Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B...C...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 23 octobre 2017 par lequel le préfet de la Gironde a décidé son transfert aux autorités danoises en vue de l'examen de sa demande d'asile.
Par un jugement n° 1704653 du 27 octobre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 20 novembre 2017, Mme B...C..., représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux du 27 octobre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 23 octobre 2017 du préfet de la Gironde susmentionné ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation administrative ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision de transfert méconnaît les dispositions de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que le compte rendu de son entretien individuel, réalisé le 14 juin 2017 par l'autorité administrative avec l'aide d'un interprète en langue arabe par téléphone et qui n'était pas physiquement auprès d'elle, ne permet pas d'identifier l'interprète ;
- les conditions dans lesquelles cet entretien individuel se sont déroulées n'ont pas permis de garantir un mode de traduction satisfaisant ainsi que la confidentialité de cet entretien, en méconnaissance des dispositions des paragraphes 4 et 5 de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 janvier 2018, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 3 janvier 2018, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 15 janvier 2018.
Le 8 janvier 2018, Mme C...a produit la décision du 30 novembre 2017 du bureau d'aide juridictionnelle l'admettant au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement UE n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 pris pour son application ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Axel Basset a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeC..., ressortissante irakienne, née le 15 mai 1970, est entrée irrégulièrement en France, selon ses propres dires, le 16 avril 2017, afin d'y solliciter l'asile politique. Estimant, au vu des résultats des relevés de ses empreintes digitales, que le Danemark pouvait s'avérer l'Etat membre responsable de l'examen de son dossier, le préfet de la Gironde a formé, le 18 juillet 2017, auprès des autorités danoises une demande de transfert, sur le fondement de l'article 18.1 b) du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. A la suite de l'accord explicite rendu par lesdites autorités le 19 juillet 2017, le préfet de la Gironde a, par deux arrêtés en date du 23 octobre 2017, prononcé, d'une part, son transfert vers le Danemark aux fins d'examen de sa demande d'asile et, d'autre part, son assignation à résidence dans le département de la Gironde pour une durée de quarante cinq jours dans l'attente de l'exécution de cette décision. Mme C...relève appel du jugement du 27 octobre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté prononçant son transfert aux autorités danoises.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. D'une part, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. (...) ". Aux termes de l'article 5 de ce règlement : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'il est prévu aux livres II, V et VI du présent code qu'une décision ou qu'une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire. / En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur l'une des listes mentionnées à l'article L. 111-9 ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger. (...) ". Aux termes de l'article L. 111-9 de ce code : " Un décret en Conseil d'Etat (...) définit notamment les conditions dans lesquelles les interprètes traducteurs sont inscrits sur la liste prévue au dernier alinéa de l'article L. 111-8 et en sont radiés. ".
4. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.
5. Il est constant que Mme C...a bénéficié, le 14 juin 2017, d'un entretien individuel au sein des services de la préfecture de la Gironde, avec l'assistance téléphonique d'un interprète de la société ISM interprétariat, agréée par le ministère de l'intérieur, dans la langue qu'elle avait déclaré comprendre, en l'occurrence la langue arabe. L'appelante, qui ne conteste pas s'être vu remettre à cette occasion le guide du demandeur d'asile en langue arabe, ainsi que les brochures d'informations sur le Règlement UE N° 604/2013 (Dublin III) : " J'ai demandé l'asile dans l'Union Européenne quel pays sera responsable de ma demande ' " et " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' ", soutient que les conditions dans lesquelles cet entretien individuel se sont déroulées n'ont pas permis de garantir un mode de traduction satisfaisant et la confidentialité de celui-ci dès lors que l'interprète n'était pas présent physiquement à ses côtés. Toutefois, d'une part, les dispositions précitées des paragraphes 4 et 5 de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 imposent seulement aux États membres qui examinent une demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur leur territoire de garantir que l'entretien individuel destiné à faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable soit mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer et ne font, en revanche, pas obstacle à ce que l'interprète désigné afin d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel apporte son assistance par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. D'autre part, s'il ressort des pièces du dossier qu'en méconnaissance des dispositions de l'alinéa 2 de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le nom et les coordonnées de l'interprète n'ont pas été indiqués par écrit à MmeC..., l'omission de telles indications, qui n'a pas été de nature à affecter le déroulement même de l'entretien dont a bénéficié la requérante, ne saurait être regardée, en l'espèce, comme l'ayant privée d'une garantie ou de nature à avoir exercé une influence sur le sens de l'arrêté de transfert pris au terme dudit entretien. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie doit être écarté.
Sur les autres conclusions :
6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C...et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 22 janvier 2018, à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
M. Gil Cornevaux, président assesseur,
M. Axel Basset, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 février 2018.
Le rapporteur,
Axel BassetLe président,
Pierre LarroumecLe greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Cindy Virin
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N° 17BX03601