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08/01/2018 | FRANCE | N°16BX01624

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 08 janvier 2018, 16BX01624


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Terre-de-Haut a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du préfet de la Guadeloupe en date du 2 mai 2013 portant extension du périmètre de la communauté d'agglomération Sud Basse-Terre (CASBT).

Par un jugement n° 1301638 du 10 mars 2016, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 12 mai 2016 et 6 mars 2017, la commune de Terre-de

-Haut, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1301638 du 10 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Terre-de-Haut a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du préfet de la Guadeloupe en date du 2 mai 2013 portant extension du périmètre de la communauté d'agglomération Sud Basse-Terre (CASBT).

Par un jugement n° 1301638 du 10 mars 2016, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 12 mai 2016 et 6 mars 2017, la commune de Terre-de-Haut, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1301638 du 10 mars 2016 du tribunal administratif de la Guadeloupe ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la procédure mise en oeuvre par le préfet de la Guadeloupe n'est entachée d'aucune irrégularité, dès lors que les conseillers municipaux n'ont, en l'espèce, pas eu connaissance de l'ensemble des éléments de fait et de droit leur permettant de prendre une décision en toute connaissance de cause sur le projet litigieux, à défaut pour le préfet, d'une part, de leur avoir communiqué un projet de statuts lors de la notification de l'arrêté préfectoral de périmètre n° 2012-481/SG/DiCTAJ/BRA du 26 avril 2012 et, d'autre part, d'avoir attiré l'attention des élus sur la modification de la législation résultant de la loi dite " Pélissard " du 29 février 2012 alors que cette dernière est expressément visée dans l'arrêté d'extension de périmètre contesté, le droit à l'information préalable des conseillers municipaux étant garanti par les dispositions de l'article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales ;

- les dispositions de l'article L. 5211-5-1 du même code, en vertu desquelles lors de la création d'un nouvel établissement public de coopération intercommunale (EPCI), les statuts sont soumis aux conseils municipaux en même temps que la liste des communes intéressées dans les conditions susvisées de l'article L. 5211-5, applicables aux procédures de création d'un EPCI, sont parfaitement transposables à la procédure d'extension de périmètre engagée par le préfet de la Guadeloupe ;

- en outre, si la transmission d'un projet de statut du futur EPCI ne semble pas expressément prescrite par les dispositions de la loi du 16 décembre 2010, ce document est à tout le moins indispensable aux élus afin de leur permettre d'appréhender le contexte du projet mais, surtout, pour mesurer l'ensemble des implications et des conséquences du projet d'intégration pour la commune de Terre-de-Haut ;

- à cet égard, alors que la loi du 16 décembre 2010 prévoyait une obligation de couverture intégrale du territoire par des EPCI à fiscalité propre, la loi Pélissard a introduit une exception à l'obligation de couverture intégrale du territoire par des EPCI à fiscalité propre dans les îles maritimes composées d'une seule commune ;

- ainsi, les conseillers municipaux ont délibéré le 5 juillet 2012 sur le projet d'intégration de leur commune à la communauté d'agglomération sud Basse-Terre en ayant à l'esprit la seule obligation de couverture intégrale du territoire imposée par la loi du 16 décembre 2010 et donc sans avoir été préalablement informés de l'exception relative aux îles maritimes mono communales ;

- si, avant l'entrée en vigueur de la loi Pélissard, les élus de la commune avaient, par une délibération du 16 septembre 2011, émis un avis favorable au schéma départemental de coopération intercommunale du 29 avril 2011, ceux-ci ont émis, par une autre délibération du 13 février 2012, un avis défavorable sur le nouveau Schéma du 30 décembre 2011 et n'ont eu de cesse depuis lors de s'y opposer, notamment par deux délibérations du 21 septembre 2012 et du 8 novembre 2012 ;

- la circulaire du 27 décembre 2010 prévoyait d'ores et déjà des dérogations aux objectifs de couverture intégrale du territoire par des EPCI à fiscalité propre et de rationalisation des périmètres des EPCI existants liées aux spécificités géographiques de certaines communes tel que notamment l'insularité, dérogations qui n'ont pas été prises en compte préfet de la Guadeloupe en l'espèce, ni, davantage, porté à la connaissance des communes concernées ;

- ce défaut d'information sur la loi Pélissard doit être regardé comme constituant un vice ayant exercé une influence sur le sens de la décision favorable prise par les élus de la commune de Terre-de-Haut le 5 juillet 2012 sur le projet envisagé par le préfet dans la mesure où les conseillers municipaux ont réellement été privés d'une garantie d'information essentielle de nature à avoir altéré le sens et la portée de leur vote sur le projet ;

- contrairement à ce qu'ont retenu également les premiers juges, 1'arrêté litigieux est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dans la mesure où le préfet de la Guadeloupe a décidé d'intégrer la commune de Terre-de-Haut au périmètre de la CASBT sans tenir compte de ses spécificités propres, liées à la double insularité qui la caractérise et qui la conduisent à devoir faire face à des problématiques particulières de gestion ;

- en outre, il n'existe aucun bassin de vie maritime au sens de la définition de l'INSEE entre la communauté d'agglomération sud Basse Terre et la Commune de Terre-de-Haut ;

- seules deux conventions de gestion ont été signées depuis l'intégration de la commune de Terre-de-Haut à la communauté d'agglomération, ce qui démontre que celle-ci s'approprie les recettes des petites collectivités qui y sont intégrées sans leur consentement sans créer de véritable solidarité de gestion entre les communes membres ;

- il ne saurait être raisonnablement contesté que la commune de Terre-de-Haut est géographiquement séparée du reste du territoire de la CASBT, ôtant nécessairement toute cohérence territoriale à l'ensemble communautaire envisagé par le préfet ;

- l'article 5 de la loi Pélissard acte du constat selon lequel un certain nombre d'îles constituées d'une seule commune ne pouvaient que difficilement être rattachées d'office à une communauté continentale, à l'instar de la commune de Terre-de-Haut ;

- contrairement à ce que fait valoir le préfet, le schéma départemental de coopération Intercommunale ainsi que l'arrêté de modification du périmètre de la communauté d'agglomération sud Basse-Terre auraient dû tenir compte des particularités et des contraintes spécifiques liées à ce caractère particulier de double insularité attachées à la commune de Terre-de-Haut qui font obstacles à l'élaboration d'un " espace de solidarité " et d'un " projet commun de développement urbain et d'aménagement du territoire " au sens des dispositions de l'article L. 5216-1 du code général des collectivités territoriales ;

- si le préfet fait valoir que les situations d'îles monocommunales de Terre-de-Haut et de Terre-de-Bas seraient identiques et qu'elles justifieraient ainsi leur intégration à la communauté d'agglomération Sud Basse-terre, la commune de Terre-de-Bas ne comporte que 1 093 habitants et n'est pas une commune touristique, alors que la commune de Terre-de-Haut présente une population de 1 800 habitants et accueille plus de 300 000 touristes par an, soit plus de 166 fois sa population locale ;

- ce statut nécessite un projet spécifique et différencié des autres communes membres de la communauté d'agglomération en matière de développement et d'aménagement du territoire et l'intégration de la commune de Terre-de-Haut à la communauté d'agglomération constitue un frein au développement économique de l'île et source de difficultés dans la gestion quotidienne des compétences transférées ;

- l'intégration de la commune de Terre-de-Bas dans la communauté d'agglomération ne s'est pas déroulée sans aucune difficulté dans la mesure où une délégation de signature a été confiée au maire de ladite commune par l'EPCI afin de pallier le manque de prise en compte de l'insularité induit par le processus d'intégration à l'EPCI et de mieux satisfaire les besoins spécifiques de la population locale ;

- si la loi n'imposait pas au préfet de faire droit à la proposition des maires des deux communes de Terre-de-Haut et de Terre-de-Bas, faite le 7 avril 2011, de créer une communauté de communes, il lui incombait à tout le moins de tenir compte de ce projet, qui constituait une alternative pertinente et cohérente de développement s'inscrivant à la fois dans l'esprit de la loi du 16 décembre 2010 en couvrant l'intégralité du Territoire Guadeloupéen par des EPCI à fiscalité propre et dans le cadre des nouvelles dispositions de la Loi Pélissard eu égard à la situation particulière de ces deux îles maritimes mono communales.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 août 2016, le ministre des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- s'agissant de la consultation des communes concernées, la requérante reconnaît elle-même dans ses écritures que le II de l'article 60 de la loi du 16 décembre 2010 ne fait pas obligation au représentant de l'Etat d'assortir la notification de son arrêté de modification du périmètre d'un projet de statut de l'EPCI envisagé ;

- si la commune soutient également que les élus n'ont pas été informés de la modification de la législation résultant de la loi du 29 février 2012 visant à assouplir les règles relatives à la refonte de la carte intercommunale dite " loi Pélissard ", il convient de relever, d'une part, que tant la délibération du conseil municipal de la commune de Terre-de-Haut du 16 septembre 2011 donnant un avis favorable au SDCI qui lui avait été soumis que l'arrêté préfectoral en date du 30 décembre 2011 portant approbation du périmètre de l'EPCI sont antérieurs à cette modification et que, d'autre part, si la délibération du conseil municipal du 5 juillet 2012 donnant un avis favorable au nouveau périmètre décidé par arrêté préfectoral en date du 26 avril 2012 est effectivement intervenue postérieurement, cette circonstance est sans incidence aucune sur la validité de la procédure dès lors que selon l'adage bien connu, nul n'est censé ignorer la loi ;

- la non-intégration de la commune de Terre-de-Haut à la CASBT, alors même que l'intégration de la commune de Terre-de-Bas, présentant pourtant les mêmes conditions d'insularité et de séparation géographique s'est parfaitement déroulée, conduirait à rendre incohérent le SDCI approuvé en vertu du principe de rationalisation du périmètre de l'EPCI et dument validé par la commune requérante par délibération du 16 septembre 2011 ;

- la circonstance que le préfet ait refusé de valider le projet de développement commun des deux communes de Terre-de-Haut et Terre-de-Bas destiné à créer une communauté de communes propre est sans incidence sur la légalité de l'arrêté contesté ;

- en tout état de cause, un tel refus, qui relève de la compétence discrétionnaire du préfet, est limité à un contrôle restreint du juge administratif ;

- aucune des dispositions législatives applicables en l'espèce n'empêchent l'intégration d'une île maritime, formant une seule commune, dans une communauté d'agglomération ;

- en outre, le périmètre retenu par le préfet lors de l'établissement de la CASBT a été celui d'un " bassin de vie maritime " reconnu et approuvé entre les communes et les îles bordant le sud de Basse-Terre, sachant que la création d'un EPCI ne pourra qu'améliorer la gestion des problématiques rencontrées par la commune requérante, via la mutualisation des moyens, conformément aux dispositions de l'article L. 5216-1 du code général des collectivités territoriales ;

- enfin, l'allégation selon laquelle l'intégration de la commune de Terre-de-Haut aurait mis à mal les finances de la CASBT n'est pas démontrée.

Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire enregistrés les 23 février et 13 octobre 2017, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- s'agissant de l'information des élus, le II de l'article 60 de la loi RCT ne mentionne pas l'obligation pour le préfet de joindre à son arrêté de projet de périmètre le projet de statut de l'EPCI à fiscalité propre dont l'extension est envisagée ;

- il résulte des dispositions des articles L. 2121-10 et L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales qu'afin de respecter le droit d'information des conseillers municipaux, il appartient au maire de la commune, et non au préfet de département, de communiquer en temps utile les pièces nécessaires pour que la délibération du conseil municipal puisse intervenir en connaissance de cause sur les sujets inscrits à l'ordre du jour du conseil municipal ;

- si la commune soutient que ses conseillers n'ont pu délibérer en pleine connaissance de cause sur un sujet inscrit à l'ordre du jour de leur assemblée, en raison de ce que le préfet de la Guadeloupe n'a pas transmis les informations utiles, il convient de relever que le maire de la commune a inscrit le sujet du projet d'extension de communauté d'agglomération du Sud Basse-Terre (devenue la communauté d'agglomération Grand Sud Caraïbe) à l'ordre du jour, ce qui démontre qu'il estimait que ses conseillers seraient suffisamment informés sur le sujet pour délibérer valablement ;

- en outre, il lui appartenait de solliciter, le cas échéant, des éléments d'informations complémentaires s'il avait estimé que tel n'était pas le cas ;

- le préfet a soumis pour avis l'arrêté de projet de périmètre du 26 avril 2012 à l'ensemble des communes et EPCI à fiscalité propre concernés, conformément aux dispositions du II de l'article 60 de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales (RCT), de sorte que l'arrêté du 5 mai 2013 n'a pas été adopté selon une procédure irrégulière ;

- l'arrêté de projet de modification de périmètre de la communauté d'agglomération du Sud Basse-Terre du 26 avril 2012 étant conforme au schéma départemental de coopération intercommunal (SDCI) arrêté le 30 décembre 2011 et les élus de la commune de Terre-de-Haut ayant déjà été consultés sur ce projet d'extension dès 2011, en application du IV de l'article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales, ils étaient parfaitement informés du contexte dans lequel l'extension de la communauté d'agglomération Grand Sud Caraïbe à sept nouvelles communes se déroulerait ;

- contrairement à ce que soutient la requérante, les articles L. 5211-5 et L. 5211-5-1 du code général des collectivités territoriales ne sont pas applicables au cas d'espèce et aucune disposition ne prévoit que les communes et EPCI consultés sur le fondement du II de l'article 60 de la loi RCT, se prononcent sur les statuts de l'EPCI auxquels les communes sont rattachées ;

- en tout état de cause, l'EPCI à fiscalité propre faisant l'objet d'une extension de communes n'est pas un nouvel EPCI et la modification de son périmètre est sans incidence sur les compétences qu'il exerce ;

- en outre, la loi n° 2012-281 du 29 février 2012 visant à assouplir les règles relatives à la refonte de la carte intercommunale, dite loi Pélissard, si elle a notamment modifié le V de l'article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales n'a, d'une part, pas modifié le II de l'article 60 de la loi RCT en application duquel l'arrêté contesté a été pris et, d'autre part, n'ajoute aucune disposition qui mentionnerait que le préfet est tenu d'attirer l'attention des élus concernés par des modifications de périmètre fondées sur le II de l'article 60 de la loi RCT sur les évolutions qu'elle apporte ;

- en outre, si cette loi Pélissard a accordé aux îles maritimes composées d'une seule commune la possibilité de déroger à l'obligation d'intégrer un EPCI à fiscalité propre, elle n'a pas interdit le rattachement d'une île monocommunale à un EPCI à fiscalité propre ;

- dès lors, l'arrêté de projet de rattachement de la commune de Terre-de-Haut à la communauté d'agglomération du Sud Basse-Terre du 26 avril 2012 tout comme l'arrêté contesté du 2 mai 2013 ne sont pas contraires à la loi Pélissard ;

- si la requérante soutient également que l'arrêté du 2 mai 2013 a méconnu la circulaire du 27 décembre 2010 relative à l'information générale sur la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales et instructions pour l'élaboration du schéma départemental de la coopération intercommunale, qui précisait qu'il était possible de déroger à la constitution d'EPCI de moins de 5 000 habitants eu égard aux caractéristiques géographiques particulières de certains espaces telles que l'insularité, il ne s'agissait que d'une faculté laissée à l'appréciation des préfets et, en l'espèce, le préfet de la Guadeloupe a considéré que l'insularité de la commune de Terre-de-Haut ne constituait pas un obstacle de nature à s'opposer à l'objectif de rationalisation de la carte intercommunale, reconnu comme but d'intérêt général par le Conseil constitutionnel, notamment dans ses trois décisions QPC du 26 avril 2013 ;

- en tout état de cause, la circulaire du 27 décembre 2010 est dépourvue de tout caractère impératif et ne saurait donc être opposée pour tenter de démontrer l'illégalité d'un arrêté préfectoral ;

- dès lors que cinq communes ont émis un avis favorable au projet d'extension dans les délais impartis et que cinq autres communes doivent être regardées comme ayant rendu un avis réputé favorable à défaut d'avoir délibéré dans le délai de trois mois, un avis défavorable de la commune de Terre-de-Haut aurait été sans incidence sur l'extension du périmètre de la communauté d'agglomération Grand Sud Caraïbe dès lors qu'il aurait - en tout état de cause - recueilli l'accord des communes consultées dans les conditions de majorité requises et que le préfet aurait dû prendre un arrêté d'extension de périmètre identique à celui du 2 mai 2013 ;

- s'agissant du projet commun de développement prévu par l'article L. 5216-1 du code général des collectivité territoriales, il ressort de la jurisprudence que les contraintes naturelles ne peuvent s'opposer à la constitution des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre que lorsqu'elles empêchent la réalisation des objectifs impartis à ces groupements par la loi et font obstacle à la réalisation d'un projet commun de développement et d'aménagement du territoire dont ils ont la charge ;

- dès lors que le juge administratif a ainsi considéré que seules les contraintes naturelles empêchant la réalisation de projets communs par des EPCI à fiscalité propre sont de nature à empêcher la constitution de tels groupements, l'insularité de la commune de Terre-de-Haut, comme celle de Terre-de-Bas, ne suffisait pas à elle seule à faire obstacle à la réalisation de projets communs au sein de communauté d'agglomération Grand Sud Caraïbe ;

- si la requérante semble contester, par la voie de l'exception, la légalité du SDCI arrêté le 30 décembre 2011 en application duquel ont été pris l'arrêté préfectoral de projet de modification du périmètre de la communauté d'agglomération Grand Sud Caraïbe du 26 avril 2012 puis l'arrêté contesté du 2 mai 2013, d'une part, le SDCI du département de la Guadeloupe a été arrêté avant le vote de la loi Pélissard, de sorte qu'il ne pouvait prendre en compte les assouplissements apportés postérieurement par cette loi et, d'autre part, dans un arrêt du 21 octobre 2016, Communauté de communes du Val de Drôme, n° 390052, le Conseil d'Etat a jugé que le SDCI était un acte non règlementaire qui n'était plus susceptible d'être contesté par voie d'exception au-delà du délai de recours contentieux ouvert à son encontre ;

- la commune de Terre-de-Haut, comme les dix autres communes mentionnées dans l'arrêté préfectoral du 2 mai 2013 portant extension de la communauté d'agglomération du Sud Basse-Terre, constituent l'ensemble du bassin de vie de Basse-Terre, au sens de l'Institut de la statistique et des études économiques (INSEE), les bassins de vie étant définis, à la date des faits, par l'INSEE comme les plus petits territoires au sein desquels les habitants ont accès aux équipements et services les plus courants ;

- or en l'espèce, d'une part, les habitants de Terre-de-Haut recourent aux équipements et services situés dans l'ensemble du bassin de vie de Basse-Terre pour répondre à leur besoins et, d'autre part, la cohérence territoriale du périmètre de la communauté d'agglomération du Sud Basse-Terre tel que défini par l'arrêté du 2 mai 2013 est renforcée par le rattachement de la commune voisine de Terre-de-Bas qui appartient également à l'archipel des Saintes et avec laquelle la commune de Terre-de Haut souligne qu'elle souhaitait fusionner ;

- ainsi, malgré son insularité et son éloignement, la commune de Terre-de-Haut ne présente pas de particularités telles qu'elles fassent obstacle à son rattachement à la communauté d'agglomération du Sud Basse-Terre étendue aux communes de Bouillante, Capesterre-Belle-Eau, Terre-de-Bas, Trois-Rivières, Vieux-Fort et Vieux-Habitants ;

- si la requérante indique que depuis son rattachement à la communauté d'agglomération Grand Sud Caraïbe, elle a dû faire face à des difficultés financières et de gestion concernant le ramassage des ordures ménagères, le service d'eau et d'assainissement ou le transport maritime que la communauté d'agglomération n'a pas pris en charge et qu'elle aurait alerté en vain la communauté d'agglomération d'erreurs entachant le calcul d'attribution de compensations, de telles circonstances, qui reflètent des désaccords entre la commune et la communauté d'agglomération, sont postérieures à la date de rattachement de la commune de Terre-de-Haut et ne sauraient remettre en cause la légalité de l'arrêté du 2 mai 2013 qui répond à l'objectif de rationalisation de la carte intercommunale.

Par ordonnance en date du 27 octobre 2017, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 13 novembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 modifiée;

- la loi n° 2012-281 du 29 février 2012 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Axel Basset,

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public ;

- et les observations de MeB..., représentant la commune de Terre-de-Haut.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 30 décembre 2011, le préfet de la Guadeloupe a arrêté le schéma départemental de coopération intercommunale (SDCI) de ce département d'outre-mer, approuvé le 20 décembre précédent par la commission départementale de coopération intercommunale (CDCI) qui prévoyait notamment l'extension du périmètre de la communauté d'agglomération Sud Basse-Terre, devenue communauté d'agglomération Grand Sud Caraïbe, et regroupant quatre communes de l'archipel des Saintes (Basse-Terre, Baillif, Gourbeyre et Saint-Claude). Dans le cadre des dispositions du II de l'article 60 de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, le préfet de la Guadeloupe a arrêté, le 26 avril 2012, un projet de périmètre portant extension du périmètre de cet établissement public de coopération intercommunale aux sept communes de Bouillante, Capesterre-Belle-Eau, Terre-de-Bas, Terre-de-Haut, Trois-Rivières, Vieux-Fort et Vieux-Habitants. Après avoir recueilli l'avis des onze communes concernées, le préfet de la Guadeloupe a pris, le 2 mai 2013, un arrêté définitif d'extension de périmètre de cette communauté d'agglomération aux sept communes destinées à intégrer la communauté d'agglomération Sud Basse-Terre à compter du 1er janvier 2014. La commune de Terre-de-Haut relève appel du jugement du 10 mars 2016 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce dernier arrêté préfectoral, implicitement confirmé sur recours gracieux formé par l'intéressée par lettre du 30 juin 2013.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne la régularité de la procédure suivie :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de l'article 35 de la loi du 16 décembre 2010 susvisée, applicable aux faits de l'espèce : " I.- Dans chaque département, il est établi, au vu d'une évaluation de la cohérence des périmètres et de l'exercice des compétences des groupements existants, un schéma départemental de coopération intercommunale prévoyant une couverture intégrale du territoire par des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et la suppression des enclaves et discontinuités territoriales. / II.- Ce schéma prévoit également les modalités de rationalisation des périmètres des établissements publics de coopération intercommunale et des syndicats mixtes existants. / Il peut proposer la création, la transformation ou la fusion d'établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, ainsi que la modification de leurs périmètres. (...) / III.- Le schéma prend en compte les orientations suivantes : 1° La constitution d'établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre regroupant au moins 5 000 habitants ; toutefois, (...) ce seuil peut être abaissé par le représentant de l'Etat dans le département pour tenir compte des caractéristiques géographiques particulières de certains espaces ; / 2° Une amélioration de la cohérence spatiale des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre au regard notamment du périmètre des unités urbaines au sens de l'Institut national de la statistique et des études économiques, des bassins de vie et des schémas de cohérence territoriale ; / 3° L'accroissement de la solidarité financière ; / 4° La réduction du nombre de syndicats de communes et de syndicats mixtes au regard en particulier de l'objectif de suppression des doubles emplois entre des établissements publics de coopération intercommunale ou entre ceux-ci et des syndicats mixtes ; / 5° Le transfert des compétences exercées par les syndicats de communes ou les syndicats mixtes à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ; / 6° La rationalisation des structures compétentes en matière d'aménagement de l'espace, de protection de l'environnement et de respect des principes du développement durable. / IV.- Un projet de schéma est élaboré par le représentant de l'Etat dans le département. Il est présenté à la commission départementale de la coopération intercommunale. Il est adressé pour avis aux conseils municipaux des communes et aux organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale et des syndicats mixtes concernés par les propositions de modification de la situation existante en matière de coopération intercommunale. Ils se prononcent dans un délai de trois mois à compter de la notification. A défaut de délibération dans ce délai, celle-ci est réputée favorable. (...) / Le projet de schéma, ainsi que l'ensemble des avis mentionnés aux deux alinéas précédents, sont ensuite transmis pour avis à la commission départementale de la coopération intercommunale qui, à compter de cette transmission, dispose d'un délai de quatre mois pour se prononcer. A défaut de délibération dans ce délai, celle-ci est réputée favorable. (...). / Le schéma est arrêté par décision du représentant de l'Etat dans le département et fait l'objet d'une insertion dans au moins une publication locale diffusée dans le département. / (...). / V.- Sur le territoire des départements de Paris, des Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, les schémas départementaux de coopération intercommunale ne sont pas dans l'obligation de prévoir la couverture intégrale du territoire par des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. (...) ". Dans sa rédaction issue des dispositions de l'article 6 de la loi n° 2012-281 du 29 février 2012, dite " loi Pélissard ", visant à assouplir les règles relatives à la refonte de la carte intercommunale, l'alinéa de ce dernier article a été modifié comme suit : " V.- Sur le territoire des départements de Paris, des Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, ainsi que dans les îles maritimes composées d'une seule commune, les schémas départementaux de coopération intercommunale ne sont pas dans l'obligation de prévoir la couverture intégrale du territoire par des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. (...) ". Aux termes de l'article L. 5211-5 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de la loi du 16 décembre 2010 susvisée, applicable aux faits de l'espèce: " I. - Sans préjudice des dispositions de l'article L. 5212-2, le périmètre de l'établissement public de coopération intercommunale peut être fixé par arrêté du représentant de l'Etat dans le département lorsque les communes font partie du même département (...). / Cet arrêté dresse la liste des communes intéressées. / A compter de la notification de cet arrêté, le conseil municipal de chaque commune concernée dispose d'un délai de trois mois pour se prononcer sur le projet de périmètre et sur les statuts du nouvel établissement public de coopération intercommunale. A défaut de délibération dans ce délai, celle-ci est réputée favorable. (...) ". En vertu de l'article L. 5211-5-1 du même code, dans sa rédaction issue de ladite loi : " Les statuts d'un établissement public de coopération intercommunale mentionnent notamment : a) La liste des communes membres de l'établissement ; / b) Le siège de celui-ci ; / c) Le cas échéant, la durée pour laquelle il est constitué ; (...) / g) Les compétences transférées à l'établissement. / Lors de la création d'un établissement public de coopération intercommunale, ils sont soumis aux conseils municipaux en même temps que la liste des communes intéressées dans les conditions prévues à l'article L. 5211-5. (...) ".

3. D'autre part, aux termes du II de l'article 60 de la loi du 16 décembre 2010 susmentionnée : " II. - Dès la publication du schéma départemental de coopération intercommunale prévu à l'article L. 5210-1-1 du même code ou au plus tard à compter du 1er janvier 2012, le représentant de l'Etat dans le département propose, jusqu'au 31 décembre 2012, pour la mise en oeuvre du schéma, la modification du périmètre de tout établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre. A défaut de schéma adopté, il peut proposer, dans les mêmes conditions et sous réserve du respect des objectifs mentionnés aux I et II du même article L. 5210-1-1 et de la prise en compte des orientations définies au III de ce même article, la modification du périmètre de tout établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre. (...) / La modification de périmètre peut porter sur des communes appartenant ou non à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre. Un arrêté de projet de périmètre dresse la liste des communes intéressées. / Cet arrêté est notifié par le représentant de l'Etat dans le département au président de chaque établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre intéressé afin de recueillir l'avis de son organe délibérant et, concomitamment, au maire de chaque commune incluse dans le projet de périmètre afin de recueillir l'accord de chaque conseil municipal. A compter de la notification de l'arrêté de projet de périmètre, les organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et les conseils municipaux disposent d'un délai de trois mois pour se prononcer. A défaut de délibération de l'organe délibérant ou d'un conseil municipal dans ce délai, l'avis est réputé favorable. / La modification de périmètre de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre est prononcée par arrêté du ou des représentants de l'Etat dans le ou les départements concernés après accord des conseils municipaux des communes incluses dans le projet de périmètre. Cet accord doit être exprimé par la moitié au moins des conseils municipaux des communes intéressées, représentant la moitié au moins de la population totale de celles-ci, y compris le conseil municipal de la commune dont la population est la plus nombreuse si cette dernière représente au moins le tiers de la population totale. (...) / L'arrêté de modification du périmètre emporte retrait des communes auxquelles le périmètre est étendu des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dont elles sont membres. (...) ".

4. Il est constant que préalablement à l'édiction de l'arrêté contesté du 2 mai 2013 procédant à l'extension définitive du périmètre de la communauté d'agglomération Sud Basse-Terre aux sept communes de Bouillante, Capesterre-Belle-Eau, Terre-de-Bas, Terre-de-Haut, Trois-Rivières, Vieux-Fort et Vieux-Habitants, le préfet de la Guadeloupe a, conformément aux dispositions, précitées au point 3, du II de l'article 60 de la loi du 16 décembre 2010, notifié l'arrêté de projet de périmètre du 26 avril 2012 dressant la liste de ces sept communes, le 9 mai suivant, au président de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre intéressé afin de recueillir l'avis de son organe délibérant et, concomitamment, au maire de chacune des onze communes incluses dans le projet de périmètre afin de recueillir l'accord de chaque conseil municipal. Il est tout aussi constant que, dans le cadre de cette procédure consultative, les cinq communes de Baillif, Capesterre-Belle-Eau, Terre-de-Bas, Vieux-Fort et Vieux-Habitants sont réputées avoir rendu un avis favorable au projet d'extension de l'EPCI à défaut d'avoir délibéré dans le délai de trois mois qui leur était imparti et que les six communes de Basse-Terre, Bouillante, Gourbeyre, Saint-Claude, Trois-Rivières et Terre de Haut se sont expressément prononcées en faveur de celui-ci dans ce même délai.

5. La commune de Terre de Haut persiste à soutenir en appel que, lors de la séance du 5 juillet 2012 au cours de laquelle le conseil municipal a adopté à l'unanimité la délibération approuvant le projet d'extension du périmètre de la communauté d'agglomération Sud Basse-Terre, les élus ne disposaient pas de l'ensemble des éléments de fait et de droit leur permettant de prendre une décision en toute connaissance de cause, en violation de leur droit à l'information qu'ils tiennent de l'article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales, dès lors que le préfet de la Guadeloupe ne leur a pas communiqué un projet des statuts du nouvel EPCI lors de la notification de l'arrêté du 26 avril 2012 susmentionné et n'a pas attiré leur attention sur la modification des dispositions, précitées au point 2, de l'article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales résultant de la loi dite " Pélissard " du 29 février 2012, qui prévoient désormais que, dans les îles maritimes composées d'une seule commune, les schémas départementaux de coopération intercommunale ne sont pas dans l'obligation de prévoir la couverture intégrale du territoire par des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. Toutefois, d'une part, les dispositions de l'article L. 5211-5-1 du code général des collectivités territoriales, qui prévoient la communication aux conseils municipaux concernés des statuts d'un établissement public de coopération intercommunale, ne sont relatives qu'à la procédure ordinaire de création de tels EPCI et non aux procédures ayant pour objet - comme c'est le cas en l'espèce - d'étendre un tel établissement public déjà existant au territoire d'autres communes. En outre, aucune disposition législative ou réglementaire, non plus qu'aucun principe, n'impose à l'autorité préfectorale une telle communication des statuts de l'EPCI dans cette dernière hypothèse. D'autre part, et en tout état de cause, la circonstance que le préfet de la Guadeloupe n'ait pas informé spontanément le maire de la commune de Terre-de-Haut de l'entrée en vigueur de la loi du 29 février 2012, au demeurant postérieure à l'arrêté du 30 décembre 2011 de cette même autorité arrêtant le schéma départemental de coopération intercommunale (SDCI), est sans incidence sur la légalité de l'arrêté contesté du 2 mai 2013 dès lors qu'aucune disposition textuelle ne lui en faisait l'obligation et qu'il incombait au contraire au maire de la commune de mettre à disposition des élus l'ensemble des informations nécessaires au vote de la délibération du 5 juillet 2012, soit en amont de la séance où elle a été présentée, soit au cours de celle-ci.

6. Il s'ensuit qu'ainsi que l'ont relevé à bon droit les premiers juges, la procédure suivie préalablement à l'édiction dudit arrêté n'est pas entachée d'irrégularité.

En ce qui concerne l'erreur manifeste d'appréciation :

7. Aux termes de l'article L. 5216-1 du code général des collectivités territoriales : " La communauté d'agglomération est un établissement public de coopération intercommunale regroupant plusieurs communes formant, à la date de sa création, un ensemble de plus de 50 000 habitants d'un seul tenant et sans enclave, autour d'une ou plusieurs communes centre de plus de 15 000 habitants. (...) Ces communes s'associent au sein d'un espace de solidarité, en vue d'élaborer et conduire ensemble un projet commun de développement urbain et d'aménagement de leur territoire. ".

8. La commune de Terre-de-Haut soutient que tant 1'arrêté litigieux du 2 mai 2013 procédant à l'extension définitive du périmètre de la communauté d'agglomération Sud Basse-Terre aux sept communes concernées que l'arrêté du 30 décembre 2011 par lequel le préfet de la Guadeloupe a arrêté le schéma départemental de coopération intercommunale (SDCI) de ce département d'outre-mer, sont entachés d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que l'autorité préfectorale a décidé de procéder à son intégration dans cet EPCI sans tenir compte de ses spécificités propres, liées à la double insularité qui la caractérise et qui la conduisent à devoir faire face à des problématiques particulières, notamment en ce qui concerne la gestion des services essentiels comme le ramassage des ordures ménagères, la distribution d'eau et l'assainissement ou, encore, les services de transports, qui ne peuvent être prises en charge à l'échelon intercommunal dans la mesure où ces problématiques sont spécifiques à l'île maritime de Terre-de-Haut.

9. D'une part, les actes relatifs à l'institution des structures des organismes de coopération entre collectivités territoriales et à la répartition des compétences entre ces organismes et les collectivités qui en sont membres - au nombre desquels figurent les schémas départementaux de coopération intercommunale - ne revêtent pas le caractère d'actes réglementaires. La légalité des actes qui ne revêtent pas un caractère réglementaire n'est plus susceptible d'être contestée par voie d'exception au-delà du délai de recours contentieux ouvert à leur encontre (CE, n° 390052, B, 21 octobre 2016, Communauté de communes du Val de Drôme). Il ressort des pièces du dossier, et notamment des mentions qui figurent dans l'arrêté du 26 avril 2012 susmentionné, qui ne font l'objet d'aucune contestation utile de la commune appelante - que la publication du schéma a eu lieu, pour le territoire du département de la Guadeloupe, le 30 décembre 2011 et que ledit schéma devait, ainsi, être regardé comme devenu définitif à la date de l'introduction de sa requête devant le tribunal administratif de la Guadeloupe. Dès lors, et ainsi que le fait valoir à juste titre le ministre de l'intérieur, la commune de Terre-de-Haut n'est pas recevable à contester, par la voie de l'exception, la légalité de l'arrêté du 30 décembre 2011.

10. D'autre part, il ressort des pièces du dossier qu'afin d'établir le périmètre de cet établissement public de coopération intercommunale, le préfet de la Guadeloupe a pris en compte l'existence d'un bassin de vie maritime entre les communes membres de la communauté d'agglomération et cherché à assurer le principe de continuité territoriale concernant les îles bordant le Sud de Basse-Terre, et tout particulièrement le commune de Terre-de-Haut et la commune de Terre-de-Bas, toutes deux marquées par un isolement géographique. Contrairement à ce que soutient la commune de Terre-de-Haut, ni cette particularité géographique ni la circonstance, à la supposer même établie, qu'elle accueillerait plus de 300 000 touristes par an et serait ainsi confrontée à des enjeux touristiques, ne sauraient, à elles seules, faire obstacle à ce qu'une île maritime formant une commune soit intégrée dans une communauté d'agglomération. A cet égard, la loi du 29 février 2012 dite " loi Pélissard ", qui a modifié les dispositions, précitées au point 2, de l'article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales, en prévoyant que, dans les îles maritimes composées d'une seule commune, les schémas départementaux de coopération intercommunal ne sont pas dans l'obligation de prévoir la couverture intégrale du territoire par des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, n'a nullement eu pour objet de supprimer la possibilité, pour l'autorité préfectorale, d'intégrer de telles îles mono-communales dans des établissements publics destinés à créer un espace de solidarité autour de compétences partagées et d'un projet commun. Si la commune appelante fait grief à la communauté d'agglomération Sud Basse-Terre, devenue communauté d'agglomération Grand Sud Caraïbe, de ne pas avoir assumé intégralement par la suite les compétences transférées tout en bénéficiant des ressources financières de ses communes membres, et qu'ainsi, seules deux conventions de gestion ont été signées depuis l'intégration de la commune de Terre-de-Haut à la communauté d'agglomération, portant sur la gestion en matière de fonctionnement du service de la collecte des ordures ménagères et assimilées et celle des liaisons maritimes de Terre-de-Haut au reste du territoire des autres communes membres, ces difficultés invoquées, à les supposer avérées, ne résultent pas de l'arrêté contesté mais des conditions de mise en oeuvre des adhésions des communes concernées, lesquelles sont postérieures à son édiction et, partant, sans incidence sur sa légalité. Il en est de même de la circonstance que le préfet de la Guadeloupe a refusé la proposition, formulée par la commune de Terre-de-Haut le 7 avril 2011, de constituer avec la commune de Terre-de-Bas une communauté de communes, dès lors que la légalité de la création ou de l'extension du périmètre d'un EPCI n'est pas subordonnée à une étude préalable de solutions alternatives et qu'il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer sur l'opportunité du choix de l'autorité préfectorale de retenir une forme de regroupement de communes plutôt qu'une autre. Il ne ressort ainsi pas des pièces du dossier, au regard de la cohérence spatiale, économique et institutionnelle nécessaire à la mise en oeuvre des compétences dévolues par la loi à la communauté d'agglomération, que le préfet de la Guadeloupe aurait commis une erreur manifeste d'appréciation sur la vocation de la commune de Terre-de-Haut à constituer un espace de solidarité en vue d'élaborer et réaliser un projet commun de développement et d'aménager leur territoire conformément aux dispositions précitées de l'article L. 5216-1 du code général des collectivités territoriales.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Terre-de-Haut n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Terre-de-Haut demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Terre-de-Haut est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Terre-de-Haut, au ministre des outre-mer, au ministre de l'intérieur et à la communauté d'agglomération Grand Sud Caraïbe. Copie en sera transmise au préfet de la Guadeloupe.

Délibéré après l'audience du 11 décembre 2017, à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Gil Cornevaux, président assesseur,

M. Axel Basset, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 janvier 2018.

Le rapporteur,

Axel BassetLe président,

Pierre Larroumec

Le greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Vanessa Beuzelin

2

N° 16BX01624


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX01624
Date de la décision : 08/01/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Collectivités territoriales - Commune - Organisation de la commune - Organes de la commune - Conseil municipal.

Collectivités territoriales - Coopération - Établissements publics de coopération intercommunale - Questions générales.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Axel BASSET
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : PHILIPPE PETIT et ASSOCIES CABINET D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-01-08;16bx01624 ?
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