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01/03/2018 | FRANCE | N°17BX03473

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 01 mars 2018, 17BX03473


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler

l'arrêté du 16 janvier 2017 par lequel le préfet des Landes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1700693 du 11 juillet 2017, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 6 novembre 2017, un mémoire com

plémentaire enregistré le 8 janvier 2018 et des mémoires en production de pièces complémentaires enreg...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler

l'arrêté du 16 janvier 2017 par lequel le préfet des Landes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1700693 du 11 juillet 2017, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 6 novembre 2017, un mémoire complémentaire enregistré le 8 janvier 2018 et des mémoires en production de pièces complémentaires enregistrés le 14 novembre 2017 et le 11 janvier 2018, M. A...C..., représenté par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Pau du 11 juillet 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 janvier 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Landes de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 80 euros par jour de retard ;

4°) à défaut, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir et sous la même astreinte et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 1 500 euros " hors taxe " à verser à son avocat en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et

37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- en se bornant à indiquer que l'arrêté attaqué vise le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le tribunal n'a pas suffisamment motivé sa réponse au moyen tiré du défaut de motivation en droit de l'arrêté attaqué ;

- l'arrêté en litige, qui ne comporte aucun visa des articles L. 313-14 et L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'est pas suffisamment motivé en droit ;

- l'arrêté ne mentionne pas les motifs de rejet de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour par le travail en évoquant seulement sa situation familiale ; le préfet n'a pas procédé à un examen circonstancié de sa situation ; il n'explique pas en quoi sa situation professionnelle, au regard de ses qualifications, de l'expérience acquise et des caractéristiques de l'emploi qu'il projetait d'occuper ne constituerait pas un motif d'admission au séjour à titre exceptionnel ;

- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de l'absence de motivation de la décision préfectorale sur ce point ;

- le préfet s'est en fait fondé sur " l'absence de visa ", ce qui constitue une erreur de droit en ce que l'administration a ajouté une condition à celles posées à l'article

L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le tribunal n'a pas non plus répondu à ce moyen ;

- les premiers juges ne pouvaient apprécier à la place du préfet sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, laquelle relève du reste du pouvoir discrétionnaire du préfet et l'office du juge se limite au contrôle de la bonne motivation de la décision en litige ;

- le préfet a méconnu son pouvoir de régularisation et entaché son refus d'une erreur manifeste d'appréciation alors qu'il justifie d'une durée de séjour de trois années en France où il s'est parfaitement intégré en travaillant légalement dès qu'il en a eu l'autorisation, notamment durant sept mois en tant qu'ouvrier des abattoirs, dans un secteur d'activité présentant des difficultés de recrutement ; il présente en outre une promesse d'embauche dans le même établissement et fait état de nombreuses attaches personnelles en France, alors que ses parents et son frère sont portés disparus après le bombardement de la maison familiale ;

- le préfet a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a manifestement mal apprécié sa situation dès lors que le centre de ses attaches privées et familiales se situent désormais en France et non en Ukraine, où il n'a plus de famille, et qu'il justifie de l'intensité de ses liens en France et notamment avec la famille qui l'a recueilli, de l'apprentissage de la langue française, de l'exercice légal d'un métier où il a donné toute satisfaction, et de ses perspectives professionnelles ;

- l'obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre est privée de base légale à raison des illégalités affectant le refus de séjour ;

- la mesure d'éloignement contrevient aux articles L. 513-2 et L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la mesure où la décision de la cour nationale du droit d'asile concernant sa demande d'asile ne lui a jamais été notifiée ;

- cette décision viendrait ruiner brutalement tous les efforts d'intégration qu'il a accomplis et porte atteinte à son droit à la vie privée et familiale ; la mesure d'éloignement révèle une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de cette mesure sur sa situation ;

- la décision fixant le pays de renvoi devra être annulée en raison des illégalités frappant le refus de séjour et la mesure d'éloignement.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 décembre 2017, le préfet des Landes conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 octobre 2017

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jean-Claude Pauziès a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.C..., ressortissant ukrainien né en 1988, est entré en France selon ses déclarations le 7 octobre 2014. La demande d'asile qu'il a déposée le 14 novembre 2014 a fait l'objet d'un refus du directeur de l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) en date du 17 juin 2015, refus confirmé par la Cour nationale du droit d'asile le 12 février 2016. Par un arrêté du 5 avril 2016, le préfet des Landes a refusé de délivrer à M. C... un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Cet arrêté a été annulé par un jugement du 18 octobre 2016 du tribunal administratif de Pau, qui a retenu le moyen tiré du défaut de notification régulière de la décision précitée de la Cour nationale du droit d'asile. A la suite de ce jugement, M. C...a sollicité, le 1er décembre 2016, la régularisation de sa situation " à titre humanitaire " en se prévalant notamment de ses attaches personnelles en France et d'une promesse d'embauche. Par un arrêté du 16 janvier 2017, le préfet des Landes a refusé de délivrer un titre de séjour à M.C..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. C...relève appel du jugement du 11 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. L'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. "

3. Il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat lui permettant d'exercer une activité salariée, ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu laisser à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels que celui-ci fait valoir. Il revient à l'administration d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément sur la situation personnelle de l'étranger, tel que, par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

4. M. C...a saisi le préfet des Landes d'une demande de régularisation " à titre humanitaire " le 1er décembre 2016 en se prévalant des liens personnels noués en France et d'une promesse d'embauche dans une société où il a été salarié dans le cadre de contrats de travail à durée déterminée. Le préfet a examiné cette demande de régularisation sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, comme il l'indique dans la lettre de notification de son arrêté. Dans les motifs de l'arrêté contesté, si le préfet relève l'absence d'éléments permettant à M. C...de prétendre à l'admission exceptionnelle au séjour au titre de la vie privée et familiale, il se borne à mentionner les emplois précédemment occupés par M. C...et l'existence d'une proposition d'embauche, sans procéder à l'examen de la situation de ce dernier au regard des critères, rappelés au point 3 ci-dessus, propres à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et en lui opposant l'absence de visa d'entrée alors même qu'il examinait une demande d'admission exceptionnelle au séjour. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le refus de séjour contesté est entaché d'erreur de droit doit être accueilli.

5. Les décisions du préfet des Landes portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi sont illégales par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour et doivent être également annulées.

6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement, que M. C...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. L'annulation prononcée par le présent arrêt n'implique pas nécessairement, compte tenu du motif sur lequel elle se fonde, que le préfet délivre un titre de séjour à M.C.... Elle implique en revanche que le préfet délivre à M. C...une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans l'attente du réexamen de sa demande de titre de séjour. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet des Landes de lui délivrer une telle autorisation et de procéder au réexamen de sa demande dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

8. M. C...bénéficie de l'aide juridictionnelle totale. Son conseil peut dès lors se prévaloir de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à MeB..., sous réserve qu'elle renonce à percevoir la contribution de l'Etat.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1700693 du 11 juillet 2017 du tribunal administratif de Pau et l'arrêté du 16 janvier 2017 du préfet des Landes sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Landes de délivrer à M. C...une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler et de réexaminer sa demande de titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : En application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, l'Etat versera la somme de 1 200 euros à MeB..., sous réserve qu'elle renonce à percevoir la contribution de l'Etat.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, au préfet des Landes et à MeB....

Délibéré après l'audience du 25 janvier 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président.

M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,

M. Paul-André Braud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 1er mars 2018.

Le rapporteur,

Jean-Claude PAUZIÈSLe président,

Catherine GIRAULTLe greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

17BX03473 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX03473
Date de la décision : 01/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Jean-Claude PAUZIÈS
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : REIX

Origine de la décision
Date de l'import : 06/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-03-01;17bx03473 ?
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