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22/02/2018 | FRANCE | N°16BX01017

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 22 février 2018, 16BX01017


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... G...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler, d'une part, l'arrêté du 16 avril 2013 par lequel le maire de la commune de Condat-sur-Vienne a prononcé à son encontre une sanction disciplinaire et, d'autre part, la décision du 7 mai 2013 rejetant son recours gracieux contre cet arrêté.

Par un jugement n° 1301033 du 28 janvier 2016, le tribunal administratif de Limoges a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire compléme

ntaire enregistrés respectivement les 23 mars 2016 et 5 juillet 2017, Mme G..., représentée pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... G...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler, d'une part, l'arrêté du 16 avril 2013 par lequel le maire de la commune de Condat-sur-Vienne a prononcé à son encontre une sanction disciplinaire et, d'autre part, la décision du 7 mai 2013 rejetant son recours gracieux contre cet arrêté.

Par un jugement n° 1301033 du 28 janvier 2016, le tribunal administratif de Limoges a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés respectivement les 23 mars 2016 et 5 juillet 2017, Mme G..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 28 janvier 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 avril 2013 par lequel le maire de la commune de Condat-sur-Vienne a prononcé à son encontre une sanction disciplinaire ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Condat-sur-Vienne la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté du 16 avril 2013 a été adopté en méconnaissance du principe des droits de la défense ;

- la matérialité des faits ayant justifié la sanction prise à son encontre n'est pas établie ; en tout état de cause, elle ne s'est rendue coupable d'aucun harcèlement moral ;

- à supposer établis les faits qui lui sont reprochés, la sanction disciplinaire prise à son encontre est excessive et entachée d'erreur d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 août 2017, la commune de Condat-sur-Vienne conclut au rejet de la requête ainsi qu'à la condamnation de la requérante à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requérante a disposé d'un délai suffisant pour prendre connaissance de son dossier et organiser sa défense ;

- les faits reprochés sont constitutifs de harcèlement moral et justifient une sanction disciplinaire ;

- la sanction du blâme n'est pas disproportionnée au regard des fautes commises.

Par ordonnance du 7 août 2017, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 8 septembre 2017 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux ;

- le décret n° 92-850 du 28 août 1992 portant statut particulier du cadre d'emplois des agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sylvie Cherrier,

- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant MmeG....

Considérant ce qui suit :

1. Mme G... est employée par la commune de Condat-sur-Vienne en qualité d'agent technique spécialisé des écoles maternelles principal de 2ème classe. Par arrêté du 16 avril 2013, le maire de la commune de Condat-sur-Vienne a prononcé un blâme à son encontre au motif qu'elle avait eu des propos et des comportements inappropriés à l'égard de deux de ses collègues. Par un courrier du 4 mai 2013, elle a formé un recours gracieux qui a été rejeté par une décision du 7 mai 2013. Par la présente requête, Mme G... demande à la cour d'annuler le jugement du 28 janvier 2016 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 16 avril 2013 et du 7 mai 2013 et de prononcer l'annulation de l'arrêté du 16 avril 2013.

Sur la légalité de l'arrêté du 16 avril 2013 :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 : " Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination. / Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée à droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. (...) " ; Aux termes de l'article 4 du décret du 18 septembre 1989 : " L'autorité investie du pouvoir disciplinaire informe par écrit l'intéressé de la procédure disciplinaire engagée contre lui, lui précise les faits qui lui sont reprochés et lui indique qu'il a le droit d'obtenir la communication intégrale de son dossier individuel au siège de l'autorité territoriale et la possibilité de se faire assister par un ou plusieurs conseils de son choix. / L'intéressé doit disposer d'un délai suffisant pour prendre connaissance de ce dossier et organiser sa défense. (...). ". Il résulte de ces dispositions qu'une sanction ne peut être prononcée légalement sans que l'intéressé ait été mis en mesure de présenter utilement sa défense.

3. Il ressort des pièces du dossier que, par courrier avec accusé de réception du 15 mars 2013, Mme G... a été informée par le maire de la commune de Condat-sur-Vienne, d'une part, que des faits de harcèlement et de menaces physiques envers des collègues lui étaient reprochés et qu'une procédure disciplinaire était envisagée à son encontre, d'autre part, qu'elle avait droit, pendant un délai de quinze jours à compter du lundi 18 mars 2013, à la communication de l'intégralité de son dossier, individuel et disciplinaire, ainsi qu'à l'assistance d'un ou plusieurs défenseurs de son choix, et qu'elle pouvait produire des observations sur les faits reprochés, enfin, qu'à l'issue de ce délai de 15 jours, elle serait convoquée à un entretien préalable, au cours duquel elle pourrait être accompagnée de la personne de son choix. Mme G... a ainsi été informée de la procédure initiée à son encontre et de ses droits dans les conditions prévues par les dispositions précitées. Elle a par ailleurs disposé du temps nécessaire pour organiser sa défense, l'intéressée n'établissant ni même n'alléguant qu'elle aurait été empêchée de consulter son dossier en dehors de la date et de l'horaire à laquelle elle s'est rendue à la mairie pour ce faire, soit le 28 mars 2013, de 17h30 à 18h00. Si elle fait valoir qu'" aucune photocopie de pièces n'a été rendue possible " lors de cette consultation, elle n'indique pas précisément pour quel motif, alors que M. F..., directeur général des services à la mairie a relaté, dans une attestation du 3 août 2017, qu'il avait indiqué les modalités de fonctionnement de la photocopieuse à la requérante et que celle-ci avait été ainsi mise en mesure de photocopier les pièces de son dossier. En outre, Mme G..., qui a produit lesdites pièces dès sa requête introductive d'instance devant le tribunal administratif, ne donne aucune précision sur la date et les conditions dans lesquelles elle les aurait obtenues. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie doit être écarté.

4. En second lieu, l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 prévoit que toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice, ou à l'occasion de l'exercice, de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire. L'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 prévoit quatre groupes de sanctions et, pour les sanctions du premier groupe : " l'avertissement ; le blâme ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours ".

5. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

6. La décision litigieuse est fondée sur ce que l'intéressée, d'une part, a eu des propos disgracieux envers une de ses collègues, sur laquelle il lui est par ailleurs reproché d'avoir exercé des pressions morales et physiques, et, d'autre part, a commis des violences physiques à l'encontre d'une autre collègue. Il ne ressort ni des termes de l'arrêté contesté, ni de la circonstance que la procédure disciplinaire a été engagée sur la base du courrier du 15 mars 2013 faisant état d'un " harcèlement ", ni d'aucun autre élément du dossier, que la sanction serait fondée sur le grief de harcèlement moral à l'encontre d'un autre agent.

7. Par un courrier du 12 mars 2013, MmeE..., qui effectuait un remplacement à l'école maternelle de Condat-sur-Vienne depuis le 17 janvier 2013, a informé le maire du " harcèlement moral " qu'elle estimait subir de la part de la requérante, et énuméré, de manière circonstanciée, divers propos et comportements que cette dernière aurait eu à son égard depuis deux mois, de façon quotidienne et répétée. MmeC..., employée dans cette même école en qualité d'agent technique spécialisé des écoles maternelles principal de 2ème classe, a confirmé dans un courrier du 13 mars 2013 plusieurs des propos et comportements de Mme G... énumérés par MmeE..., et certifié " avoir assisté à l'agressivité de Mme G... envers Mlle E...entre fin janvier 2013 et (...) le 13 mars 2013 ", la première faisant à la seconde " réflexions sur réflexions (...) sur un ton très agressif en donnant des ordres, (...) sans marques de politesse ". Si, dans une attestation du 16 mars 2016, Mme C...indique qu'elle ignorait que son témoignage du 13 mars 2013 serait utilisé dans le cadre d'une procédure judiciaire, qu'elle n'a pas été témoin d'agressivité physique de la requérante envers Mme E...et que son témoignage faisait état de " quelques réflexions verbales, sans plus ", elle ne revient toutefois pas sur la teneur de ces réflexions ni sur la circonstance que Mme G... aurait fait preuve, de manière répétée, d'agressivité verbale envers Mme E.... Enfin, si Mme G... a produit plusieurs attestations rédigées par des collègues dans lesquelles ils indiquent ne pas avoir eu à se plaindre de son comportement ou de ses propos, aucune de ces attestions ne vient contredire les propos et comportements rapportés par Mme E... et corroborés par MmeC.... Par suite, la matérialité des griefs est établie par les pièces du dossier en ce qui concerne les propos disgracieux tenus par la requérante envers Mme E...et les pressions morales exercées sur celle-ci. Elle ne l'est pas en revanche, en ce qui concerne les violences physiques.

8. Ceux des faits reprochés à Mme G... qui sont suffisamment établis présentent un caractère répété et révèlent un mode de communication ainsi qu'un comportement inappropriés dans un cadre professionnel, de la part d'un agent ne disposant d'aucun pouvoir hiérarchique ou de direction sur ses collègues et se comportant comme le " leader désigné du groupe " selon l'une des attestations produites par l'intéressée, étaient de nature à justifier une sanction. Dans les circonstances de l'affaire, la sanction du premier groupe, de blâme, n'est pas disproportionnée. Il résulte par ailleurs de l'instruction que si elle s'était fondée sur les seuls éléments mentionnés au point précédent, qui suffisaient à justifier légalement la décision, l'autorité disciplinaire aurait prononcé la même sanction.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme G... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la sanction en cause.

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Condat-sur-Vienne, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, soit condamnée à payer une somme à ce titre à Mme G.... Il convient, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme G... une somme de 1 000 euros au titre de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme G... est rejetée.

Article 2 : Mme G... versera à la commune de Condat-sur-Vienne une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la commune de Condat-sur-Vienne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... G...et à la commune de Condat-sur-Vienne.

Délibéré après l'audience du 25 janvier 2018 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Sylvie Cherrier, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 22 février 2018.

Le rapporteur,

Sylvie CHERRIERLe président,

Aymard de MALAFOSSE Le greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 16BX01017


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX01017
Date de la décision : 22/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Motifs - Faits de nature à justifier une sanction.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Procédure.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Sylvie CHERRIER
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : CABINET HENRY - CHARTIER-PREVOST - PLAS - GUILLOUT

Origine de la décision
Date de l'import : 27/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-02-22;16bx01017 ?
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