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27/11/2017 | FRANCE | N°16BX00388

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 27 novembre 2017, 16BX00388


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Colas Sud Ouest a demandé à l'inspectrice du travail du Gers, l'autorisation de licenciement pour motif disciplinaire de M. A...D.... Par une décision du 31 août 2012, l'inspectrice du travail du Gers a accordé à la société Colas Sud Ouest l'autorisation de licencier M.D..., mais sur recours hiérarchique de M. D..., le ministre du travail par une décision du 8 février 2013, a annulé la décision du 6 avril 2012 de l'inspectrice du travail et a refusé d'accorder l'autorisation de licencieme

nt. La société Colas Sud Ouest a demandé au tribunal administratif de Pau d'an...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Colas Sud Ouest a demandé à l'inspectrice du travail du Gers, l'autorisation de licenciement pour motif disciplinaire de M. A...D.... Par une décision du 31 août 2012, l'inspectrice du travail du Gers a accordé à la société Colas Sud Ouest l'autorisation de licencier M.D..., mais sur recours hiérarchique de M. D..., le ministre du travail par une décision du 8 février 2013, a annulé la décision du 6 avril 2012 de l'inspectrice du travail et a refusé d'accorder l'autorisation de licenciement. La société Colas Sud Ouest a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler cette décision et d'enjoindre au ministre du travail d'autoriser le licenciement de M.D....

Par un jugement n° 1300664 du 15 décembre 2015, le tribunal administratif de Pau a rejeté la demande en annulation présentée par la société Colas Sud Ouest de la décision de refus d'autorisation de licenciement du 8 février 2013.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 janvier 2016 et un mémoire en réplique du 18 mai 2016, la société Colas Sud-Ouest représentée par Me C...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 15 décembre 2015 du tribunal administratif de Pau ;

2°) d'annuler la décision du 8 février 2013 du ministre du travail portant refus d'autorisation de licenciement ;

3°) de mettre à la charge de M. D...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le principe du contradictoire n'a pas été respecté dès lors que si le ministre du travail a communiqué à la société, le recours hiérarchique de M.D..., il n'a pas communiqué les éléments produits par M. D...à l'appui de son recours hiérarchique ; dès lors que le ministre, ce qui apparait à la lecture de sa décision, qui vise les pièces produites par M.D..., s'est fondé sur ces pièces, il devait les communiquer à la société Colas Sud-Ouest ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé que le ministre ne s'était pas fondé sur les éléments produits par M.D... ;

- la notion d'éléments déterminants n'entre pas en jeu, pour l'application du principe du contradictoire ;

- au surplus en l'espèce, les documents transmis par M. D...étaient significatifs, dès lors qu'ils comprenaient notamment la plainte adressée au procureur de la République et que cette plainte était accompagnée d'attestations de salariés et de déclarations de main-courante ;

- ces éléments produits en faveur de M. D...ont nécessairement eu une incidence sur la décision prise par le ministre ;

- par ailleurs le délai de quatre mois imparti au ministre pour statuer, expirait le 8 février 2013, et à cette date, il est donc né en vertu de l'article R. 2422-1 du code du travail, une décision implicite de rejet du recours hiérarchique présenté par M. D...alors que la notification de la décision expresse n'est intervenue que le 15 février 2013 ;

- le ministre ne pouvait prendre une décision expresse sans avoir préalablement retiré sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique de M.D... ;

- en ce qui concerne les faits et l'appréciation des faits, le ministre du travail a commis une erreur d'appréciation quant à la portée des pièces produites ;

- en effet, la société a été alertée du fait qu'une très grande majorité des salariés de l'établissement de Pavie était victime de l'attitude et du comportement de M.D..., ce qui a entrainé des répercussions sur la santé physique et mentale de ces salariés ;

- une pétition signée par 19 des 33 salariés a été remise le 21 juin 2012 au directeur des ressources humaines, avec une menace de grève si M. D...ne quittait pas l'établissement ;

- différents courriers ont par ailleurs été adressés à la société par des entreprises, les 22 janvier 3, 9, 16, 17, 18, 22, 23 et 24 juin 2012, faisant état de façon très circonstanciée du harcèlement moral subi du fait du comportement de M.D... et des répercussions de ce comportement sur leur vie professionnelle et personnelle ;

- les mentions relatives au stress, au harcèlement, et à l'obligation de résultat en matière de protection de santé et de sécurité des salariés constituent une motivation suffisante de la demande d'autorisation de licenciement ; l'absence de date dans la pétition, ne pouvait suffire à écarter la pétition comme élément de preuve ;

- la pétition a été signée par 60 % des salariés et M. D...n'apporte aucun élément concret de nature à infirmer cette pétition ;

- la majeure partie des témoignages produits par M. D...concerne des salariés qui n'étaient plus dans la société en 2012, à la période au cours de laquelle les faits mettant en cause M. D...se sont produits ;

- M. D...a indiqué dans un premier temps, être intéressé par une rupture conventionnelle, avant finalement d'y renoncer ;

Par un mémoire enregistré en défense enregistré le 15 avril 2016 présenté pour M. D..., représenté par la SELARL Faggianelli-Celier-Danezan, conclut au rejet de la requête de la société Colas Sud-Ouest et à ce que soit mise à la charge de la société la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- contrairement à ce que soutient la société Colas, le principe du contradictoire a été respecté dès lors que la société a été invitée à présenter ses observations sur le recours hiérarchique présenté par M.D... ;

- la société a été en mesure de prendre connaissance des motifs du recours hiérarchique de M. D...et de faire valoir ses arguments à cet égard ;

- contrairement à ce que soutient la société, la décision du ministre ne fait référence qu'aux pièces produites par la société et non à celles produites par M.D... ;

- le fait que la décision expresse du ministre ait été notifiée postérieurement à l'expiration du délai de quatre mois pour statuer, au terme duquel nait une décision implicite de rejet, ne saurait constituer un motif d'illégalité ;

- sur le fond, le ministre a très exactement apprécié qu'aucun des éléments de preuve produit par l'employeur n'établissait des faits précis et vérifiables pouvant être directement imputés à M.D..., aucun des 11 courriers produits ne faisant état d'évènements datés ou vérifiables, la pétition, dont le cadre a été préétabli par la société, n'étant pas davantage probante ;

- les seuls éléments vérifiables résultant du courrier de MmeB..., ne sont pas de nature à justifier un licenciement disciplinaire ;

- il comptait quatre années au sein de la société avant son élection en qualité de membre du comité d'établissement durant lesquelles aucune remarque n'a été faite sur son travail, et a bénéficié des primes de " circulation " et de " non-accident et entretien du véhicule " ;

- il a dans le cadre de son mandat, dénoncé un certain nombre de situations ;

- le harcèlement moral qui lui est imputé n'est pas établi, douze des salariés de la SCREG attestant n'avoir jamais été victime de son comportement ;

- selon l'article 4 de la circulaire ministérielle du 4 octobre 2013, la faute doit être appréciée in concreto par l'inspecteur du travail, et, en l'espèce les seuls éléments vérifiables résultant du courrier de MmeB..., relatif à des refus de sa part de signer un formulaire en septembre 2009, un refus de signer une convocation au comité d'entreprise, et un refus de signer un document nécessaire au renouvellement de la carte de son chronotachygraphe, ne peuvent absolument pas justifier un licenciement.

Par un mémoire enregistré le 7 avril 2017, le ministre du travail conclut au rejet de la requête de la société Colas Sud-ouest.

Il soutient que l'irrégularité alléguée afférente à l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 n'est sanctionnée en vertu de la jurisprudence Danthony du Conseil d'Etat que dans l'hypothèse où elle aurait eu une incidence sur la décision prise ou aurait été privative d'une garantie ; que tel n'est pas le cas en l'espèce, dès lors que les éléments déterminants de la décision du ministre sont ceux produits par la société à l'appui de sa demande d'autorisation de licenciement.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pierre Bentolila,

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant la société Colas Sud Ouest.

Considérant ce qui suit :

1. M. D...salarié de la société Colas Sud-Ouest, depuis le 3 avril 2006 en qualité de " chauffeur routier poids-lourd " était salarié protégé du fait de son mandat de membre titulaire du comité d'établissement. M. D...a été mis à pied à titre conservatoire, puis convoqué à un entretien préalable au licenciement, le 9 juillet 2012. Le comité d'établissement a été réuni le 16 juillet 2012 et une demande d'autorisation de licenciement a été présentée le 17 juillet 2012 par la société Colas Sud-Ouest. L'inspectrice du travail du Gers, par une décision du 31 août 2012 a accordé à la société Colas Sud-Ouest, l'autorisation de licencier M.D.... Sur recours hiérarchique de M.D..., le ministre du travail par une décision du 8 février 2013, a annulé la décision du 31 août 2012 de l'inspecteur du travail et a refusé d'accorder l'autorisation de licenciement. La société Colas Sud-Ouest relève appel du jugement du 28 mai 2015 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande en annulation de la décision de refus d'autorisation de licenciement du 8 février 2013.

Sur le bien-fondé du jugement et de la décision en litige :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

2. En vertu des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, aujourd'hui codifiées aux articles L. 121-1, L. 122-1 et L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au ministre chargé du travail lorsqu'il est saisi, par l'employeur ou par le salarié, dans les conditions de l'article R. 2422-1 du code du travail, d'un recours hiérarchique contre une décision de l'inspecteur du travail ayant statué sur une demande d'autorisation de licenciement, de mettre à même le bénéficiaire - soit selon le cas l'employeur ou le salarié protégé- de la décision de l'inspecteur du travail de présenter des observations, notamment en lui communiquant l'ensemble des éléments sur lesquels le ministre a entendu fonder sa décision. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de son recours hiérarchique présenté le 5 octobre 2012, devant le ministre du travail, M. D...a joint un courrier de plainte pour dénonciation calomnieuse, adressé le 5 octobre 2012 au procureur de la République. A ce courrier de plainte, dirigé contre certains salariés de la société Colas Sud-Ouest, étaient jointes un certain nombre d'attestations d'autres salariés de la société, établies en faveur de M.D.... Alors même que la décision du ministre du travail qui vise le recours hiérarchique présenté par M.D..., ne mentionne pas de façon expresse, la plainte déposée par ce dernier, ni les attestations de salariés établies en faveur de M.D..., et se fonde sur l'absence de caractère probant des éléments produits par Colas Sud-Ouest à l'appui de la demande d'autorisation de licenciement, les éléments et documents adressés par M. D...au ministre du travail sont nécessairement entrés dans le champ de l'appréciation par le ministre, ce qu'il ne conteste d'ailleurs pas dans son mémoire en défense, du bien-fondé de la demande d'autorisation de licenciement.

4. Dans ces conditions, les documents produits par M. D...dans le cadre de son recours hiérarchique devaient être communiqués à la société Colas Sud-Ouest et dès lors, le droit de la société, sur le fondement des dispositions précitées, de présenter ses observations sur le recours hiérarchique de M. D...revêtant le caractère d'une garantie, la décision par laquelle le ministre du travail, a refusé d'autoriser son licenciement est entachée d'illégalité.

5. Il résulte de ce qui précède que la société Colas Sud-Ouest est fondée à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Pau du 15 décembre 2015 et de la décision du 8 février 2013 du ministre du travail portant refus d'autorisation de licenciement de M. D....

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la société Colas Sud-Ouest, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. D...demande sur le fondement de ces dispositions. Par ailleurs dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire bénéficier la société Colas Sud-Ouest de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1300664 du 15 décembre 2015 du tribunal administratif de Pau et la décision du 8 février 2013 du ministre du travail portant refus d'autorisation de licenciement de M. D...sont annulés.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Colas Sud-Ouest est rejeté.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. D...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Colas Sud-Ouest, à M. A...D...et à la ministre du travail. Copie en sera transmise à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du Gers.

Délibéré après l'audience du 30 octobre 2017, à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Gil Cornevaux, président-assesseur,

M. Pierre Bentolila, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 novembre 2017.

Le rapporteur,

Pierre BentolilaLe président,

Pierre LarroumecLe greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre du travail, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

2

N°16BX00388


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX00388
Date de la décision : 27/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-01-02 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Bénéfice de la protection. Délégués du personnel.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Pierre BENTOLILA
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS GSA CONSEIL

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-11-27;16bx00388 ?
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