Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société anonyme à responsabilité limitée (SARL) Nord-Ouest Transports a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler la décision du 29 octobre 2013, par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge la somme totale de 17 871 euros au titre de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement prévue à l'article
L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un jugement n° 1400514 du 9 avril 2015, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté la demande de la SARL Nord-Ouest Transports.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 juillet 2015, la SARL Nord-Ouest Transports, représentée par Me Semonin, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guyane du 9 avril 2015;
2°) d'annuler la décision du 29 octobre 2013, notifiée le 8 novembre suivant, par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge la somme de 17 871 euros au titre de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire ;
3°) de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la seule mention d'un procès-verbal n'est pas suffisante pour satisfaire à l'obligation de motivation ;
- la décision porte atteinte aux droits de la défense et viole les dispositions de l'article R. 626-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il n'a pas été mis à même de consulter son dossier, les procès-verbaux de constat des infractions ne lui ayant notamment pas été communiqués ;
- la décision porte une atteinte manifeste au droit à la présomption d'innocence, l'OFII en l'absence de toute condamnation pénale en effet, le tribunal correctionnel de Cayenne a prononcé la relaxe au motif que l'infraction n'était nullement constituée ;
- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation en ce que le procès-verbal des services de police du 3 octobre 2012 constate uniquement la présence un travailleur étranger sur la zone portuaire de Saint-Laurent du Maroni sans établir l'existence d'un quelconque lien de subordination avec la société requérante.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 avril 2016, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société requérante une somme de 2 800 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code du travail ;
- le code pénal et le code de procédure pénale ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;
- le décret n°2012-812 du 16 juin 2012 ;
- le décret n°2013-467 du 4 juin 2013 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Gil Cornevaux ;
- et les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite d'un contrôle effectué le 3 octobre 2012 par les services de police dans l'enceinte de la zone portuaire de Saint-Laurent du Maroni, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a, au vu du procès-verbal établi lors de cette opération de contrôle mentionnant l'emploi d'un ressortissant surinamien, en situation irrégulière sur le territoire français, employé en qualité de vigile par la SARL Nord-Ouest Transports, par ailleurs transmis au procureur de la République, avisé la SARL Nord-Ouest Transports par un courrier en date du 10 septembre 2013, qu'indépendamment des poursuites pénales susceptibles d'être engagées, elle était redevable, sur le fondement de l'article L. 8253-1 du code du travail, de la contribution spéciale et, sur le fondement de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement. Après que la SARL Nord-Ouest Transports a, par un courrier du 24 septembre 2013, présenté ses observations, l'OFII a, par une décision du 29 octobre 2013, mis à sa charge la contribution spéciale pour un montant de 17 450 euros et la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement pour un montant de 421 euros. Le directeur départemental des finances publiques de la Guyane a émis, le 29 avril 2014, deux titres de perception à l'encontre de la société pour le recouvrement de ces contributions pour lesquels la société requérante a formé un recours préalable le 12 février 2014. Le recours gracieux formé par la SARL Nord-Ouest Transports le 8 janvier 2014 auprès de l'OFII a été implicitement rejeté. Puis par un jugement du 9 avril 2015, le Tribunal administratif de Guyane a rejeté la requête de la société SARL Nord-Ouest Transports tendant à l'annulation de la décision du 29 octobre 2013 du directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qui en relève appel.
Sur la régularité du jugement :
2. La dénaturation de pièces du dossier et les erreurs de fait et de droit qu'aurait commises le tribunal administratif sont susceptibles, à les supposer établies, d'affecter la validité des motifs du jugement dont le contrôle est opéré par l'effet dévolutif de l'appel, mais sont sans incidence sur la régularité dudit jugement. Si la SARL Nord-Ouest Transports soutient que le tribunal n'a manifestement pas pris en considération l'ensemble des pièces du dossier en retenant que le contrôle avait été effectué dans les locaux de la société alors qu'elle ne possède aucun local au sein de la zone portuaire de Saint Laurent du Maroni, le tribunal a nécessairement dénaturé les pièces du dossier, cette argumentation met en cause le bien-fondé du jugement, dont le contrôle est opéré par la voie de l'effet dévolutif de l'appel.
Sur la communication des procès-verbaux d'infraction :
3. En vertu de l'article L. 8253-1 du code du travail, l'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et de liquider la contribution spéciale due par un employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1. Selon l'article L. 8271-17 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable : " Outre les inspecteurs et contrôleurs du travail, les agents et officiers de police judiciaire, les agents de la direction générale des douanes sont compétents pour rechercher et constater, au moyen de procès-verbaux transmis directement au procureur de la République, les infractions aux dispositions de l'article L. 8251-1 relatif à l'emploi d'un étranger sans titre de travail et de l'article L. 8251-2 interdisant le recours aux services d'un employeur d'un étranger sans titre. / Afin de permettre la liquidation de la contribution spéciale mentionnée à l'article L. 8253-1 du présent code et de la contribution forfaitaire mentionnée à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration reçoit des agents mentionnés au premier alinéa du présent article une copie des procès-verbaux relatifs à ces infractions ".
4. Aux termes de l'article R. 8253-6 dans sa rédaction applicable du même code : " Au vu des procès-verbaux qui lui sont transmis, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration décide de l'application de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 et notifie sa décision à l'employeur ainsi que le titre de recouvrement. ".
5. Si les articles L. 8253-1 et L. 8271-17 du code du travail, pas plus que les dispositions réglementaires codifiées dans le code du travail ne prévoient pas expressément que le procès-verbal constatant l'infraction aux dispositions de l'article L. 8251-1 relatif à l'emploi d'un étranger non autorisé à travailler en France, et fondant le versement de la contribution spéciale, ainsi que par voie de conséquence, le versement de la contribution forfaitaire, soit communiqué au contrevenant, le silence de ces dispositions sur ce point ne saurait, contrairement à ce que soutient l'OFII en défense, faire obstacle à cette communication, afin d'assurer le respect de la procédure contradictoire préalable à la liquidation de la contribution spéciale, qui revêt le caractère d'une sanction administrative. Il appartient seulement à l'administration, le cas échéant, d'occulter ou de disjoindre, préalablement à la communication du procès-verbal celles de ses mentions qui seraient étrangères à la constatation de l'infraction sanctionnée par la liquidation de la contribution spéciale et susceptibles de donner lieu à des poursuites pénales.
6. Il est constant qu'en l'espèce, la SARL Nord-Ouest Transports n'a pas été mis à même de solliciter les procès-verbaux d'infraction procès-verbal établis le 3 octobre 2012 par lesquels les services de la police nationale ont constaté la présence au sein de la zone portuaire de Saint Laurent du Maroni d'un étranger, démuni de pièces d'identité et d'autorisations de travail, employé en qualité de vigile par la SARL Nord-Ouest Transports qui a dès lors été privé d'une garantie.
7. Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la SARL Nord-Ouest est fondé est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Guyane par son jugement du 9 avril 2015 a rejeté sa demande tendant à être déchargé de l'obligation de payer des contributions spéciale et forfaitaires. Il y a lieu, par voie de conséquence, d'annuler le jugement attaqué et de décharger la société appelante de l'obligation de payer de la contribution d'un montant de 17 450 euros et de la contribution forfaitaire pour un montant de 421 euros.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. La SARL Nord-Ouest Transports n'étant pas, dans la présente instance, la partie perdante les conclusions présentées par l'OFII sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être que rejetées. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'OFII la somme de 1 500 euros au bénéfice de la SARL Nord-Ouest Transports sur le fondement de ces mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1400514 du 9 avril 2015 du tribunal administratif de Guyane et la décision du 29 octobre 2013 sont annulés.
Article 2 : La SARL Nord-Ouest Transports est déchargée de l'obligation de payer la contribution spéciale d'un montant de 17 450 euros et de la contribution forfaitaire pour un montant de 421 euros.
Article 3 : L'OFII versera la somme de 1 500 euros à la SARL Nord-Ouest Transports au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par l'OFII au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Nord-Ouest Transports et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Copie en sera transmise à la direction régionale des finances publiques de la Guyane.
Délibéré après l'audience du 30 octobre 2017 à laquelle siégeaient :
Mme Pierre Larroumec, président,
M. Gil Cornevaux, président-assesseur,
M. Pierre Bentolila, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 novembre 2017.
Le rapporteur,
Gil CornevauxLe président,
Pierre Larroumec
Le greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre du travail, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Cindy Virin
2
No15BX01900