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27/11/2017 | FRANCE | N°15BX03925

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 27 novembre 2017, 15BX03925


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 27 mai 2015 par laquelle le ministre de la défense, sur avis de la commission des recours des militaires, lui a refusé le bénéfice rétroactif de l'indemnité pour charges militaires dans les mêmes conditions que les militaires mariés à compter de la date d'enregistrement de son pacte civil de solidarité, et d'enjoindre à l'administration de lui verser l'indemnité pour charges militaires à compter du 29 mars 2013.
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 27 mai 2015 par laquelle le ministre de la défense, sur avis de la commission des recours des militaires, lui a refusé le bénéfice rétroactif de l'indemnité pour charges militaires dans les mêmes conditions que les militaires mariés à compter de la date d'enregistrement de son pacte civil de solidarité, et d'enjoindre à l'administration de lui verser l'indemnité pour charges militaires à compter du 29 mars 2013.

Par une ordonnance n° 1503580 du 7 octobre 2015, la présidente de la 5ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 décembre 2015, M.A..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 7 octobre 2015 de la présidente de la 5ème chambre du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) d'annuler la décision ministérielle susvisée ;

3°) d'enjoindre à l'administration de lui verser l'indemnité pour charges militaires à compter de la date d'enregistrement de son pacte civil de solidarité ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'ordonnance attaquée est irrégulière, dès lors que le juge de première instance n'a pas suffisamment motivé son ordonnance en se bornant à indiquer que la différence de traitement instituée par l'article 3 du décret du 13 octobre 1959 entre les militaires mariés et les militaires pacsés n'est pas disproportionnée, et en se bornant à faire référence à l'indépendance des législations pour écarter son moyen tiré de ce que la loi fiscale assimile les contribuables pacsés aux contribuables mariés ;

- le refus de lui accorder rétroactivement l'indemnité pour charges militaires au motif qu'il ne remplissait pas la condition de durée de deux années de pacte civil de solidarité méconnaît le principe d'égalité de traitement entre les militaires mariés et les militaires liés par un pacte civil de solidarité, dès lors qu'il place les militaires pacsés dans une situation différente des militaires mariés ;

- en lui refusant le bénéfice rétroactif de l'indemnité pour charges militaires, l'administration a commis une erreur de droit au regard de la loi du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité, qui est opposable à l'administration dès que les mesures de publicité ont été accomplies ;

- la législation fiscale ainsi que plusieurs textes relatifs à la fonction publique assimilent les contribuables pacsés aux contribuables mariés, de sorte qu'aucune condition de durée du pacte civil de solidarité ne peut lui être opposée pour le bénéfice à titre rétroactif de l'indemnité pour charges militaires.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 99-944 du 15 novembre 1999 ;

- le décret n° 59-1193 du 13 octobre 1959 modifié ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pierre Larroumec,

- et les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., adjudant, a conclu un pacte civil de solidarité enregistré au greffe du tribunal d'instance de Montauban le 29 mars 2013. Le 12 novembre 2014, il a demandé le bénéfice rétroactif de l'indemnité pour charges militaires au taux particulier n°1 à compter de la date d'enregistrement de son pacte civil de solidarité. Le commandant du centre expert des ressources humaines et de la solde de Nancy a rejeté sa demande par une décision du 26 novembre 2014 au motif que M. A...ne justifiait pas de la condition d'ancienneté de deux années de pacte civil de solidarité prévue par l'article 3 du décret du 13 octobre 1959. Le 11 décembre 2014, M. A...a formé un recours contre cette décision devant la commission des recours des militaires. Par décision du 27 mai 2015, le ministre de la défense, au vu de l'avis de la commission des recours, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 26 novembre 2014 refusant de lui attribuer à titre rétroactif l'indemnité pour charges militaires. M. A...relève appel de l'ordonnance du 7 octobre 2015 de la présidente de la 5ème chambre du tribunal administratif de Toulouse qui a rejeté, sur le fondement des dispositions du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, sa demande tendant à l'annulation de cette dernière décision.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Aux termes des dispositions de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif (...) peuvent, par ordonnance : (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. (...) ".

3. A l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 27 mai 2015 par laquelle le ministre de la défense lui a refusé le bénéfice rétroactif de l'indemnité pour charges militaires dans les mêmes conditions que les militaires mariés, à compter de la date d'enregistrement de son pacte civil de solidarité, M. A...soutenait notamment que l'article 3 du décret du 13 octobre 1959 était illégal en tant qu'il institue une différence de traitement entre militaires mariés et militaires pacsés, méconnaissant ainsi le principe d'égalité. La présidente de la 5ème chambre du tribunal administratif de Toulouse, qui a rejeté cette requête par une ordonnance prise sur le fondement du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, a écarté ce moyen au motif que le Conseil d'Etat a jugé qu'une telle différence de traitement instituée par les dispositions de l'article 3 du décret du 13 octobre 1959 dans leur rédaction issue du décret du 10 janvier 2011, n'est pas disproportionnée au regard des différences existant entre le régime juridique du mariage et celui du pacte civil de solidarité. Cette motivation écarte le moyen comme infondé, alors que ce moyen n'est pas un moyen de légalité externe. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen de régularité soulevé à l'encontre de l'ordonnance attaquée, que la présidente de la 5ème chambre du tribunal administratif de Toulouse ne pouvait rejeter la demande de M. A...par application des dispositions du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative. Par suite, l'ordonnance du 7 octobre 2015 est entachée d'irrégularité et doit être annulée.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Toulouse.

5. Aux termes des dispositions de l'article 1er du décret du 13 octobre 1959 fixant le régime de l'indemnité pour charges militaires : " L'indemnité représentative de frais dite indemnité pour charges militaires est attribuée aux officiers et militaires non officiers à solde mensuelle, ainsi qu'aux volontaires dans les armées, pour tenir compte des diverses sujétions spécifiquement militaires, et notamment de la fréquence des mutations d'office (...) ". Aux termes des dispositions de l'article 3 du même texte, dans sa rédaction issue du décret du 10 janvier 2011 relatif à la prise en compte du pacte civil de solidarité dans le régime indemnitaire des militaires et modifiant diverses dispositions relatives à la délégation de solde des militaires : " Les militaires visés à l'article 1er bénéficient, quelle que soit leur situation de famille, d'un taux de base. / (...) les militaires mariés ou liés par un pacte civil de solidarité, conclu depuis au moins deux ans (...), peuvent bénéficier en plus du taux de base d'un taux particulier correspondant à cette situation de famille (...) ".

6. Au soutien de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision ministérielle du 27 mai 2015 par laquelle le ministre de la défense a, au vu de l'avis émis par la commission des recours, rejeté son recours administratif dirigé contre la décision précédente du 26 novembre 2014, M. A...invoque, par voie d'exception, l'illégalité de l'article 3 du décret du 13 octobre 1959 modifié par le décret du 10 janvier 2011 qui, en conditionnant le bénéfice de l'indemnité pour charges militaires à une ancienneté minimale de pacte civil de solidarité, opère ainsi une discrimination entre les militaires mariés, qui peuvent prétendre à cette indemnité sans condition de durée, et les militaires ayant conclu un pacte civil de solidarité, auxquels est opposée une condition d'ancienneté de deux ans.

7. Le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un comme dans l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des différences de situation susceptibles de la justifier. Les dispositions des articles 515-1 à 515-7-1 du code civil relatives au pacte civil de solidarité, telles qu'elles résultent de la loi du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité et des lois ultérieures qui les ont modifiées, n'ont ni pour objet ni pour effet de rendre applicables aux partenaires l'ensemble des textes réglementaires qui réservent des droits ou des avantages aux conjoints, compte tenu des différences existant entre le régime juridique du mariage et celui du pacte civil de solidarité, notamment en ce qui concerne leur conclusion, les obligations qui en découlent et leur dissolution.

8. Cependant, lorsque, sans pour autant rendre par elles-mêmes inapplicables des dispositions réglementaires incompatibles avec elle, une loi crée une situation juridique nouvelle, il appartient au pouvoir réglementaire, afin d'assurer la pleine application de la loi, de tirer toutes les conséquences de cette situation nouvelle en apportant, dans un délai raisonnable, les modifications à la réglementation applicable qui sont rendues nécessaires par les exigences inhérentes à la hiérarchie des normes et, en particulier, aux principes généraux du droit tels que le principe d'égalité. Dans le cas du pacte civil de solidarité, cette obligation impose au pouvoir réglementaire de mettre à jour l'ensemble des textes qui ouvrent des droits, créent des avantages ou, plus généralement, fixent une règle en se fondant sur la qualité de célibataire, de concubin ou de conjoint, de manière à rapprocher, en fonction de l'objet de chacun de ces textes, la situation du signataire d'un pacte civil de solidarité de celle applicable à l'une des trois qualités énumérées ci-dessus. Il y a lieu de considérer que cette obligation a été remplie par les dispositions de l'article 6 du décret du 10 janvier 2011 relatif à la prise en compte du pacte civil de solidarité dans le régime indemnitaire des militaires et modifiant diverses dispositions relatives à la délégation de solde des militaires, lesquelles ont modifié l'article 3 du décret du 13 octobre 1959 afin de prévoir, pour le calcul de l'indemnité pour charges militaires, la prise en compte du partenaire du pacte civil de solidarité conclu par un militaire, comme est pris en compte le conjoint, sous réserve de la conclusion du pacte depuis deux années au moins. La différence de traitement ainsi instituée par le décret du 10 janvier 2011 n'apparaît pas manifestement disproportionnée au regard des différences existant entre le régime juridique du mariage et celui du pacte civil de solidarité. Par suite, le moyen tiré de la discrimination dont serait victime le requérant du fait de sa situation ne peut qu'être écarté.

9. Le fait que la loi fiscale assimile les contribuables liés par un pacte civil de solidarité aux contribuables mariés ainsi que le caractère opposable aux tiers du pacte civil de solidarité à compter du jour où les formalités de publicité sont accomplies prévu par l'article 515-3-1 du code civil, sont sans incidence sur la légalité de la décision contestée prise sur le fondement des dispositions de l'article 3 du décret du 13 octobre 1959 fixant le régime de l'indemnité pour charges militaires, modifié par le décret du 10 janvier 2011, lesquelles relèvent de réglementations distinctes.

10. Il n'est pas contesté que le requérant, qui a conclu un pacte civil de solidarité le 29 mars 2013, ne remplissait pas la condition de durée de deux ans de conclusion d'un pacte civil de solidarité à la date de la décision contestée, ladite condition n'étant pas, ainsi qu'il a été dit précédemment, manifestement disproportionnée au regard des différences existant entre le régime juridique du mariage et celui du pacte civil de solidarité, telle qu'elle est fixée par l'article 3 du décret du 13 octobre 1959. Ainsi, le ministre de la défense pouvait, sans erreur de droit, en application de ces dispositions, rejeter la demande de M.A....

11. Il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision contestée.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

12. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A... n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent être accueillies.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. A...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE

Article 1er : L'ordonnance n° 1503580 du 7 octobre 2015 de la présidente de la 5ème chambre du tribunal administratif de Toulouse est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Toulouse et ses conclusions en appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 30 octobre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Gil Cornevaux, président assesseur,

Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 novembre 2017.

Le président assesseur,

Gil Cornevaux

Le président,

Pierre Larroumec

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre des armées, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

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No 15BX03925


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX03925
Date de la décision : 27/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Armées et défense - Personnels militaires et civils de la défense - Questions communes à l'ensemble des personnels militaires - Soldes et avantages divers.

Fonctionnaires et agents publics - Rémunération - Indemnités et avantages divers.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Pierre LARROUMEC
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : BERGES KUNTZ

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-11-27;15bx03925 ?
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