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06/03/2018 | FRANCE | N°17BX02914

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 06 mars 2018, 17BX02914


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...A...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2017 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1701080 et n° 1701081 du 28 juillet 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal admini

stratif de Limoges a rejeté sa demande en tant qu'elle portait sur les décisions d'obliga...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...A...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2017 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1701080 et n° 1701081 du 28 juillet 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande en tant qu'elle portait sur les décisions d'obligation de quitter le territoire, de fixation du pays de renvoi et d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 août 2017, M.A..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 28 juillet 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 7 juillet 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 75 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

en ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

- elle est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle est entachée d'un vice de procédure, faute pour le préfet d'avoir saisi la commission du titre de séjour en application des articles L. 312-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a, à tort, indiqué que la ressortissante guinéenne avec laquelle il vit a fait l'objet d'un arrêté du préfet de la Haute-Vienne en date du 21 octobre 2015 ;

- elle méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

en ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- il entend reprendre l'ensemble des moyens invoqués à l'encontre du refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et du droit d'asile ;

en ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et du droit d'asile ;

en ce qui concerne la décision portant interdiction de retour :

- il entend reprendre l'ensemble des moyens invoqués à l'encontre du refus de titre de séjour ;

- cette décision n'est pas justifiée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 novembre 2017, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 novembre 2017, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.

Les parties ont été informées, le 9 janvier 2018, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions portant sur le refus de titre de séjour.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 5 octobre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B...a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., ressortissant guinéen né le 1er avril 1993, est entré sur le territoire français le 9 octobre 2012. Sa demande de reconnaissance du statut de réfugié a été rejetée par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 25 novembre 2013, confirmée le 1er septembre 2014 par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Un titre de séjour valable du 8 juin 2015 au 7 décembre 2015 et portant la mention " vie privée et familiale" lui a ensuite été délivré sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Saisi par M. A..., le 6 décembre 2016, le préfet de la Haute-Vienne, par un premier arrêté du 7 juillet 2017, a refusé de renouveler le titre de séjour de l'intéressé, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant deux ans. Par un second arrêté du 7 juillet 2017, le préfet de la Haute-Vienne a assigné M. A...à résidence du 25 juillet 2017 au 7 septembre 2017. M. A...relève appel du jugement du 28 juillet 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation du premier arrêté en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Sur les conclusions de la requête en tant qu'elles portent sur le refus de titre de séjour :

2. Par le jugement attaqué du 28 juillet 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges s'est limité à statuer, en application des dispositions du III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur la demande de M. A...en tant qu'elle porte sur l'obligation de quitter le territoire, la fixation du pays de renvoi et l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, le litige portant sur le refus de titre de séjour étant laissé à la compétence de la formation collégiale du tribunal. Les conclusions de la requête dirigées contre ce jugement en tant qu'elles portent sur le refus de titre de séjour sont donc irrecevables et doivent être rejetées.

Sur les conclusions de la requête en tant qu'elles portent sur l'obligation de quitter le territoire français :

3. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. (...) ".

4. En premier lieu, en l'absence d'éléments nouveaux en appel venant au soutien du moyen soulevé devant le tribunal tiré de l'insuffisance de motivation de la décision litigieuse, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinemment retenus par le premier juge.

5. En deuxième lieu, M. A...ne peut utilement se prévaloir à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, ni des dispositions des 7° et 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni de celles de l'article L. 312-1 du même code.

6. En troisième lieu, à supposer que l'appelant ait entendu se prévaloir des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'avis émis le 17 février 2017 par le médecin de l'agence régionale de santé indique que l'état de santé de M. A...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il existe un traitement approprié dans son pays d'origine. Pour contester la pertinence de cet avis, M. A...soutient qu'il n'existe en Guinée aucune structure permettant l'accueil de malades souffrant de sa pathologie, sans toutefois apporter un quelconque élément à l'appui de ses dires alors qu'il ressort des pièces du dossier, en particulier d'un courriel de l'ambassade de France en Guinée, qu'un service de psychiatrie existe en particulier à Donka (quartier de Conakry) au sein duquel les psychiatres prennent notamment en charge les névroses post-traumatiques. Par suite, le moyen doit être écarté.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

8. Si M. A...soutient qu'il vit depuis le mois d'octobre 2015 avec une ressortissante guinéenne, avec laquelle il a eu un enfant en septembre 2015 et dont il attend un deuxième enfant, il ressort des pièces du dossier que sa compagne se maintient en France en dépit d'une obligation de quitter le territoire prise à son encontre le 29 octobre 2015 après le rejet de sa demande d'asile. Rien ne fait ainsi obstacle à ce que leur vie familiale se poursuive ailleurs qu'en France, notamment dans le pays dont ils sont originaires, alors que la demande d'asile déposée pour leur enfant a été définitivement rejetée par la CNDA le 12 décembre 2016. Dans ces conditions, la décision litigieuse n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et ne peut donc être regardée comme méconnaissant les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. En cinquième et dernier lieu, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre d'une décision qui, par elle-même, n'implique pas le retour de l'intéressé dans son pays d'origine.

Sur les conclusions de la requête en tant qu'elles portent sur la décision fixant le pays de renvoi :

10. En premier lieu, la décision contestée vise notamment l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et mentionne que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à ces stipulations en cas de retour dans son pays d'origine. Cette décision est, par suite, suffisamment motivée.

11. En second lieu, l'appelant n'apporte aucun élément de nature à établir qu'il encourt personnellement des risques en cas de retour dans son pays d'origine alors qu'au demeurant sa demande d'asile a été définitivement rejetée. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues.

Sur les conclusions de la requête en tant qu'elles portent sur l'interdiction de retour sur le territoire français :

12. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 4 à 9, les moyens invoqués contre l'obligation de quitter le territoire que l'appelant déclare reprendre à l'encontre de l'interdiction de retour sur le territoire français doivent, en tout état de cause, être écartés.

13. En second lieu, le moyen tiré de ce que cette décision ne serait pas justifiée n'est pas assorti de précision suffisante permettant à la cour d'en apprécier le bien-fondé.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 28 juillet 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 7 juillet 2017 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter, d'une part, les conclusions présentées par l'appelant aux fins d'injonction et d'astreinte, d'autre part, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...A..., au ministre de l'intérieur et à MeC....

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 6 février 2018 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme Aurélie Chauvin, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 mars 2018.

Le rapporteur,

Didier B...

Le président,

Éric Rey-BèthbéderLe greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 17BX02914


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX02914
Date de la décision : 06/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Didier SALVI
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : DUPONTEIL

Origine de la décision
Date de l'import : 13/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-03-06;17bx02914 ?
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