juge judiciaire ; le préfet s'est mépris sur ses pouvoirs et a commis une erreur de droit en se croyant lié ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la construction a retrouvé une vocation agricole.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 septembre 2017, le ministre de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le sous-préfet de Saint-Pierre bénéficiait à la date de la mise en demeure contestée d'une délégation de signature du 1er septembre 2014, régulièrement publiée le 2 septembre 2014 ;

- il ressort du second procès-verbal du 23 septembre 2015, produit par le préfet de La Réunion en première instance, que le bâtiment litigieux à destination d'entrepôt de meubles constaté par le procès-verbal du 3 mars 2009 ne revêt toujours pas les caractéristiques d'un hangar agricole sur les deux niveaux de plancher ;

- si M. C...a présenté le 28 août 2015 une nouvelle demande de permis de construire pour le changement de destination d'une partie du hangar agricole en " boutique agricole ", cette demande a été classée par décision du 13 novembre 2015 du maire de l'Entre-Deux et si M. C...a obtenu le 28 avril 2016 un permis de construire tacite délivré par le maire de l'Entre-deux pour un changement de destination du rez-de-jardin du hangar agricole en boutique de vente de produits dérivés d'une exploitation agricole, par un jugement n° 1600473 du 24 mai 2017 le tribunal administratif de La Réunion a, sur déféré préfectoral, annulé ce permis au motif que les pièces produites par M. C..." ne sont pas de nature à caractériser l'existence d'une exploitation agricole, pas plus que d'une activité de vente de produits locaux en lien avec une exploitation agricole " ; dans ces conditions, la construction réalisée par M. C... n'a ni les caractéristiques d'un hangar agricole ni celles d'un projet " agro-touristique " au sens du règlement de la zone A du plan local d'urbanisme approuvé le 21 septembre 2011 par la commune de l'Entre-Deux.

Par ordonnance du 7 septembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 7 novembre 2011 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code pénal ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Claude Pauziès,

- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C...a obtenu le 17 octobre 2006 un permis de construire délivré par le maire de l'Entre-Deux pour édifier un hangar agricole d'une surface nette de 205 m² sur les parcelles AO 382, 255, 257, 258 et 256 au lieudit Grand Fond, situées en zone NC du plan d'occupation des sols alors applicable. M. C...a obtenu le 4 août 2008 un permis modificatif en vue de créer un vide sanitaire de 67 m², la surface nette restant la même. Le 3 mars 2009, un agent assermenté de l'Etat a dressé un procès-verbal constatant qu'une construction de 433,80 m² avait été réalisée comprenant un rez-de-jardin de 216,90 m² affecté à un usage d'entrepôt de meubles et de matériels agricoles et un rez-de-chaussée représentant la même superficie, entièrement affecté à un usage d'entrepôt de meubles, en méconnaissance des autorisations accordées et de la vocation agricole de l'opération. M. C...a obtenu le 30 avril 2009 un nouveau permis modificatif portant sur une surface nette de 135 m² et ayant pour objet " l'augmentation de l'emprise du vide sanitaire pour la réalisation d'une chambre froide, lié et nécessaire aux besoins de l'exploitation agricole ". Par un arrêt du 8 août 2013, la cour d'appel de Saint-Denis a confirmé le jugement du tribunal correctionnel de Saint-Pierre du 26 juin 2012 qui a notamment condamné M. C...à démolir les constructions irrégulièrement édifiées dans un délai de six mois. Le pourvoi en cassation formé par M. C...contre cet arrêt a été rejeté le 24 juin 2014. Le préfet de La Réunion a, par décision du 10 août 2015, mis en demeure l'intéressé de procéder à la démolition ordonnée par le juge pénal sous peine d'exécution d'office. M. C...relève appel du jugement n° 1500900 du 31 mars 2016 par lequel le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. M. C...reproche au tribunal de ne pas avoir répondu à son argument selon lequel l'administration ne justifiait pas que la décision litigieuse ne constituerait pas une exception prévue par l'arrêté de délégation de signature du 1er septembre 2014. Cependant, le tribunal n'est pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments présentés au soutien des moyens. Or le tribunal, qui avait communiqué au requérant les pièces annexées au mémoire en défense du préfet, parmi lesquelles figurait la décision de délégation intégrale, a expressément répondu au moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte au point 2 du jugement attaqué. Dès lors, le défaut de précision sur les exceptions au nombre desquelles ne figurait pas l'acte attaqué ne saurait en tout état de cause révéler un défaut de motivation du jugement attaqué. En outre, la critique du bien-fondé des motifs du jugement est sans incidence sur sa régularité.

Sur la légalité de la décision du 10 août 2015 :

3. Aux termes de l'article L. 480-9 du code de l'urbanisme : " Si, à l'expiration du délai fixé par le jugement, la démolition, la mise en conformité ou la remise en état ordonnée n'est pas complètement achevée, le maire ou le fonctionnaire compétent peut faire procéder d'office à tous travaux nécessaires à l'exécution de la décision de justice aux frais et risques du bénéficiaire des travaux irréguliers ou de l'utilisation irrégulière du sol. "

4. En premier lieu, il ressort du recueil spécial des actes administratifs de la préfecture de La Réunion n° 48 du 2 septembre 2014 publié le même jour que M. A...B..., sous-préfet de Saint-Pierre, avait reçu délégation par arrêté n° 2014-4368 du 1er septembre 2014 à l'effet de signer tous les arrêtés, actes et décisions établis en toutes matières intéressant son arrondissement à l'exclusion de certains actes, expressément énumérés par la décision à laquelle M. B...peut se reporter sans pouvoir exiger de la juridiction qu'elle en recopie la liste exhaustive, alors qu'il ne conteste nullement que la décision en litige ne fait pas partie de ces exceptions. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte ne peut qu'être écarté.

5. En deuxième lieu, lorsqu'une juridiction de l'ordre judiciaire a prononcé une condamnation à démolir une construction irrégulièrement réalisée et, en particulier, lorsque cette condamnation accompagne une sanction pénale, la personne condamnée s'expose à ce que la démolition soit réalisée d'office par l'autorité administrative en vertu de l'article L. 480-9 du code de l'urbanisme. Toutefois, cette dernière n'a, en vertu des termes mêmes de l'article L. 480-9, aucune obligation de faire démolir le bâtiment. Dans l'appréciation à laquelle il lui appartient de se livrer sur ce point, l'administration doit tenir compte de la possibilité éventuelle de délivrer une autorisation d'urbanisme de régularisation. Contrairement à ce que soutient M.C..., il ne ressort pas des termes de la décision attaquée que le préfet se serait cru en situation de compétence liée à la suite des décisions du juge judiciaire pour édicter la mise en demeure du 10 août 2015.

6. M. C...soutient qu'il a entrepris des travaux pour rendre à la construction litigieuse sa vocation agricole, en s'appuyant sur un constat d'huissier réalisé le 5 septembre 2015. Il ressort toutefois des photographies jointes à ce procès-verbal et d'un autre procès-verbal réalisé par un agent assermenté de la Direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement le 23 septembre 2015, que la construction litigieuse comporte deux niveaux de plancher, le rez-de-chaussée composé d'un vaste espace revêtu d'un parquet et de boiseries au plafond et le rez-de-jardin composé d'un espace ouvert sans porte ni système de fermeture. Ainsi, au vu de ces documents, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que les caractéristiques de ce bâtiment ne correspondent pas à celles d'un bâtiment agricole.

7. La légalité d'une décision s'appréciant à la date à laquelle elle est prise, M. C...ne peut utilement se prévaloir de la circonstance qu'il a déposé deux demandes de permis de construire de régularisation, postérieurement à la décision attaquée, le 28 août 2015 et le 5 novembre 2015, alors au demeurant qu'il est constant que la demande du 28 août 2015 a fait l'objet le 13 novembre 2015 d'un classement sans suite du fait de l'abandon du projet, et que le permis tacite ultérieurement obtenu a été annulé par le tribunal administratif sur déféré du préfet. Par ailleurs, l'appelant ne justifie pas en l'état des pièces du dossier que le projet conçu dans la demande du 5 novembre 2015 serait de nature à permettre la régularisation de la construction litigieuse au regard des dispositions du règlement du plan local d'urbanisme de la commune.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demande M. C...au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C...et au ministre de la cohésion des territoires. Copie en sera adressée au préfet de La Réunion.

Délibéré après l'audience du 8 février 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,

Mme Cécile Cabanne, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 mars 2018.

Le rapporteur,

Jean-Claude PAUZIÈSLe président,

Catherine GIRAULTLe greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

No 16BX01773


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX01773
Date de la décision : 15/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-05 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Contrôle des travaux.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Jean-Claude PAUZIÈS
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS PHILIPPO PRESSECQ

Origine de la décision
Date de l'import : 20/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-03-15;16bx01773 ?
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