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30/11/2017 | FRANCE | N°15BX02582

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 30 novembre 2017, 15BX02582


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F...C...a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner la communauté de communes du pays d'Aigre à lui verser la somme de 130 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'implantation d'un gymnase.

Par un jugement n° 1203026 du 21 mai 2015, le tribunal administratif de Poitiers a condamné la communauté de communes du pays d'Aigre à verser à Mme C...la somme de 5 618,99 euros en réparation de ses préjudices, a mis à la charge de chaque partie la moitié des frais d

'expertise taxés et liquidés à la somme de 15 056,95 euros, a condamné la collecti...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F...C...a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner la communauté de communes du pays d'Aigre à lui verser la somme de 130 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'implantation d'un gymnase.

Par un jugement n° 1203026 du 21 mai 2015, le tribunal administratif de Poitiers a condamné la communauté de communes du pays d'Aigre à verser à Mme C...la somme de 5 618,99 euros en réparation de ses préjudices, a mis à la charge de chaque partie la moitié des frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 15 056,95 euros, a condamné la collectivité à verser à Mme C...la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 20 juillet 2015, MmeC..., représentée par MeD..., demande à la cour de :

1°) réformer le jugement entrepris en tant que le tribunal n'a que partiellement fait droit à ses demandes ;

2°) condamner la communauté de communes du pays d'Aigre à lui verser la somme globale de 130 000 euros en réparation de ses entiers préjudices ;

3°) d'enjoindre à cette communauté de communes de faire réaliser des travaux d'isolation du gymnase aux hautes et basses fréquences, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter d'un délai de 3 mois à compter de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de la communauté de communes du pays d'Aigre l'intégralité des frais et honoraires d'expertises, soit 15 056,85 euros, ainsi que la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que les premiers juges ont soulevé de manière erronée le moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions aux fins d'injonction formulées à titre principal ; elle a été induite en erreur en répondant que ces conclusions étaient abandonnées ; alors qu'elle sollicitait au premier chef la condamnation de la communauté de communes du pays d'Aigre à réparer ses préjudices, elle n'a pas entendu solliciter cette injonction à titre principal ;

- les premiers juges ont retenu à tort un régime de responsabilité sans faute, alors que le régime de responsabilité est celui de la faute lorsque les troubles ont pour origine, non pas la présence et le fonctionnement, mais l'utilisation de l'ouvrage public ;

- la communauté de communes, maître d'ouvrage du gymnase, a commis une faute en ne faisant mener aucune étude acoustique, prévue notamment par les dispositions des articles R. 571-25 et R. 571-29 du code de l'environnement ;

- la communauté de communes du pays d'Aigre a commis une faute en n'exerçant pas ses pouvoirs de police définis par l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales pour lutter contre les nuisances sonores ; les nuisances sonores n'ont pas cessé alors que la communauté de communes a été alertée de ses difficultés ; ces nuisances risquent d'empirer alors qu'il est prévu la réalisation d'une piste d'athlétisme entre le gymnase et sa maison ; il n'est pas démontré que ce projet serait abandonné ; si l'intimée a produit une convention de mise à disposition des locaux, elle ne fait pas respecter les obligations que cette convention énumère ; par ailleurs, l'avenant du 5 juillet 2014 n'est intervenu que tardivement ;

- en allouant la somme de 870 euros au titre du préjudice subi du fait des inondations, les premiers juges ont sous-évalué ce chef de préjudice ; l'expert a évalué les désordres liés aux inondations à la somme de 2 932,21 euros ; par ailleurs, d'autres inondations sont intervenues postérieurement au rapport d'expertise occasionnant des détériorations qui doivent être indemnisées ; le préjudice de jouissance a été sous-estimé compte tenu du nombre d'inondations ; ces considérations justifient une réparation pour ce chef de préjudice à hauteur de 25 000 euros ;

- elle sollicite la somme de 40 000 euros en réparation du préjudice subi du fait des nuisances sonores subies pendant cinq ans ; les premiers juges n'ont pu sans erreur se fonder sur un avenant en date du 5 juillet 2014 à la convention de mise à disposition des locaux pour en déduire que cette convention était pleinement respectée à compter de cette date et ainsi limiter la période d'indemnisation ;

- elle a subi une perte de valeur vénale de son bien qui doit être évaluée à 65 000 euros ; alors que les premiers juges ont estimé que le lien de causalité n'était pas établi entre ce chef de préjudice et l'implantation du gymnase, elle produit des mandats de vente successifs démontrant qu'elle a été contrainte de diminuer le prix de vente de la maison ;

- les premiers juges ont relevé à tort que l'expertise avait eu à statuer sur des points qui n'ont pas donné lieu à litige ; l'article R. 761-1 du code de justice administrative prévoit que la charge finale des dépens, dont notamment les frais d'expertise, revient à la partie qui succombe, en l'occurrence la communauté de communes du pays d'Aigre ; aucun des frais qu'elle a engagés n'était superfétatoire ;

- compte tenu des éléments apportés ultérieurement, elle se réserve le droit d'exposer des demandes indemnitaires supérieures à celles réclamées en première instance en raison de l'aggravation de ses préjudices ;

- alors que la mise en conformité du gymnase n'a pas été effectuée postérieurement à l'été 2014, l'injonction de réaliser des travaux d'isolation aux basses et hautes fréquences présente toujours un intérêt.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 octobre 2016, la communauté de communes du pays d'Aigre, représentée par MeE..., conclut à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à la réduction des prétentions de Mme C...sans qu'elles ne puissent dépasser la somme totale de 4 870 euros allouée par les premiers juges, et à la mise à la charge de l'appelante de la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le jugement n'est pas entaché d'irrégularité ; si Mme C...a sollicité sa condamnation en réparation des préjudices subis du fait de l'implantation du gymnase, l'injonction de réaliser des travaux d'isolation acoustique n'est pas la conséquence nécessaire de la condamnation ; n'entrant pas dans les prévisions de 1'article L. 911-1 du code de justice administrative, ces conclusions étaient irrecevables, comme l'a jugé à bon droit le tribunal ; au demeurant, si le tribunal administratif a informé les parties de son intention de retenir un moyen d'ordre public, cette information n'avait pas pour conséquence d'obliger la demanderesse à abandonner ses conclusions d'injonction, mais seulement pour objet d'inviter les parties à présenter leurs observations sur cette intention ; les conclusions aux fins d'injonction reprises en appel ne pourront en conséquence qu'être déclarées irrecevables ;

- en application du principe de l'économie de moyen, les premiers juges étaient fondés à retenir le régime de responsabilité sans faute, sans avoir à se prononcer sur le régime de responsabilité pour faute également invoqué par MmeC... ; au demeurant, aucune faute ne peut être reprochée à la communauté de communes ; les juridictions administratives considèrent que le tiers à l'ouvrage public n'est pas fondé à rechercher la responsabilité de la personne publique sur le fondement de la faute ;

- en ne procédant pas à la réalisation d'une étude acoustique, la communauté de communes du pays d'Aigre n'a commis aucune faute ; le gymnase ne constitue pas un établissement recevant du public et diffusant à titre habituel de la musique amplifiée, condition nécessaire à la réalisation d'une étude d'impact ; un règlement intérieur du bâtiment interdit toute diffusion de musique après 22 heures et elle a sensibilisé les usagers, notamment les associations sportives utilisant les locaux, sur cette interdiction ; l'expert a constaté que le gymnase répond aux normes et réglementations acoustiques et que seule la diffusion de musique génère une émission sonore au-delà des tolérances en vigueur, après 22 heures ; l'ouvrage réalisé répond ainsi aux exigences d'isolation acoustique prévues par la réglementation environnementale, et aucun travail d'isolation supplémentaire n'apparaît nécessaire ; enfin, la circonstance que le maître d'oeuvre n'ait pas inclus dans sa mission le contrôle de l'isolation acoustique du bâtiment est sans incidence sur la démonstration d'une quelconque faute de la collectivité susceptible d'engager sa responsabilité ;

- aucune carence fautive ne peut lui être reprochée dans l'exercice des pouvoirs de police contre les nuisances sonores ; le pouvoir de police tel que défini par l'article L. 2112-2 du code général des collectivités territoriales n'appartient qu'au maire et la requérante ne démontre pas, à supposer même que ce pouvoir de police puisse être délégué, que la présidente de la communauté de communes disposerait d'une délégation partielle en application de l'article L. 5911-9-2 du code général des collectivités territoriales ; en tout état de cause, la requérante n'apporte pas la preuve de nuisances sonores lui occasionnant un préjudice anormal et spécial ; le tribunal n'a relevé qu'une gêne temporaire ; les deux attestations produites par la requérante ne démontrent pas l'existence de nuisances sonores répétées ; de même, il n'est pas établi que des activités bruyantes après 22 heures persisteraient depuis l'intervention des mesures prises dans le cadre de l'exploitation du gymnase ; la réalisation d'une piste d'athlétisme a été abandonnée ;

- en l'absence de lien de causalité, le préjudice lié aux nuisances sonores ne peut être indemnisé ; pour les matchs en journée comme après vingt-deux heures, le gymnase nouvellement construit répond aux normes et réglementations acoustiques ; seule la diffusion de musique lors des matchs peut générer une émission sonore au-delà des tolérances en vigueur ; si l'examen de la façade fait ressortir une isolation phonique trop faible, celle-ci apparaît suffisante à garantir le respect des normes en vigueur ; de plus, la suppression de la diffusion de la musique suffit à mettre un terme aux nuisances évoquées ; enfin, faute de données sur les émissions sonores de l'ancien stade de sport en extérieur implanté au même endroit, aucune indemnité n'est due au propriétaire dans la mesure où il n'est pas établi que le niveau sonore ait augmenté de façon significative à la suite de la réalisation des travaux ; au contraire, la réalisation du complexe sportif a nécessairement permis de réduire les nuisances sonores d'une part, en les éloignant de la propriété de Mme C...dans l'espace dédié aux manifestations sportives et, d'autre part, en les enfermant dans un vase clos ; dans ces conditions les troubles invoqués par Mme C...n'excèdent pas les inconvénients normaux de voisinage ;

- le tribunal[0] a retenu à tort un lien de causalité entre les inondations, dont l'origine n'est pas avérée, et la construction du gymnase ; en tout état de cause, le montant alloué au titre des inondations devra être confirmé ; la requérante a elle-même indiqué qu'elle n'avait eu à supporter qu'une franchise de 120 euros après l'indemnisation de son assureur ; elle a également mentionné que les travaux de novembre 2010 avaient été suffisants pour mettre un terme aux inondations par infiltration ; si une somme de 25 000 euros est sollicitée, elle n'est pas justifiée ; si la Cour devait faire droit à la demande indemnitaire de MmeC..., elle ne pourrait que la réduire à de plus justes proportions, sans dépasser les sommes arrêtées par la juridiction de première instance ;

- la perte de valeur vénale n'est pas démontrée ; la lecture des estimations mentionnées dans les mandats de vente fait apparaître qu'il s'agit d'un prix demandé par la requérante ; par ailleurs, antérieurement à la réalisation du gymnase, des gradins étaient appuyés sur la façade de la maison de Mme C...et des matchs se déroulaient en extérieur générant des nuisances sonores ; le marché immobilier entre 2010 et 2012 a subi une dépréciation importante, en particulier en zone rurale ;

- le juge peut, en raison des circonstances particulières, décider de faire supporter tout ou partie des dépens par la partie qui l'emporte, notamment lorsque l'exagération d'une demande a eu une incidence sur le coût de l'expertise, en la rendant plus onéreuse ou lorsque 1'expertise présente un caractère frustratoire, comme lorsqu'elle confie le soin à l'expert d'examiner et d'analyser des questions sans rapport avec ou sans conséquence sur la solution du litige, comme en l'espèce.

Par une ordonnance du 10 avril 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 mai 2017 à 12 heures.

Un mémoire, enregistré le 27 octobre 2017, a été présenté pour Mme C...après clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 2 novembre 2017 :

- le rapport de Mme Cécile Cabanne,

- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;

- les observations de MeA..., représentant Mme C...et de MeB..., représentant la communauté de communes du pays d'Aigre.

1. La communauté de communes du pays d'Aigre (Charente) a obtenu le 26 juin 2008 un permis de construire pour l'édification d'une salle de sports sur un terrain appartenant à la commune d'Aigre. L'équipement a été mis en service à la fin de l'année 2010. MmeC..., propriétaire d'une maison située 1 bis route de Mons sur une parcelle attenante à celle sur laquelle a été érigé ce gymnase, a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Poitiers de désigner un expert en vue de déterminer notamment les diverses nuisances liées à la proximité de cet ouvrage, et en particulier pour sa maison dans laquelle elle exerce une activité de location de chambre d'hôtes. M.G..., expert désigné par ordonnance du tribunal du 24 mars 2009 a remis son rapport le 22 juin 2011. Mme C...a saisi le tribunal le 13 décembre 2012 d'une demande tendant, dans le dernier état de ses écritures, à la condamnation de la communauté de communes du pays d'Aigre à lui verser la somme de 130 000 euros en réparation de ses entiers préjudices. Par un jugement en date du 21 mai 2015, le tribunal administratif de Poitiers a condamné la communauté de communes du pays d'Aigre à verser à Mme C...la somme de 5 618,99 euros en réparation de ses préjudices, a mis à la charge de chaque partie la moitié des frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 15 056,95 euros, a condamné la collectivité à verser à Mme C...la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des parties. Mme C... relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de ses demandes, et sollicite qu'il soit enjoint au maître d'ouvrage de procéder aux travaux d'isolation phonique du bâtiment préconisés selon elle par l'expert. La communauté de communes du pays d'Aigre conclut par la voie de l'appel incident à la réduction des prétentions de l'appelante.

Sur la régularité du jugement :

2. La notification par le président du tribunal administratif d'un moyen d'ordre public, sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, ne peut être utilement critiquée lorsque les premiers juges n'ont pas retenu ce moyen. Il ressort des termes du jugement que ces derniers ne se sont pas prononcés sur les conclusions de la demande tendant à que ce qu'il soit enjoint à la communauté de communes du pays d'Aigre de réaliser des travaux acoustiques, que le président du tribunal administratif avait indiqué par un moyen relevé d'office comme étant irrecevables, dès lors qu'elles ont été expressément abandonnées par Mme C...en cours d'instance. Si la requérante fait valoir qu'elle a abandonné ces conclusions en conséquence du moyen d'ordre public soulevé à tort par les premiers juges, l'information prescrite par l'article R. 611-7 du code de justice administrative a pour seul objet d'inviter les parties à présenter leurs observations pour permettre une discussion utile. Par suite, le tribunal, qui ne s'est pas prononcé sur le bien-fondé de ce moyen, n'a pas entaché son jugement d'irrégularité.

3. Il ressort de la demande de première instance que Mme C...a invoqué à titre principal en qualité de tiers la responsabilité sans faute de la communauté de communes du pays d'Aigre du fait des travaux de construction et de la présence d'un gymnase situé à proximité de son habitation. Ce n'est qu'à titre subsidiaire qu'elle soutenait également que la communauté de communes avait commis des fautes tenant, d'une part, à l'absence d'étude acoustique préalable à la réalisation du bâtiment public et à son insuffisante isolation phonique et, d'autre part, à la carence du président de la communauté de communes du pays d'Aigre dans l'exercice de ses pouvoirs de police pour mettre fin aux nuisances sonores. Le tribunal a fait droit au moyen tiré de la responsabilité sans faute du fait des dommages occasionnés par les travaux de construction et la présence du gymnase, et n'a donc pas statué sur les moyens tirés des fautes commises par l'établissement public de coopération intercommunal. Dès lors que la responsabilité sans faute de la communauté de communes pouvait ouvrir droit à Mme C...à l'indemnisation intégrale de ses préjudices, c'est à bon droit, et sans entacher leur décision d'irrégularité, que les premiers juges n'ont pas examiné les moyens tirés des fautes alléguées.

Sur la responsabilité :

En ce qui concerne les désordres liés aux inondations :

4. Le maître d'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers, tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure.

5. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert commis en référé, que les infiltrations et inondations constatées au niveau de la propriété de la requérante sont imputables à la présence d'une tranchée, consécutive aux mouvements de terre liés aux travaux de construction du gymnase, qui borde le mur privatif de MmeC..., lequel était auparavant protégé par des vestiaires qui ont été démolis. Cette tranchée, en l'absence de dispositif de drainage, se remplit d'eau, et la présence à proximité d'une descente d'eau en PVC pénétrant dans le sol sans raccordement à un dispositif d'évacuation est également relevée. Ces eaux cheminent alors via les joints du mur de pierre et inondent le garage de MmeC.... Ainsi, le lien de causalité entre la réalisation des travaux et les inondations subies par Mme C...est établi.

6. Mme C...soutient que les premiers juges ont sous-évalué le montant de l'indemnisation au titre des préjudices subis du fait des inondations en l'arrêtant à 870 euros, comprenant 120 euros de préjudice économique et 750 euros de troubles de jouissance. Elle se prévaut à cet égard de l'évaluation chiffrée de l'expert d'un montant de 2 932,21 euros, comprenant les frais d'huissier engagés (748,99 euros), la détérioration de matériels (983,22 euros) et le temps passé à nettoyer les locaux inondés (1 200 euros). Les frais de constat d'huissier nécessaires pour établir les dégâts occasionnés par les inondations ont été indemnisés par les premiers juges au titre des frais engagés par MmeC.... S'agissant du matériel, ainsi que l'a justement constaté le tribunal, la requérante ne justifie pas le préjudice lié aux appareils abîmés par ces inondations qui n'aurait pas fait l'objet d'une prise en charge par son assureur. Elle est donc seulement fondée, comme l'ont retenu les premiers juges, à obtenir la réparation du préjudice économique de 120 euros correspondant au montant de la franchise restée à sa charge après indemnisation par son assureur des frais de remise en état des appareils électroménagers. En revanche, les inondations qu'elle a subies, au moins à six reprises entre août 2009 et novembre 2010, l'ont nécessairement contrainte à entreprendre des travaux de nettoyage. L'expert évalue à 100 heures le temps passé à nettoyer. Mme C...est également fondée à solliciter la réparation du trouble de jouissance résultant de la privation partielle de son garage pendant cette période. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation des frais de nettoyage et de ses troubles de jouissance en portant la somme de 750 euros allouée par le tribunal à 3 000 euros.

7. Si Mme C...fait valoir également qu'elle a subi d'autres inondations postérieurement au dépôt du rapport d'expertise en juin 2011, ni le lien de causalité avec la construction du gymnase, alors que des travaux ont été exécutés en novembre 2010 pour mettre fin aux désordres, ni la réalité des préjudices subis, dans la mesure où l'intéressée se borne à produire une facture d'achat de matériel électroménager, ne sont établis.

En ce qui concerne les désordres liés au bruit :

8. Il résulte de l'instruction, et notamment des mesures acoustiques effectuées par un sapiteur mandaté par l'expert que tant l'utilisation de l'ancien équipement que du nouveau bâtiment en journée comme après 22 heures répond aux normes et réglementation acoustiques en vigueur, et que seule la diffusion de musique amplifiée génère des émissions sonores " très au-delà des tolérances en vigueur ", alors que l'isolement de la façade, au demeurant conformes aux normes en vigueur, est faible. L'expert a conclu qu'en " l'absence de mise en oeuvre d'équipement d'isolement acoustique complémentaire, la diffusion de musique ou de tout autre émetteur de son non lié directement au match à l'intérieur comme à l'extérieur du gymnase, est donc à proscrire après 22 heures.". Ainsi, les nuisances sonores de l'utilisation du nouveau gymnase à l'occasion de matchs diffusant de la musique amplifiée doivent être tenues pour établies, et ce en dépit de la circonstance que l'ancien gymnase, situé à 50 m de la maison alors que le nouveau est à 9 mètres, aurait également été générateur de bruit.

S'agissant des troubles dans les conditions d'existence :

9. S'agissant de la période d'indemnisation retenue, les premiers juges ont à juste titre estimé qu'elle débutait de l'inauguration du nouveau gymnase et se terminait à l'été 2014. Il résulte de l'instruction que la communauté de communes du pays d'Aigre a inclus dans les conventions conclues avec les clubs sportifs à compter du mois de juillet 2014 une clause prohibant après 22 heures la diffusion de musique ou de tout autre émetteur de sons non lié directement au match à l'intérieur comme à l'extérieur du complexe. Si Mme C...soutient que ces diligences ne seraient pas suffisantes, elle n'apporte aucun élément en l'état de l'instruction de nature à le corroborer. Dans ces conditions, en évaluant à 4 000 euros, les troubles de jouissance de MmeC..., lesquels n'étaient pas quotidiens, les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice subi.

S'agissant de la perte de la valeur vénale de l'habitation :

10. Mme C...sollicite l'indemnisation de la perte de la valeur vénale de sa propriété qu'elle évalue à 65 000 euros. Toutefois, elle ne démontre pas que la présence ou le fonctionnement du gymnase serait la cause exclusive de la décote alléguée. Par ailleurs, la réalité de cette perte ne peut être regardée comme établie alors que Mme C...se borne à produire à l'appui de ses prétentions des mandats de vente de sa maison comprenant des évaluations non contradictoires de son bien dépourvues de tout élément de justification tiré notamment du montant des transactions portant sur une période récente sur des biens comparables. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté la demande d'indemnisation de la perte alléguée de la valeur vénale de la propriété.

Sur les dépens :

11. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. (...) ". Aux termes de l'article R. 621-13 du même code : " Lorsque l'expertise a été ordonnée sur le fondement du titre III du livre V, le président du tribunal (...) en fixe les frais et honoraires par une ordonnance prise conformément aux dispositions des articles R. 621-11 et R. 761-4. Cette ordonnance désigne la ou les parties qui assumeront la charge de ces frais et honoraires (...) Dans le cas où les frais d'expertise mentionnés à l'alinéa précédent sont compris dans les dépens d'une instance principale, la formation de jugement statuant sur cette instance peut décider que la charge définitive de ces frais incombe à une partie autre que celle qui a été désignée par l'ordonnance mentionnée à l'alinéa précédent ou par le jugement rendu sur un recours dirigé contre cette ordonnance (...) ".

12. Mme C...demande la réformation du jugement en tant qu'il a laissé à sa charge la moitié des frais d'expertise, ainsi que l'intégralité des autres dépens.

13. D'une part, dans les circonstances particulières de l'espèce, alors que l'expertise ordonnée par le tribunal administratif a porté sur des questions sans rapport avec la solution du litige, telles la présence d'amiante dans les tribunes démolies, le rehaussement du mur des vestiaires, la perte d'ensoleillement ou le non-respect de la distance séparative entre le gymnase et la propriété de MmeC..., il n'y a pas lieu de réformer le jugement en ce qu'il a partagé les frais d'expertise par moitié entre les parties.

14. D'autre part, Mme C...ne précise par les autres dépens qui auraient pu rester à sa charge alors que le tribunal a au demeurant indemnisé les constats d'huissiers en rapport avec le litige à hauteur de 748,99 euros. Par suite, les conclusions de Mme C...à fin d'application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

Sur les conclusions tendant à la réalisation des travaux d'acoustique :

15. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ".

16. Mme C...demande à ce qu'il soit enjoint à la communauté de communes du pays d'Aigre de réaliser des travaux d'isolation phonique. Toutefois, l'arrêt par lequel le juge du plein contentieux constate que la responsabilité d'une collectivité publique est engagée et la condamne au paiement d'une indemnité n'implique par lui-même aucune mesure d'exécution tendant à ce que cette collectivité publique remédie, par la réalisation de travaux ou par tout autre moyen, aux causes du dommage dont la réparation a été demandée, lorsque celui-ci se perpétue. Par ailleurs, Mme C...n'établit ni même n'allègue avoir formulé une demande tendant à ce que la collectivité réalise ces travaux. Dans ces conditions, les conclusions, au demeurant nouvelles en appel, présentées par Mme C...tendant à la réalisation de travaux d'isolation n'entrent pas dans le champ d'application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative et sont constitutives d'une demande d'injonction à titre principal. Par suite, la communauté de communes du pays d'Aigre est fondée à soutenir que ces conclusions sont irrecevables.

17. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fautes alléguées à nouveau devant la cour, que Mme C...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a condamné la communauté de communes du pays d'Aigre à ne lui allouer que la somme de 5 618,99 euros. Il convient de porter cette somme à 7 868,99 euros. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, l'appel incident de la communauté de communes du pays d'Aigre.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. "

19. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la communauté de communes du Pays d'Aigre, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 500 euros à verser à Mme C...et de rejeter la demande formulée par la communauté de communes sur ce fondement.

DECIDE :

Article 1er : L'indemnité d'un montant de 5 618,99 euros que la communauté de communes du pays d'Aigre a été condamnée à verser à Mme C...par le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 21 mai 2015 est portée à 7 868,99 euros.

Article 2 : Le jugement n° 1203026 du tribunal administratif de Poitiers du 21 mai 2015 est réformé en ce qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 3 : La communauté de communes du pays d'Aigre versera à Mme C...la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme C...et les conclusions de la communauté de communes du pays d'Aigre sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F...C...et à la communauté de communes du pays d'Aigre.

Délibéré après l'audience du 2 novembre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

M. Paul-André Braud, premier conseiller

Mme Cécile Cabanne, premier conseiller.

Lu en audience publique le 30 novembre 2017.

Le rapporteur,

Cécile CABANNELe président,

Jean-Claude PAUZIÈSLe greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au préfet de la Charente, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 15BX02582


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX02582
Date de la décision : 30/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Police - Police générale.

Urbanisme et aménagement du territoire - Autorisations d`utilisation des sols diverses - Autorisation des installations et travaux divers.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Cécile CABANNE
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : LAVALETTE AVOCATS CONSEILS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-11-30;15bx02582 ?
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