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06/03/2018 | FRANCE | N°17BX03911

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 06 mars 2018, 17BX03911


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 10 février 2017 du préfet de la Haute-Garonne lui refusant le renouvellement de son titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1701935 du 23 novembre 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1

2 décembre 2017, M.A..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 10 février 2017 du préfet de la Haute-Garonne lui refusant le renouvellement de son titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1701935 du 23 novembre 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 décembre 2017, M.A..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 23 novembre 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 10 février 2017 du préfet de la Haute-Garonne ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à défaut de réexaminer sa demande ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au profit de son conseil d'une somme de 1 500 euros par application des dispositions de l'alinéa 2 de l'article 37 de la loi sur l'aide juridictionnelle et de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- les premiers juges ont omis de statuer sur son moyen tiré de ce que le refus de séjour était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à l'absence d'adéquation entre son contrat de travail et ses qualifications ;

- le refus de séjour est entaché d'une incompétence de l'auteur de l'acte faute pour le préfet de justifier de la délégation de signature qui aurait été accordée au signataire de cet acte ;

- il est entaché d'un défaut de motivation faute pour le préfet d'avoir visé les articles L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'avoir pris en compte l'ensemble des éléments et documents soumis à son appréciation, et d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- le refus de séjour est entaché d'erreur de droit au regard de l'annexe IV de l'accord franco-sénégalais auquel renvoie l'article 4 .2 de l'accord, dès lors que l'emploi d'employé polyvalent de restauration pour lequel il bénéficiait d'une promesse d'embauche figure dans la liste des métiers mentionnés en annexe IV de l'accord pour lequel la situation de l'emploi ne peut être opposée ;

- le refus de séjour est entaché d'erreur manifeste d'appréciation, dans la mesure où la société qui lui a établi un contrat de travail à durée indéterminée, l'a déjà employé, qu'elle a indiqué dans un courrier du 19 janvier 2017, qu'il donnait entièrement satisfaction et qu'il disposait de toutes les compétences requises pour occuper cet emploi ;

- le préfet s'est à tort, estimé lié par l'avis rendu par le directeur départemental du travail et de l'emploi ;

- comme l'a jugé par différents arrêts le Conseil d'Etat, il ne saurait lui être opposé le fait que l'emploi serait en inadéquation avec ses qualifications au motif qu'il disposerait de diplômes d'un niveau supérieur à ceux qui sont nécessaires pour occuper cet emploi alors qu'au surplus il avait déjà travaillé dans la société qui lui a accordé une promesse d'embauche ;

- le refus de séjour est entaché d'illégalité au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et se trouve entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à sa situation personnelle dès lors qu'il est en France depuis plus de huit ans et se trouve parfaitement intégré à la société française compte tenu des diplômes obtenus, de sa maîtrise de la langue française et de sa capacité d'insertion professionnelle ;

- la décision de refus de séjour méconnaît les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la mesure où 1'essentiel de ses intérêts privés se trouve désormais en France et qu'il s'est engagé dans différentes activités notamment sur le plan sportif ;

- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée et sa rédaction ne permet pas de considérer que le préfet aurait procédé à un examen particulier de son dossier ; cette décision est par ailleurs dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de 1a décision de refus de séjour ;

- cette décision se trouve entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à sa situation personnelle compte tenu des huit années passées en France pour lesquelles il lui a été attribué un titre de séjour, qui n'a pas été accordé seulement en qualité d'étudiant, dès lors qu'il lui a également été attribué une autorisation provisoire de séjour sur le fondement de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'obligation de quitter le territoire méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de 1'homme et des libertés fondamentales compte tenu du nombre d'années restées en France ;

- en ce qui concerne la décision accordant un délai de départ volontaire, cette décision est insuffisamment motivée faute d'indiquer les raisons de l'absence d'octroi d'un délai de départ volontaire supérieur à 30 jours et se trouve par ailleurs dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- cette décision de ne pas lui accorder un délai de départ volontaire est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans la mesure où il bénéficiait d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, ce qui a pu lui permettre de subvenir à ses besoins ;

- il n'a pas été procédé à l'examen de sa situation sur le fondement de l'article 7 de la directive " retour " ;

- la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité des décisions refusant de 1'admettre au séjour et portant obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense du 12 janvier 2018, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête de M.A....

Le préfet soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Un mémoire a été produit pour M. A...le 18 janvier 2018, mais n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de 1'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention franco-sénégalaise signée à Dakar le 1er aout 1995 ;

- l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006 et son avenant du 25 février 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Par décision du 18 janvier 2018, le président de la cour a désigné Mme Florence Madelaigue pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pierre Bentolila a été entendu au cours de l'audience publique

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., de nationalité sénégalaise, né le 24 janvier 1985 , est entré en France le 27 septembre 2009 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de long séjour portant la mention " étudiant " valant premier titre de séjour pour la période du 23 septembre 2009 au 23 septembre 2010. Ce titre de séjour " étudiant " a été régulièrement renouvelé entre le 21 novembre 2010 et le 20 novembre 2015. A compter du 20 novembre 2015, il a bénéficié, en sa qualité d'étudiant ayant obtenu un master, d'une autorisation provisoire de séjour sur le fondement de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile valable jusqu' au 19 novembre 2016, lui permettant de travailler et de présenter à échéance de cette autorisation, sous certaines conditions, une demande de titre de séjour en qualité de salarié, sans que la situation de l'emploi ne puisse lui être opposée. M.A..., le 25 juillet 2016, a demandé un changement de statut d'étudiant à salarié, en se prévalant d'une promesse d'embauche pour un contrat de travail à durée indéterminée dans la restauration, pour un emploi " d'employé polyvalent de restauration " et le 1er septembre 2016, pour un emploi en qualité d' " assistant manager ". M. A...relève appel du jugement du 23 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 février 2017 du préfet de la Haute-Garonne portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de renvoi.

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

2. L'article L. 111-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que les dispositions de ce code s'appliquent " sous réserve des conventions internationales ". En vertu du paragraphe 321 de l'article 3 de l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006 modifié par l'article 2 de l'avenant du 25 février 2008, entré en vigueur 1er août 2009 : " (...) La carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", d'une durée de douze mois renouvelable, ou celle portant la mention " travailleur temporaire " sont délivrées, sans que soit prise en compte la situation de l'emploi, au ressortissant sénégalais titulaire d'un contrat de travail visé par l'Autorité française compétente, pour exercer une activité salariée dans l'un des métiers énumérés à l'annexe IV. / (...) ". Au nombre des métiers énumérés à l'annexe IV de l'accord modifié figure celui de " Employé polyvalent restauration ".

3. Aux termes de l'article R. 5221-20 2° du code du travail, applicable en l'espèce, contrairement à ce que soutient M.A..., dès lors que l'accord franco-sénégalais ne prévoit rien à cet égard : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : .../ 2° L'adéquation entre la qualification, l'expérience, les diplômes ou titres de l'étranger et les caractéristiques de l'emploi auquel il postule ; (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions et des stipulations précitées du sous-paragraphe 321 de l'article 3 de l'accord franco-sénégalais que, pour examiner une demande de titre de séjour en qualité de salarié présentée par un ressortissant sénégalais, il incombe au préfet, dans l'hypothèse où comme en l'espèce, ce qui n'est pas contesté par le préfet, la situation de l'emploi n'est pas opposable, d'apprécier si l'emploi au titre duquel est présentée la demande de titre de séjour se trouve en " adéquation entre la qualification, l'expérience, les diplômes ou titres de l'étranger et les caractéristiques de l'emploi auquel il postule ". A cet égard, le préfet par la décision de refus de séjour en litige, sur la base de l'avis défavorable émis le 16 novembre 2016, par l'unité territoriale de Haute-Garonne de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, s'est fondé au visa du 2° de l'article R. 5221-20 du code du travail sur " la forte inadéquation entre le poste envisagé et les études et diplômes obtenus par (M.A...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que M.A..., avant la présentation de sa demande de titre de séjour en qualité de salarié pour un emploi " d'employé polyvalent de restauration " et un emploi en qualité " d'assistant manager ", était en sa qualité d'étudiant puis d'attributaire d'une autorisation provisoire de séjour, délivrée sur le fondement de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile valable jusqu'au 19 novembre 2016, lui permettant de travailler, bénéficiaire depuis le 25 septembre 2015 d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel de 20 heures en qualité d'employé polyvalent de restauration conclu avec la société Axem, et à compter du 31 juillet 2016, un avenant à ce contrat de travail a porté sa durée hebdomadaire de travail à 25 heures. Dans ces conditions compte tenu, à la fois de ce que M. A...était titulaire d'un Master en Sciences Humaines et Sociales, Mention Géographie et Aménagement, et " management des technologies de l'information de la communication dans le développement territorial " et de ce qu'il avait acquis en qualité d'étudiant autorisé à travailler, une expérience dans le domaine de la restauration, il remplissait - ainsi que le faisait valoir son employeur à l'appui de la demande de titre de séjour de M. A...- toutes les qualités et aptitudes pour occuper le poste d'employé polyvalent de restauration alors même que cet emploi était accessible à partir d'un diplôme inférieur à celui détenu par l'intéressé. Par ailleurs, en ce qui concerne le refus qui est opposé à sa demande de titre de séjour en qualité d'assistant manager, la société Axem a mentionné dans la demande d'autorisation de travail les caractéristiques du métier d'assistant manager qui inclut des missions d'encadrement et de gestion comme la formation et la motivation du personnel, le suivi du chiffre d'affaires et des indicateurs de performance. Par ailleurs, selon le code ROME G1401, l'emploi d'assistant manager dans la restauration correspond à l'emploi d'assistant commercial et nécessite un diplôme de niveau CAP/BEP à Bac +2 complété par une expérience professionnelle. Dès lors le préfet, en refusant le changement de statut sollicité par M. A... en vue d'occuper un emploi en qualité d'employé polyvalent de restauration ou d'assistant manager au motif de l'inadéquation de son profil avec l'emploi recherché a entaché sa décision de refus de séjour d'une erreur manifeste d'appréciation et le requérant est donc fondé à en demander l'annulation ainsi que, par voie de conséquence, l'annulation des décisions subséquentes portant obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours et fixation du pays de renvoi.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du préfet du 10 février 2017, et à demander l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

7. L'annulation prononcée ci-dessus du refus de délivrance d'un titre de séjour implique seulement que le préfet réexamine la situation de M. A...et prenne une nouvelle décision. Il y a lieu d'enjoindre au préfet d'y procéder dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et les dépens :

8. M. A...n'a pas obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle dans la présente instance. Par suite, son avocat ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse n° 1701935 du 23 novembre 2017 et l'arrêté du préfet du 10 février 2017 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Garonne de réexaminer la situation de M. A... et de prendre une nouvelle décision dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus de la requête de M. A...est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à MeB.... Copie en sera transmise au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 6 février 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président

M. Pierre Bentolila, président-assesseur,

M. Frédéric Faïck, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 6 mars 2018

Le rapporteur,

Pierre Bentolila

Le président,

Elisabeth Jayat

Le greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 17BX03911


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX03911
Date de la décision : 06/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-05 Étrangers. Réfugiés (voir : Asile) et apatrides.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Pierre BENTOLILA
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : DUJARDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 13/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-03-06;17bx03911 ?
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