La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/11/2017 | FRANCE | N°17BX01772

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 28 novembre 2017, 17BX01772


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...D...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 23 janvier 2017 par lequel le préfet de la Gironde a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1700364 du 15 février 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 6 juin et 1er septembre 2017, M. D..

., représenté par Me Martin-Cambon, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 15 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...D...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 23 janvier 2017 par lequel le préfet de la Gironde a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1700364 du 15 février 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 6 juin et 1er septembre 2017, M. D..., représenté par Me Martin-Cambon, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 15 février 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 23 janvier 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale dans un délai de quinze jours et de lui délivrer un dossier de demande d'asile ainsi que l'attestation de demande d'asile ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le tribunal administratif a entaché son jugement d'une dénaturation des pièces du dossier et d'une erreur de droit en écartant le moyen tiré de l'absence de responsabilité de l'Italie dans l'examen de sa demande d'asile, dès lors que le préfet n'a jamais produit la copie du courrier de demande de reprise en charge qu'il aurait adressé aux autorités de cet État le 9 août 2016 et qu'aucun accord implicite n'est donc intervenu ;

- le tribunal administratif a entaché son jugement d'une erreur de droit en écartant le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte ;

- le premier juge a entaché son jugement d'une dénaturation des pièces du dossier en écartant le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 ; il a considéré à tort que les obligations d'information découlant de cet article ont été respectées, dès lors qu'il en aurait reçu notification le 11 avril 2016 alors qu'il ne s'est présenté à la préfecture que le 11 juillet 2016 ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'incompétence ;

- il est insuffisamment motivé et révèle un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- la procédure suivie est irrégulière au regard de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 et de l'article 29.1 du règlement (UE) n° 603/2013 ;

- l'arrêté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation en ce qu'il ne lui a pas été appliqué la clause discrétionnaire prévue à l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- il méconnaît l'article 3.2 du règlement (UE) n° 604/2013 ainsi que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 juillet 2017, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'il confirme les termes de son mémoire produit en première instance.

M. D...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 mai 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil ;

- le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Éric Rey-Bèthbéder ;

- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public ;

- et les observations de Me Martin-Cambon, représentant M.D....

Considérant ce qui suit :

1. M.D..., né le 10 octobre 1994, de nationalité guinéenne, est entré en France, selon ses déclarations, le 24 juin 2016. Le 11 juillet suivant, il a déposé une demande d'asile. Le relevé de ses empreintes décadactylaires a révélé qu'il avait déjà été identifié en Italie. À la suite de l'accord implicite des autorités italiennes, le préfet de la Gironde a, par deux arrêtés du 23 janvier 2017, prononcé, d'une part, son transfert vers l'Italie et, d'autre part, son placement en rétention administrative. M. D...relève appel du jugement du 15 février 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté décidant son transfert aux autorités italiennes.

2. Le préfet de la Gironde a donné délégation à MmeE..., directrice de l'accueil et des services au public à la préfecture de la Gironde, par un arrêté du 14 octobre 2016, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de cette préfecture, pour signer notamment toutes décisions prises en application des livres V et VII (partie législative et règlementaire) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en cas d'absence ou d'empêchement de M. Thierry Suquet, secrétaire général de la préfecture et de M. B...A..., sous-préfet, directeur du cabinet. Contrairement à ce que soutient M.D..., il appartient à la partie contestant la qualité de la directrice de l'accueil et des services au public pour signer l'arrêté litigieux d'établir que le secrétaire général et le directeur du cabinet de la préfecture de la Gironde n'étaient ni absents ni empêchés lors de la signature de cet arrêté par MmeE.... Faute pour l'appelant de rapporter cette preuve, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté doit être écarté.

3. M. D...reprend en appel les moyens déjà soulevés en première instance, tirés de l'insuffisance de motivation de l'arrêté contesté et du défaut d'examen particulier de sa situation, sans apporter d'éléments nouveaux ni critiquer la réponse qu'il y a été apportée par le premier juge. Par suite, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par le tribunal administratif.

4. Aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Droit à l'information 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de 1'application du présent règlement, et notamment :/ a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée;/ b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ;/ c) de l'entretien individuel en vertu de 1'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ;/ d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement / f) de 1'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de1'entretien individuel visé à l'article 5. / 3. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune (...), contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les Etats membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux Etats membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement. ". L'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 dispose que : " 1. Toute personne relevant de l'article 9, paragraphe 1, de l'article 14, paragraphe 1, ou de l'article 17, paragraphe 1, est informée par l'État membre d'origine par écrit et, si nécessaire, oralement, dans une langue qu'elle comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'elle la comprend : / a) de l'identité du responsable du traitement au sens de l'article 2, point d), de la directive 95/46/CE, et de son représentant, le cas échéant ; / b) de la raison pour laquelle ses données vont être traitées par Eurodac, y compris une description des objectifs du règlement (UE) n° 604/2013, conformément à l'article 4 dudit règlement, et des explications, sous une forme intelligible, dans un langage clair et simple, quant au fait que les États membres et Europol peuvent avoir accès à Eurodac à des fins répressives ; / c) des destinataires des données ; / d) dans le cas des personnes relevant de l'article 9, paragraphe 1, ou de l'article 14, paragraphe 1, de l'obligation d'accepter que ses empreintes digitales soient relevées ; / e) de son droit d'accéder aux données la concernant et de demander que des données inexactes la concernant soient rectifiées ou que des données la concernant qui ont fait l'objet d'un traitement illicite soient effacées, ainsi que du droit d'être informée des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris les coordonnées du responsable du traitement et des autorités nationales de contrôle visées à l'article 30, paragraphe 1. / 2. Dans le cas de personnes relevant de l'article 9, paragraphe 1, ou de l'article 14, paragraphe 1, les informations visées au paragraphe 1 du présent article sont fournies au moment où les empreintes digitales de la personne concernée sont relevées (...) 3. Une brochure commune, dans laquelle figurent au moins les informations visées au paragraphe 1 du présent article et celles visées à l'article 4, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 604/2013 est réalisée conformément à la procédure visée à l'article 44, paragraphe 2, dudit règlement. " Il résulte de ces dispositions qu'il appartient aux autorités compétentes des États membres d'informer le demandeur d'asile sur l'application de ces règlements, par écrit et dans une langue qu'il comprend ou dont on peut raisonnablement penser qu'il la comprend, en utilisant la brochure commune rédigée par la Commission.

5. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du compte-rendu d'entretien individuel du 11 juillet 2016 contresigné par ses soins, que M. D...a certifié qu'il s'était vu remettre, à l'occasion du dépôt de sa demande d'admission au séjour en qualité de demandeur d'asile, le guide du demandeur d'asile et l'information sur les règlements communautaires. Il a également signé un document attestant que lui ont été remis au guichet de l'asile de la préfecture de la Gironde le " Guide du demandeur d'asile en France " et les brochures intitulées " Les empreintes digitales et Eurodac ", " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - Quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " et " Je suis sous procédure Dublin - Qu'est-ce que cela signifie ' ", dans la langue française, une langue qu'il a lui-même déclaré comprendre. La mention de la date du 11 avril 2016, au lieu du 11 juillet 2016, figurant au-dessus de la signature de l'appelant, constitue à cet égard une simple erreur de plume sans incidence sur la valeur probante de cette attestation. Les documents remis à M. D...constituent la " brochure commune " prévue par les dispositions précitées de 1'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et figurant à 1'annexe X du règlement d'exécution n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014. Il s'ensuit que l'intéressé n'est pas fondé à soutenir qu'il n'a pas bénéficié de toutes les informations prévues en application des dispositions précitées.

6. Aux termes de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : / a) prendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 21, 22 et 29, le demandeur qui a introduit une demande dans un autre État membre ; / b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre ; (...) ". Aux termes de l'article 23 du même règlement : " 1. Lorsqu'un État membre auprès duquel une personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), a introduit une nouvelle demande de protection internationale estime qu'un autre État membre est responsable conformément à l'article 20, paragraphe 5, et à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), il peut requérir cet autre État membre aux fins de reprise en charge de cette personne. / 2. Une requête aux fins de reprise en charge est formulée aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac ("hit"), en vertu de l'article 9, paragraphe 5, du règlement (UE) n° 603/2013. (...) ". Et aux termes de l'article 25 du dit règlement : " 1. L'État membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de reprise en charge de la personne concernée aussi rapidement que possible et en tout état de cause dans un délai n'excédant pas un mois à compter de la date de réception de la requête. Lorsque la requête est fondée sur des données obtenues par le système Eurodac, ce délai est réduit à deux semaines. / 2. L'absence de réponse à l'expiration du délai d'un mois ou du délai de deux semaines mentionnés au paragraphe 1 équivaut à l'acceptation de la requête, et entraîne l'obligation de reprendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée. "

7. Le préfet de la Gironde a produit la fiche décadactylaire Eurodac qui fait apparaître que les empreintes digitales de M. D...relevées le 11 juillet 2016 avaient été préalablement identifiées en Italie, les 16 et 18 mai 2016. L'appelant confirme être entré sur le territoire de l'Union européenne par l'Italie, où il est resté jusqu'au 24 juin 2016, et avoir déposé une demande d'asile dans ce pays. Il ressort, en outre, de la lettre adressée le 19 septembre 2016 aux autorités italiennes par le préfet de la Gironde, dont il n'est pas contesté qu'elle a été effectivement reçue par ces autorités, qu'une requête de reprise en charge de M. D...a été adressée à celles-ci le 9 août 2016. À supposer même que cette demande n'aurait été envoyée à ces dernières que le 19 septembre 2016, un accord implicite de leur part est intervenu et a pu être constaté en application des dispositions du règlement n° 604/2013. Par ailleurs, aucune disposition du règlement précité n'impose aux autorités d'un État membre d'informer le demandeur d'asile, présent sur son territoire, de la demande de prise en charge qu'elles ont adressée à l'État membre qu'elles estiment responsable de l'examen de sa demande d'asile. Il suit de ce qui vient d'être dit que M. D...ne peut utilement faire valoir ni que le défaut de production de la lettre du 9 août 2016 précitée serait de nature à faire regarder l'arrêté litigieux comme entaché d'une erreur de droit ni qu'il ne serait pas établi que l'Italie fût l'État responsable de l'examen de sa demande d'asile.

8. Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) 2. L'État membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'État membre responsable, ou l'État membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre État membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre État membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. Les personnes concernées doivent exprimer leur consentement par écrit (...) ". La mise en oeuvre par les autorités françaises de l'article 17 doit être assurée à la lumière des exigences définies par le second alinéa de l'article 53-1 de la Constitution, selon lequel : " (...) les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif ". Si le règlement du 26 juin 2013 pose en principe dans le paragraphe 1 de son article 3 qu'une demande d'asile est examinée par un seul État membre, dont la détermination est effectuée par application des critères fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, ce même règlement prévoit lui-même que l'application des critères d'examen des demandes d'asile est écartée en cas de mise en oeuvre, soit de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un État membre, soit de la clause humanitaire définie par le paragraphe 2 de celui-ci. En tout état de cause, la faculté laissée à chaque État membre, par les dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

9. M. D...soutient qu'il se situe dans une situation particulière justifiant que le préfet mette en oeuvre la clause dérogatoire ou la clause humanitaire prévue à l'article précité. Il se prévaut notamment de la présence à Bordeaux de l'un de ses cousins, également demandeur d'asile, de ce qu'il est très engagé dans le milieu associatif et bénéficie d'un suivi médical. Toutefois, ces circonstances ne permettent pas, à elles seules, de considérer que le préfet, qui ne s'est pas estimé en situation de compétence liée, aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en décidant de ne pas user de la faculté d'examen de la demande de protection que lui offre l'article 17 précité du règlement.

10. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". L'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale, garantie par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

11. M. D...soutient qu'un de ses cousins est présent à Bordeaux, qu'il souhaite reprendre ses études en France dont il maîtrise la langue et qu'il s'investit dans des activités associatives et bénévoles. Toutefois, l'intéressé, célibataire et sans charge de famille, est entré à une date très récente en France. Dans ces conditions, l'arrêté contesté ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'il poursuit et ne méconnaît donc pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, il n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de l'intéressé.

12. Aux termes du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 : " (...) / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / (...) ". Et aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. "

13. M. D...soutient que les autorités italiennes, débordées par un grand nombre de demandes d'asile, ne sont pas en mesure d'accorder aux demandeurs d'asile des conditions d'accueil satisfaisantes leur permettant de bénéficier de l'ensemble des garanties prévues par cette procédure. Toutefois, l'Italie est un État membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il doit alors être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet État membre est conforme aux exigences de ces deux conventions internationales. Si cette présomption est réfragable lorsque qu'il y a lieu de craindre qu'il existe des défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'État membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant, M.D..., qui se borne à citer un jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux du 7 juillet 2017, ne produit en appel aucune pièce à l'appui de ses allégations, imprécises et non étayées, permettant à la cour d'apprécier l'existence de telles défaillances en Italie qui constitueraient des motifs sérieux et avérés de croire que sa demande d'asile ne serait pas traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Il ne produit non plus aucun élément précis susceptible d'étayer l'existence alléguée de risques actuels et personnels en cas de retour en Italie. Par suite, les moyens tirés de l'atteinte au droit d'asile et de la méconnaissance de l'article 3.2 du règlement (UE) n° 604/2013 et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...D...et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 26 octobre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme Aurélie Chauvin, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 novembre 2017

Le président assesseur,

Didier Salvi Le président,

Éric Rey-BèthbéderLe greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17BX01772


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX01772
Date de la décision : 28/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Eric REY-BETHBEDER
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : MARTIN-CAMBON

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-11-28;17bx01772 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award