Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C...A...a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 2 avril 2014 par lequel le garde des sceaux, ministre de la justice, l'a radiée des cadres à compter du 13 février 2013.
Par un jugement n° 1401227 du 9 mars 2016, le tribunal administratif de Pau a annulé cette décision.
Procédure devant la cour :
Par un recours, enregistré le 23 mai 2016, le garde des sceaux, ministre de la justice, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 9 mars 2016 ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme A...devant le tribunal administratif de Pau.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit dès lors que les premiers juges n'ont pas recherché si les certificats médicaux produits par Mme A...apportaient des éléments nouveaux sur son état de santé ; il est constant que les comités médicaux, départemental et supérieur, qui ont examiné à diverses reprises les pathologies de l'intéressée, ont considéré qu'elle était apte à reprendre ses fonctions, notamment les 15 juin et 18 octobre 2010, 11 janvier et 7 juin 2011 et le 21 novembre 2012 ; or, selon la jurisprudence du Conseil d'Etat, lorsqu'un agent est reconnu apte par le comité médical, la présentation par ses soins d'un arrêt de travail dépourvu d'élément médical nouveau ne démontre pas qu'il est dans l'impossibilité de reprendre ses fonctions ;
- il renvoie à ses écritures de première instance pour conclure que les moyens exposés par Mme A...devant le tribunal administratif et dirigés contre son arrêté du 2 avril 2014 ne sont pas fondés.
Par les mémoires en défense, enregistrés les 28 juillet 2016 et 10 octobre 2017, Mme A..., représentée par MeB..., conclut au rejet du recours du garde des sceaux, ministre de la justice, à la confirmation du jugement rendu par le tribunal administratif, à l'annulation de la décision attaquée et à ce que soit ordonnée une mesure d'expertise médicale neurologique et psychiatrique en vue de déterminer 1°) si elle était apte à reprendre son poste à compter du 13 février 2013, 2°) en tout état de cause, l'imputabilité au service de ses arrêts de travail et de longue maladie depuis l'accident de service du 17 avril 2008, 3°) si elle est apte à ce jour à reprendre l'exercice de ses fonctions.
Elle fait valoir que :
- le recours est irrecevable puisqu'il a été présenté postérieurement au délai de recours contentieux ;
- l'arrêté en litige a été édicté par une autorité incompétente ;
- les droits de la défense n'ont pas été respectés alors que la mesure édictée la prive de toute indemnité ou allocation chômage ; elle n'a pas été convoquée devant la commission administrative paritaire statuant en matière disciplinaire et n'a pas été invitée à prendre connaissance de son dossier ;
- l'arrêté du 2 avril 2014 ne pouvait la radier des cadres avec effet rétroactif au 13 février 2013 alors que le ministre de la justice avait déjà prononcé sa radiation à compter de la même date par un arrêté du 26 mars 2013 ;
- le même acte administratif est insuffisamment motivé en fait ;
- il est entaché d'une rétroactivité illégale ;
- il procède également d'une erreur manifeste d'appréciation ; elle justifie d'un arrêt de travail à la date d'effet de l'arrêté contesté dès lors qu'il couvrait la période du 15 janvier au 30 avril 2013 ; il ne saurait lui être reproché d'avoir abandonné son poste de travail ; de 2009 à 2013, elle a fait l'objet de cinq mises en demeure de reprendre son travail auxquelles elle a déféré ; toutefois, à l'issue de chaque journée de reprise, son état de santé l'obligeait à s'arrêter ; elle a, à chaque fois, produit un arrêt de travail dûment transmis à sa hiérarchie dans les délais requis ; suivant les conseils du médecin de prévention, elle avait entrepris des démarches afin de demander sa mise à la retraite pour invalidité ; l'avis de ce médecin n'a pas été retenu par les autorités compétentes ; le 10 novembre 2010, elle a été reconnue travailleur handicapé ; malgré l'aggravation de son état de santé, le comité médical supérieur a refusé une prolongation de son congé de longue maladie ; le rapport d'expertise neurologique et psychiatrique, requis par le comité médical supérieur et établi en 2013 par le docteur Laplagne, conclut à la nécessité d'une mise en invalidité ; elle a réintégré son poste le 14 janvier 2013 mais son médecin lui a prescrit un nouvel arrêt de travail dès le lendemain en raison de son état ; elle a repris son travail le 12 février 2013 après réception d'une nouvelle mise en demeure ; elle n'a pu reprendre ses fonctions le 13 février et a donc envoyé un arrêt de travail à son employeur ;
- elle doit bénéficier d'une mesure d'expertise médicale ; une seule expertise a été réalisée, en juillet 2009, à la demande du comité médical départemental ; aucune autre n'a été sollicitée par les comités médicaux avant qu'ils n'émettent leur avis d'aptitude aux fonctions en juin et octobre 2010, janvier et juin 2011, malgré l'avis contraire de certains médecins, dont celui du médecin de prévention, et l'aggravation de son état ; elle est suivie en unité de soins palliatifs depuis 2009 et par un psychiatre depuis 2010 ; elle s'est vu reconnaître la qualité de travailleur handicapé le 10 novembre 2010 ;
- le garde des sceaux ne pouvait lui opposer la circonstance que ses certificats médicaux n'apportaient aucun élément nouveau concernant son état de santé ; ses arrêts de travail témoignent de la gravité des pathologies dont elle souffre ; le ministre disposait par ailleurs d'avis médicaux complémentaires émanant de médecins agréés qui reconnaissaient une impossibilité d'exercer ses fonctions.
Par ordonnance du 24 octobre 2017, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 28 novembre 2017 à 12 heures.
Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 29 septembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le décret n°86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Sabrina Ladoire,
- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. MmeA..., qui exerçait ses fonctions au tribunal de grande instance de Tarbes en qualité d'adjointe administrative principale de 2ème classe, a été radiée des cadres, par un arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, en date du 2 avril 2014, pour abandon de poste à compter du 13 février 2013. Par un jugement du 9 mars 2016, le tribunal administratif de Pau a annulé cet arrêté. Le garde des sceaux, ministre de la justice, relève appel de ce jugement.
2. Une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste ne peut être régulièrement prononcée que si l'agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai approprié qu'il appartient à l'administration de fixer. Une telle mise en demeure doit prendre la forme d'un document écrit, notifié à l'intéressé, l'informant du risque qu'il court d'une radiation des cadres sans procédure disciplinaire préalable.
3. Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait valoir que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, il avait valablement mis Mme A...en demeure de reprendre ses fonctions, alors même qu'elle se trouvait en congé de maladie au moment où lui ont été adressées ces mises en demeure datées des 9 janvier et 7 février 2013.
4. Cependant, et d'une part, il résulte de l'instruction qu'à la suite de la première mise en demeure datée du 9 janvier 2013, par laquelle il a été enjoint à Mme A...de reprendre son poste au plus tard le 14 janvier suivant, cette dernière s'est effectivement rendue sur son lieu de travail à cette date. Dans ces conditions, elle ne saurait être regardée comme ayant, de sa propre initiative, rompu le lien qui l'unissait à son administration et comme s'étant placée en situation d'abandon de poste. D'autre part, si, pour prononcer la radiation des cadres de Mme A...pour abandon de poste, le garde des sceaux, ministre de la justice, s'est également fondé sur son courrier du 7 février 2013 qui informait l'intéressée qu'en l'absence de reprise de ses fonctions le 11 février suivant, elle serait considérée en abandon de poste sans procédure disciplinaire préalable, il résulte de l'instruction que cette mise en demeure a été reçue par Mme A...le jour même de l'échéance du délai qui lui avait été imparti pour reprendre ses fonctions et qu'elle s'est d'ailleurs rendue sur son lieu de travail le lendemain. Dans ces conditions, cette seconde mise en demeure datée du 7 février ne lui a pas laissé un délai approprié pour reprendre ses fonctions.
5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise judiciaire sollicitée par MmeA..., que le garde des sceaux, ministre de la justice, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a annulé l'arrêté du 2 avril 2014 radiant des cadres Mme A...pour abandon de poste.
DECIDE :
Article 1er : Le recours du garde des sceaux, ministre de la justice est rejeté.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 25 janvier 2018 à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur,
Mme Sabrina Ladoire, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 22 février 2018.
Le rapporteur,
Sabrina LADOIRELe président,
Aymard de MALAFOSSELe greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX01713