Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A...E...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 5 octobre 2016 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Par un jugement n°1605799 du 15 juin 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 19 octobre 2017 MmeE..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 15 juin 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 5 octobre 2016 ;
3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer dans un délai d'un mois, un certificat de résidence algérien " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer dès la notification de l'arrêt, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler et à titre subsidiaire de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, sous la même astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros TTC au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le jugement est entaché d'irrégularité pour omission à statuer dès lors que les premiers juges ne se sont pas prononcés sur le moyen du vice de procédure tiré de l'illégalité de l'avis rendu le 18 avril 2016 par le médecin de l'agence régionale de santé (ARS), ne s'étant pas non plus prononcés sur les moyens invoqués tirés de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 6-5) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- par ailleurs, en ce qui concerne le moyen invoqué sur le fondement de l'article 6-7) de l'accord franco-algérien, le tribunal n'a pas pris en compte l'ensemble de ses arguments et les pièces produites ;
- le tribunal qui n'a visé dans son jugement que sa requête du 22 décembre 2016 et le mémoire en défense du préfet du 28 février 2017, n'a pas tenu compte de son mémoire et des pièces complémentaires produites le 3 avril 2017, soit deux jours avant la clôture de l'instruction ;
- en ce qui concerne le bien-fondé du jugement et des décisions attaquées, pour ce qui est du refus de titre de séjour, il est insuffisamment motivé dans la mesure où il indique à tort qu'elle ne se serait pas prévalue d'être dans l'impossibilité d'accéder aux soins requis par son état de santé en Algérie, alors qu'en déposant une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade, elle s'est nécessairement prévalue de l'impossibilité de se soigner en Algérie ;
- le préfet n'indique pas sur quels documents ou études il se serait fondé pour considérer que le traitement nécessité par son état de santé était accessible de façon effective en Algérie ;
- le refus de séjour est entaché d'un vice de procédure dès lors que l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé du 18 avril 2016 est irrégulier faute de s'être prononcé sur la possibilité pour elle d'accéder de façon effective en Algérie au traitement nécessité par son état de santé ;
- par ailleurs cet avis a été transmis par MmeB..., responsable du pôle alerte, agissant par délégation de la directrice de l'agence régionale de santé, laquelle ne disposait pas de compétences en ce qui concerne les étrangers malades et ne pouvait pas par ailleurs signer des correspondances à destination du préfet ;
- il n'a dès lors pas été procédé par le préfet à un examen particulier de sa situation notamment sur le fait de savoir si elle pouvait bénéficier d'un titre de séjour pour circonstances humanitaires, ce qui était d'autant plus nécessaire que l'avis du médecin de l'ARS ne tient pas compte de la possibilité pour les ressortissants algériens de pouvoir de façon effective bénéficier de soins en Algérie ;
- le refus de séjour est entaché d'une erreur de droit au regard de l'article 6-7) de l'accord franco-algérien, dans la mesure où le préfet, qui n'est pas lié par l'avis du médecin régional de santé, n'a pas examiné la possibilité pour elle de bénéficier d'un traitement approprié en Algérie alors que la charge de la preuve appartient en la matière au préfet, qu'elle réside en France depuis 2014 et n'a plus aucune couverture sociale ni de travail en Algérie, ce qui conditionne son affiliation à la sécurité sociale en Algérie ;
- le docteur Huyghe, médecin agréé, a clairement indiqué dans son certificat du 30 mars 2016 et dans son rapport adressé au médecin de l'agence régionale de santé, que le Xarelto, médicament indispensable à son traitement, n'était pas accessible en Algérie, ce qui est confirmé par une attestation produite par un médecin algérien, M. F...C..., le 3 avril 2017 ;
- le Xarelto n'apparaît pas non plus sur la liste des médicaments essentiels en Algérie ;
- les pièces du dossier établissent l'importance de la continuité des soins au regard de la complexité et de la spécificité de ses pathologies ;
- par ailleurs, elle réside en France depuis le 24 juillet 2014 et se trouve prise en charge par son frère, qui est titulaire d'un certificat de résidence de 10 ans et elle s'occupe des enfants de son frère ; la décision de refus de séjour est entachée d'illégalité au regard de l'article 6-5) de l'accord franco-algérien, et porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire est entachée d'un vice de procédure dans la mesure où le préfet ne s'est pas interrogé sur la possibilité pour elle, compte tenu de son état de santé, de voyager sans risque et d'une erreur manifeste d'appréciation, au regard du 10° de l'article L. 511-4 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que l'interruption des soins aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité.
Par un mémoire en défense enregistré le 17 novembre 2017, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête de MmeE....
Il soutient que :
- si la requérante fait état d'un mémoire complémentaire qui n'aurait pas été pris en compte par le tribunal administratif, ni le préfet ni le tribunal n'en ont eu connaissance ;
- Mme B...disposait bien d'une délégation de signature pour contresigner et pour transmettre l'avis du médecin de l'ARS, et en tout état de cause Mme E...n'a été privée d'aucune garantie ;
- l'avis du médecin de l'ARS n'est entaché d'aucune illégalité en ne se prononçant pas sur les possibilités d'accès aux soins en Algérie ;
- l'arrêté attaqué ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle est entrée récemment en France à l'âge de 42 ans et que la circonstance que deux frères titulaires de certificats de résidence de dix ans vivent en France, ne lui ouvre pas un droit au séjour ; elle est célibataire sans enfant et n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales en Algérie, où elle est née et a vécu la majeure partie de sa vie, et où elle pourra recevoir les soins nécessités par son état de santé ;
- le moyen invoqué contre la décision l'obligeant à quitter le territoire sur le fondement du 10° de l'article L. 511-4 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté dès lors que le médecin de l'ARS a considéré que les soins existaient dans le pays d'origine.
Mme E...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 septembre 2017.
Par ordonnance du 7 novembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 4 décembre 2017 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Par décision du 11 janvier 2018, le président de la cour a désigné M. Frédéric Faïck pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Pierre Bentolila a été entendu au cours de l'audience publique
Considérant ce qui suit :
1. MmeE..., ressortissante algérienne née le 16 avril 1972, est entrée en France le 24 juillet 2014, sous couvert d'un passeport algérien revêtu d'un visa de trente jours valable jusqu'au 15 août 2014. Elle a sollicité, le 29 février 2016, son admission au séjour en France en qualité d'étranger malade au titre de l'article 6 (7°) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié. Mme E...relève appel du jugement du 15 juin 2017 du tribunal administratif de Toulouse rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 octobre 2016 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Sur la régularité du jugement :
2. Comme le soutient MmeE..., le tribunal administratif n'a pas tenu compte de son mémoire présenté devant le tribunal administratif le 3 avril 2017, soit deux jours avant la clôture d'instruction fixée au 5 avril 2017. Dès lors que dans ce mémoire Mme E...invoquait des éléments nouveaux notamment sur le fondement de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 6-5 (vie privée et familiale) de l'accord franco-algérien modifié, faute pour le tribunal d'avoir visé ce mémoire du 3 avril 2017, d'avoir analysé les moyens invoqués dans ce mémoire et d'y avoir répondu, le jugement est entaché d'irrégularité et doit être annulé.
3. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de traiter le litige par la voie de l'évocation.
Sur le refus de séjour :
En ce qui concerne la légalité externe :
4. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...). " . En vertu de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ". Le refus de séjour qui indique les articles de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié et du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquels le préfet a notamment entendu se fonder, se trouve suffisamment motivé au regard des éléments de droit. Cette décision, en mentionnant notamment en référence à l'avis du 18 avril 2016 du médecin de l'agence régionale de santé, que si des conséquences d'une exceptionnelle gravité pourraient résulter du défaut de prise en charge médicale nécessaire à l'intéressée, les soins imposés par son état de santé peuvent être dispensés en Algérie et que Mme E...ne justifie pas être dans l'impossibilité d'accéder aux soins dans son pays d'origine, se trouve suffisamment motivée en fait. Si à cet égard, la requérante soutient que le refus de titre de séjour indique à tort qu'elle ne se serait pas prévalue d'être dans l'impossibilité d'accéder aux soins requis par son état de santé en Algérie, alors qu'en déposant une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade, elle invoquait nécessairement l'impossibilité de se soigner en Algérie, un tel argument en tout état de cause ne relève pas de la motivation du refus de séjour, mais de son bien-fondé.
5. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) 7) Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ". En vertu de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée, et applicable aux ressortissants algériens, dès lors que l'accord franco-algérien ne prévoit rien à cet égard : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. Par dérogation, à Paris, ce médecin est désigné par le préfet de police. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. Quand la commission médicale régionale a été saisie dans les conditions prévues à l'article R. 313-26, l'avis mentionne cette saisine. Le préfet peut, après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, prendre en considération une circonstance humanitaire exceptionnelle pour délivrer la carte de séjour temporaire même s'il existe un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. L'étranger mentionné au 11° de l'article L. 313-11 qui ne remplirait pas la condition de résidence habituelle peut recevoir une autorisation provisoire de séjour renouvelable pendant la durée du traitement ". Selon l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 : " (...) le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ;- si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; - la durée prévisible du traitement. Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays. (...) Par ailleurs, dès lors que l'intéressé porterait à la connaissance du préfet des circonstances humanitaires exceptionnelles susceptibles de fonder une décision d'admission au séjour, le préfet saisit pour avis le directeur général de l'agence régionale de santé, qui lui communique son avis motivé dans un délai d'un mois ".
6. En premier lieu, la requérante soutient que l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé est irrégulier dans la mesure où il ne s'est pas prononcé sur la possibilité pour elle d'accéder de façon effective, en Algérie, au traitement requis par son état de santé et a fondé à tort son appréciation sur des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne sont pas applicables aux ressortissants algériens. Toutefois, l'avis du médecin de l'agence régionale de santé du 18 avril 2016 a été émis dans les conditions fixées par les dispositions précitées de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et de l'arrêté du 9 novembre 2011. Ces dispositions n'imposent pas au médecin de l'agence régionale de santé de motiver son avis sur la capacité de l'intéressée d'accéder effectivement aux soins dans son pays d'origine et dans ces conditions, cet avis n'entache pas d'irrégularité la procédure de refus de titre de séjour à MmeE....
7. La requérante soutient en second lieu, que l'avis du médecin de l'agence régionale de santé du 18 avril 2016 a été transmis au préfet par MmeB..., responsable du pôle alerte, agissant par délégation de la directrice de l'agence régionale de santé, laquelle ne disposait pas de compétences en ce qui concerne les étrangers malades et ne pouvait pas par ailleurs signer des correspondances à destination du préfet. Mme E...soutient que compte tenu de l'incompétence de MmeB..., elle a été privée sur le fondement de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile de la possibilité de bénéficier d'une proposition par le directeur de l'agence régionale de santé au préfet, de délivrance d'un titre de séjour à titre humanitaire. Toutefois, la transmission au préfet par l'avis du médecin de l'agence régionale de santé sous couvert du directeur général de l'agence régionale de santé, sur le fondement des dispositions précitées du troisième alinéa de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour et de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011, d'éléments relatifs à l'existence de circonstances humanitaires exceptionnelles qui justifieraient la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, n'est exigée que si l'intéressé(e) a informé le médecin de l'agence régionale de santé de circonstances humanitaires exceptionnelles. En l'espèce, Mme E...ne soutient ni même allègue avoir fait état de telles circonstances à l'appui de sa demande de titre de séjour et dans ces conditions, la requérante ne peut en tout état de cause être regardée comme ayant été privée d'une garantie du fait de la transmission de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé du 18 avril 2016 par un agent ne disposant pas de compétences en la matière.
En ce qui concerne la légalité interne :
8. En premier lieu, en vertu des dispositions précitées, il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un certificat de résidence à un ressortissant algérien, de vérifier, au vu notamment de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, si l'absence de prise en charge médicale aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé du demandeur et d'apprécier s'il peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine. Contrairement à ce que la requérante soutient, si pour refuser la délivrance du titre de séjour sollicité, le préfet de la Haute-Garonne s'est fondé sur l'avis du 18 avril 2016 du médecin de l'agence régionale de santé, indiquant que l'état de santé de la requérante nécessite une prise en charge dont le défaut pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais que cette dernière pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, il ne ressort pour autant pas des pièces du dossier, que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation, quant à la possibilité pour elle de bénéficier de façon effective de soins en Algérie.
9. Si Mme E...fait valoir que le Xarelto, médicament indispensable à son traitement, ne serait pas disponible en Algérie, elle ne produit pour établir l'indisponibilité de ce médicament, qu'une liste des médicaments de base qui seraient disponibles en Algérie, ne revêtant aucun caractère officiel, un certificat du 30 mars 2016, du docteur Huyghe, médecin agréé, qui indique sans l'affirmer, que le Xarelto ne serait pas disponible en Algérie et un certificat médical d'un praticien algérien établi le 3 avril 2017, soit postérieurement à la décision attaquée, indiquant en termes sommaires, que le Xarelto ne serait pas commercialisé en Algérie. En tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que des traitements équivalents au Xarelto ne seraient pas disponibles en Algérie, que de tels traitements ne seraient pas adaptés à la pathologie ou à d'éventuelles contrindications présentées par Mme E...et que Mme E...ne pourrait y avoir accès. Si par ailleurs la requérante fait valoir qu'elle n'a plus aucune couverture sociale ni de travail en Algérie ce qui conditionne son affiliation à la sécurité sociale en Algérie, il existe en Algérie un système de couverture médicale pour les personnes dont les ressources sont insuffisantes dont il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressée ne pourrait pas bénéficier. Dans ces conditions, et même s'il est admis par le préfet que l'absence de prise en charge médicale aurait, pour Mme E..., des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé, faute pour les pièces du dossier d'établir qu'elle ne pourrait pas bénéficier d'un traitement effectif en Algérie, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision du préfet serait entachée d'une erreur d'appréciation au regard des stipulations précitées de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.
10. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Et aux termes de 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale" est délivré de plein droit (...) 5) au ressortissant algérien (...), dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ".
11. Il ressort des pièces du dossier que Mme E... n'est entrée en France que le 24 juillet 2014 à l'âge de quarante-deux ans. Si elle se prévaut de la présence en France de deux de ses frères, dont l'un d'entre eux la prendrait en charge, elle est célibataire sans enfant, et malgré la circonstance alléguée du décès de ses parents, il ne ressort pas des pièces du dossier ainsi que le lui oppose le préfet dans la décision de refus de séjour, que Mme E...n'aurait plus d'attaches privées et familiales en Algérie. Dans ces conditions, Mme E...n'est pas fondée à soutenir que la décision de refus de séjour aurait méconnu les stipulations précitées de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien et celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement :
12. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...).".
13. Compte tenu de ce qui a été dit au point 9 concernant le refus de séjour, le moyen tiré de ce que la décision attaquée méconnaîtrait les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de santé de Mme E...aurait suscité des interrogations sur sa capacité à supporter le voyage vers son pays d'origine. Dans ces conditions, le moyen invoqué par Mme E...tiré de ce que le préfet ne s'est pas interrogé sur sa capacité à supporter le voyage, doit être écarté.
14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E...n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 5 octobre 2016 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de l'entrée et du séjour doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n°1605799 du 15 juin 2017 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.
Article 2 : La demande de Mme E...devant le tribunal administratif et le surplus de sa requête d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...E..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à MeD.... Copie en sera transmise au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 23 janvier 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Pierre Bentolila, président-assesseur,
Mme Florence Madelaigue, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 27 février 2018.
Le rapporteur,
Pierre Bentolila
Le président,
Elisabeth Jayat
Le greffier,
Evelyne Gay-Boissières
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 17BX03352