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15/11/2017 | FRANCE | N°17BX02180

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 15 novembre 2017, 17BX02180


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 18 avril 2017 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1701163 du 9 juin 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 juillet 2017, MmeB..

., représentée par la société d'avocats Breillat-Dieumegard-Masson, demande à la cour :

1°) d'a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 18 avril 2017 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1701163 du 9 juin 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 juillet 2017, MmeB..., représentée par la société d'avocats Breillat-Dieumegard-Masson, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 18 avril 2017 du tribunal administratif de Poitiers ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Vienne de lui délivrer une carte de séjour temporaire d'un an, dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt et sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de la munir d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le refus de séjour est insuffisamment motivé ; la décision de refus de séjour vise les articles L. 743-1 et L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dispositions inapplicables compte tenu de ce que sa demande d'asile a été déposée avant le 1er novembre 2015 ; les dispositions alors applicables, à savoir les articles L. 741-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne sont en revanche pas visées, de sorte que le refus de séjour n'est pas motivé en droit ; le seul visa de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne satisfait pas davantage aux exigences de motivation ;

- en s'abstenant d'examiner son droit au séjour au regard de sa situation personnelle et familiale, le préfet a commis une erreur de droit ;

- le refus de séjour a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu des circonstances de son départ du Nigéria, liées à la menace d'une excision et d'un mariage forcé, et à son intégration sur le territoire français ;

- l'obligation de quitter le territoire français est privée de base légale ;

- l'obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de renvoi est privée de base légale ;

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- cette décision a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle risque en effet de subir un mariage forcé et une excision en cas de retour dans son pays d'origine, ainsi que d'être exposée au terrorisme.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 août 2017, le préfet de la Vienne conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par le requérant n'est fondé et s'en remet à ses écritures produites devant le tribunal.

Par une ordonnance du 31 août 2017, la clôture d'instruction a été reportée au 20 septembre 2017 à 12 heures.

Le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale a été accordé à Mme Mme B...par décision du 27 juillet 2017.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. MmeB..., ressortissante nigériane née le 12 avril 1985, est entrée en France le 13 septembre 2015 selon ses déclarations et a présenté le 6 octobre suivant une demande d'asile, qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 août 2016, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 8 mars 2017. Par un arrêté du 18 avril 2017, le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi. Mme B...relève appel du jugement n° 1701163 du 9 juin 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, la décision de refus de séjour attaquée vise l'article L. 314-11 8° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatif à la délivrance de la carte de résident à l'étranger reconnu réfugié, ainsi que l'article L. 313-13 1° du même code, relatif à la délivrance de la carte de séjour temporaire mention "vie privée et familiale" à l'étranger qui s'est vu accorder le bénéfice de la protection subsidiaire. La requérante fait valoir que l'arrêté vise les articles L 743-1 et L-743-3 dudit code, relatifs au droit au maintien en France d'un demandeur d'asile durant l'examen de sa demande et à son obligation de quitter le territoire en cas de rejet de cette demande, articles qui n'étaient pas applicables à sa situation compte tenu de la date de dépôt de sa demande d'asile. Cependant, lesdits articles, dont la teneur est au demeurant la même que celle des articles L. 742-3 et L. 742-7 dudit code applicables aux demandes d'asile déposées, comme en l'espèce, avant le 1er novembre 2015, ne constituent pas le fondement en droit de la décision de refus de séjour litigieuse. Ainsi, et dès lors que les considérations de droit appropriées fondant le refus de séjour attaqué sont dûment mentionnées dans l'arrêté, l'erreur dont la requérante fait état n'affecte pas la motivation en droit de la décision de refus de séjour.

3. En deuxième lieu, au stade de l'examen de la compatibilité d'une mesure d'éloignement avec les stipulations de l'article 8 de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'arrêté mentionne des éléments de fait relatifs à la situation personnelle et familiale de la requérante ; il est par suite suffisamment motivé en fait.

4. En troisième lieu, saisi d'une demande d'autorisation de séjour présentée uniquement au titre de l'asile ou de la protection subsidiaire, le préfet n'est pas tenu d'examiner d'office si le demandeur est susceptible de se voir délivrer une autorisation de séjour à un autre titre. Sont inopérants, devant le juge de l'excès de pouvoir, les moyens de légalité interne qui, sans rapport avec la teneur de la décision, ne contestent pas utilement la légalité des motifs et du dispositif qui sont ceux de la décision administrative attaquée. En revanche, lorsque le préfet, statuant sur la demande de titre de séjour, examine d'office si l'étranger est susceptible de se voir délivrer un titre sur un autre fondement que l'asile, tous les motifs de rejet de la demande, y compris donc les motifs se prononçant sur les fondements examinés d'office par le préfet, peuvent être utilement contestés devant le juge de l'excès de pouvoir. Il en va, par exemple, ainsi si la décision de refus de titre de séjour a pour motif que le demandeur n'entre dans aucun cas d'attribution d'un titre de séjour de plein droit ou que le refus ne porte pas d'atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé.

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme B...a saisi le préfet de la Vienne d'une demande d'autorisation de séjour présentée uniquement au titre de l'asile ou de la protection subsidiaire. Il ressort également de la rédaction de l'arrêté attaqué que ladite autorité s'est bornée à rejeter cette demande en tirant les conséquences du rejet de la demande d'asile formulée par l'intéressée, sans examiner d'office si elle était susceptible de se voir délivrer un titre de séjour sur un autre fondement. Dès lors, ainsi que l'a estimé le premier juge, le moyen invoqué à l'appui du refus de séjour litigieux, tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est inopérant.

6. En quatrième lieu, saisi d'une demande d'autorisation de séjour présentée uniquement au titre de l'asile ou de la protection subsidiaire, le préfet de la Vienne n'était pas tenu d'examiner d'office si Mme B...était susceptible de se voir délivrer une autorisation de séjour à un autre titre.

7. En cinquième lieu, la décision de refus de séjour n'étant pas illégale, le moyen tiré de l'illégalité de cette décision, invoqué par voie d'exception à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français, doit être écarté.

8. En sixième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l' exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. Mme B...fait valoir qu'elle a fui le Nigéria pour échapper à un mariage forcé et à une excision, et ajoute être intégrée dans la société française. Il ressort cependant des pièces du dossier que la requérante, entrée récemment en France à l'âge de 30 ans, est célibataire et sans charge de famille et ne dispose pas d'attache personnelle et familiale en France. Ses seules affirmations succinctes sur les circonstances de son départ du Nigéria ne permettent pas de tenir pour établies les menaces dont elle fait état. Dans ces conditions, l'obligation de quitter le territoire français en litige ne peut être regardée comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise.

10. En septième lieu, il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que soutient la requérante, la mesure d'éloignement en litige n'est pas entachée d'illégalité. Le moyen tiré du défaut de base légale de la décision fixant le pays de renvoi ne peut dès lors qu'être écarté.

11. En huitième lieu, la décision contestée vise notamment l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et mentionne que Mme B...n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à ces stipulations en cas de retour dans son pays d'origine. Cette décision est, par suite, suffisamment motivée.

12. Enfin, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations par adoption des motifs pertinemment retenus par le premier juge.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, dès lors, être accueillies.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 12 octobre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 15 novembre 2017.

Le rapporteur,

Marie-Pierre BEUVE DUPUYLe président,

Aymard de MALAFOSSELe greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 17BX02180


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX02180
Date de la décision : 15/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : SCP BREILLAT DIEUMEGARD MASSON

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-11-15;17bx02180 ?
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