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08/03/2018 | FRANCE | N°16BX03298

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 08 mars 2018, 16BX03298


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C...a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision du 15 A...2015 par laquelle le président de la chambre de commerce et d'industrie de La Réunion (CCIR) lui a infligé la sanction de l'exclusion temporaire pour une durée de six mois.

Par un jugement n° 1500440 du 30 juin 2016, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 5 octobre 2016 et 6 janvier 2017, Mme

C..., représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 30 juin 2016 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C...a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision du 15 A...2015 par laquelle le président de la chambre de commerce et d'industrie de La Réunion (CCIR) lui a infligé la sanction de l'exclusion temporaire pour une durée de six mois.

Par un jugement n° 1500440 du 30 juin 2016, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 5 octobre 2016 et 6 janvier 2017, Mme C..., représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 30 juin 2016 du tribunal administratif de La Réunion ;

2°) d'annuler la décision attaquée ;

3°) de mettre à la charge de la CCIR une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ;

- la sanction a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière ; en effet, elle n'a pas eu accès à son dossier avant la réunion de la commission paritaire régionale ; le courrier du 18 mars 2015 l'informant de la possibilité de consulter son dossier ne lui a été adressé que le 2 A...2015, jour du rendez-vous avec M. Grindu, président de la commission paritaire régionale ; les bureaux de la CCIR étaient fermés les vendredi 3 A...et lundi 6 A...2015, et la commission paritaire régionale s'est réunie le 7 A...2015 ;

- de plus, et ainsi que cela ressort de l'attestation de remise de pièces du 16 mars 2015, en prenant connaissance des pièces adressées par la partie adverse, elle a pu constater que la pièce n° 28 du dossier d'enquête interne ne lui a pas été communiquée dans son intégralité, alors pourtant qu'elle était essentielle puisqu'elle comportait les conclusions tirées par les auteurs de l'enquête ; une partie des conclusions des enquêteurs a été masquée en noir ;

- les modalités de déroulement de cette enquête interne ne sont pas précisées, notamment la teneur des questions posées aux agents ; ses droits de la défense ont par suite été méconnus ;

- cette enquête n'a pas été menée par des personnes indépendantes, et n'est ni datée, ni signée ; l'administration ne saurait se constituer une preuve à soi-même ;

- la composition de la commission paritaire régionale est irrégulière ; ont en effet assisté au vote des personnes non-prévues par les dispositions pertinentes des statuts de la chambre de commerce et d'industrie ; la présence de conseillers techniques a eu une incidence sur le sens du vote ;

- la décision n'est pas motivée en droit et en fait ; les motifs sont énoncés de manière vague ;

- la décision est fondée sur des griefs vagues et invérifiables ; aucune preuve n'est apportée par l'employeur ; les faits de harcèlement à l'encontre de deux agents, qui n'ont pas porté plainte, ne sont pas établis ;

- la sanction repose sur une erreur d'appréciation ;

- la sanction est entachée d'un détournement de pouvoir ;

- la décision de suspension conservatoire du 9 février 2015 est entachée d'un vice d'incompétence et est par suite illégale.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 décembre 2016, la CCIR, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme C...d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le recours de Mme C...est tardif et, par suite, irrecevable ;

- pour soutenir qu'elle n'a pas eu accès à son entier dossier, Mme C...se fonde sur l'attestation de remise des pièces qui indique par erreur que le rapport d'enquête interne comporte 14 pages ; son dossier comportait l'intégralité de ce document ; en tout état de cause, la page 15 du rapport en cause est consacrée à la conclusion des enquêteurs, et se borne à résumer les griefs exposés dans les pages précédentes ;

- Mme C...a disposé du temps suffisant pour consulter son dossier ; le courrier l'invitant à consulter son dossier date du 6 mars 2015, et non du 18 mars 2015 ; le courrier du 18 mars 2015 se borne à lui rappeler cette possibilité ; elle a attendu le 16 mars 2015 pour en prendre connaissance ; elle a donc disposé du temps nécessaire pour préparer sa défense avant l'entretien préalable du 16 mars 2015 et avant sa rencontre avec la président de la commission paritaire régionale le 2 A...2015 ;

- l'enquête interne a été menée par des personnes indépendantes et le rapport comporte les explications fournies par Mme C...;

- l'absence de mention de la qualité de représentante syndicale de Mme C...est sans incidence sur la régularité de la procédure, ainsi que l'ont estimé les premiers juges ;

- à l'appui de sa contestation de la régularité de l'avis de la commission paritaire régionale, la requérante invoque des dispositions qui ne comportent aucune exigence ; s'agissant de la composition de cette commission, il convient de distinguer les membres ayant voix délibérative, des participants n'ayant pas voix délibérative ;

- la sanction repose sur des faits précis ;

- les faits reprochés sont établis, notamment par les témoignages concordants des agents, et justifient, compte tenu de leur gravité, la sanction prononcée ;

- le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi, les différentes affectations de l'intéressée ayant été jugées légales.

Par une ordonnance du 8 novembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 15 décembre 2017 à 12h00.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 ;

- le statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy,

- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. MmeC..., agent titulaire de la chambre de commerce et d'industrie de La Réunion (CCIR) depuis le 1er novembre 1996, a été affectée à partir du 28 janvier 2013 au poste d'assistante de direction du port de plaisance de Saint-Gilles. Le lundi 9 février 2015, date de sa reprise de fonctions après un congé maladie, les agents du port ont manifesté auprès de la direction de la CCIR leur volonté d'exercer leur droit de retrait, faisant état de graves difficultés à travailler avec la directrice du port et son adjointe. Mme C...a fait l'objet, le jour même, d'une mesure de suspension à titre conservatoire sur le fondement de l'article 37 du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie. La CCIR a diligenté une enquête interne, confiée à la directrice du pôle Formation et à la responsable des ressources humaines de la chambre, et une procédure disciplinaire a été engagée à l'encontre de Mme C.... Par une décision du 15 A...2015, le président de la CCIR a infligé à Mme C... la sanction de l'exclusion temporaire pour une durée de six mois. Le tribunal administratif de La Réunion a, par un jugement du 30 juin 2016, rejeté le recours de Mme C... contre cette sanction. Cette dernière relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. L'article 36 du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie dispose qu'une mesure disciplinaire doit être adaptée à la nature des fautes et proportionnée à sa gravité et prévoit les sanctions de l'avertissement, du blâme, de l'exclusion temporaire, de la rétrogradation et de la révocation. Il indique aussi que " dans toute la mesure du possible, un principe de progressivité est appliqué ". L'article 37 de ce statut précise, d'une part, que les sanctions d'exclusion temporaire sans rémunération pour une durée de seize jours à six mois maximum, de rétrogradation et de révocation doivent être prononcée après consultation de la commission paritaire régionale, d'autre part, qu'avant toute sanction autre que l'avertissement, l'agent doit pouvoir prendre connaissance de son dossier, être informé des faits qui lui sont reprochés et pouvoir présenter sa défense devant le président de la commission paritaire régionale, et enfin, que " toute sanction doit être motivée ". Enfin, aux termes de l'article 6.2.1 du statut : " Il est créé une Commission Paritaire Régionale propre à chaque Chambre de Commerce et d'Industrie de Région (...) Cette commission est composée de membres de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Région concernée dont le Président ou son représentant et de représentants élus par le personnel en son sein. Cette représentation est respectivement de 5 membres composant la délégation employeur et 5 représentants élus par le personnel dans les CCIR dont l'effectif est inférieur ou égal à 500 agents (...). ".

3. En premier lieu, Mme C...a été informée par un courrier du 6 mars 2015 de la possibilité de consulter son dossier. Il ressort de l'attestation de remise de pièces, signée par ses soins, qu'elle a effectivement consulté son dossier et récupéré l'ensemble des documents y figurant le 16 mars 2015. La circonstance que la dernière page du rapport d'enquête interne ne figurait pas dans son dossier ne l'a privée d'aucune garantie dès lors que cette page comporte seulement une synthèse commentée des éléments recensés au cours de l'enquête et décrits aux pages précédentes du rapport. Dans ces conditions, et ainsi que l'exigent les dispositions de l'article 37 du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie, Mme C... a pu prendre connaissance de son dossier avant de présenter sa défense devant le président de la commission paritaire régionale le 2 A...2015.

4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'enquête interne au sein de la CCIR a été menée par deux agents de la CCIR extérieurs au service du port de Saint-Gilles, et a consisté à entendre chacun des agents de ce service, y compris Mme C...et la directrice du port. Dans ces conditions, la requérante ne peut soutenir que ses droits de la défense auraient été méconnus.

5. En troisième lieu, il ressort du relevé de décisions de la commission paritaire régionale du 7 A...2015, que M.D..., vice-président de la commission, a participé au vote en qualité de membre de la délégation employeur. Par ailleurs, si des conseillers techniques de la direction et des organisations syndicales ont assisté à la réunion de la commission, seuls les cinq membres composant la délégation employeur et les cinq représentants élus par le personnel ont participé au vote relatif à l'avis des membres de la commission sur la sanction à infliger à Mme C..., et il n'est nullement établi que la présence des conseillers techniques aurait été de nature à influencer ce vote. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 6.2.1 du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie doit dès lors être écarté.

6. En quatrième lieu, et ainsi que l'ont relevé les premiers juges, la décision attaquée comporte de manière suffisamment précise les considérations de fait qui la fondent et est ainsi suffisamment motivée en fait, alors même que certains des faits énoncés ne seraient pas établis.

7. En cinquième lieu, il est reproché à Mme C...par la décision litigieuse d'avoir signé un courrier à destination de l'administration fiscale sans bénéficier d'une délégation de signature à cet effet, d'avoir manqué à son obligation de réserve et de discrétion, d'avoir porté atteinte à l'image de l'institution en faisant paraitre un article dans la presse locale, d'être allée à l'encontre des intérêts de l'institution en demandant à un prestataire d'appliquer des pénalités de retard ou d'engager un contentieux contre la CCIR, d'avoir demandé à des collaborateurs de badger à sa place, et enfin divers " manquements mettant en danger la sécurité et la santé au travail " consistant en des propos dénigrants, humiliants et agressifs envers le personnel, l'absence de concertation, ainsi que le fait de propager des rumeurs sur les agents du port s'accompagnant de propos diffamatoires et d'allusions à caractère sexuel.

8. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il ressort des témoignages précis et concordants de l'ensemble des agents du port de Saint-Gilles, recueillis au cours de l'enquête interne mentionnée au point 1, que Mme C...a tenu à de nombreuses reprises, à leur égard ou concernant d'autres membres du personnel de la CCIR, des propos insultants et outrageants, adopté une attitude de dénigrement systématique, et a également colporté des rumeurs attentatoires à leur vie privée. Ce comportement a conduit à une détérioration de l'atmosphère de travail au sein du port, au point que, le 9 février 2015, l'ensemble des agents ont décidé de faire valoir leur droit de retrait. L'enquête interne a ainsi mis en lumière les difficultés liées à ce comportement inadapté, l'ensemble des agents du port faisant état du caractère humiliant et agressif de ces propos, générant une forte tension au sein du service, ainsi que cela ressort notamment du courrier du médecin du travail adressé le 18 février 2015 au président de la CCIR pour l'alerter sur l'état de " malaise et de mal-être " au travail de l'ensemble des agents du port de Saint-Gilles. Il ressort également des pièces du dossier qu'à la suite de sa suspension à titre conservatoire, la requérante s'est exprimée dans la presse locale pour dénoncer, sans aucun commencement de preuve, une " discrimination sexiste " pour avoir " résisté au droit de cuissage ", propos portant gravement atteinte à l'image de l'institution. En revanche, la matérialité des autres griefs fondant la sanction litigieuse, dont la réalité ne saurait résulter des seules déclarations des agents du port de Saint-Gilles, n'est pas établie par les pièces versées au dossier.

9. En sixième lieu, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

10. Compte tenu des griefs que le présent arrêt considère comme ayant été légalement retenus, lesquels présentent un caractère fautif, et eu égard à leur gravité, le président de la CCIR n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées en infligeant à Mme C...la sanction d'exclusion temporaire pour une durée de six mois.

11. En septième lieu, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.

12. Enfin, l'irrégularité invoquée de la décision du 9 février 2015 du président de la CCIR de suspendre à titre conservatoire Mme C...est en tout état de cause dépourvue d'incidence sur la légalité de la sanction querellée.

13. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la CCIR, que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de la CCIR, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur le même fondement par la CCIR.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la CCIR sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C...et à la chambre de commerce et d'industrie de La Réunion (CCIR). Copie en sera adressée au Préfet de La Réunion et à la ministre des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 7 février 2018 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 8 mars 2018.

Le rapporteur,

Marie-Pierre BEUVE DUPUYLe président,

Aymard de MALAFOSSELe greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 16BX03298


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX03298
Date de la décision : 08/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Commerce - industrie - intervention économique de la puissance publique - Organisation professionnelle des activités économiques - Chambres de commerce et d'industrie - Personnel.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Motifs - Faits n'étant pas de nature à justifier une sanction.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS RACINE OCEAN INDIEN

Origine de la décision
Date de l'import : 13/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-03-08;16bx03298 ?
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