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08/02/2018 | FRANCE | N°17BX03156

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 08 février 2018, 17BX03156


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de la Guyane a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 1600208 du 15 décembre 2016, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande, qu'il a regardée comme dirigée contre l'arrêté intervenu en cours d'instance le 5 juillet 2016.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 22 septembre 2017, M.C..., représenté par Me

A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Guyane en da...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de la Guyane a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 1600208 du 15 décembre 2016, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande, qu'il a regardée comme dirigée contre l'arrêté intervenu en cours d'instance le 5 juillet 2016.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 22 septembre 2017, M.C..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Guyane en date du 15 décembre 2016 ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet du préfet de la Guyane, ainsi que l'arrêté du 5 juillet 2016 par lequel cette même autorité a expressément refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour vie privée et familiale ou à défaut, de se prononcer à nouveau sur son droit au séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêté à intervenir et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté du 5 juillet 2016 est entaché d'incompétence à défaut pour le préfet de justifier de la régularité de la délégation octroyée à son signataire ;

- le préfet ne pouvait rejeter la demande de titre de séjour au motif que l'interdiction judiciaire du territoire national prononcée à son encontre n'était pas levée ; cette condamnation prononcée pour une durée de trois ans par le tribunal correctionnel de Cayenne le 14 mars 2008 est ancienne ; il n'en a pas eu connaissance avant le mois de décembre 2015 ; malgré cette interdiction du territoire français, dont le préfet ne pouvait ignorer l'existence, il a bénéficié d'un titre de séjour renouvelé une fois ;

- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il vit en Guyane depuis 2002 aux côtés de son père et de ses frères et soeurs ; si sa mère réside en Haïti, il n'a plus de lien avec elle ; sa seule condamnation pénale est ancienne et ne pouvait faire obstacle à ce qu'un titre de séjour lui soit délivré ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'illégalité : dès lors qu'il entre dans les catégories d'étrangers permettant de bénéficier d'un titre de séjour, il est protégé contre toute mesure d'éloignement ;

- pour les motifs précédemment développés, cette décision porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale tel que protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par ordonnance du 20 octobre 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 novembre 2017 à 12 heures.

Un mémoire, enregistré le 11 décembre 2017, a été présenté par le préfet de la Guyane.

M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 avril 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code pénal ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 11 janvier 2018 :

- le rapport de Mme Cécile Cabanne,

- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M.C..., ressortissant haïtien né en 1978, est entré en France selon ses déclarations en décembre 2002. Il a été admis provisoirement au séjour durant l'année 2004 le temps de l'examen de sa demande d'asile, qui a été rejetée, puis a fait l'objet d'un premier refus de séjour en 2007, assorti d'une obligation de quitter le territoire français qu'il n'a pas exécutée. Il a toutefois pu bénéficier à compter du 10 janvier 2014 d'une carte de séjour temporaire au titre de sa vie privée et familiale, reconduite en 2015, et dont il a demandé le renouvellement le 18 septembre 2015. Le préfet de la Guyane, après un refus implicite né du silence gardé pendant quatre mois sur cette demande, a, par un arrêté du 5 juillet 2016, refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français. M. C... relève appel du jugement du 15 décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions.

Sur l'étendue du litige :

2. Si le silence gardé par l'administration sur un recours gracieux ou hiérarchique fait naître une décision implicite de rejet qui peut être déférée au juge de l'excès de pouvoir, une décision explicite de rejet intervenue postérieurement, qu'elle fasse suite ou non à une demande de communication des motifs de la décision implicite présentée en application des dispositions de L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration, se substitue à la première décision. Il en résulte que des conclusions à fin d'annulation de cette première décision doivent être regardées comme dirigées contre la seconde.

3. Il résulte de ce qui précède que les conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le préfet de la Guyane a refusé de délivrer à M. C...un titre de séjour doivent être regardées comme dirigées contre la décision explicite du 5 juillet 2016 par laquelle le préfet a explicitement rejeté sa demande.

Sur les conclusions en annulation :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

4. Aux termes de l'article 131-30 du code pénal : " Lorsqu'elle est prévue par la loi, la peine d'interdiction du territoire français peut être prononcée, à titre définitif ou pour une durée de dix ans au plus, à l'encontre de tout étranger coupable d'un crime ou d'un délit. / L'interdiction du territoire entraîne de plein droit la reconduite du condamné à la frontière, le cas échéant, à l'expiration de sa peine d'emprisonnement ou de réclusion ". Aux termes de l'article R. 311-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le titre de séjour est retiré : (...) 6° Si son détenteur fait l'objet d'une décision judiciaire d'interdiction du territoire (...) ".

5. Aussi longtemps que la personne condamnée n'a pas obtenu de la juridiction qui a prononcé la condamnation pénale le relèvement de la peine complémentaire que constitue l'interdiction judiciaire du territoire, laquelle est imprescriptible, l'autorité administrative est tenue de pourvoir à son exécution.

6. Le préfet de la Guyane a refusé de renouveler le titre de séjour " vie privée et familiale " sollicité par M. C...au motif qu'il a fait l'objet d'une interdiction judiciaire du territoire qu'il n'a pas exécutée.

7. Il ressort des pièces du dossier que le tribunal correctionnel de Cayenne a condamné le 14 mars 2008 M. C...à une peine de trois mois d'emprisonnement pour soustraction à l'exécution d'une mesure de reconduite à la frontière, assortie de la peine complémentaire d'interdiction judiciaire du territoire français pendant trois ans. Si M. C...fait valoir que cette décision pénale ne lui a été notifiée qu'en décembre 2015, cette notification emporte l'opposabilité de cette interdiction à compter de cette date. Il est constant qu'il ne l'a pas exécutée et n'en a pas sollicité le relèvement. Le préfet de la Guyane était, dès lors, en situation de compétence liée pour refuser de renouveler le titre de séjour, sans que puisse influer la circonstance regrettable que ce refus intervient après que le préfet ait délivré deux titres de séjour postérieurement au prononcé de la peine. Par suite, M. C...ne saurait utilement se prévaloir d'une méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte est sans influence sur la légalité de la décision attaquée.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. Si M. C...conteste en appel la légalité de l'obligation de quitter le territoire français contenue dans l'arrêté du 5 juillet 2016, en l'absence de relèvement, l'interdiction judiciaire du territoire doit être exécutée. Les conséquences de l'éloignement du territoire français résultent de la décision judiciaire d'interdiction du territoire. Dès lors, les moyens soulevés à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français doivent être écartés comme inopérants.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande. Par suite ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Guyane.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,

Mme Cécile Cabanne, premier conseiller.

Lu en audience publique le 8 février 2018.

Le rapporteur,

Cécile CABANNE

Le président,

Catherine GIRAULT Le greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 17BX03156


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX03156
Date de la décision : 08/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Cécile CABANNE
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : CESSO

Origine de la décision
Date de l'import : 10/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-02-08;17bx03156 ?
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