La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/03/2018 | FRANCE | N°17BX03657

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 06 mars 2018, 17BX03657


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...E...A...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 24 janvier 2017 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait renvoyée à défaut de se conformer à cette obligation.

Par un jugement n° 1700548 du 21 septembre 2017, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande

.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 novembre 2017, MmeA......

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...E...A...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 24 janvier 2017 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait renvoyée à défaut de se conformer à cette obligation.

Par un jugement n° 1700548 du 21 septembre 2017, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 novembre 2017, MmeA..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 21 septembre 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 24 janvier 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer un titre de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour, elle soutient que :

- elle est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- elle méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation quant à la disponibilité du traitement au Ghana ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français, elle soutient que :

- elle est privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- en édictant la mesure d'éloignement, le préfet s'est cru lié par sa décision de refus de séjour ; il a donc commis une erreur de droit ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination, elle soutient qu'elle est privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 décembre 2017, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

Par ordonnance du 1er décembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 10 janvier 2018.

Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 novembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. D...a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. MmeA..., ressortissante ghanéenne née le 26 octobre 1978, est entrée irrégulièrement en France en septembre 2014. Le 7 mars 2016, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 24 janvier 2017 le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination duquel elle pourrait être éloignée. Mme A...relève appel du jugement du 21 septembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 24 janvier 2017 :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, Mme A...reprend en appel le moyen déjà soulevé en première instance tiré du défaut de motivation de la décision contestée. Toutefois et comme l'ont relevé les premiers juges, l'arrêté litigieux mentionne, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressée d'en comprendre les motifs, et dépourvue de caractère stéréotypé, les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision en litige. Par suite, ce moyen doit être écarté.

3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version en vigueur à la date de la demande présentée par Mme A...: " 11° À l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. Par dérogation, à Paris, ce médecin est désigné par le préfet de police. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. Aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011, pris pour l'application de ces dispositions : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant ; / - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; / - la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis est transmis au préfet sous couvert du directeur général de l'agence régionale de santé. Celui-ci, s'il estime, sur la base des informations dont il dispose, qu'il y a lieu de prendre en compte des circonstances humanitaires exceptionnelles susceptibles de fonder une décision d'admission au séjour, transmet au préfet un avis complémentaire motivé. / Par ailleurs, dès lors que l'intéressé porterait à la connaissance du préfet des circonstances humanitaires exceptionnelles susceptibles de fonder une décision d'admission au séjour, le préfet saisit pour avis le directeur général de l'agence régionale de santé, qui lui communique son avis motivé dans un délai d'un mois. ".

4. En deuxième lieu, pour refuser de délivrer un titre de séjour à Mme A...à raison de son état de santé, le préfet de la Haute-Vienne s'est fondé sur un avis du 24 novembre 2016 du médecin de l'agence régionale de santé, qui a estimé que l'état de santé de l'intéressée nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'il existe un traitement approprié dans son pays d'origine. À titre d'observations complémentaires, ce médecin a précisé que l'avis précité du 24 novembre 2016 est identique à celui rendu le 19 mai 2016.

5. Si Mme A...fait valoir qu'elle souffre d'une pathologie oculaire très spécifique qui lui impose une surveillance spécialisée et que, par ailleurs, le port de chaussures orthopédiques lui est prescrit, elle n'établit pas, par les pièces qu'elle produit, que le traitement nécessité par son état de santé est indisponible dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

7. En troisième et dernier lieu, si Mme A...se prévaut de l'obtention de son DELF et de la poursuite de son apprentissage du français à l'université, il ressort des pièces du dossier qu'elle n'établit ni même n'allègue avoir développé des liens d'une intensité particulière en France et qu'elle est célibataire et sans charge de famille. De plus, l'appelante est entrée en France le 14 septembre 2014 alors qu'elle était déjà âgée de 36 ans. En outre, il ressort des pièces du dossier qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, où résident ses parents, son frère et sa soeur. Dans ces conditions, la décision contestée n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressée une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et ne peut donc être regardée comme méconnaissant les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que la décision de refus de séjour était, à la date de son édiction, entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

8. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

9. En second lieu, Mme A...reprend en appel, sans faire état de circonstances de fait ou de droit qu'elle n'aurait déjà invoquées devant les premiers juges, le moyen tiré de ce que le préfet a édicté la mesure d'éloignement de façon automatique à la suite de sa décision de refus de séjour et a ainsi commis une erreur de droit. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

10. Il résulte de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour à l'encontre de la décision fixant le pays de destination.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 21 septembre 2017, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter, d'une part, les conclusions présentées par l'appelante à fin d'injonction, d'autre part, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...E...A..., au ministre de l'intérieur et à MeB.... Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 6 février 2018 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme Aurélie Chauvin, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 mars 2018

Le président assesseur,

Didier Salvi

Le président-rapporteur,

Éric Rey-BèthbéderLe greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 17BX03657


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX03657
Date de la décision : 06/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Eric REY-BETHBEDER
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : MARTY

Origine de la décision
Date de l'import : 13/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-03-06;17bx03657 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award