Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par décisions du 22 novembre 2011 et du 15 mars 2012, l'inspecteur du travail de la première section d'inspection du travail du département de la Corrèze a refusé d'autoriser le licenciement de MmeA..., ouvrière de production de la société Tiag industries, et titulaire du mandat de déléguée du personnel. Par décision du 25 juin 2012, l'inspecteur du travail a finalement autorisé la société requérante à licencier MmeA.... La société Tiag industries a demandé au tribunal administratif de Limoges, la condamnation de l'Etat à réparer les préjudices subis à raison de l'illégalité fautive des deux décisions du 22 novembre 2011 et du 15 mars 2012.
Par un premier jugement n° 1300521 du 25 juin 2015, le tribunal administratif de Limoges, a considéré que la décision de refus d'autorisation de licenciement du 22 novembre 2011 n'était pas entachée d'illégalité et que dès lors la responsabilité de l'Etat ne pouvait être engagée à raison de cette décision. En revanche, par le même jugement, le tribunal administratif a considéré que la décision du 15 mars 2012 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement de Mme A...était illégale et engageait la responsabilité de l'Etat, et avant-dire droit sur la requête de la société Tiag industries, après avoir rejeté comme non établi le préjudice en terme d'image invoqué par la société, a ordonné à la société Tiag Industries, de produire les éléments afférents à la réparation du préjudice matériel dont elle se prévalait.
Le tribunal administratif de Limoges, par un second jugement n° 1300521 du 31 décembre 2015 a condamné l'Etat à verser à la société Tiag Industrie la somme de 5 824,38 euros au titre des salaires versés par la société pour la période du 15 mars au 29 juin 2012, date à laquelle le licenciement de Mme A...a été autorisé, de 1 812,05 euros au titre des cotisations sociales afférentes à ces salaires, et de 593,58 euros au titre des dépenses afférentes à la nouvelle procédure de licenciement ayant du être engagée par la société, soit la somme totale de 8 230,01 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête du 1er mars 2016 et un mémoire du 13 juillet 2017, la société Tiag Industries, représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du 31 décembre 2015 en ce qu'il a limité le montant de la condamnation à la somme de 8 230,01 euros et de condamner l'Etat à verser à la société la somme de 32 651,52 euros du fait de l'illégalité des deux décisions de refus d'autorisation de licenciement des 22 novembre 2011 et 15 mars 2012 ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme globale de 32 651,52 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son profit de la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que par le jugement du 25 juin 2015, le tribunal administratif de Limoges a rejeté ses conclusions indemnitaires fondées sur l'illégalité de la décision du 22 novembre 2011 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement de MmeA... ; en effet, les motifs fondant ce refus d'autorisation, sont infondés, dès lors que la société avait fourni une attestation du docteur Guichard, du 10 novembre 2011 confirmant avoir prononcé une inaptitude définitive à tout poste dans l'entreprise lors de la seconde visite d'aptitude du 5 mai 2011 et avoir réalisé une visite de poste le 8 juillet 2011 ; les délégués du personnel ont conclu de manière unanime à l'impossibilité de procéder au reclassement de MmeA... ; concernant la consultation du comité d'entreprise, l'article L 2421-3 du code du travail sur lequel s'est fondé l'inspecteur du travail n'exige absolument pas un vote à bulletins secrets ; c'est à tort que la décision du 22 novembre 2011, s'est fondée sur l'absence de remise aux représentants du personnel de la documentation économique et financière prévue par l'article L. 2323-7 du code du travail ; en ce qui concerne la décision du 15 mars 2012, elle est également entachée d'illégalité dès lors que l'organisation de l'entretien préalable par visio-conférence s'expliquait par les intempéries ayant empêché M. Moraine, président du directoire, de se déplacer mais le directeur de l'établissement M. B...se trouvait physiquement à l'entretien et Mme A...avait accepté le principe de la visioconférence ; la jurisprudence du Conseil d'Etat et de la Cour de Cassation acceptent le recours à la visioconférence, notamment pour ce qui est des réunions des comités d'entreprise ;
- ce n'est donc que par une décision du 25 juin 2012 que le licenciement de Mme A... a été autorisé, soit plus de 7 mois après la demande d'autorisation et donc pendant 7 mois la société a du supporter le salaire et les charges sociales de MmeA..., alors même que cette dernière n'était plus en état de travailler, ce qui a eu un impact très important sur la trésorerie de l'entreprise ; le refus opposé a rendu son licenciement plus onéreux pour l'entreprise et elle a dû régler une indemnité de licenciement plus importante que celle qu'elle aurait dû verser si le licenciement avait été autorisé dès la première demande ; elle a subi un préjudice en terme d'image et d'atteinte à sa réputation tant auprès de Mme A...que des autres salariés qui n'ont pas compris pourquoi Mme A...a continué à être payée sans pour autant travailler ; la société a par ailleurs du supporter différents coûts supplémentaires, notamment de déplacements depuis le siège de M. Moraine, et l'envoi de différents courriers en recommandé avec accusé de réception liés aux différentes procédures ; la société a produit les justificatifs des sommes dont elle demandait le remboursement, pour ce qui est notamment des indemnités de licenciement, de congés payés, du coût des salaires et charges patronales sur la période, des frais de déplacement en voiture ou en avion et du surcoût des prestations de la société d'intérim ; la société demande que lui soit allouée la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts liés aux différents préjudices subis, notamment en terme de discrédit de l'entreprise et de son personnel, ainsi qu'au temps passé par le personnel dans la gestion des démarches administratives considérables et inutiles.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juin 2017, le ministre chargé du travail conclut au rejet de la requête de la société Tiag Industries et à ce qu'il soit jugé par la cour que la seconde décision du 15 mars 2012 de l'inspecteur du travail n'est pas non plus entachée d'illégalité et à ce que la cour procède à la réformation du jugement du 31 décembre 2015 en tant qu'il condamne l'Etat au paiement de la somme de 8 230,01 euros à raison de l'illégalité de la décision du 15 mars 2012.
Il soutient en premier lieu que la décision de l'inspecteur du travail du 22 novembre 2011 n'est pas entachée d'illégalité dès lors que le comité d'entreprise n'a pas été consulté contrairement à ce qu'impose l'article L. 2421-3 du code du travail, seule la délégation unique du personnel ayant été consultée ; par ailleurs la décision du 15 mars 2012 n'est pas entachée d'illégalité dès lors que notamment l'entretien préalable ne pouvait se faire par visioconférence ; la jurisprudence du Conseil d'Etat et de la Cour de Cassation qui admet la visioconférence ne concerne que les réunions du comité d'entreprise et non l'entretien préalable ; contrairement par ailleurs à ce qu'a jugé le tribunal administratif, Mme A...n'a pas exprimé son accord sur l'entretien préalable par visioconférence ; les conclusions de la société tendant à la majoration du préjudice ne peuvent être que rejetées faute de précisions, le tribunal ayant estimé que la société ne justifiait pas du montant des indemnités, salaires bruts et cotisations versés au profit de MmeA..., ni du surcoût de son licenciement ; la société ne justifie pas non plus, du lien entre les refus d'autorisation de licenciement de Mme A...et l'embauche d'un intérimaire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Ont été entendus entendu au cours de l'audience publique du 27 novembre 2017 :
- le rapport de M. Pierre Bentolila,
- et les conclusions de Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par décisions des 22 novembre 2011 et 15 mars 2012, l'inspecteur du travail de la première section d'inspection du travail du département de la Corrèze a refusé d'autoriser le licenciement de MmeA..., ouvrière de production de la société Tiag industries, et investie du mandat de déléguée du personnel. Par décision du 25 juin 2012, l'inspecteur du travail a finalement autorisé la société Tiag Industries à licencier MmeA.... La société Tiag industries a demandé au tribunal administratif de Limoges, la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 32 651,52 euros en réparation des préjudices subis à raison des deux décisions du 22 novembre 2011 et du 15 mars 2012, dont la société contestait la légalité à l'appui de ses conclusions indemnitaires. Le tribunal administratif de Limoges, par un premier jugement du 25 juin 2015, a considéré que la décision du 22 novembre 2011 n'était pas entachée d'illégalité mais a admis, après avoir rejeté comme non établi le préjudice en terme d'image invoqué par la société, le principe de l'engagement de la responsabilité de l'Etat du fait de l'illégalité de la décision du 15 mars 2012, et par avant-dire droit, a ordonné la production par la société Tiag industries de justificatifs afférents aux préjudices allégués. Par un second jugement du 31 décembre 2015, le tribunal administratif de Limoges a condamné l'Etat à verser à la société Tiag Industrie la somme totale de 8 230,01 euros, composée à hauteur de 5 824,38 euros des salaires versés à Mme A...pour la période du 15 mars au 29 juin 2012, de 1 812,05 euros au titre des cotisations sociales et de 593,58 euros au titre des dépenses afférentes à la nouvelle procédure de licenciement que la société avait été dans l'obligation d'engager. La société Tiag Industries fait appel du jugement en tant qu'il ne fait droit que partiellement à ses conclusions et l'Etat forme un appel incident contre le jugement en tant qu'il condamne l'Etat à verser la somme totale de 8 230,01 euros à la société Tiag Industries.
2. Les décisions de refus d'autorisation de licenciement, sont en cas d'illégalité, de nature à engager la responsabilité de l'Etat pour les préjudices directs et certains subis par l'employeur, résultant de ces décisions illégales.
3. A l'appui de ses conclusions indemnitaires, la société Tiag Industries conteste comme en première instance la légalité de la décision du 22 novembre 2011 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement de MmeA.... Ainsi que l'a relevé le tribunal administratif dans son jugement, au nombre des motifs de la décision de refus d'autorisation du 22 novembre 2011, se trouve celui relatif à l'absence de consultation du comité d'entreprise sur le projet de licenciement de MmeA..., dans le cadre de la première procédure de licenciement initiée à son encontre.
4. Selon l'article L. 2421-3 du code du travail : " Le licenciement envisagé par l'employeur d'un délégué du personnel (...) est soumis au comité d'entreprise, qui donne un avis sur le projet de licenciement (...) ".
5. Si la société conteste en appel tous les autres motifs de la décision du 22 novembre 2011, elle ne conteste pas celui relatif à l'absence de consultation du comité d'entreprise sur le projet de licenciement de MmeA..., et il ne résulte pas de l'instruction, que le comité d'entreprise aurait été consulté, les deux consultations dont la société justifie étant celles qui ont eu lieu les 11 janvier et 5 juin 2012 dans le cadre des deuxième et troisième procédures de licenciement, soit postérieurement à la décision du 22 novembre 2011.
6. Dans ces conditions, compte tenu de la nécessité de réunir le comité d'entreprise et de ce que l'inspecteur du travail aurait pris la même décision du 22 novembre 2011 s'il s'était fondé sur le seul motif tiré du défaut de consultation du comité d'entreprise, la société Tiag Industries n'est pas fondée à invoquer l'illégalité de la décision du 22 novembre 2011.
7. En ce qui concerne en second lieu la décision du 15 mars 2012 de l'inspecteur du travail refusant d'accorder à la société Tiag Industries, l'autorisation de licenciement, la société, pour obtenir la majoration des sommes obtenues en première instance, se prévaut du jugement affirmant son illégalité, alors que l'Etat en défense, dans le cadre de l'appel incident, se prévaut de la légalité de cette décision du 15 mars 2012 pour demander l'annulation du jugement engageant la responsabilité de l'Etat pour illégalité de cette décision de refus d'autorisation de licenciement.
8. La décision du 15 mars 2012 est fondée sur un motif unique tenant au fait que lors de l'entretien préalable du 31 janvier 2012, qui a été mené par M. Moraine chef d'entreprise, ce dernier n'était pas dans les locaux de l'entreprise mais communiquait avec Mme A...qui se trouvait dans les locaux de l'entreprise, par visioconférence. Si la société fait valoir que l'absence de M. Moraine lors de l'entretien préalable a pour cause des intempéries, elle ne justifie pas de circonstances de force majeure qui aurait empêché M. Moraine de se déplacer dans les locaux de l'entreprise, le 31 janvier 2012, jour où s'est tenu l'entretien préalable au licenciement.
9. Dans ces conditions, alors même qu'était présent lors de l'entretien préalable M. B..., responsable de l'établissement, pour lequel il n'est au demeurant pas allégué qu'il aurait reçu délégation de pouvoir en matière de licenciement, de la part de M. Moraine, et qu'en tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction que Mme A...aurait formellement donné son accord, à ce que l'entretien préalable soit mené par visioconférence, le ministre chargé du travail est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement du 31 décembre 2015, le tribunal a considéré que la décision de refus d'autorisation de licenciement du 15 mars 2012 était entachée d'illégalité et a, par voie de conséquence condamné l'Etat à indemniser la société Tiag Industries, du préjudice subi du fait du refus d'autorisation de licenciement.
10. Si la cour de par l'effet dévolutif de l'appel, est saisie des autres moyens qui seraient invoqués par la société Tiag Industries tant en première instance, qu'en appel la société n'a pas présenté d'autres moyens que ceux, venant au soutien de sa contestation de la décision du 15 mars 2012 tenant à l'absence d'irrégularité de l'entretien préalable, laquelle en tout état de cause justifiait à elle seule le rejet de la demande d'autorisation de licenciement par l'inspecteur du travail, fondé sur ce seul motif.
11. Il résulte de ce qui précède que le ministre chargé du travail est fondé à demander la réformation du jugement du 31 décembre 2015 en tant que le tribunal administratif de Limoges a condamné l'Etat à verser à la société Tiag Industrie la somme de 8 230,01 euros et à ce que la requête de la société Tiag Industries, ainsi que par voie de conséquence ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative soient rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1300521 du tribunal administratif de Limoges du 31 décembre 2015 est réformé en tant que le tribunal administratif de Limoges a condamné l'Etat à verser à la société Tiag Industrie la somme de 8 230,01 euros.
Article 2 : La requête de la société Tiag Industries est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Tiag Industries et à la ministre du travail.
Délibéré après l'audience du 27 novembre 2017, à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
M. Pierre Bentolila, premier conseiller,
Mme Florence Rey Gabriac, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 décembre 2017.
Le rapporteur,
Pierre Bentolila
Le président,
Pierre LarroumecLe greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne à la ministre du travail, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Cindy Virin
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N° 16BX00818