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08/02/2018 | FRANCE | N°17BX02944

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 08 février 2018, 17BX02944


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F...C...a demandé au tribunal administratif de Mayotte d'annuler l'arrêté du 29 janvier 2016 par lequel le préfet de Mayotte a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 1600301 du 30 janvier 2017, le tribunal administratif de Mayotte a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 août 2017, et un mémoire en production de pièces, en

registré le 11 novembre 2017, M.C..., représenté par MeJ..., demande à la cour :

1°) d'annuler c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F...C...a demandé au tribunal administratif de Mayotte d'annuler l'arrêté du 29 janvier 2016 par lequel le préfet de Mayotte a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 1600301 du 30 janvier 2017, le tribunal administratif de Mayotte a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 août 2017, et un mémoire en production de pièces, enregistré le 11 novembre 2017, M.C..., représenté par MeJ..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Mayotte du 30 janvier 2017 ;

2°) d'annuler cet arrêté du préfet de Mayotte du 29 janvier 2016 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Mayotte de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour sous même condition d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier ; les premiers juges ont insuffisamment motivé le " rejet " du moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte et l'examen de l'arrêté révèle qu'il n'est pas signé ; de même, alors que le tribunal a constaté qu'il vivait en concubinage avec Mme G...depuis plusieurs années et que de cette union sont nés à Mayotte deux enfants, il n'en a pas tiré les conséquences en écartant les moyens tirés de la méconnaissance des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté est entaché d'incompétence ; le tampon est impersonnel ; il n'est pas possible de savoir qui est l'auteur de la décision en litige ; de même, alors que la délégation de signature est donnée à M. H...en cas d'empêchement ou d'absence de M.D..., il n'est pas établi que ce dernier était absent ou empêché à la date de la décision attaquée ;

- la décision de refus de titre de séjour méconnaît les articles L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il vit en couple depuis treize ans avec MmeG..., laquelle réside régulièrement sur le territoire français ; l'absence de mariage n'induit pas l'absence de sérieux du couple alors que leur premier enfant est né le 9 mai 2006 et que deux autres enfants sont nés de cette union en 2010 et 2015 ; il justifie participer à l'entretien et à l'éducation de ses enfants ; si le préfet déduit de sa durée de présence en France trois ans au cours de laquelle il aurait fait l'objet d'une interdiction de territoire français qu'il n'aurait pas exécutée, il n'en a jamais eu connaissance et le préfet n'a jamais produit cette décision ; à supposer existants des liens avec les Comores, sa famille nucléaire réside à Mayotte ;

- la décision de refus de titre de séjour méconnaît l'article 3§1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; à la date de l'arrêté attaqué, il est le père de trois enfants nés à Mayotte ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 décembre 2017, le préfet de Mayotte conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.

M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 juin 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer les conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Cécile Cabanne,

- et les observations de Me A...B..., représentant M.C....

Une note en délibéré présentée pour M. C...a été enregistrée le 5 février 2018.

Considérant ce qui suit :

1. M.C..., ressortissant comorien né le 28 juillet 1978, est entré selon ses déclarations à Mayotte en 2004. Il a sollicité le 12 décembre 2013 un titre de séjour mention " vie privée et familiale ". Par arrêté du 29 janvier 2016, le préfet de Mayotte a refusé de lui délivrer le titre sollicité et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. M. C... relève appel du jugement du 30 janvier 2017 par lequel le tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Le tribunal administratif de Mayotte a suffisamment répondu au moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte en constatant, contrairement aux dires du requérant, que l'arrêté du préfet de Mayotte était signé. Par ailleurs, le bien-fondé des réponses apportées par le tribunal administratif aux moyens tirés de la méconnaissance des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est sans incidence sur la régularité du jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

3. L'original de l'arrêté attaqué est signé, en vertu d'une délégation du 21 décembre 2015 du préfet de Mayotte régulièrement publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, par M. I...H..., chef du service de l'immigration et de l'intégration. La circonstance que l'ampliation produite par l'intéressé ne comporte pas la signature de M. H... est sans influence sur la légalité de cet arrêté. Si M. H...bénéficie d'une délégation à l'effet de signer notamment les décisions de refus de délivrance de titres de séjour et les décisions d'éloignement en cas d'absence ou d'empêchement de M. E... D..., directeur de l'immigration et de l'intégration, il n'est pas établi par M. C..., à qui la charge de la preuve incombe contrairement à ce qu'il soutient, que ce dernier n'aurait pas été absent ou empêché. Ainsi, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté.

4. Selon l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ".

5. M. C...se prévaut d'une durée de séjour de douze ans en France et de la communauté de vie d'une durée équivalente avec sa compagne, MmeG..., qui réside régulièrement sur le territoire français depuis 2014, avec laquelle il a eu trois enfants. Toutefois, l'intéressé ne démontre pas son entrée en France en 2004. Il ne justifie d'une présence sur le territoire français qu'au plus tôt depuis 2006. Il ressort également des pièces du dossier, et notamment des mentions du bulletin n° 2 faisant foi, que le tribunal de première instance de Mamoudzou a condamné le 5 novembre 2008 M. C...à une peine de trois mois d'emprisonnement pour entrée ou séjour irrégulier d'un étranger en France, usage de faux et détention frauduleuse de faux document administratif constatant un droit, une identité ou une qualité, assortie de la peine complémentaire d'interdiction judiciaire du territoire français pendant trois ans. Cette interdiction judiciaire du territoire, signifiée à parquet le 4 février 2009, bien que non exécutée, fait obstacle à ce que les années en cause soient prises en compte au titre des années de résidence habituelle en France. La déclaration de concubinage, accompagnée d'une attestation de non-polygamie, insuffisamment circonstanciée, ne suffit pas à établir la continuité de la relation de M. C...avec MmeG.... De même, les documents produits, parcellaires et pour certains postérieurs à la date de la décision attaquée, ne suffisent pas à démontrer qu'il entretient effectivement avec ses enfants des relations affectives régulières et suivies. Il ne justifie pas davantage d'une intégration particulière dans la société française, ni de ses conditions d'existence à Mayotte. Dans ces circonstances, en lui refusant le titre de séjour sollicité, le préfet n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise et n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

7. Ainsi qu'il a déjà été dit, le requérant n'établit pas entretenir des liens affectifs avec ses enfants, et il n'est pas fait état de circonstances faisant obstacle à ce que la famille retourne le cas échéant aux Comores. Dans ces conditions, la décision de refus de titre de séjour n'a pas méconnu l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. La décision de refus de titre n'étant pas entachée d'illégalité, M. C...ne saurait se prévaloir, par voie d'exception, de son illégalité pour demander l'annulation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de Mayotte en date du 29 janvier 2016. Par suite ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F...C...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de Mayotte.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,

Mme Cécile Cabanne, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 février 2018.

Le rapporteur,

Cécile CABANNELe président,

Catherine GIRAULTLe greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

No 17BX02944


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX02944
Date de la décision : 08/02/2018
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-05 Étrangers. Réfugiés (voir : Asile) et apatrides.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Cécile CABANNE
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : CHAMBERLAND POULIN

Origine de la décision
Date de l'import : 10/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-02-08;17bx02944 ?
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