Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...F...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 9 juillet 2013 du directeur du centre hospitalier de La Rochelle portant assignation eu égard à la grève du 9 juillet 2013.
Par un jugement n° 1301975 du 23 mars 2016, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 mai 2016, M.F..., représenté par Me G..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 23 mars 2016 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision du 9 juillet 2013 ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de La Rochelle-Ré-Aunis la somme de 800 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. F...soutient qu'en écartant ses moyens aux motifs qu'il ne s'agirait que de considérations générales, le tribunal administratif a insuffisamment motivé son jugement en méconnaissance de l'article L. 9 du code de justice administrative et de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 novembre 2016, le directeur du groupe hospitalier de La Rochelle-Ré-Aunis, représenté par la SCP Drouineau Cosset Bacle Le Lain, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. F... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable dès lors qu'elle se borne à reproduire une liste des moyens présentés en première instance sans ajout ni critique du jugement ;
- la requête est en tout état de cause mal fondée.
Par ordonnance du 5 septembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 6 octobre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, notamment son préambule;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de M. Katz, rapporteur public,
- et les observations de MeD..., représentant le groupe hospitalier de La Rochelle-Ré-Aunis.
Considérant ce qui suit :
1. M. F...relève appel du jugement n° 1301975 du 23 mars 2016 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 9 juillet 2013 du directeur du groupe hospitalier de La Rochelle-Ré-Aunis portant assignation eu égard à la grève du 9 juillet 2013.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Le jugement attaqué, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments des parties, est suffisamment motivé. Il a notamment examiné, contrairement à ce que soutient M. F..., le caractère suffisant du maintien en service de l'effectif au regard du programme opératoire du 9 juillet 2013. L'appelant n'est ainsi pas fondé à contester la régularité du jugement attaqué.
Sur le bien fondé du jugement :
3. En indiquant, dans le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 auquel se réfère le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, que le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent, l'assemblée constituante a entendu inviter le législateur à opérer la conciliation nécessaire entre la défense des intérêts professionnels dont la grève constitue l'une des modalités et la sauvegarde de l'intérêt général, auquel elle peut être de nature à porter atteinte. En l'absence de la complète législation annoncée par la Constitution, la reconnaissance du droit de grève ne saurait avoir pour conséquence d'exclure les limitations qui doivent être apportées à ce droit, comme à tout autre, en vue d'en éviter un usage abusif ou contraire aux nécessités de l'ordre public ou aux besoins essentiels du pays.
4. Aux termes de l'article 10 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Les fonctionnaires exercent le droit de grève dans le cadre des lois qui le réglementent. ". En l'état de la législation, il appartient à l'autorité administrative responsable du bon fonctionnement d'un service public de fixer elle-même, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et l'étendue de ces limitations pour les services dont l'organisation lui incombe en vue d'en éviter un usage abusif ou bien contraire aux nécessités de l'ordre public ou aux besoins essentiels de la Nation.
5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, par une décision du 5 novembre 2012, le directeur du groupe hospitalier La Rochelle-Ré-Aunis, à qui il appartenait de prendre des mesures nécessitées par le fonctionnement de ceux des services qui ne peuvent en aucun cas être interrompus, en imposant le maintien en service pendant les journées de grève d'un effectif suffisant pour assurer en particulier la sécurité physique des personnes, la continuité des soins, et des prestations hôtelières aux malades hospitalisés et la conservation des installations et du matériel, a donné à M. B...E..., directeur adjoint chargé de la direction des ressources humaines, délégation à effet de signer tous les actes relatifs aux personnels non médicaux, notamment " les assignations de personnels en cas de grève ". Il suit de là que le moyen tiré de ce que la décision contestée portant assignation de M. F...aurait été prise par une autorité incompétente manque en fait.
6. En deuxième lieu, eu égard à son objet et sa portée, la décision contestée n'avait pas à être précédée de la consultation du comité technique d'établissement ou de tout autre instance représentative, ni de la validation d'un protocole définissant l'organisation du service minimum qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose au demeurant de négocier. Dès lors, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure ne peut qu'être écarté.
7. En troisième lieu, M. F...soutient que les assignations au travail des personnels infirmiers et aides soignants ordonnées le 9 juillet 2013 ont permis, compte tenu de l'effectif largement supérieur au service minimum requis, un fonctionnement normal des services lors de cette journée alors que le syndicat Sud avait déposé un préavis de grève et invité les personnels à manifester. Il est constant qu'à cette date, le centre hospitalier de La Rochelle avait déjà récemment connu plusieurs journées de grève, suivies notamment les 10, 17 et 27 juin 2013. Informé par la direction qu'un nouveau mouvement de manifestation locale devait avoir lieu le mardi 9 juillet 2013, le conseil de bloc s'est réuni le 8 juillet. Il résulte du compte-rendu de cette réunion qu'après avoir recueilli l'avis de l'ensemble des chirurgiens et médecins, un nouveau programme opératoire a été arrêté après examen de la situation. Si des interventions ont été déprogrammées et deux salles sur les onze ont été fermées, conduisant ainsi à utiliser une salle pour diverses spécialités alors qu'en temps normal chacune a une spécialité chirurgicale, il ressort des pièces du dossier que le reste du programme opératoire du mardi 9 juillet a été maintenu, à la veille d'un temps de congés et compte tenu des disponibilités des médecins, ces derniers estimant que " suite à déjà plusieurs déprogrammations dans le cadre de ce mouvement de grève depuis début juin, repousser de nouveau ces interventions remettrait en cause la sécurité des patients en risquant de dégrader leur état de santé ".
8. Pour déterminer les effectifs jugés nécessaires lors de cette journée de grève du 9 juillet 2013, le directeur du groupe hospitalier de La Rochelle-Ré-Aunis a pu légalement prendre en compte l'ensemble des besoins des blocs opératoires et non seulement celui des urgences et fixer un effectif différent de celui des samedis, dimanches et jours fériés. En l'occurrence, il résulte d'une attestation de l'équipe d'encadrement du bloc opératoire que les effectifs paramédicaux présents au bloc pour cette journée, qui étaient de 19 aides soignants pour un effectif total de 25 emplois à temps plein, et de 20 infirmières anesthésistes au lieu de 22 et 2 infirmières diplômées d'Etat en temps normal, ont été calibrés pour répondre au programme d'interventions modifié par les médecins et ne pouvaient être restreints davantage. Ces effectifs correspondaient ainsi à ce qui était nécessaire pour assurer, sans préjudice pour la sécurité des patients, les orientations médicales définies en conseil de bloc et permettre la sécurité des actes opératoires maintenus.
9. Eu égard aux circonstances de l'espèce, notamment à l'impossibilité de déplacer à nouveau ainsi qu'il a été dit, compte tenu de la période de congés annuels estivaux, certaines opérations programmées par les chirurgiens, dans un contexte de mouvements de grèves itératives qui avaient déjà conduit à des reports, la décision prise par le directeur du groupe hospitalier de La Rochelle-Ré-Aunis d'assigner des personnels paramédicaux aux blocs chirurgicaux, dont M.F..., en vue d'assurer l'indispensable continuité des soins et la sécurité des patients n'a pas excédé les nécessités du service, et n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de grève.
10. Enfin, si M. F...soutient que l'autorité administrative aurait agi dans un but étranger à celui dévolu à une assignation consistant à assurer la permanence des soins en cas de grève, le moyen tiré du détournement de pouvoir n'est pas établi.
11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par le groupe hospitalier, que M. F...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 9 juillet 2013 du directeur du centre hospitalier de La Rochelle portant assignation eu égard à la grève du 9 juillet 2013. Par voie de conséquences, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. Il n'y a pas lieu, en l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'appelant la somme demandée par l'intimé, au même titre.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. F...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le groupe hospitalier de La Rochelle-Ré-Aunis sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...F...et au groupe hospitalier de La Rochelle-Ré-Aunis.
Délibéré après l'audience du 6 février 2018, à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
Mme Aurélie Chauvin, premier conseiller.
Lu en audience publique le 6 mars 2018
Le rapporteur,
Aurélie C...
Le président,
Éric Rey-BèthbéderLe greffier,
Vanessa Beuzelin
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX01684