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22/02/2018 | FRANCE | N°16BX01057

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 22 février 2018, 16BX01057


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler la décision du 5 janvier 2015 par laquelle le maire de la commune de Mana l'a suspendu de ses fonctions et d'enjoindre à la commune de Mana de le réintégrer dans ses fonctions dans le délai de huit jours, sous astreinte de 300 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1500160 du 31 décembre 2015, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un m

moire en réplique enregistrés respectivement les 28 mars 2016 et 16 janvier 2017, M. A..., ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler la décision du 5 janvier 2015 par laquelle le maire de la commune de Mana l'a suspendu de ses fonctions et d'enjoindre à la commune de Mana de le réintégrer dans ses fonctions dans le délai de huit jours, sous astreinte de 300 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1500160 du 31 décembre 2015, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés respectivement les 28 mars 2016 et 16 janvier 2017, M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guyane du 31 décembre 2015 ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Mana la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'irrégularité ; le principe du contradictoire n'a pas été respecté ; le tribunal administratif a commis une irrégularité de procédure ;

- le terme " malhonnête " employé dans sa demande de première instance ne revêtait pas, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, un caractère injurieux ;

- le tribunal administratif a omis de répondre au moyen tenant à ce que la mesure de suspension n'était pas justifiée en l'espèce ;

- les faits qui fondent la mesure de suspension en litige ne sont pas établis.

Par un mémoire en défense enregistré le 31 août 2016, la commune de Mana conclut au rejet de la requête ainsi qu'à la condamnation du requérant à lui verser la somme de 2 300 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient qu'aucun des moyens invoqués par le requérant n'est fondé.

Par ordonnance du 20 juillet 2017, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 11 septembre 2017 à 12h00.

Les parties ont été avisées, par un courrier du 15 janvier 2018, de ce que la cour était susceptible, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de soulever d'office un moyen d'ordre public.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sylvie Cherrier,

- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., fonctionnaire territorial, occupait les fonctions de directeur financier auprès de la commune de Mana. Par un arrêté du 5 janvier 2015, le maire de Mana l'a suspendu de ses fonctions pour une durée de quatre mois à compter du 12 janvier 2015. Par la présente requête, M. A... demande à la cour d'annuler le jugement du 31 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Le requérant reproche notamment au tribunal administratif de ne pas avoir répondu au moyen invoqué dans son mémoire en date du 1er décembre 2015, tenant à ce que les griefs sur lesquels reposaient la décision attaquée étaient entachés d'erreur de fait et ne permettaient pas de fonder la mesure de suspension en litige.

3. Il résulte de l'examen du jugement attaqué que le tribunal administratif, qui a omis de viser le mémoire complémentaire de M. A... enregistré le 1er décembre 2015 au greffe du tribunal administratif de la Guyane, n'a pas répondu aux moyens présentés dans ledit mémoire complémentaire et tirés de ce que la mesure de suspension attaquée était entachée d'erreur de fait et n'était pas fondée. Or, il résulte de l'instruction que ce mémoire, adressé notamment par télécopie à cette juridiction, a été enregistré à 11 heures 49, soit préalablement à la clôture de l'instruction fixée à 12 heures ce même jour. Par suite, M. A... est fondé à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité pour n'avoir répondu aux moyens invoqués dans ce mémoire du 1er décembre 2015 parvenu avant la clôture de l'instruction.

4. Il y a lieu de statuer par voie d'évocation sur la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif.

Sur la légalité de la mesure de suspension prononcée par l'arrêté du 5 janvier 2015 :

5. En premier lieu, aux termes de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. / Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. Si, à l'expiration de ce délai, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire, l'intéressé, sauf s'il est l'objet de poursuites pénales, est rétabli dans ses fonctions. / Le fonctionnaire qui, en raison de poursuites pénales, n'est pas rétabli dans ses fonctions peut subir une retenue qui ne peut être supérieure à la moitié de la rémunération mentionnée à l'alinéa précédent. Il continue, néanmoins, à percevoir la totalité des suppléments pour charges de famille ".

6. La mesure provisoire de suspension prévue par les dispositions précitées ne présente pas, par elle-même, un caractère disciplinaire. Elle est uniquement destinée à écarter temporairement un agent du service, en attendant qu'il soit statué disciplinairement ou pénalement sur sa situation. Elle peut être légalement décidée dès lors que l'administration, à la date à laquelle elle se prononce, se fonde sur des éléments conférant aux faits reprochés à l'intéressé un caractère de vraisemblance suffisant et permettant de présumer que celui-ci a commis une faute grave. Dès lors, la circonstance que les faits en cause s'avèrent, après vérification ultérieure, matériellement inexacts, est sans incidence sur la légalité de la mesure de suspension.

7. La décision litigieuse indique dans ses motifs que " les agissements répétés de M. B...A..., notamment dans la période récente, (...) font apparaître une attitude injurieuse envers le maire de la commune de Mana, un manquement au devoir de réserve, le refus d'exécuter des ordres émanant du maire, une insubordination et des absences répétées sans autorisation. ". Il ressort des pièces du dossier que M. A...ne s'est pas rendu à une réunion organisée par le maire le 5 décembre 2014, à laquelle celui-ci l'avait convié par courriel, l'intéressé ayant alors informé le maire qu'il ne s'y rendrait qu'à la condition qu'un tiers soit présent. Pour justifier cette exigence, M. A... a, au cours du conseil de discipline, indiqué " qu'il souhaitait que tous ses propos soient actés par un élu ". Il ressort également des pièces du dossier que M. A..., d'une part a eu, à diverses reprises, des propos désobligeants envers le maire, à l'égard duquel il a notamment affirmé son " manque de confiance " et évoqué qu'il " se désolidarisait " de sa gestion, et, d'autre part, a refusé délibérément d'exécuter un ordre du maire portant sur l'accomplissement d'une tâche relevant de ses fonctions. M. A..., qui se contente de faire valoir que ses absences ont toutes été justifiées auprès du maire et ont été autorisées par ce dernier, que ses évaluations professionnelles ont toujours été excellentes, que l'article publié dans un quotidien local, dont le contenu lui a été reproché au cours du conseil de discipline, est paru le 13 janvier 2015, soit postérieurement à la mesure de suspension en litige, qu'il a fait preuve d'efficacité dans le cadre de la négociation d'un emprunt auprès de l'Agence française de développement entre 2012 et 2014, et qu'il a en réalité été " poussé à la faute ", ne conteste pas utilement les faits précis qui lui sont ainsi reprochés. Il n'est par suite pas fondé à soutenir que la mesure de suspension en litige serait entachée d'erreur de fait.

8. Par ailleurs, et quels qu'aient pu être les motifs de ses agissements, il résulte de ce qui vient d'être dit que M. A... a méconnu, dans différentes circonstances, ses devoirs d'obéissance et de réserve à l'égard de l'autorité communale. Dans ces conditions, et compte tenu de la nature des fonctions qui lui étaient confiées et du niveau de responsabilité qui était le sien, la mesure de suspension contestée a reposé sur des éléments ayant un caractère de vraisemblance suffisant et de nature à permettre de penser que l'intéressé avait commis une faute grave. M. A... n'est par suite pas fondé à soutenir que cette mesure n'aurait pas été fondée.

9. En deuxième lieu, si M. A... fait valoir que la mesure de suspension aurait eu pour objet de le sanctionner pour avoir " dénoncé des agissements en vigueur au sein de la mairie de Mana sur les finances locales ", il ne ressort pas des pièces du dossier que le maire de Mana ait eu l'intention, en prononçant cette mesure conservatoire, de poursuivre un but autre que l'intérêt du service. En conséquence, et dès lors que la décision contestée ne constituait pas une sanction, le requérant ne peut utilement soutenir qu'elle aurait été adoptée à la suite d'une procédure irrégulière faute d'avoir été précédée de la communication de l'intégralité de son dossier, disciplinaire et individuel, et d'un avis du conseil de discipline sur la mesure envisagée.

10. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de la mesure de suspension prise à son encontre. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent être accueillies.

Sur la suppression des passages injurieux et diffamatoires dans les écritures de M.A... :

11. Le passage de la requête introductive d'instance de M. A... devant le tribunal administratif qui commence par " Pour dissimuler... " et s'achève par " ...en l'espèce. " (page 6) présente un caractère outrageant et diffamatoire. Il y a lieu d'en prononcer la suppression par application des dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881, reproduites à l'article L. 741-2 du code de justice administrative, qui permettent aux tribunaux, dans les causes dont ils sont saisis, de prononcer la suppression des écrits injurieux, outrageants ou diffamatoires.

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Mana, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, soit condamnée à payer une somme à ce titre à M. A.... Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'affaire, de condamner le requérant à payer à la commune de Mana la somme qu'elle demande au titre des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1500160 du tribunal administratif de la Guyane est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif est rejetée, ainsi que le surplus des conclusions de sa requête d'appel.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Mana au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et à la commune de Mana.

Copie en sera adressée au préfet de la Guyane et à la ministre des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 25 janvier 2018 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Sylvie Cherrier, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 22 février 2018.

Le rapporteur,

Sylvie CHERRIER

Le président,

Aymard de MALAFOSSE Le greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 16BX01057


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX01057
Date de la décision : 22/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Suspension.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Caractère disciplinaire d'une mesure - Mesure ne présentant pas ce caractère.

Procédure - Voies de recours - Appel - Effet dévolutif et évocation - Évocation.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Sylvie CHERRIER
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : FOMBARON

Origine de la décision
Date de l'import : 27/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-02-22;16bx01057 ?
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