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28/11/2017 | FRANCE | N°16BX00199

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 28 novembre 2017, 16BX00199


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F...H...a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme globale de 257 608,54 euros à parfaire à hauteur de 18 euros par jour à compter du 1er juillet 2015, majorée des intérêts au taux légal à compter du 2 avril 2013 et de la capitalisation des intérêts.

Par un jugement n° 1301099 du 19 novembre 2015, le tribunal administratif de Poit

iers a condamné l'ONIAM à verser à M.H..., la somme de 57 739,63 euros avec intérêt...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F...H...a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme globale de 257 608,54 euros à parfaire à hauteur de 18 euros par jour à compter du 1er juillet 2015, majorée des intérêts au taux légal à compter du 2 avril 2013 et de la capitalisation des intérêts.

Par un jugement n° 1301099 du 19 novembre 2015, le tribunal administratif de Poitiers a condamné l'ONIAM à verser à M.H..., la somme de 57 739,63 euros avec intérêts au taux légal du 2 avril 2013 au 27 août 2013.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 janvier 2016 et le 15 septembre 2016, M. H..., représenté par MeD..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de réformer ce jugement du 19 novembre 2015 ;

2°) de condamner l'ONIAM à lui verser la somme de 263 409,87 euros en réparation des préjudices subis à la suite de l'infection contractée au centre hospitalier universitaire (CHU) de Poitiers, avec intérêts au taux légal à compter de sa demande préalable du 2 avril 2013 et la capitalisation de ces intérêts, en réparation des séquelles des interventions qu'il a subies au CHU en 2010 ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de condamner l'ONIAM aux entiers dépens.

Il soutient avoir droit à la réparation au titre de la solidarité nationale par l'ONIAM des préjudices résultant de l'infection nosocomiale ayant entrainé une incapacité fonctionnelle permanente supérieure à 25 % en application de l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique et à titre subsidiaire, sur le fondement des dispositions de l'article L. 1142-1 du même code, en raison de l'aléa thérapeutique constitué par l'insuffisance rénale provoquée par la prescription d'un traitement antibiotique qui est un effet indésirable rare.

Sur les préjudices, il sollicite :

- une indemnisation à hauteur de 5 798,30 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire correspondant selon le relevé des experts à 100 % du 30/04/2010 - 20/05/2010 soit 20 jours, 15 % du 21/05/2010 - 22/06/2011 soit 397 jours, 100 % du 23/06/2011 - 12/08/2011 soit 50 jours, 15 % du 13/08/2011 - 20/09/2011 soit 38 jours, 100 % du 21/09/2011 - 12/10/2011 soit 21 jours, 15 % du 13/10/2011 - 31/05/2012 soit 231 jours, 45 % du 01/06/2012 - 15/10/2012 soit 136 jours, indemnisés à 23 euros par jour ;

- une somme de 10 000 euros au titre des souffrances endurées, évaluées à 4 sur 7 par les experts ;

- une somme de 72 000 euros en réparation des troubles dans les conditions d'existence résultant compte tenu du taux d'AIPP de 40 % et de son âge ;

- une indemnisation de 1 500 euros de son préjudice esthétique, évalué à 1 sur 7 par les experts ;

- une somme de 20 000 euros au titre de son préjudice d'agrément, que les experts ont estimé constitué par une altération de la vie sociale et des déplacements ;

- une somme de 20 000 euros au titre de l'angoisse permanente avec laquelle il vit de voir son état se dégrader brutalement ;

- une indemnisation à hauteur de 131 120,716 euros au titre de la nécessité d'une tierce personne attestée par ses proches en raison de son insuffisance rénale ;

Enfin, il demande le remboursement des frais de l'expertise judiciaire ordonnée par la juridiction administrative pour la somme de 2 519,23 euros, ainsi qu'une somme de 471,63 euros correspondant à la communication de son dossier médical auprès du CHU de Poitiers et le prix du trajet pour se rendre en train à l'expertise.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 19 mai 2016 et le 14 mars 2017, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) par la voie de l'appel incident :

- d'annuler le jugement du 19 novembre 2015 ;

- de rejeter la demande de M. H...en ce qu'elle est dirigée contre l'ONIAM ;

2°) à titre subsidiaire, de réduire à de plus justes proportions l'indemnisation susceptible d'être allouée à M.H... ;

3°) de statuer sur les dépens.

L'ONIAM soutient, quant à l'origine des dommages de M.H..., que :

- la qualification d'infection nosocomiale ne peut être retenue et en tout état de cause, compte tenu du déficit fonctionnel permanent de 3 % directement imputable à cette infection, l'indemnisation doit être mise à la charge du centre hospitalier ;

- l'insuffisance rénale liée à l'administration d'antibiotiques est une conséquence indirecte de cette infection qui ne peut dès lors être mise à la charge de l'ONIAM, quand bien même le déficit fonctionnel global comprenant les complications subséquentes serait supérieur à 25 %.

L'ONIAM soutient, en ce qui concerne la demande indemnitaire de M.H..., que :

- son déficit fonctionnel temporaire ne saurait être supérieur, sur une base de 16 euros par jour, à la somme de 4902,40 euros ;

- les souffrances endurées à hauteur de 4/7 pourront être évaluées à la somme de 5 000 euros ;

- l'indemnisation allouée pour le déficit fonctionnel permanent, évalué à 37 % par l'expert sans précision des modalités de son calcul et de la prise en compte de l'insuffisance rénale initiale, ne saurait excéder la somme de 1 150 euros ;

- le préjudice esthétique permanent, évalué à 1 sur une échelle allant de 0 à 7, ne saurait excéder 700 euros ;

- la demande au titre du préjudice d'anxiété sera rejetée dès lors que le risque d'aggravation invoqué est essentiellement lié à son état antérieur ;

- il appartient à M. H...d'apporter toute information à la cour sur les éventuelles prestations qu'il pourrait recevoir au titre de l'assistance par tierce personne.

Par un mémoire, enregistré le 12 février 2016, la caisse primaire d'assurance maladie de la Vienne a informé la cour qu'elle n'entendait pas intervenir dans cette procédure.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de M. Katz , rapporteur public,

- et les observations de MeD..., représentant M. F...H..., et de Me G..., représentant l'ONIAM.

Considérant ce qui suit :

1. M. F...H..., né le 1er janvier 1945, a été victime, le 11 février 2010, d'une chute à l'origine d'une fracture fermée du tibia gauche entre deux plaques d'ostéosynthèse résultant d'un état antérieur traumatique. Transporté au centre hospitalier universitaire (CHU) de Poitiers, il y a subi, le lendemain, une ostéosynthèse par plaque vissée. Les suites de cette opération ont été marquées par des complications qui ont conduit à réaliser une nouvelle intervention au CHU de Poitiers, le 2 mai 2010, ayant consisté en l'ablation de cette plaque d'ostéosynthèse tibiale gauche et en un lavage chirurgical, puis, devant la persistance d'un écoulement purulent, à pratiquer une troisième intervention, le 24 juin 2011, pour ablation des vis distales infectées. Les prélèvements bactériologiques réalisés au cours de l'intervention

du 2 mai 2010 ont mis en évidence la présence dans l'écoulement de deux bactéries, Pseudomonas aeruginosa et Staphylococcus epidermidis. Ces deux souches bactériennes ont également été retrouvées sur les examens réalisés au niveau des orifices des vis le 24 juin 2011, ce qui a conduit à instaurer, le 28 juin 2011, un traitement antibiotique à la suite duquel

M.H..., alors âgé de 65 ans, a fait une réaction immuno-allergique qui s'est traduite par une insuffisance rénale sévère ayant justifié son hospitalisation dans le service de néphrologie où il a été transféré du 22 juillet jusqu'au 12 août 2011, puis, de nouveau, du 21 septembre

au 12 octobre 2011 dans le service des maladies infectieuses du CHU de Poitiers.

2. Ayant conservé des séquelles fonctionnelles importantes qu'il imputait à une infection survenue dans les suites de la réduction chirurgicale de la fracture pratiquée en février 2010, M. H...a saisi le tribunal administratif de Poitiers afin qu'une expertise médicale soit diligentée pour déterminer l'origine de son infection et évaluer les préjudices consécutifs. S'appuyant sur le rapport déposé le 25 janvier 2013 par M.E..., désigné en qualité d'expert par le juge du référé du tribunal administratif de Poitiers par ordonnance

du 10 octobre 2012, et par M.A..., sapiteur désigné par ordonnance du 16 octobre 2012,

M. H...et son épouse ont formé, le 27 mars 2013, une réclamation préalable indemnitaire auprès de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM). Par une ordonnance du 27 août 2013, le juge des référés a accordé à M. H...une provision de 105 000 euros et, par jugement du 19 novembre 2015, le tribunal administratif de Poitiers a condamné l'ONIAM à verser à

M. H...la somme de 57 739,63 euros avec intérêts au taux légal du 2 avril 2013

au 27 août 2013. M. H...interjette appel de ce jugement dont il demande la réformation concernant les sommes qui lui ont été allouées.

Sur l'indemnisation au titre de la solidarité nationale :

3. Aux termes du l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - (...) Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. / II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire./ Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret. ". Si ces dispositions font peser sur l'établissement de santé la responsabilité des infections nosocomiales, qu'elles soient exogènes ou endogènes, à moins que la preuve d'une cause étrangère soit rapportée, seule une infection survenant au cours ou au décours d'une prise en charge et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de la prise en charge peut être qualifiée de nosocomiale.

4. Aux termes de l'article L. 1142-1-1 du même code " Sans préjudice des dispositions du septième alinéa de l'article L. 1142-17, ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale : / 1° Les dommages résultant d'infections nosocomiales dans les établissements, services ou organismes mentionnés au premier alinéa du I de l'article L. 1142-1 correspondant à un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 % déterminé par référence au barème mentionné au II du même article, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales ; (...) ".

5. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que M. H...a été victime d'une infection par les bactéries Pseudomonas aeruginosa et Staphylococcus epidermidis dont les premiers signes ont été constatés le 30 avril 2010. Il n'est pas contesté que cette complication infectieuse a été contractée au décours de l'intervention chirurgicale qu'il a subie le 12 février 2010 au CHU de Poitiers portant mise en place d'un matériel d'ostéosynthèse sur sa jambe gauche. La circonstance que la survenue de l'infection et l'évolution vers la nécrose sous l'effet de germes endogènes s'expliqueraient par le défaut de cicatrisation lié aux antécédents chirurgicaux lourds au niveau de la jambe gauche que présentait M. H...et au terrain vasculaire défavorable n'est pas de nature à faire regarder l'infection comme ne présentant pas un caractère nosocomial.

6. Le taux d'atteinte à l'intégrité physique imputable à cette seule complication infectieuse a été évalué à 40 % par l'expert. S'il est constant que cette atteinte repose essentiellement sur l'aggravation de l'insuffisance rénale chronique sévère nécessitant les dialyses, les douleurs résiduelles et troubles dysesthésiques observés ne représentant que 3 % du taux global, il est constant que cette insuffisance rénale s'est développée en réaction immuno-allergique aux traitements antibiotiques administrés à l'intéressé pour combattre l'infection contractée au CHU de Poitiers. Ainsi, l'aggravation de cette insuffisance rénale préexistante doit être regardée comme la conséquence directe de l'infection nosocomiale, sans laquelle l'appelant n'aurait pas été exposé aux risques des effets secondaires impliqués pour son traitement. Par ailleurs, il résulte du rapport d'expertise que M. H...conserve une fistule productive révélatrice d'une infection silencieuse et latente qui peut devenir cliniquement patente à l'occasion d'un événement extérieur traumatique ou non traumatique. Dans ces conditions, il y a lieu de juger que l'ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation des séquelles en lien avec cette infection nosocomiale contractée au CHU de Poitiers ayant entraîné pour l'intéressé une incapacité permanente supérieure à 25 %. M. H...est, par suite, fondé à demander l'indemnisation par l'ONIAM des dommages en résultant.

7. Il résulte de ce qui précède que l'ONIAM n'est pas fondé à se plaindre, par la voie de l'appel incident, de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a mis à sa charge, au titre de la solidarité nationale, l'indemnisation des conséquences de l'infection de M.H....

Sur l'évaluation des préjudices :

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux:

Quant à l'assistance tierce personne :

8. Lorsque, au nombre des conséquences dommageables d'un accident engageant la responsabilité d'une personne publique, figure la nécessité pour la victime de recourir à l'assistance d'une tierce personne à domicile pour les actes de la vie courante, la circonstance que cette assistance serait assurée par un membre de sa famille est, par elle-même, sans incidence sur le droit de la victime à en être indemnisée.

9. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise établi le 25 janvier 2013, que l'état de santé de M. H...nécessite l'assistance par une tierce personne, estimée à une heure par jour et justifiée pour la toilette et l'habillage. L'appelant établit, par les attestations et certificats médicaux et infirmiers produits pour la première fois en appel, que la perte d'autonomie qui rend nécessaire cette aide quotidienne, assurée par ses proches, est liée à l'insuffisance rénale dont il souffre qui, ainsi qu'il a été dit au point 6, s'est aggravée en raison de l'infection nosocomiale qu'il a contractée au CHU de Poitiers. Pour la période comprise entre le 12 octobre 2011, date à compter de laquelle il est sorti de l'hôpital et la consolidation fixée au 15 octobre 2012 par le rapport d'expertise, il sera fait une juste appréciation du besoin de recourir à l'assistance d'une tierce personne en l'évaluant, en tenant compte d'un taux horaire de 13 euros, charges sociales comprises et de cinq semaines de congés payés annuels, à la somme de 5 187 euros. Les frais afférents à cette prestation jusqu'à la date du présent arrêt, compte tenu de ce tarif, doivent être réparés à hauteur de la somme de 26 533 euros. Enfin, pour le préjudice futur de M.H..., il y a lieu de convertir le montant annuel calculé sur la base du même tarif en un capital, compte tenu du prix de l'euro de rente viagère de 11,557 fixé par le barème publié à la Gazette du Palais en 2016, pour un homme de 72 ans à la date du présent arrêt, soit la somme de 59 946 euros. Le montant du préjudice correspondant à l'assistance tierce personne que nécessite l'état de santé de M.H..., qui ne perçoit par ailleurs aucune aide de la maison départementale des personnes handicapées de la Vienne, s'élève ainsi à la somme totale de 91 666 euros.

Quant aux frais divers :

10. L'ONIAM ne conteste pas la somme de 340,63 euros correspondant aux frais occasionnés à M. H...par la duplication et l'envoi des différents documents de son dossier médical communiqué par le CHU de Poitiers.

11. Si M. H...sollicite également le remboursement de la somme totale

de 131 euros correspondant à des frais de déplacement engagés pour se rendre en train à l'expertise du 20 décembre 2012, pour lesquels il produit trois billets justificatifs, il n'apporte aucun élément en appel permettant de remettre en cause l'appréciation faite par les premiers juges du montant alloué de 91 euros pour un seul aller-retour à Paris et ne justifie pas la nécessité de la prise en charge d'un billet de train supplémentaire.

12. Le montant des frais divers exposés par M. H...s'élève ainsi à la somme

de 431,63 euros.

En ce qui concerne les préjudices personnels subis par M.H... :

S'agissant des préjudices personnels temporaires :

Quant au déficit fonctionnel temporaire :

13. Il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport d'expertise cité au

point 1 qu'avant la consolidation de son état de santé, fixée au 15 octobre 2012 en raison d'une stabilisation de l'état clinique, le déficit fonctionnel temporaire subi par M. H...a été total du 30/04/2010 au 20/05/2010, du 23/06/2011 au 12/08/2011 et du 21/09/2011 au 12/10/2011, périodes durant lesquelles l'intéressé a été hospitalisé 91 jours. Il a également subi une période d'incapacité temporaire partielle évaluée à 15 % du 21/05/2010 au 22/06/2011, du 13/08/2011 au 20/09/2011 et du 13/10/2011 au 31/05/2012, soit durant 666 jours et enfin de 45 % du 01/06/2012 au 15/10/2012, représentant 136 jours. Il sera fait une juste appréciation du préjudice ayant résulté pour lui de son déficit fonctionnel temporaire en l'évaluant à 16 euros par mois, soit à la somme totale de 4 033 euros.

Quant aux souffrances endurées :

14. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise médicale ordonnée par le juge des référés, que M. H...a éprouvé, durant la période antérieure à la consolidation de son état de santé, des souffrances physiques compte tenu " des interventions itératives, l'antibiothérapie, la mise en place d'un cathéter implantable avec extraction secondaire, la mise en place d'une fistule artérioveineuse " dont l'intensité a été évaluée

à 4 sur 7. Il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en lui allouant la somme

de 6 000 euros.

Quant au préjudice esthétique:

15. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise du 25 janvier 2013, que la complication infectieuse a été à l'origine d'une lésion de nécrose de 2 cm de diamètre qui est cicatrisée, avec, selon la description de M. H...lors de l'expertise, deux fistules punctiformes productives qui sont masquées par un pansement. Il sera fait une juste appréciation de son préjudice esthétique évalué à 1 sur une échelle de 1 à 7 par l'expert en lui allouant une somme de 700 euros.

S'agissant des préjudices personnels permanents :

Quant au déficit fonctionnel permanent :

16. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 que M. H...demeure atteint d'une incapacité permanente partielle imputable à la seule complication infectieuse de 40 %, laquelle tient compte, selon les termes de l'expert, de l'AIPP due aux traumatismes antérieurs et à l'état rénal antérieur de l'intéressé. Compte tenu de son âge à la date de la consolidation, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice, en lui allouant la somme de 50 000 euros.

Quant au préjudice d'agrément :

17. S'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise, que M. H..., aujourd'hui âgé de 72 ans, a subi une altération de sa vie sociale et de ses déplacements, il ne justifie pas d'un préjudice d'agrément spécifique susceptible d'être indemnisé, distinct du déficit fonctionnel permanent. Dès lors, sa demande doit être rejetée.

Quant au préjudice d'anxiété :

18. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert désigné par le tribunal administratif que M. H...est toujours porteur d'une infection, silencieuse et latente, qui peut devenir " cliniquement patente à l'occasion d'un événement extérieur traumatique ou non traumatique ". Il établit, par les attestations qu'il produit, vivre dans l'angoisse d'une aggravation de son état compte tenu de la pathologie évolutive et invalidante dont il est atteint depuis l'infection qu'il a contractée. Il sera fait une juste appréciation du préjudice d'anxiété allégué en lui allouant la somme de 1 000 euros.

19. Il résulte de tout ce qui précède que le montant de l'indemnisation mise à la charge de l'ONIAM s'élève à la somme totale de 153 830,63 euros, sous réserve de la provision de 105 000 euros déjà versée.

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

20. M. H...a droit aux intérêts au taux légal correspondant à l'indemnité

de 153 830,63 euros à compter du 2 avril 2013 date de réception de sa demande préalable.

21. La capitalisation des intérêts a été demandée le 18 janvier 2016. À cette date il était dû au moins une année d'intérêts. Dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur les dépens :

22. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de maintenir à la charge de l'ONIAM les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 2 519,23 euros par une ordonnance du 30 janvier 2013.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

23. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. H...et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : L'ONIAM est condamné à verser à M. H...la somme de 153 830,63 euros sous réserve de la provision de 105 000 euros déjà versée, avec intérêts au taux légal à compter du 2 avril 2013. Les intérêts échus à la date du 18 janvier 2016 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 19 novembre 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Les conclusions de l'ONIAM présentées par la voie de l'appel incident sont rejetées.

Article 4 : L'ONIAM versera à M. H...une somme de 1 500 euros en application

de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. H...est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. H..., au directeur de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et au directeur de la caisse primaire d'assurance maladie de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 26 octobre 2017, à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président assesseur,

Mme Aurélie Chauvin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 28 novembre 2017

Le rapporteur,

Aurélie C...Le président,

Éric Rey-BèthbéderLe greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 16BX00199


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX00199
Date de la décision : 28/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Aurélie CHAUVIN
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : SCP DENIZEAU GABORIT TAKHEDMIT

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-11-28;16bx00199 ?
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