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08/03/2018 | FRANCE | N°17BX03622

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 08 mars 2018, 17BX03622


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 25 avril 2017 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour pendant un an.

Par un jugement n° 1700863 du 26 octobre 2017, le tribunal administratif de Limoges a annulé l'arrêté du 25 avril 2017 et a enjoint au préfet de la Haute-Vienne de

délivrer à M. B..., dans un délai de quatre mois, un titre de séjour sur le fondeme...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 25 avril 2017 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour pendant un an.

Par un jugement n° 1700863 du 26 octobre 2017, le tribunal administratif de Limoges a annulé l'arrêté du 25 avril 2017 et a enjoint au préfet de la Haute-Vienne de délivrer à M. B..., dans un délai de quatre mois, un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 novembre 2017, le préfet de la Haute-Vienne, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 26 octobre 2017 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Limoges.

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, le refus de séjour ne méconnait pas les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; selon le certificat médical produit par M.B..., il souffre d'un stress post-traumatique accompagné d'un syndrome anxio-dépressif pour le traitement desquels il se voit administrer du seresta, du norset, du xeroquel et du theralène ; or, selon le courriel émanant de l'ambassade de France à Kinshasa, les pathologies psychiatriques, et en particulier le syndrome de stress-post-traumatique, sont pris en charge dans ce pays ; la fiche sanitaire de la RDC atteste également de l'existence d'une offre de soins pour les pathologies psychiatriques ; il en est de même de la liste des médicaments essentiels en RDC ; les fiches MedCOI 2016/2017 et un courriel du conseiller santé du ministère de l'intérieur du 1er septembre 2017 confirment que la mirtazapine et l'oxazépam sont disponibles et que la prométhazine a les mêmes propriétés que l'alimémazine ;

- enfin, si certains médicaments ne sont pas disponibles en RDC, ils peuvent cependant être remplacés par d'autres, à moins que le ressortissant étranger démontre que leur substitution n'est pas possible, ce que n'établit pas M.B....

Par ordonnance du 27 décembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 31 janvier 2018 à 12 heures.

M.B..., représenté par MeA..., a présenté un mémoire le 6 février 2018.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 mars 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sabrina Ladoire,

- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., ressortissant congolais né le 5 juillet 1982, déclare être entré en France le 17 janvier 2014. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 30 juillet 2014, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 13 février 2015. Il s'est vu délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade, valable du 24 juin au 23 décembre 2016, dont il a sollicité le renouvellement le 20 décembre 2016. Par un arrêté du 25 avril 2017, le préfet de la Haute-Vienne a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français durant un an. Le préfet de la Haute-Vienne relève appel du jugement du 26 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Limoges a annulé l'arrêté du 25 avril 2017 et lui a enjoint de délivrer à M. B...un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur la légalité de l'arrêté :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) ". En vertu de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. Par dérogation, à Paris, ce médecin est désigné par le préfet de police. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. Quand la commission médicale régionale a été saisie dans les conditions prévues à l'article R. 313-26, l'avis mentionne cette saisine. / L'étranger mentionné au 11° de l'article L. 313-11 qui ne remplirait pas la condition de résidence habituelle peut recevoir une autorisation provisoire de séjour renouvelable pendant la durée du traitement ". Enfin, l'arrêté du 9 novembre 2011 pris pour l'application de ces dispositions prévoit que le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale, si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, s'il existe dans le pays dont l'étranger est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale, quelle est la durée prévisible du traitement, et peut, dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays.

3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

4. Par un avis du 19 janvier 2017, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de M. B...nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, que les soins devaient être poursuivis pendant six mois et que l'intéressé ne pouvait avoir accès à un traitement approprié dans son pays d'origine. Le préfet de la Haute-Vienne, qui n'était pas lié par cet avis, a refusé de lui délivrer le titre de séjour qu'il avait sollicité au motif qu'un traitement approprié existe dans son pays d'origine.

5. Pour annuler le refus opposé par le préfet à la demande de carte de séjour présentée par M. B...sur le fondement des dispositions citées au point 2, le tribunal administratif a estimé que le préfet, en produisant un document d'ordre général datant de 2013 et une liste de médicaments n'ayant pas été mise à jour depuis 2010, n'avait pas apporté d'éléments permettant de remettre en cause l'appréciation individualisée portée par le médecin de l'ARS sur la situation de M.B....

6. Il ressort des pièces du dossier que M.B..., originaire de la République démocratique du Congo, souffre de troubles anxio-dépressifs résultant d'un stress post-traumatique pour lesquels lui a été prescrit un traitement antidépresseur et anxiolytique. Pour remettre en cause la présomption d'indisponibilité des soins résultant de l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de la santé, le préfet de la Haute-Vienne se prévaut d'un courriel du médecin référent de l'ambassade de France à Kinshasa daté du 5 septembre 2013, mentionnant notamment que l'on trouve, dans les pharmacies de la capitale de la République démocratique du Congo, toutes les spécialités usuelles et notamment les médicaments inscrits à la pharmacopée belge et française ou leurs équivalents importés depuis l'Inde, de la liste nationale des médicaments essentiels établie en 2010 par le ministère de la santé publique de République démocratique du Congo avec l'appui notamment de l'Organisation mondiale de la santé, ainsi que des renseignements fournis par la base de données médicales européennes Medical Country of Origin Information (MedCOI), regroupés, s'agissant des traitements psychiatriques, dans des fiches datant notamment des 19 août 2016 et 2 mai 2017. Selon ces éléments, les stress post-traumatiques, qui correspondent à une pathologie courante en République démocratique du Congo, peuvent être soignés dans ce pays, et en particulier à Kinshasa. M. B...produit néanmoins, pour contester cette décision de refus de séjour, des prescriptions médicales datées du 25 octobre 2016 et du 15 septembre 2017, mentionnant que son état de santé nécessite l'administration de mirtazapine (norset), d'oxazépam (seresta), d'hydroxysine (atarax), de xeroquel et de théralène (à base d'alimémazine, un anti-histaminique). Selon les fiches MedCOI de 2016-2017, la mirtazapine et l'oxazépam sont disponibles en République démocratique du Congo. De même, le courriel du conseiller santé du ministre de l'intérieur daté du 1er septembre 2017, produit par le préfet, indique que la prométhazine, disponible ce pays, a les mêmes propriétés que l'alimémazine et l'hydroxysine. Toutefois, s'agissant du xéroquel, dont le principe actif repose sur la quétiapine, celui-ci ne figure pas sur la liste nationale des médicaments essentiels disponibles en République démocratique du Congo, et il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que des traitements disponibles dans ce pays pourraient s'y substituer. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que M. B...ne pouvant disposer, dans son pays d'origine, d'un traitement médical approprié à son état de santé, la décision de refus de séjour méconnaissait les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Haute-Vienne n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a annulé l'arrêté du 25 avril 2017.

DECIDE :

Article 1er : La requête du préfet de la Haute-Vienne est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M.C..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et au préfet de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 7 février 2018 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président- assesseur,

Mme Sabrina Ladoire, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 8 mars 2018.

Le rapporteur,

Sabrina LADOIRELe président,

Aymard de MALAFOSSELe greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 17BX03622


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX03622
Date de la décision : 08/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Sabrina LADOIRE
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : DUPONTEIL

Origine de la décision
Date de l'import : 13/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-03-08;17bx03622 ?
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