Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Savelec, société à responsabilité limitée, a demandé au tribunal administratif de La Réunion de lui accorder la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2006, 2007 et 2008, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui lui ont été assignés pour la période du 1er avril 2005 au 31 mars 2008.
Par un jugement n° 1301044, 1301048 du 11 décembre 2014, le tribunal administratif de La Réunion a fait droit à ces demandes.
Procédure devant la cour :
Par un recours, enregistré le 31 mars 2015, et deux mémoires enregistrés le 20 février 2017, le ministre de l'économie et des finances demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de La Réunion du 11 décembre 2014 ;
2°) à titre principal, de dire irrecevables, en raison de leur tardiveté, les requêtes de la société Savelec et de rétablir en conséquence la société aux rappels d'impôt sur les sociétés et à la taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie ;
3°) à titre accessoire, si les requêtes sont jugées recevables, de limiter le montant de la décharge consentie à la quotité contestée lors de la réclamation contentieuse, et de rétablir en conséquence la société à l'impôt sur les sociétés et à la taxe sur la valeur ajoutée à hauteur des montants excédant cette quotité ;
4°) à titre subsidiaire, de faire droit à la substitution de base légale fondée sur le recours à la procédure d'office visée aux 2° et 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales et de rétablir la société aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée et de cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge, à l'exception de la pénalité prévue à l'article 1732 du code général des impôts.
Il soutient que :
- les requêtes introductives d'instance, enregistrées au greffe du tribunal le 5 septembre 2013, soit postérieurement au délai imparti pour introduire une instance auprès du tribunal, sont irrecevables en raison de leur caractère tardif ; les éléments versés au débat attestent de la distribution des plis au 24 juin 2013 et non au 5 juillet 2013 comme soutenu par la société ;
- la portée de la demande au tribunal est limitée par celle de la réclamation préalable tant en ce qui concerne les impositions que le quantum ; à l'occasion de la réclamation contentieuse formée le 28 décembre 2012, la société a expressément limité sa contestation aux impositions correspondant aux rappels d'impôt sur les sociétés et de TVA générés par les rehaussements opérés à raison de la reconstitution du chiffre d'affaires effectuée par le service ; ces rehaussements ressortent à 31 258 euros au titre de l'exercice 2005-2006 et à 51 037 euros au titre de l'exercice 2007-2008, étant précisé que le rapprochement effectué au titre de l'exercice 2006-2007 aboutit à un excédent de déclaration de 1 908 euros ; s'agissant de l'exercice 2007-2008, le rappel de 51 037 euros initialement mis en recouvrement a fait l'objet, le 1er juin 2010, d'un dégrèvement de 35 848 euros ; la quotité valablement contestée devant le tribunal, sous réserve de la recevabilité de la requête, devait, par conséquent, être limitée à 31 258 euros en droits au titre de l'exercice 2005-2006 et à 15 189 euros (51 037 - 35 848) au titre de l'exercice 2007-2008, ces montants étant assortis de la majoration de 100 % prévue par l'article 1732 du code général des impôts en cas d'opposition à contrôle fiscal, ainsi que de l'intérêt de retard aux taux de 18 % (2005-2006) et 8,40 % (2007-2008) ;
- l'administration était fondée à mettre en oeuvre la procédure d'évaluation d'office fondée sur l'opposition à contrôle fiscal visée à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales ; conformément aux dispositions de l'article L. 199 C du livre des procédures fiscales, il est proposé que soit substitué au fondement légal de l'article L. 74 celui des dispositions de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales visant à maintenir les impositions dans le cadre d'une procédure d'office pour défaut de déclaration ;
- le courrier du 9 mars 2010 informant la société de la mise en recouvrement des sommes notifiées dans la proposition de rectification du 9 décembre 2009, après prise en compte de modifications relatives aux provisions sur stock et aux distributions, s'est borné à rectifier, sur l'exercice 2005/2006, une erreur de calcul dans le montant de l'impôt dû à raison de la modification dans le cadre des conséquences financières de la base d'imposition initiale ; dès lors que l'excédent résultant de cette modification -qui ne saurait en tout état de cause pas entraîner l'irrégularité de la totalité des compléments d'imposition mis à la charge de l'intimée- n'est pas lié à une rectification, que les rehaussements primitivement notifiés demeurent... ;
- la reconstitution du chiffre d'affaires de la société n'est pas contestable ;
- la réintégration des dotations aux provisions est fondée ; cette réintégration a été opérée à raison du caractère injustifié des dotations, en violation des prescriptions de l'article 39-1 5° du code général des impôts ; dans la mesure où le service a dûment établi que la déclaration de résultat des trois exercices vérifiés a été souscrite après expiration du délai imparti, il était fondé à procéder à la réintégration des provisions à raison de ce retard ;
- le moyen tenant à la contestation du bien-fondé des rehaussements opérés à raison de la réintégration des dotations aux provisions et aux amortissements, nouvellement présenté en appel, n'est en tout état de cause susceptible d'être accueilli que dans la limite du dégrèvement sollicité dans la réclamation préalable devant l'administration.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 27 novembre 2015, et les 31 janvier et 27 mars 2017, la société Savelec, représentée par Me A...et MeB..., conclut au rejet du recours du ministre et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête n'était pas tardive ; rien ne permet d'affirmer, au regard des incohérences présentes dans les différents documents versés aux débats, que la distribution des plis a eu lieu le 24 juin 2013 ;
- la substitution de base légale demandée ne peut être admise ; l'article L. 66 du livre des procédures fiscales sanctionne une infraction de nature différente de celle prévue à l'article L. 74 du même livre ;
- en répondant de manière détaillée sur les redressements relatifs aux dotations aux amortissements et aux provisions, l'administration estime ainsi que ces points entrent dans le champ du litige ; le tribunal était donc parfaitement fondé à prononcer la décharge, en droits et en pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles la société a été assujettie au titre des exercices clos en 2006, 2007 et 2008, ainsi que des rappels de TVA qui lui ont été assignés pour la période du 1er avril 2005 au 31 mars 2008 ;
- l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'exercice clos le 31 mars 2006 a été mis en recouvrement de manière irrégulière ; en effet, l'administration a notifié des rehaussements en matière d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos le 31 mars 2006 pour un montant s'élevant à la somme de 369 148 euros alors qu'elle a mis en recouvrement la somme de 376 136 euros ;
- la reconstitution du chiffre d'affaires réalisée par le service est sommaire et donc viciée ;
- pour les amortissements et provisions, l'administration fonde ses redressements exclusivement sur le retard lié au dépôt des déclarations fiscales ; or, il est toujours possible pour une entreprise de constater dans sa comptabilité des opérations n'affectant qu'elle-même jusqu'à la date de dépôt de sa déclaration de résultat.
Par ordonnance du 2 mars 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 30 mars 2017 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Florence Madelaigue ;
- et les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Savelec exerce l'activité de vente d'appareils électroménagers en gros et au détail. A l'issue d'une vérification de comptabilité, pour laquelle l'administration fiscale a mis en oeuvre la procédure de taxation d'office pour opposition à contrôle fiscal, cette société a fait l'objet de rappels d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée, mis en recouvrement le 19 avril 2010. Le ministre de l'économie et des finances relève appel du jugement du 11 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de La Réunion a prononcé la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2006, 2007 et 2008, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés pour la période du 1er avril 2005 au 31 mars 2008.
Sur la recevabilité des demandes de première instance :
2. Aux termes de l'article L. 199 du livre des procédures fiscales : " En matière d'impôts directs et de taxes sur le chiffre d'affaires ou de taxes assimilées, les décisions rendues par l'administration sur les réclamations contentieuses et qui ne donnent pas entière satisfaction aux intéressés peuvent être portées devant le tribunal administratif (...) ". Selon l'article R. 198-10 du même livre : " (...) La direction générale des finances publiques ou la direction générale des douanes et droits indirects, selon le cas, statue sur les réclamations dans le délai de six mois suivant la date de leur présentation. (...) En cas de rejet total ou partiel de la réclamation, la décision doit être motivée./ Les décisions de l'administration sont notifiées dans les mêmes conditions que celles prévues pour les notifications faites au cours de la procédure devant le tribunal administratif. ". Aux termes de l'article R. 199-1 du même livre : " L'action doit être introduite devant le tribunal compétent dans le délai de deux mois à partir du jour de la réception de l'avis par lequel l'administration notifie au contribuable la décision prise sur la réclamation, que cette notification soit faite avant ou après l'expiration du délai de six mois prévu à l'article R. 198-10 (inchangés et que la société a été régulièrement informée, conformément aux dispositions de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales, des dernières conséquences financières du contrôle, avant la mise en recouvrement, la circonstance tirée de ce que les droits supplémentaires d'impôt sur les sociétés mis en recouvrement sont supérieurs à ceux initialement portés à la connaissance de la société vérifiée dans la proposition de rectification qui lui a été adressée n'a aucune incidence sur la régularité des impositions recouvrées) ".
3. Il ressort de ces dispositions, qu'en matière d'impôts directs et de taxes sur le chiffre d'affaires ou de taxes assimilées, le délai de recours pour saisir le juge de l'impôt ne court qu'à compter du jour de réception de l'avis portant notification d'une décision de l'administration des impôts suffisamment motivée pour permettre au contribuable de connaître et de discuter devant le tribunal administratif les motifs du rejet de sa réclamation. Il incombe à l'administration, lorsqu'elle oppose une fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de l'action introduite devant un tribunal administratif, d'établir que le contribuable a reçu notification du rejet de sa réclamation dans les conditions prévues par les dispositions précitées de l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales.
4. Il résulte de l'instruction que le directeur régional des finances publiques de La Réunion a rejeté, par décisions motivées du 18 juin 2013, les réclamations de la société Savelec relatives aux impositions supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquelles elle a été assujettie et que ces décisions ont été notifiées par lettres recommandées avec demandes d'avis de réception. Il résulte également de l'instruction, et notamment des mentions figurant sur l'accusé de réception postal dont a été destinataire le directeur régional des finances publiques, que le pli contenant les décisions rejetant les réclamations de la société Savelec a été présenté le 20 juin 2013 ainsi qu'il ressort du timbre à date qui y est apposé. Si la date de distribution comporte des surcharges manuscrites et que les attestations successives des services postaux produites par la société Savelec puis par l'administration se contredisent sur la date à laquelle le destinataire des courriers recommandés en a pris possession, la première faisant état du 5 juillet 2013 et la seconde, du 24 juin 2013, il ressort clairement du tampon dateur porté sur les accusés de réception que ces accusés de réception ont été retournés le 24 juin 2013 à l'administration après signature par le représentant de la société. La date de retour des accusés de réception ne pouvant pas être postérieure à celle à laquelle le destinataire a pris possession des plis, cette date confirme la date de distribution avancée par le service du 24 juin 2013 sur les accusés de réception alors même que la mention manuscrite de ces accusés de réception est surchargée.
5. Il résulte de ce qui précède que la notification de la décision du directeur régional des finances publiques de La Réunion doit être regardée comme ayant été régulièrement effectuée à la date du 24 juin 2013 et comme ayant fait courir, à compter de cette date, le délai de deux mois dont disposait la société Savelec pour saisir le tribunal administratif. Dès lors, la requête de la société Savelec enregistrée au greffe du tribunal administratif le 5 septembre 2013, après l'expiration du délai de deux mois qui a couru à partir du 25 juin 2013 est tardive, et, par suite, irrecevable.
6. Il s'ensuit que le ministre de l'économie et des finances est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a fait droit à la demande de décharge de la société Savelec. Ce jugement doit ainsi être annulé, la demande présentée par la société Savelec devant le tribunal doit être rejetée et les cotisations supplémentaires, rappels et pénalités en litige remis à la charge de la société Savelec.
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de La Réunion n° 1301044, 1301048 du 11 décembre 2014 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la société Savelec devant le tribunal administratif de La Réunion et ses conclusions d'appel tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Les cotisations supplémentaires d'impôts sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2006, 2007 et 2008, ainsi que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés pour la période du 1er avril 2005 au 31 mars 2008 et les pénalités correspondantes sont remis à la charge de la société Savelec.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics et à la société Savelec. Copie pour information en sera adressée à la ministre des outre-mer et à la direction de contrôle fiscal sud-ouest.
Délibéré après l'audience du 28 novembre 2017 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
Mme Christine Mège, président-assesseur,
Mme Florence Madelaigue, rapporteur,
Lu en audience publique, le 19 décembre 2017.
Le rapporteur,
Florence Madelaigue
Le président,
Elisabeth JayatLe greffier,
Evelyne Gay-Boissières
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 15BX01196