Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme F...A...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner le département de la Dordogne à l'indemniser, à hauteur de 187 165 euros, des préjudices résultant pour elle de l'illégalité de son licenciement en qualité d'assistante familiale prononcé sur le fondement d'un retrait d'agrément illégal.
Par un jugement n° 1402004 du 10 juillet 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de MmeA.dans le département de la Dordogne depuis le 1er décembre, et que son agrément arrivait à expiration le 31 juillet 2011 et même si, comme elle le fait valoir, aucune suite judiciaire n'a jusqu'à présent été donnée au signalement effectué par le département auprès des services du procureur de la République, en vertu de l'article L. 423-8 du code de l'action sociale et des familles précité, comme l'ont déjà relevé à bon droit les premiers juges, le président du conseil général était en situation de compétence liée pour licencier Mme Roy
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 septembre 2015 et le 22 février 2017, MmeA..., représentée par MeE..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 10 juillet 2015 ;
2°) de condamner le département de la Dordogne à l'indemniser, à hauteur de 187 165 euros, des préjudices résultant pour elle de l'illégalité de son licenciement en qualité d'assistante familiale prononcé sur le fondement d'un retrait d'agrément illégal ;
3°) de mettre à la charge du département de la Dordogne la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement du tribunal administratif revient à dire que la décision annulée était justifiée ; cela est impossible dès lors qu'une décision annulée est devenue inexistante ;
- son retrait d'agrément n'était motivé que par des " suspicions " ; cela fait peser la charge de la preuve entièrement sur elle ; or, ce retrait d'agrément n'était pas du tout motivé de façon précise quant à la nature des faits reprochés ; depuis lors, le département n'a donné aucune suite à la plainte qu'il avait déposée ; il n'a fait aucune diligence pour établir qu'elle ne satisfaisait pas, à la date de la décision annulée, aux conditions de l'agrément posées par l'article L. 421-3 du code de l'action sociale et des familles ; elle était assistante familiale depuis août 2000 et n'avait jusque-là jamais fait l'objet de reproches ou de suspicions ;
- elle réclame la somme de 187 165 euros, en réparation des préjudices qu'elle a subis (perte de revenus passés et à venir, perte de ses avantages sociaux, troubles dans ses conditions d'existence, préjudice moral) ; son licenciement illégal lui a en effet nécessairement causé des préjudices, quelle que soit la raison de l'annulation du retrait d'agrément ;
- elle est fondée à invoquer la responsabilité pour faute du département ; en effet, la plainte déposée n'a jamais abouti et est maintenant prescrite ; les faits n'ont donc jamais été établis ; il ne ressort d'aucune pièce du dossier, contrairement à ce que prétend le département, qu'elle aurait tenté de dissimuler les faits ou aurait menacé les enfants ; le retrait d'agrément est ainsi entaché d'une erreur d'appréciation ; de plus, elle n'a jamais été invitée à répondre aux différents rapports qui l'accablent ; le contradictoire a donc été violé ; elle doit donc obtenir a minima l'indemnisation de son préjudice moral en raison de l'irrégularité de la procédure ;
- mais elle est également fondée à invoquer la responsabilité sans faute, dans la mesure où le coût et les conséquences du principe de précaution ne peuvent peser sur l'assistant familial ; celui-ci est alors conduit à supporter seul une charge anormale, à savoir les conséquences financières et morales de décisions légales s'appuyant sur des faits matériellement inexacts.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 14 mars 2016 et le 26 avril 2017, le département de la Dordogne, représenté par MeD..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme A...la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme A...ne sont pas fondés et qu'il y a, à titre principal, absence de préjudice indemnisable dès lors que le retrait d'agrément n'a été annulé que sur un vice de forme, mais était justifié au fond et, à titre subsidiaire, absence de caractère direct et certain des préjudices allégués.
Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 octobre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,
- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., représentant MmeA..., et de MeD..., représentant le département de la Dordogne.
Considérant ce qui suit :
1. Mme F...A..., agréée en qualité d'assistante familiale en application des articles L. 421-1 et suivants du code de l'action sociale et des familles, était employée depuis 2001 par le département de la Dordogne pour accueillir à son domicile trois enfants relevant de l'aide sociale à l'enfance. Son agrément avait été renouvelé le 1er août 2006 et était valable jusqu'au 31 juillet 2011. A la suite d'un signalement, effectué en octobre 2010 et faisant état de relations sexuelles qu'aurait eu son fils avec une jeune fille née en 1999 accueillie à son domicile et d'attouchements commis par un voisin sur cette dernière et sur sa soeur née en 2000, également confiée à MmeA..., le président du conseil général a prononcé le 8 février 2011 le retrait définitif de l'agrément de MmeA..., retrait confirmé, sur recours gracieux, le 17 février 2011. Le 29 juin 2011, le président du conseil général a décidé en conséquence de licencier Mme A...en invoquant le second alinéa de l'article L. 423-8 du code de l'action sociale et des familles au motif qu'elle ne disposait plus de son agrément. Cependant, par un jugement du 22 novembre 2011, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé ce retrait d'agrément, motif pris de son insuffisante motivation. Par un arrêt du 19 juin 2012, la cour administrative d'appel de Bordeaux a confirmé le jugement et son motif. Mme A...a alors formé un contentieux indemnitaire en demandant la condamnation du département de la Dordogne à lui verser la somme de 187 165 euros en réparation des préjudices subis du fait de son licenciement. Elle fait appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 10 juillet 2015, qui a rejeté cette demande, en réitérant les mêmes prétentions.
Sur la responsabilité :
2. Aux termes de l'article L. 421-3 du code de l'action sociale et des familles : " L'agrément nécessaire pour exercer la profession d'assistant maternel ou d'assistant familial est délivré par le président du conseil général du département où le demandeur réside. (...) L'agrément est accordé à ces deux professions si les conditions d'accueil garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des mineurs et majeurs de moins de vingt et un ans accueillis, en tenant compte des aptitudes éducatives de la personne. (...) ". Aux termes de l'article L. 421-6 de ce code : " (...) Si les conditions de l'agrément cessent d'être remplies, le président du conseil général peut, après avis d'une commission consultative paritaire départementale, modifier le contenu de l'agrément ou procéder à son retrait. (...) ". Aux termes de l'article L. 422-1 du même: " Les articles L. 423-3 à L. 423-13, L. 423-15, L. 423-17 à L. 423-22, L. 423-27 à L. 423-33 et L. 423-35 s'appliquent aux assistants maternels et aux assistants familiaux employés par des personnes morales de droit public. ". Aux termes de l'article L. 423-8 dudit code : " (...) En cas de retrait d'agrément, l'employeur est tenu de procéder au licenciement par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. (...) ".
3. Mme A...fait valoir que la décision du 29 juin 2011, par laquelle le président du conseil général a prononcé son licenciement, étant dépourvue de base légale à la suite de l'annulation par le juge administratif de la décision prononçant le retrait de son agrément, elle a ainsi été licenciée illégalement, ce qui constitue une faute de nature à engager la responsabilité du département à son égard. Elle invoque à cet égard à la fois la responsabilité pour faute et sans faute.
4. Comme cela a été dit au point 1, la décision du 8 février 2011 retirant à Mme A...son agrément d'assistante familiale, a été annulée, pour vice de forme tenant à son insuffisance de motivation, par un jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 22 novembre 2011, confirmé par la cour administrative d'appel de Bordeaux le 19 juin 2012, arrêt devenu définitif dès lors que le pourvoi en cassation du département de la Dordogne a été rejeté par le Conseil d'Etat le 16 janvier 2013. Or, d'une part, un acte annulé par le juge de l'excès de pouvoir doit être considéré comme n'ayant jamais existé et, d'autre part, la décision de licenciement avait comme unique motif la perte de l'agrément. Dans ces conditions, du fait de la disparition dans l'ordonnancement juridique de la décision prononçant le retrait d'agrément, la décision licenciant Mme A...est illégale.
5. Cependant, si l'illégalité entachant la décision ayant licencié Mme A...est fautive et serait, comme telle, susceptible d'engager la responsabilité du département de la Dordogne, elle devrait pour cela être à l'origine à l'origine de préjudices directs et certains subis par la requérante. En tout état de cause, si l'intervention d'une décision illégale peut constituer une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'administration, elle ne saurait donner lieu à réparation si, dans le cadre d'une procédure régulière, la même décision aurait pu être légalement prise (CE, Bussière, 7 juin 2010, 312909, Classé B).
6. Il résulte de l'instruction qu'à compter du 30 septembre 2010, plusieurs notes ou rapports d'éducateurs du Pôle Enfance Jeunesse du département (aide sociale à l'enfance), puis d'une psychologue clinicienne du centre hospitalier de Périgueux, ont fait état d'une situation de danger dans laquelle se trouvaient, dans le cadre de leur placement chez Mme A... où elles vivaient depuis plusieurs années, la jeune C...et sa soeur Caitlin, nées en 1999 et 2000. Ces différents rapports sont fondés, d'une part, sur la parole d'C..., qui a déclaré avoir eu " il y a plus d'un an " une ou plusieurs relations sexuelles avec le fils aîné de MmeA..., alors mineur puisque né le 30 octobre 1992, et dont elle prétend qu'elle était " amoureuse ", en précisant qu'elle aurait reçu des pressions de la part de son assistante familiale pour taire cette histoire et ne pas compromettre son fils, ainsi que, d'autre part, sur une unique déclaration par téléphone " de l'arrière grand-mère ", affirmant qu'un voisin quadragénaire aurait pratiqué des attouchements sur les deux soeurs, et que Mme A...aurait tenu ce fait pour chose peu importante. A la suite de cette alerte, dès le 1er octobre 2010, les deux soeurs ont été extraites de chez Mme A...pour être placées en " village d'enfant ", le département a effectué un signalement au parquet et a procédé à la suspension de l'agrément de MmeA..., avant de le lui retirer le 8 février 2011. Il ne résulte cependant pas de l'instruction qu'à ce jour, aucune suite judiciaire ait jamais été donnée à ce signalement.
7. Si, d'une part, Mme A...excipe de l'illégalité interne du retrait d'agrément en ce qu'il aurait été entaché d'erreur d'appréciation dans la mesure où les faits reprochés n'ont jamais été établis, les soupçons pesant sur son fils, qui, bien qu'en internat, se trouvait au domicile familial toutes les fins de semaine, ainsi que sur le voisin précité, étaient de nature, eu égard, d'une part, aux informations dont disposaient les services départementaux et, d'autre part, aux risques que de tels agissements étaient susceptibles de faire peser sur le développement physique, intellectuel et affectif d'C... et de Caitlin, à en justifier le bien-fondé, à la date à laquelle il a été édicté. Si, d'autre part, Mme A...fait valoir que ce retrait d'agrément est également entaché d'un non-respect du contradictoire, il résulte de l'instruction qu'elle a été entendue par une éducatrice de l'aide sociale à l'enfance avant que celle-ci ne rédige son rapport du 30 septembre 2010, qu'elle a été convoquée devant la consultation administrative paritaire du 13 décembre 2010, le département lui ayant précisé, par lettre recommandée, qu'elle avait la possibilité de consulter son dossier administratif et de faire part de ses observations écrites ou orales avant ou pendant cette séance, au cours de laquelle elle a été entendue. Elle a également formé un recours gracieux à l'encontre de la décision de retrait de son agrément le 14 février 2011. Par suite, Mme A...n'établit pas que la décision de retrait d'agrément serait entachée des illégalités, autres que l'insuffisance de sa motivation, dont elle excipe à son encontre par exception d'illégalité dans le cadre du présent contentieux indemnitaire. Le président du conseil général aurait donc été amené, en l'absence de vice de motivation, mais en présence des informations dont il disposait, faisant état de graves suspicions pesant sur l'entourage de Mme A...et sur le manque de vigilance de cette dernière, à prendre la même décision de retrait d'agrément.
8. En tout état de cause, et alors en outre que Mme A...avait fait savoir au directeur du pôle enfance jeunesse, par lettre du 2 décembre 2010, qu'elle n'était plus domiciliée.dans le département de la Dordogne depuis le 1er décembre, et que son agrément arrivait à expiration le 31 juillet 2011 et même si, comme elle le fait valoir, aucune suite judiciaire n'a jusqu'à présent été donnée au signalement effectué par le département auprès des services du procureur de la République, en vertu de l'article L. 423-8 du code de l'action sociale et des familles précité, comme l'ont déjà relevé à bon droit les premiers juges, le président du conseil général était en situation de compétence liée pour licencier Mme Roy Ainsi, la requérante n'est pas fondée à demander, sur le fondement de la faute commise, non plus que sur celui de la responsabilité sans faute, à être indemnisée des préjudices matériels et moraux qu'elle invoque.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande indemnitaire.
Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées sur ce fondement.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A...et les conclusions présentées par le département de la Dordogne sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F...A...et au département de la Dordogne.
Délibéré après l'audience du 13 novembre 2017 à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
M. Gil Cornevaux, président-assesseur,
Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 décembre 2017.
Le rapporteur,
Florence Rey-GabriacLe président,
Pierre Larroumec
Le greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Cindy Virin
2
N° 15BX03071