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08/03/2018 | FRANCE | N°16BX01340

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 08 mars 2018, 16BX01340


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MmeC... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler, d'une part, la mise en demeure pour abandon de poste datée du 10 septembre 2012, et d'autre part, la décision en date du 12 novembre 2012 par laquelle le président de l'université Toulouse II - le Mirail l'a radiée du corps des adjoints techniques de recherche et de formation.

Par un jugement n° 1205176, 1300222 du 18 février 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes.

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Par une requête enregistrée le 15 avril 2016, MmeA..., représentée par MeB..., deman...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MmeC... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler, d'une part, la mise en demeure pour abandon de poste datée du 10 septembre 2012, et d'autre part, la décision en date du 12 novembre 2012 par laquelle le président de l'université Toulouse II - le Mirail l'a radiée du corps des adjoints techniques de recherche et de formation.

Par un jugement n° 1205176, 1300222 du 18 février 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 avril 2016, MmeA..., représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 18 février 2016 ;

2°) d'annuler la décision du 12 novembre 2012 ayant prononcé sa radiation du corps des adjoints techniques de recherche et de formation ;

3°) de mettre à la charge de l'Université Toulouse II - Le Mirail une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision de radiation des cadres est entachée d'un vice de procédure ; en effet, elle n'a jamais abandonné son poste, ayant d'ailleurs communiqué l'intégralité des certificats médicaux justifiant du fait qu'elle ne pouvait reprendre son activité ; le tribunal n'a pas répondu sur ce point ;

- cette décision est dépourvue de base légale dès lors qu'elle se fonde sur une mise en demeure du 10 septembre 2012 qui est elle-même entachée d'illégalité : cette mise en demeure ne comporte aucune motivation et ne vise pas les textes sur le fondement desquels elle a été prise ; le juge n'a pas répondu à ce moyen ;

- il ne saurait lui être reproché, pour caractériser un abandon de poste, de n'avoir pas repris ce poste qui ne correspondait pas aux prescriptions médicales ; l'administration n'a jamais manifesté de compréhension et de compassion à son égard, contestant d'ailleurs que l'agression dont elle avait été victime puisse être qualifiée d'accident du travail ; contrairement aux préconisations médicales, elle ne lui a pas proposé un poste sur lequel elle ne courrait pas le risque de croiser son agresseur ;

-cette décision ne mentionne pas avec précision les voies et délais de recours permettant de la contester.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juin 2017, l'Université Toulouse II - Le Mirail, conclut au rejet de la requête de MmeA....

Il soutient que :

- l'ensemble des avis émis par la commission de réforme, le comité médical et le médecin de prévention ont estimé que la requérante était apte à reprendre ses fonctions ; ses arrêts de travail qui ne présentaient aucun élément nouveau ne pouvaient dès lors être pris en considération ;

- le fait que les voies et délais de recours n'aient pas été mentionnés sur la décision est sans incidence sur sa légalité ;

- un courrier de mise en demeure ne constitue pas une décision individuelle défavorable et n'a donc pas à être motivé conformément à l'article L. 211-2 du code de relations entre le public et l'administration ; la mise en demeure doit seulement indiquer à l'agent concerné le risque de radiation des cadres qu'il encourt et le délai dans lequel il doit reprendre ses fonctions ; or, la mise en demeure du 10 septembre 2012 comporte ces mentions ; elle est également suffisamment motivée en fait ;

- contrairement à ce que soutient la requérante, la proposition de poste qui lui a été faite correspond aux préconisations du comité médical puisqu'il s'agit d'un nouveau poste sous l'autorité de personnes sans lien avec son précédent supérieur hiérarchique ; le responsable administratif et financier a confirmé que ce poste lui éviterait d'être en relation quotidienne avec la personne qu'elle accuse d'agression ; l'université ne disposait d'ailleurs d'aucun autre établissement à Albi.

Par ordonnance du 21 août 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 31 octobre 2017 à 12h00.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sabrina Ladoire,

- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., adjointe technique de recherche et de formation de 2ème classe (échelon 4), ATRF, affectée sur le site de l'IUFM d'Albi, en qualité d'aide-documentaliste, a fait l'objet, le 22 décembre 2008, d'une agression physique et verbale d'un collègue de travail, sur son lieu de travail, lui occasionnant un choc psychologique. Par arrêté du 4 juin 2009, rendu à la suite d'une expertise médicale, le président de l'Université de Toulouse II - Le Mirail a reconnu comme imputable au service l'accident qu'elle avait subi le 22 décembre 2008. Le 8 juillet 2009, l'expert médical, après avoir relevé que l'intéressée souffrait d'un trouble anxieux de type névrose post-traumatique chronique avec une composante agoraphobique, a préconisé sa mutation rapide dans un autre établissement albigeois. La commission de réforme a également préconisé, dans son avis du 8 septembre 2009, la mutation de l'intéressée au sein d'un autre établissement. Par un avis du 25 novembre 2010, la commission de réforme a enfin estimé que l'intéressée était apte à reprendre le travail le 26 octobre 2010. Par courrier du 22 octobre 2010, l'IUFM a alors proposé à Mme A...de l'affecter sur le site de Saint-Agne, situé à Toulouse, pour le 4 novembre 2010. Toutefois, par courrier du 25 janvier 2011, l'intéressée s'est opposée à cette nouvelle affectation en invoquant des " problèmes matériels et familiaux manifestes ". Le 21 avril 2011, la commission de réforme a réitéré son avis selon lequel Mme A...était apte à reprendre ses fonctions le 26 avril 2010 sur un poste différent de celui qu'elle occupait précédemment, mais toujours basé à Albi, afin de prendre en considération la volonté de l'intéressée de ne pas être affectée sur un autre site. Le 10 mai 2011, Mme A...a donc été invitée à se présenter sur le site de la médiathèque d'Albi. Le contrôle médical du 19 octobre 2011 a ensuite confirmé son aptitude à reprendre ses fonctions le 26 novembre 2010. Le 24 janvier 2012, le comité médical, saisi par l'IUFM, s'est prononcé dans le même sens en préconisant le placement de l'intéressée en disponibilité d'office durant six mois. Par arrêté du 10 février 2012, Mme A... a alors été placée en disponibilité d'office du 26 novembre 2011 au 25 mai 2012. Enfin, par un avis du 2 mai 2012, le médecin de prévention de l'Université a confirmé que la proposition de poste à la médiathèque d'Albi correspondait à un " aménagement de poste compatible avec sa situation médicale ". Par courrier du 10 juillet 2012, le président de l'université Toulouse II - Le Mirail a donc enjoint à Mme A...de reprendre son poste à compter du 23 août 2012. Cette dernière, estimant que son état médical ne lui permettait pas de reprendre ses fonctions, n'a cependant pas déféré à cette injonction et a produit de nouveaux arrêts de travail. Par courrier en date du 10 septembre 2012, le président de l'université Toulouse II - Le Mirail, a mis en demeure l'intéressée de reprendre ses fonctions dans les 72 heures de sa notification, sous peine de voir prononcée sa radiation des cadres. Par arrêté du 12 novembre 2012, le président de l'université de Toulouse II - Le Mirail a finalement prononcé sa radiation du corps des adjoints techniques de recherche et de formation pour abandon de poste. Par deux requêtes distinctes, Mme A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler, d'une part, cette mise en demeure et, d'autre part, la décision par laquelle le président de l'université de Toulouse II - Le Mirail l'a radiée du corps des adjoints techniques de recherche et de formation. Par un jugement n° 1205176, 1300222 du 18 février 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté comme irrecevable sa demande tendant à l'annulation de la mise en demeure et comme non fondée sa demande dirigée contre la décision ayant prononcé sa radiation des cadres. Mme A...relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté cette dernière demande.

Sur la légalité de la décision de radiation des cadres :

2. Une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste ne peut être régulièrement prononcée que si l'agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai approprié qu'il appartient à l'administration de fixer. Une telle mise en demeure doit prendre la forme d'un document écrit, notifié à l'intéressé, l'informant du risque qu'il encourt d'une radiation des cadres sans procédure disciplinaire préalable. Lorsque l'agent refuse, sans raison valable, de se présenter avant l'expiration du délai fixé par la mise en demeure, l'administration est en droit d'estimer que le lien avec le service a été rompu du fait de l'intéressé et de prononcer sa radiation des cadres pour abandon de poste.

3. En premier lieu, et d'une part, comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, la mise en demeure du 10 septembre 2012 n'est pas au nombre des décisions devant être motivées en application de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 alors applicable. D'autre part, et en tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que, par courrier du 10 septembre 2012, reçu par Mme A...le 25 septembre suivant, le président de l'Université, après avoir constaté que l'intéressée n'avait pas repris son poste malgré les injonctions qui lui avaient été adressées en ce sens les 3, 15 et 22 mai 2012 ainsi que le 10 juillet 2012, l'a mise en demeure de reprendre ses fonctions à la médiathèque d'Albi dans les 72 heures suivant la notification de ce courrier, en appelant son attention sur le fait que les certificats médicaux pour accident de travail qu'elle avait fournis ne pouvaient être regardés comme des justificatifs d'absence légitime et sur le risque auquel elle s'exposait d'être radiée des cadres sans que les garanties disciplinaires lui soient applicables. Mme A...a ainsi été régulièrement mise en demeure de reprendre son service dans un délai approprié.

4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier qu'un rapport d'expertise médicale du 19 octobre 2011 a conclu à l'aptitude de Mme A...à reprendre son travail " sur un poste différent de celui occupé avant l'accident de travail et basé sur Albi ", ce qu'a entériné le comité médical dans un avis du 24 janvier 2012. Par un avis du 2 mai 2012, le médecin de prévention de l'Université a confirmé de nouveau que la proposition de poste à la médiathèque d'Albi correspondait à un " aménagement de poste compatible avec sa situation médicale ". Dans ces conditions, et contrairement à ce que soutient la requérante, son affectation à la médiathèque d'Albi correspondait non seulement aux préconisations du comité médical, mais prenait également en compte son souhait de se maintenir à Albi. Par suite, le président de l'Université pouvait légalement demander à MmeA..., par des courriers datés des 3, 15 et 22 mai 2012, de se présenter, le 29 mai 2012, à la médiathèque d'Albi pour occuper ses nouvelles fonctions et lui enjoindre, par courrier du 10 juillet 2012, de reprendre son poste le 23 août suivant. Pour justifier le fait qu'elle n'a pas repris ses fonctions, l'intéressée a néanmoins produit des arrêts de travail portant sur les périodes du 1er mai au 1er juillet 2012, et du 2 juillet au 31 août 2012. Or, ces certificats médicaux n'apportaient aucun élément nouveau relatif à son état de santé tel qu'apprécié par le comité médical et ne lui ouvraient ainsi aucun droit à être placée en congé de maladie. Si, pour justifier enfin de n'avoir pas déféré à la mise en demeure datée du 10 septembre 2012, Mme A...a de nouveau produit deux arrêts de travail datés des 1er septembre et 1er novembre 2012, ces certificats, qui émanaient d'un médecin généraliste, reprenaient les mêmes éléments que ceux soumis au comité médical et mentionnaient en outre que ces arrêts de travail étaient justifiés par " l'absence de proposition d'un poste adapté ". Or, et comme il a été dit précédemment, le président de l'Université avait proposé à la requérante une nouvelle affectation adaptée à sa situation et à son état de santé. Dans ces conditions, MmeA..., qui ne justifiait pas s'être trouvée, faute de proposition de reclassement adaptée, dans l'impossibilité de reprendre son travail à l'expiration du délai fixé par la mise en demeure, doit être regardée, dans les circonstances de l'espèce, comme ayant rompu le lien qui l'unissait à son employeur.

5. En troisième et dernier lieu, le fait que cette décision ne mentionne pas avec précision la juridiction devant laquelle elle peut être contestée est sans incidence sur sa légalité.

6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Université Toulouse II - Le Mirail la somme que demande Mme A...au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...et à l'Université Toulouse II - Le Mirail. Copie en sera adressée au ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.

Délibéré après l'audience du 7 février 2018 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Sabrina Ladoire, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 8 mars 2018.

Le rapporteur,

Sabrina LADOIRE Le président,

Aymard de MALAFOSSE Le greffier,

Christophe PELLETIER La République mande et ordonne au ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 16BX01340


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX01340
Date de la décision : 08/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-10-09 Fonctionnaires et agents publics. Cessation de fonctions. Radiation des cadres.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Sabrina LADOIRE
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : CABINET FOURNIE HERVE

Origine de la décision
Date de l'import : 13/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-03-08;16bx01340 ?
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