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21/12/2017 | FRANCE | N°15BX02652

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 21 décembre 2017, 15BX02652


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Nordy Gest a demandé au tribunal administratif de la Martinique le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 2 516 160 euros au titre du quatrième trimestre 2008.

Par un jugement n° 1300310 du 15 mai 2015, le tribunal administratif de la Martinique a accordé à la société un remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 188 675 euros et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requê

te enregistrée le 24 juillet 2015, la société Nordy Gest, représentée par Me A..., demande à la c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Nordy Gest a demandé au tribunal administratif de la Martinique le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 2 516 160 euros au titre du quatrième trimestre 2008.

Par un jugement n° 1300310 du 15 mai 2015, le tribunal administratif de la Martinique a accordé à la société un remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 188 675 euros et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 juillet 2015, la société Nordy Gest, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique du 15 mai 2015 en tant qu'il a limité au montant de 188 675 euros le remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée prononcé à son profit ;

2°) de lui accorder un remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 2 516 160 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice.

Elle soutient que :

- la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2008 est entachée d'irrégularité ; en effet, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, les opérations de contrôle sur place ont duré plus de trois mois ; elle a en effet déclaré au titre de l'exercice 2008 un chiffre d'affaires de 6 020 euros ; elle est un redevable distinct des sociétés en participation (SEP) dont elle assure la gestion, et n'a pas réalisé à elle seule le chiffre d'affaires cumulé réalisé par ces SEP ; dans sa réponse aux observations du contribuable, l'administration a admis qu'elle ne pouvait être regardée comme ayant réalisé un chiffre d'affaires de 6 244 233 euros ;

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée ; s'agissant de la taxe sur les véhicules, la motivation en fait est trop générale, et aucune précision n'est donnée sur la facturation multiple d'un véhicule ; s'agissant de la taxe sur le matériel agricole et les plantations, la motivation n'est pas claire, les investissements ne sont pas clairement différenciés en fonction des motifs de remise en cause de la déduction de la taxe et la doctrine 3 I-1121 du 30 mars 2001 qui admet les encaissements sans versement financier mais par compensation n'est pas citée ; s'agissant de la taxe sur les autres biens, aucun élément de fait n'est indiqué quant à la remise en cause de l'activité des locataires et quant au caractère falsifié de certaines factures ;

- les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ont été méconnues ; s'agissant de la taxe sur les véhicules, l'administration n'indique pas précisément les informations recueillies ; de plus, bien qu'elle ait demandé le 8 mars 2011 copie des éléments obtenus dans le cadre du droit de communication et d'enquête, ainsi que les factures litigieuses, l'administration ne lui a adressé aucun justificatif ; s'agissant notamment de la prétendue multiple facturation d'un même véhicule, les factures, dont la communication a été demandée, ne ont lui ont pas été transmises ; s'agissant du redressement relatif à la taxe afférente aux matériels et plantations agricoles et autres biens, les éléments issus du droit de communication, du droit d'enquête et du droit de saisie ne lui ont pas été communiqués ;

- en ce qui concerne le bien-fondé de la remise en cause du caractère déductible de la taxe afférente à l'achat de certains véhicules, l'administration n'établit pas que ces véhicules ne seraient pas exploités ; l'absence de dépôt de déclaration fiscale ne permet pas d'en déduire l'absence d'activité ; la facture relative au véhicule mis à la disposition de Mangatalle Itsuya est valide ;

- en ce qui concerne le bien-fondé de la remise en cause du caractère déductible de la taxe afférente à l'achat de matériel agricole et de plantations, elle a apporté des éléments probants ; un encaissement peut être réalisé par voie de compensation, ainsi que l'admet la doctrine ;

- en ce qui concerne le bien-fondé de la remise en cause du caractère déductible de la taxe afférente à l'achat des autres biens, l'absence d'activité du fournisseur est sans incidence puisque l'activité doit, dans le cadre de la défiscalisation, être assurée par le locataire ; par ailleurs, contrairement à ce que le service a retenu sans justification, les locataires ont bien une activité.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 janvier 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la société Nordy Gest représente les SEP, dont elle est la gérante, dans tous les actes de gestion, et passe dans sa comptabilité l'ensemble des opérations qu'elle réalise pour leur compte ; elle est aussi l'interlocuteur des SEP en matière fiscale, et présente des demandes de remboursement de crédits de taxe regroupant les opérations des SEP ; elle est ainsi titulaire d'un mandat de représentation en matière de TVA, quand bien même les SEP ont déposé des déclarations en matière de bénéfices industriels et commerciaux au titre de l'exercice 2008 ; le chiffre d'affaires était ainsi supérieur au seuil prévu par les dispositions de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales ;

- la proposition de rectification indique les fondements légaux des rappels de taxe et des éléments de fait pour chaque catégorie des biens d'investissements, ainsi que le montant des rappels ; elle est dès lors suffisamment motivée ; s'agissant de la taxe sur les autres biens, les indications figurent dans les tableaux pages 39 et 40 de la proposition de rectification ;

- par un courrier du 6 juillet 2011, dont la société a accusé réception le 8 juillet 2011, l'ensemble des documents ayant permis d'asseoir les rehaussements lui ont été communiqués ; cette lettre a d'ailleurs été annexée à la réponse aux observations du contribuable ; les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales n'ont donc pas été méconnues ;

- en ce qui concerne le bien-fondé de la remise en cause du caractère déductible de la taxe afférente à l'achat de certains véhicules, aucun élément n'est apporté justifiant de ce que les véhicules en cause sont utilisés à la réalisation d'opérations imposables, ce qui est une condition de déduction de la taxe afférente à leur acquisition ;

- en ce qui concerne le bien-fondé de la remise en cause du caractère déductible de la taxe afférente à l'achat de matériel agricole et de plantations, le vérificateur a constaté au cours du contrôle que les factures présentaient les mêmes caractéristiques que la trame saisie lors de la procédure de visite et de saisie, que certains biens agricoles n'avaient fait l'objet d'aucun versement de loyers, lesquels ont été constatés par voie d'opérations diverses ; la preuve de l'exigibilité effective de la taxe n'a ainsi pas été rapportée ; le mécanisme de la compensation allégué par la société requérante ne la dispense pas de justifier de la réalité du paiement effectif du prix aux fournisseurs, se conformant ainsi aux dispositions de l'article 298 bis du code général des impôts ;

- en ce qui concerne le bien-fondé de la remise en cause du caractère déductible de la taxe afférente à l'achat des autres biens, l'absence d'activité de certains fournisseurs et locataires a été constatée dans le cadre de l'exercice du droit de communication ; il en va de même s'agissant des fausses factures et du caractère usagé de certains biens.

Par ordonnance du 27 juin 2016 la clôture d'instruction a été fixée au 29 juillet 2016 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy,

- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SNC Nordy Gest gère des sociétés en participation (SEP) constituées dans le cadre d'opérations de défiscalisation en Martinique, pour le compte desquelles elle acquiert du matériel qui est ensuite loué à des opérateurs locaux. Titulaire d'un mandat de représentation fiscale de ces SEP, en vertu duquel elle acquitte la taxe sur la valeur ajoutée due sur ces matériels et perçoit la taxe facturée sur les loyers, elle a présenté le 26 janvier 2009 une demande de remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée au titre du 4ème trimestre 2008 pour un montant de trois millions d'euros. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2008, à l'issue de laquelle, par une proposition de rectification en date du 7 janvier 2011 et d'une réponse aux observations du contribuable du 23 novembre 2012, l'administration a partiellement remis en cause le crédit de taxe sur la valeur ajoutée figurant sur la déclaration déposée par la société au titre du 4ème trimestre 2008. Il s'en est suivi, le 11 mars 2013, une décision d'acception partielle de la demande de remboursement présentée le 26 janvier 2009 et réitérée le 8 février 2013, à hauteur d'une somme de 483 840 euros. La SNC Nordy Gest a porté le litige devant le tribunal administratif de la Martinique qui, par un jugement en date du 15 mai 2015, a fait droit à ses conclusions tendant au remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée à concurrence d'une somme de 188 675 euros et a rejeté le surplus de ses conclusions aux fins de remboursement de taxe. Elle fait appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions et demande à la cour de porter le remboursement de taxe sur la valeur ajoutée prononcé par le tribunal au montant total de 2 516 160 euros.

Sur la régularité de la procédure :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors applicable : " I.-Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne : 1° Les entreprises industrielles et commerciales ou les contribuables se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes n'excède pas les limites prévues au I de l'article 302 septies A du code général des impôts ; ./. ". L'article 302 septies A du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur, dispose : " I. Il est institué par décret en Conseil d'Etat un régime simplifié de liquidation des taxes sur le chiffre d'affaires dues par les personnes dont le chiffre d'affaires, ajusté s'il y a lieu au prorata du temps d'exploitation au cours de l'année civile, n'excède pas 763 000 euros, s'il s'agit d'entreprises dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place ou de fournir le logement, ou 230 000 euros, s'il s'agit d'autres entreprises. Ces limites s'apprécient en faisant abstraction de la taxe sur la valeur ajoutée et des taxes assimilées. ". S'il appartient au juge de l'impôt d'apprécier si les limites ainsi fixées ont été ou non dépassées en tenant compte des rectifications apportées à bon droit par l'administration fiscale au chiffre d'affaires du contribuable, celle-ci peut toutefois se prévaloir des montants tels que déclarés avant le début de la vérification de comptabilité.

3. Il résulte de l'instruction qu'au titre de l'année 2008, la société Nordy Gest a effectué en son nom, pour le compte des SEP dont elle assure la gestion, l'ensemble des opérations d'acquisition et de location de matériels mentionnées au point 1. Pour l'application des dispositions précitées, son chiffre d'affaires doit, dès lors, être déterminé compte tenu du montant total de ces opérations. Au demeurant, en sa qualité de représentante fiscale desdites SEP en matière de taxe sur la valeur ajoutée, la SNC Nordy Gest a déclaré au titre de l'année 2008 un chiffre d'affaires total de 6 244 233 euros, excédant le seuil de 230 000 euros prévu par l'article 302 septies A du code général des impôts. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la prolongation de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet au-delà du délai de trois mois entache d'irrégularité la procédure à l'issue de laquelle sa demande de crédit de taxe a été partiellement rejetée.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". L'article R. 57-1 du même livre dispose : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition. ". Il résulte de ces dispositions, que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs.

5. Comme l'a relevé le tribunal administratif de la Martinique, la proposition de rectification du 7 janvier 2011 mentionne les éléments de droit et de fait fondant la remise en cause du caractère déductible de la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux immobilisations rattachées à des opérations de défiscalisation et indique la méthode employée pour établir ces rectifications. Contrairement à ce qui est soutenu en appel, s'agissant de la taxe sur les véhicules, la motivation en fait est suffisamment précise, et les motifs ayant conduit le service à écarter la facture émise le 14 août 2008 par la société Martinique Automobiles sont exposés en détail notamment à la page 16 du document. S'agissant de la taxe sur le matériel agricole et les plantations, la motivation de la proposition de rectification est explicite, et contrairement à ce qui est soutenu, l'administration, après avoir répertorié les investissements dans des tableaux, différencie clairement ces investissements en fonction du motif la conduisant à remettre en cause la taxe y afférente. Par ailleurs, la circonstance que la doctrine administrative relative aux encaissements sans versement financier mais par compensation ne soit pas citée dans la proposition de rectification, n'affecte pas sa motivation. Enfin, s'agissant de la taxe sur les autres biens, la motivation en fait est également suffisante.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".

7. Il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Lorsque le contribuable en fait la demande à l'administration, celle-ci est tenue de lui communiquer les documents ou copies de documents contenant les renseignements obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés ; il en va ainsi alors même que le contribuable a pu avoir connaissance de ces renseignements ou de certains d'entre eux, afin notamment de lui permettre d'en vérifier, et le cas échéant d'en discuter, l'authenticité et la teneur.

8. D'une part, contrairement à ce qui est soutenu par la société requérante, la proposition de rectification du 7 janvier 2011 indique précisément l'origine et la teneur des informations obtenues par l'administration fiscale dans l'exercice de son droit de communication auprès de la société Martinique Automobiles, informations qui ont conduit le service à remettre en cause le caractère déductible de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur la facture d'achat d'un véhicule à cette société.

9. D'autre part, l'administration fait valoir que, en réponse à la demande présentée le 8 mars 2011 par la société Nordy Gest, elle lui a adressé par courrier du 6 juillet 2011 l'ensemble des éléments obtenus auprès de tiers dans le cadre de ses droits d'enquête et de communication. Si l'administration n'apporte pas la preuve de l'envoi de ce courrier, il est constant que ledit courrier était annexé à sa réponse aux observations du contribuable du 23 juillet 2012 et comportait en annexe un tableau mentionnant le nombre de pages correspondant aux éléments recueillis auprès de chacun des tiers. Or, si la société requérante soutient désormais que certains éléments mentionnés dans la proposition de rectification ne lui auraient pas été transmis, elle n'établit pas ni même n'allègue avoir accompli les diligences nécessaires pour obtenir le cas échéant les éléments prétendument manquants. Dans ces conditions, les moyens tirés de l'irrégularité de la procédure ne peuvent, en tout état de cause, qu'être écartés.

Sur le bien-fondé :

En ce qui concerne la taxe sur les véhicules :

10. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable. (...). II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ; (...) ". Aux termes de l'article 272 du même code : " ... 2. La taxe sur la valeur ajoutée facturée dans les conditions définies au 4 de l'article 283 ne peut faire l'objet d'aucune déduction par celui qui a reçu la facture. (...)". Aux termes de l'article 283 dudit code : " ...4. Lorsque la facture ne correspond pas à la livraison d'une marchandise ou à l'exécution d'une prestation de services, ou fait état d'un prix qui ne doit pas être acquitté effectivement par l'acheteur, la taxe est due par la personne qui l'a facturée. ".

11. En premier lieu, l'administration a remis en cause le caractère déductible de la taxe figurant sur les factures d'achat de véhicules des 22 février 2008, 9 juillet 2008, 24 juillet 2008, 29 août 2008, 9 septembre 2008 et 9 octobre 2008, au motif que ces biens n'avaient pas été utilisés par la société Nordy Gest pour la réalisation d'une opération taxable. L'administration fait en effet valoir que les sociétés Jpg Location et Loc Auto prestige, auxquelles ces véhicules auraient été donnés en location, n'ont aucune existence fiscale. Faute de tout élément contraire apporté par la société requérante, qui ne justifie notamment pas de ce que ces sociétés auraient versé des loyers en contrepartie de la mise à disposition des véhicules en cause, les éléments dont fait état l'administration suffisent à démontrer l'absence d'exploitation de ces véhicules. En conséquence, c'est à bon droit que l'administration a refusé à la société requérante le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé l'achat de ces biens.

12. En second lieu, l'administration a aussi remis en cause le caractère déductible de la taxe figurant sur la facture d'achat en date du 14 août 2008 d'un véhicule auprès de la société Martinique Automobiles. Il résulte de l'instruction que, dans l'exercice de son droit de communication auprès de ce fournisseur, l'administration a constaté, d'une part, que ce même véhicule avait donné lieu à l'émission de plusieurs factures auprès d'acquéreurs distincts, d'autre part, que la carte grise émise au nom de la société Nordy Gest portait la date du 12 janvier 2009. Ces éléments, qui ne sont pas sérieusement contrebattus par la société Nordy Gest, suffisent à établir le caractère fictif de cette opération.

En ce qui concerne la taxe sur les plantations et matériels agricoles :

13. En premier lieu, il résulte de l'instruction que l'administration a exercé son droit de communication auprès des sociétés Bagghi Matériaux et Caraïbes Irrigation Services, fournisseurs mentionnés sur les factures du 22 octobre 2008 d'achat de divers matériels agricoles et du 12 mai 2008. La société Bagghi Matériaux a indiqué que la facture en cause du 22 octobre 2008 était une facture pro forma et n'avait pas été suivie d'une vente, tandis que la société Caraïbes Irrigation Services a répondu n'avoir ni établi ni comptabilisé la facture du 12 mai 2008. Ces éléments, nullement contrebattus par la société Nordy Gest, suffisent à établir le caractère fictif des factures en cause. Par suite, c'est à juste titre que l'administration a refusé à la société requérante le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé l'achat de ces matériels agricoles.

14. En deuxième lieu, le service a également refusé la déduction de la taxe, pour un montant total de 21 711, 72 euros, figurant sur diverses factures d'achat de matériels agricoles au motif que ces biens n'avaient pas, par la suite, fait l'objet d'une opération de location. La société ne justifie nullement de ce que ces biens auraient été mis à disposition d'entreprises locataires moyennant le versement de loyers. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve du caractère fictif de l'opération économique de location dont il s'agit.

15. Enfin, à l'issue d'une procédure de visite et de saisie, l'administration a constaté que la société Nordy Gest disposait d'un fichier informatique constituant une trame modifiable de factures. Elle a en outre constaté que cette trame était identique à l'ensemble des factures prétendument émises par des exploitants agricoles pour la vente de plantations agricoles à la société Nordy Gest. Compte tenu de cet indice, et faute de trace dans la comptabilité de la société des mouvements financiers liés au versement des loyers afférents à ces plantations, l'administration a considéré que ces opérations revêtaient un caractère fictif et a dès lors, refusé à la société requérante le droit de déduire la taxe ayant grevé l'achat des plantations en cause. En se bornant à faire valoir que la doctrine administrative admet que des encaissements soient réalisés par voie de compensation, la société requérante n'établit pas la réalité d'un paiement, lequel constitue le fait générateur de l'exigibilité de la taxe afférente à ces biens en vertu de l'article 298 bis du code général des impôts. En conséquence, c'est à bon droit que l'administration a refusé à la société requérante le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à l'achat des plantations agricoles litigieuses.

En ce qui concerne la taxe sur les autres biens :

16. En premier lieu, l'administration a constaté, après avoir exercé son droit de communication ou dans le cadre d'enquêtes sur place, que les sociétés Entr'aides, Europe Antilles Services et SEGES, n'existaient pas ou n'avaient plus aucune activité à la date d'émission des factures relatives à l'acquisition, par la société Nordy Gest, d'une presse à balles, d'un mât informatique et de deux chauffe-eau solaires. Ce constat, qui n'est pas discuté par la société appelante, suffit à établir le caractère fictif desdites factures. C'est ainsi à bon droit que l'administration a refusé à la société requérante le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée y figurant.

17. En deuxième lieu, les sociétés Equi'pro, Probati, Soguaco et MM. B...etC..., auprès desquels l'administration a exercé son droit de communication, ont indiqué soit ne pas avoir émis, soit avoir annulé les factures afférentes à divers biens que la société Nordy Gest soutient avoir acquis. En outre, les éléments recueillis par le service auprès de la société Concept Industrie ont permis de constater que ladite société avait réglé son matériel, à savoir un écran géant, directement auprès du fournisseur, sans verser de loyer à la société Nordy Gest, sur la base d'une facture émise à son nom. Ces éléments, faute de tout élément contraire apporté par la société appelante, suffisent à établir le caractère fictif des factures en cause et à justifier la remise en cause de la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée y afférente.

18. En troisième lieu, en se bornant à affirmer qu'elles existent, la société appelante n'apporte pas le moindre élément de nature à remettre en cause les constatations opérées par l'administration quant à l'absence d'activité des sociétés Bapte Bertrand, Aux délices de Paris, SD Electricité et Soredes, présentées comme locataires de biens acquis par la société Nordy Gest au cours de l'année 2008. Par suite, c'est à juste titre que l'administration a refusé à la société requérante le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé l'achat de ces biens.

19. Enfin, les éléments recueillis par le service auprès de la société Environnement routiers établissent que le broyeur repliable mentionné sur la facture d'achat du 22 juillet 2008 était un bien usagé insusceptible d'entrer dans le champ des opérations de défiscalisation dans lesquelles la société requérante est spécialisée. C'est donc à juste titre que l'administration a refusé à la société requérante le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée relative à l'achat de ces biens.

20. Il résulte de tout ce qui précède que la société Nordy Gest n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté le surplus de sa demande de remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée au titre du quatrième trimestre 2008. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, être accueillies.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Nordy Gest est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Nordy Gest et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 30 novembre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 décembre 2017.

Le rapporteur,

Marie-Pierre BEUVE DUPUY

Le président,

Aymard de MALAFOSSE

Le greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

N° 15BX02652


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 15BX02652
Date de la décision : 21/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux fiscal

Analyses

19-06-02-08-01 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Liquidation de la taxe. Base d'imposition.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : SELARL KIHL-DRIE

Origine de la décision
Date de l'import : 26/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-12-21;15bx02652 ?
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