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15/02/2018 | FRANCE | N°17BX03293

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 15 février 2018, 17BX03293


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 16 mai 2017 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé à défaut de se conformer à ladite obligation.

Par un jugement n° 1701407 du 13 septembre 2017, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure

devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 octobre 2017, M.A..., représenté par la SC...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 16 mai 2017 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé à défaut de se conformer à ladite obligation.

Par un jugement n° 1701407 du 13 septembre 2017, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 octobre 2017, M.A..., représenté par la SCP Breillat-Dieumegard-Masson, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 13 septembre 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 16 mai 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Vienne de lui délivrer une carte de séjour temporaire d'une durée d'un an dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative et subsidiairement, d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, ou à défaut de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

En ce qui concerne l'arrêté dans son ensemble, il soutient que l'autorité signataire n'était pas compétente pour prendre l'arrêté contesté compte tenu du caractère extrêmement large de l'arrêté de délégation de signature.

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour, il soutient que :

- elle est entachée d'une insuffisante de motivation et d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et méconnaît également les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français, il soutient que :

- elle est privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et du droit d'asile ;

- cette décision méconnaît également les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

- elle est insuffisamment motivée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 décembre 2017, le préfet de la Vienne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 novembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C...a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., ressortissant comorien, né le 28 mai 1966, s'est installé en 2008 à Mayotte avec ses cinq enfants et son épouse, dont il a divorcé en 2010. Il lui a été délivré, à Mayotte, une carte de séjour temporaire portant la mention " liens personnels et familiaux " d'une durée d'un an, valable du 3 mars 2015 au 2 mars 2016. Muni d'un visa court séjour de 20 jours, il est entré régulièrement en France métropolitaine le 14 septembre 2015. Le 30 novembre 2016, il a sollicité une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale ". Par arrêté du 16 mai 2017, la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A...relève appel du jugement rendu le 13 septembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 16 mai 2017 :

En ce qui concerne l'arrêté pris dans son ensemble :

2. L'arrêté contesté a été signé par M. Émile Soumbo, secrétaire général de la préfecture de la Vienne, qui bénéficiait d'une délégation de signature consentie par un arrêté préfectoral du 31 mars 2017, régulièrement publié le 3 avril 2017 au recueil des actes administratifs de la préfecture n°86-2017-035, lui permettant notamment de signer l'ensemble des arrêtés pris en application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cette délégation, qui ne présentait pas un caractère trop général, lui donnait légalement compétence pour signer l'arrêté contesté.

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, M. A...reprend en appel le moyen déjà soulevé en première instance tiré du défaut de motivation de l'arrêté contesté. Toutefois, l'arrêté litigieux mentionne, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé d'en comprendre les motifs, et dépourvue de caractère stéréotypé, les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement des différentes décisions qu'il comprend. Il ne ressort pas plus des pièces du dossier, notamment de la motivation de l'arrêté contesté, que le préfet se serait abstenu de se livrer à l'examen sérieux de la situation de M.A.... Par suite, ces moyens doivent être écartés.

4. En second lieu et d'une part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine. Et aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; "

5. D'autre part, il résulte en outre des articles L. 111-2 et L. 111-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers qu'après l'entrée en vigueur, le 26 mai 2014, de l'ordonnance du 7 mai 2014, laquelle n'a pas de portée rétroactive, les dispositions de ce code étaient applicables à Mayotte. De plus, aux termes de l'article L. 832-2 du même code, créé par l'ordonnance du 7 mai 2014: " Sans préjudice des dispositions des articles L. 121-1 et L. 121-3, les titres de séjour délivrés par le représentant de l'État à Mayotte, à l'exception des titres délivrés en application des dispositions des articles L. 121-3, L. 313-4-1, L. 313-8, du 6° de l'article L. 313-10, de l'article L. 313-13 et du chapitre IV du titre 1er du livre III, n'autorisent le séjour que sur le territoire de Mayotte. / Les ressortissants de pays figurant sur la liste, annexée au règlement (CE) n° 539/2001 du Conseil du 15 mars 2001 des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à 1'obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des États membres, qui résident régulièrement à Mayotte sous couvert d'un titre de séjour n'autorisant que le séjour à Mayotte et qui souhaitent se rendre dans un autre département doivent obtenir un visa.". Un séjour à Mayotte autorisé sur le fondement d'un autre titre que ceux mentionnés par exception à l'article L. 832-2 précité ne peut être regardé comme un séjour " en France " au sens des dispositions précitées de l'article L. 111-3, dès lors que ces titres n'autorisent le séjour que sur le territoire de Mayotte. Par suite, l'appelant ne peut utilement se prévaloir, pour contester le refus de titre de séjour qui lui a été opposé par le préfet de la Vienne, ni de ce qu'il a été titulaire du 3 mars 2015 au 2 mars 2016 d'une carte de séjour " liens personnels et familiaux " délivrée par le préfet de Mayotte, ni de l'ancienneté de son séjour à Mayotte depuis 2008.

6. De plus, si M. A...se prévaut de la présence de deux de ses six enfants à Poitiers pour la poursuite de leurs études et de son engagement dans l'association " Centres socioculturels des Trois Cités ", il ressort des pièces du dossier qu'il n'établit pas avoir développé des liens d'une intensité particulière en France hors de cette cellule familiale et qu'il est célibataire. Il ne justifie pas davantage de la réalité et de l'intensité de ses liens familiaux en France métropolitaine en produisant des actes de naissance et des certificats de scolarité. Si l'appelant est entré en France le 14 septembre 2015, il était alors déjà âgé de 48 ans et avait ainsi passé l'essentiel de son existence dans son pays d'origine. En outre, il ressort des pièces du dossier que deux de ses enfants et ses deux soeurs résident à Mayotte. Au surplus, s'il s'est prévalu, au soutien de sa demande de titre de séjour formulée le 30 novembre 2016, de sa qualité de parent d'une enfant française née le 1er décembre 2011, celle-ci n'a été reconnue par M. A... qu'à l'âge de cinq ans, au mois de juillet 2016, et il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il contribue à son éducation et à son entretien. Dans ces conditions, la décision contestée n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et ne peut donc être regardée comme méconnaissant ni les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

8. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 6 que la mesure d'éloignement n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : "Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale.". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

10. Si l'appelant soutient que la décision susvisée a pour conséquence de priver sa fille, qui vit avec sa mère et qui est née le 1er décembre 2011, de tout lien avec son père, il n'établit pas, par les documents qu'il produit, contribuer à l'éducation et à l'entretien de cette enfant, qu'il n'a reconnue qu'au mois de juillet 2016, alors qu'elle était âgée de cinq ans et au moment où il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en France métropolitaine. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

11. Il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la mesure d'éloignement à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi.

12. La décision contestée vise notamment l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et mentionne que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à ces stipulations en cas de retour dans son pays d'origine. Cette décision est, par suite, suffisamment motivée.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 13 septembre 2017, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter, d'une part, les conclusions présentées par l'appelant aux fins d'injonction et d'astreinte, d'autre part, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A..., au ministre de l'intérieur et à SCP Breillat-Dieumegard-Masson. Copie en sera adressée au préfet de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 23 janvier 2018 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 février 2018

Le président assesseur,

Didier Salvi

Le président-rapporteur,

Éric Rey-BèthbéderLe greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 17BX03293


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX03293
Date de la décision : 15/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Eric REY-BETHBEDER
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : SCP BREILLAT DIEUMEGARD MASSON

Origine de la décision
Date de l'import : 06/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-02-15;17bx03293 ?
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