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28/12/2017 | FRANCE | N°17BX02946

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 28 décembre 2017, 17BX02946


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...E...a demandé au tribunal administratif de Mayotte d'annuler la décision

du 14 avril 2016 par laquelle le préfet de Mayotte a rejeté sa demande de délivrance d'un document de circulation pour étranger mineur à ses nièces C...et HichemaF.aux Comores

Par un jugement n° 1600806 du 29 juin 2017, le tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 août 2017, M.E..., représenté par MeB..., demande à l

a cour :

1°) d'annuler ce jugement du 29 juin 2017 du tribunal administratif de Mayotte ;

2°) d'ann...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...E...a demandé au tribunal administratif de Mayotte d'annuler la décision

du 14 avril 2016 par laquelle le préfet de Mayotte a rejeté sa demande de délivrance d'un document de circulation pour étranger mineur à ses nièces C...et HichemaF.aux Comores

Par un jugement n° 1600806 du 29 juin 2017, le tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 août 2017, M.E..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 29 juin 2017 du tribunal administratif de Mayotte ;

2°) d'annuler la décision du 14 avril 2016 du préfet de Mayotte ;

3°) d'enjoindre au préfet de Mayotte de lui délivrer les documents de circulation sollicités, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché de dénaturation des faits ;

- le jugement est irrégulier en ce que la composition de la formation collégiale de jugement est contraire au principe d'impartialité dès lors que le vice-président du tribunal administratif de Mayotte y a siégé, alors qu'il avait, par une ordonnance du 19 octobre 2016, rejeté sa requête en référé suspension en ayant préjugé de l'issue du litige;

- la décision attaquée est entachée d'erreur de droit dès lors que le préfet de Mayotte n'a pas procédé à un examen particulier de la situation des enfants mineurs, lesquels n'appartenaient pas à l'une des catégories mentionnées par l'article L. 321-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- en refusant de délivrer le document de circulation des enfants mineurs pour lesquels il s'est vu confier l'autorité parentale, le préfet porte atteinte à sa liberté de circulation et à son droit de mener une vie privée et familiale normale ainsi que celui des enfants en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision contestée porte atteinte à l'intérêt supérieur des enfants C...et Hishima en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 octobre 2017, le préfet de Mayotte conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le moyen tiré de l'irrégularité du jugement est inopérant ;

- les autres moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 septembre 2017.

Par ordonnance du 15 septembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée

au 3 novembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de MmeG...,

- les conclusions de M. Katz, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant M.E.aux Comores

Considérant ce qui suit :

1. M.E..., né le 30 janvier 1993 à Sima (Iles Comores), de nationalité française, s'est vu déléguer, par jugement du 9 octobre 2015 du tribunal de grande instance de Mamoudzou, l'autorité parentale à l'égard de ses nièces C...et HichemaF..., nées

le 17 octobre 2009 aux Comores. Il a présenté une demande en vue d'obtenir des documents de circulation pour étrangers mineurs au profit de ces enfants. Par une décision du 14 avril 2016, le préfet de Mayotte a rejeté cette demande aux motifs qu'il ne justifiait pas de la présence en situation régulière en France des parents des mineurs. M. E...relève appel du jugement n°1600806 en date du 29 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande à fin d'annulation de ce refus.

Sur la régularité du jugement :

2. Le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait entaché de dénaturation des faits de l'espèce, qui porte sur le bien-fondé du jugement, est, à le supposer même établi, sans incidence sur sa régularité.

3. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. / Lorsque la suspension est prononcée, il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision dans les meilleurs délais. La suspension prend fin au plus tard lorsqu'il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision ". Eu égard à la nature de l'office ainsi attribué au juge des référés, et sous réserve du cas où il apparaîtrait, compte tenu notamment des termes mêmes de l'ordonnance, qu'allant au-delà de ce qu'implique nécessairement cet office, il aurait préjugé l'issue du litige, la seule circonstance qu'un magistrat a statué sur une demande tendant à la suspension de l'exécution d'une décision administrative n'est pas, par elle-même, de nature à faire obstacle à ce qu'il soit membre de la formation se prononçant ultérieurement au fond sur la demande tendant à l'annulation de cette décision.

4. Contrairement à ce que soutient M.E..., il ne résulte pas des motifs de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Mayotte du 19 octobre 2016 ayant rejeté pour défaut d'urgence sa demande tendant à la suspension de l'exécution de la décision litigieuse du 14 avril 2016, que ce juge des référés aurait préjugé de l'issue du litige. Dès lors, la participation du vice-président, qui s'était prononcé en qualité de juge des référés, à la formation collégiale qui a rendu le jugement attaqué du 29 juin 2017, n'est pas de nature à méconnaître le principe d'impartialité. Par suite, M. E...n'est pas fondé à soutenir que ce jugement serait entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 321-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée : " Sous réserve des conventions internationales, les étrangers mineurs de dix-huit ans dont au moins l'un des parents appartient aux catégories mentionnées à l'article L. 313-11, au 1° de l'article L. 314-9, aux 8° et 9° de l'article L. 314-11, à l'article L. 315-1 ou qui relèvent, en dehors de la condition de majorité, des prévisions des 2° et 2° bis de l'article L. 313-11, (...) reçoivent, sur leur demande, un document de circulation qui est délivré dans des conditions fixées par voie réglementaire. ". Aux termes de l'article D. 321-18 du même code : " Le demandeur présente : (...) 2° Les documents attestant qu'il exerce l'autorité parentale sur le mineur pour lequel la demande est souscrite ou qu'il détient un mandat de la personne titulaire de cette autorité " ;

6. Il ressort des pièces du dossier que les enfants mineurs, C...et H...F...n'entrent pas dans les prévisions des 2° et 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et il est constant que ni leur père, ni leur mère, qui résident aux Comores, ne sont au nombre des étrangers appartenant aux catégories définies à

l'article L. 313-11, au 1° de l'article L. 314-9, aux 8° et 9° de l'article L. 314-11 ou à

l'article L. 315-1 du même code. Les dispositions précitées du 2° de l'article D. 321-18

dudit code en vertu desquelles le demandeur d'un document de circulation doit présenter à l'autorité préfectorale pour l'instruction du dossier, notamment, les documents attestant qu'il exerce l'autorité parentale sur le mineur pour lequel la demande est souscrite ou qu'il détient un mandat de la personne titulaire de cette autorité, n'ont ni pour objet ni pour effet de définir d'autres catégories de mineurs que celles déterminées par l'article L. 321-4 du même code. Dès lors, C...et Hichema F...ne relèvent d'aucune catégorie de mineurs de dix-huit ans pour lesquels l'article L. 321-4 précité prévoit la délivrance d'un document de circulation alors même

que M. E...s'est vu déléguer, par jugement du 9 octobre 2015, l'autorité parentale à leur égard. Par suite, le préfet de Mayotte, qui, contrairement à ce que soutient M.E..., a procédé à un examen particulier de la situation, n'a pas commis d'erreur de droit dans l'application de ces dispositions en refusant de délivrer le document sollicité par l'appelant au profit de ses nièces.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 1 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de 1 'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

8. La décision de refus de délivrance du document de circulation sollicité pour les enfants mineurs C...et H...F..., dont l'autorité parentale a été déléguée à M. E..., ne fait pas obstacle à ce que ce dernier circule librement sur le territoire français et hors de celui-ci, avec son épouse et ses deux enfants. La décision contestée n'implique par ailleurs, par elle-même, aucune séparation pour les jeunes C...et Hichema qui vivent à son foyer en dépit de la situation particulière du département de Mayotte. Ainsi en prenant la mesure contestée, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Mayotte ait porté une atteinte disproportionnée au respect de la vie privée et familiale de l'appelant qui a accueilli ses nièces en France en 2014, ni à celui de ces deux fillettes. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de

l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté.

9. En troisième lieu, il appartient à l'autorité administrative, saisie d'une demande de délivrance d'un document de circulation au bénéfice d'un étranger mineur qui n'appartient pas à l'une des catégories mentionnées par l'article précité, de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'un refus de délivrance d'un tel document ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 selon lesquelles : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

10. L'intérêt supérieur d'un étranger mineur qui ne remplit pas les conditions légales pour bénéficier du document de circulation prévu par l'article L. 321-4 du code précité, lequel ne constitue pas un titre de séjour mais est destiné à faciliter le retour sur le territoire national, après un déplacement hors de France, des mineurs étrangers y résidant, s'apprécie au regard de son intérêt à se rendre hors de France et à pouvoir y revenir sans être soumis à l'obligation de présenter un visa.

11. Si l'intérêt supérieur de C...et HichemaF..., qui vivent en France depuis 2014 aux côtés de leur oncle, de nationalité française, implique qu'elles puissent conserver un lien avec leurs parents demeurant..., il ne ressort pas des pièces du dossier que ces derniers se trouveraient dans l'impossibilité d'entreprendre eux-mêmes un déplacement à Mayotte. La décision contestée n'a pas, en elle-même pour objet ni pour effet de les en empêcher. Par ailleurs, l'absence de délivrance au bénéfice des fillettes d'un document de circulation pour étranger mineur ne fait en rien obstacle à ce qu'elles se rendent sur leur terre natale pour y rejoindre leurs parents et y poursuivre leur scolarité auprès d'eux. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de Mayotte aurait méconnu l'intérêt supérieur de C...et Hichema F...en refusant de délivrer un document de circulation à leur profit doit être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. E...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande.

Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...E...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Mayotte.

Délibéré après l'audience du 28 novembre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Didier Salvi, président,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller,

Mme Aurélie Chauvin, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 décembre 2017

Le rapporteur,

Aurélie G...

Le président,

Didier SalviLe greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 17BX02946


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX02946
Date de la décision : 28/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - violation directe de la règle de droit - Traités et droit dérivé.

Étrangers - Entrée en France.


Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: Mme Aurélie CHAUVIN
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : GHAEM

Origine de la décision
Date de l'import : 09/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-12-28;17bx02946 ?
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