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15/11/2017 | FRANCE | N°15BX02026

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 15 novembre 2017, 15BX02026


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Compagnie caribéenne immobilière d'investissements a demandé au tribunal administratif de la Martinique le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée au titre de l'année 2009 d'un montant de 229 494 euros.

Par un jugement n° 1300347 du 12 mars 2015, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 16 juin 2015 et 22 février 2016, la société Compagnie caribéenne imm

obilière d'investissements, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Compagnie caribéenne immobilière d'investissements a demandé au tribunal administratif de la Martinique le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée au titre de l'année 2009 d'un montant de 229 494 euros.

Par un jugement n° 1300347 du 12 mars 2015, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 16 juin 2015 et 22 février 2016, la société Compagnie caribéenne immobilière d'investissements, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique du 12 mars 2015 ;

2°) de lui accorder le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée sollicité ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- dès sa création, en 2000, elle a effectué des formalités de déclaration de son existence auprès de l'administration fiscale, qui l'a immatriculée et lui a attribué un numéro d'identification à la taxe ; un imprimé modèle CA 12 lui est adressé en début de chaque année depuis 2002 pour la souscription, dans le cadre du régime simplifié d'imposition, de sa déclaration en matière de taxe sur la valeur ajoutée ; elle a souscrit ses déclarations annuelles de taxe sans que l'administration ne remette en cause sa qualité d'assujettie ; sa qualité d'assujettie à la TVA est ainsi reconnue par l'administration depuis plusieurs années ; une précédente demande de remboursement de taxe, adressée le 14 mars 2006 au service, avait d'ailleurs été rejetée au motif qu'elle était présentée hors délai, sans que sa qualité d'assujettie ne soit alors remise en cause ; elle a adressé en temps utile des lettres d'option pour l'immeuble La Yole, achevé en 2004, situé à Fort-de-France, et pour l'immeuble situé au lieudit les Coteaux à Sainte-Luce, achevé en 2007 ; son courrier du 21 juillet 2010 se borne à réitérer ces options ; les premiers juges ont méconnu les règles de dévolution de la charge de la preuve en considérant que ces éléments ne suffisaient pas à établir sa qualité d'assujettie, alors en outre que la demande de pièces complémentaires adressée au service est demeurée sans réponse ;

- contrairement à ce que le jugement attaqué retient, elle conteste la fixation de son assujettissement à la date du 21 juillet 2010 de réitération de l'option ; compte tenu de ce que l'administration lui reconnaît la qualité d'assujettie depuis 2001, le tribunal ne pouvait considérer que son identification par l'administration fiscale n'était pas intervenue dans un délai raisonnable au sens de la décision du 21 octobre 2010 de la cour de justice de l'union européenne.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 novembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- l'option pour l'assujettissement à la TVA des loyers de locaux nus à usage industriel et commercial doit faire l'objet d'une déclaration expresse à l'administration identifiant le bailleur et le ou les immeubles auxquels elle se rapporte ; la seule facturation au preneur de la TVA sur les loyers ne saurait tenir lieu de cette déclaration expresse ; en application des dispositions des articles 286 I 1° du code général des impôts et 195 et de l'annexe II audit code, dans leur rédaction applicable jusqu'au 12 septembre 2010, l'option doit être déclarée dans les quinze jours du commencement de l'assujettissement ; il est admis par la doctrine que cette option prenne effet au premier jour du mois au cours duquel elle est déclarée ;

- en l'espèce, la société requérante, dont l'activité n'est pas assujettie de plein droit mais sur option, n'a pas été en mesure de produire les lettres d'option à la TVA qu'elle affirme avoir adressées au service ; cette option n'a ainsi expressément été effectuée que le 21 juillet 2010, de sorte qu'elle ne pouvait obtenir une restitution de taxe au titre de l'année 2009 ; le tribunal a mis en oeuvre le régime de la preuve objective ; l'option ne saurait être confondue avec les formalités de création d'entreprise ; le numéro de dossier qui lui a été attribué suite à sa déclaration d'existence et d'identification visée à l'article 286 I 1° du code général des impôts ne peut être confondue avec le numéro d'identification à la TVA prévue à l'article 286 ter du même code ;

- la jurisprudence communautaire du 21 octobre 2010 invoquée porte sur une question différente.

Par ordonnance du 5 janvier 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 22 février 2016 à 12 heures.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy,

- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Compagnie caribéenne immobilière d'investissements, créée en 2000, exerce en Martinique une activité portant sur " toutes opérations immobilières ". Elle a construit et acquis plusieurs immeubles en Martinique, qui ont fait l'objet de baux de location nue à usage professionnel. Le 26 avril 2010, elle a sollicité un remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée au titre de l'année 2009 d'un montant de 355 844 euros, correspondant à la taxe acquittée afférente à deux des immeubles qu'elle donne en location, à savoir l'immeuble " La Yole ", situé à Fort-de-France, et l'immeuble " Les coteaux ", situé à Sainte-Luce. Par une décision d'admission partielle du 16 avril 2013, l'administration fiscale lui a accordé le remboursement sollicité à hauteur de 126 350 euros. La société Compagnie caribéenne immobilière d'investissements a demandé au tribunal administratif de la Martinique le remboursement du crédit de taxe restant, d'un montant de 229 494 euros. Elle relève appel du jugement du 12 mars 2015 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

2. Aux termes de l'article 261 D du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 2° Les locations de terrains non aménagés et de locaux nus, à l'exception des emplacements pour le stationnement des véhicules ; toutefois, ces dispositions ne sont pas applicables lorsque les locations constituent pour le bailleur un moyen de poursuivre, sous une autre forme, l'exploitation d'un actif commercial ou d'accroître ses débouchés ou lorsque le bailleur participe aux résultats de l'entreprise locataire (...) ". Aux termes de l'article 260 du même code : " Peuvent sur leur demande acquitter la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 2° Les personnes qui donnent en location des locaux nus pour les besoins de l'activité d'un preneur assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée ou, si le bail est conclu à compter du 1er janvier 1991, pour les besoins de l'activité d'un preneur non assujetti (...) ". L'article 193 de l'annexe II au code général des impôts dispose : " (...) Les personnes qui donnent en location plusieurs immeubles ou ensembles d'immeubles doivent exercer une option distincte pour chaque immeuble ou ensemble d'immeubles (...) ". Aux termes de 195 de l'annexe II audit code : " L'option et sa dénonciation sont déclarées dans les conditions et selon les modalités prévues par le 1° du I de l'article 286 du code général des impôts pour les assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée, en cas de commencement ou de cessation d'entreprise. ". L'article 286 du code général des impôts dispose : " I. Toute personne assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée doit : 1° Dans les quinze jours du commencement de ses opérations, souscrire au bureau désigné par un arrêté une déclaration conforme au modèle fourni par l'administration. Une déclaration est également obligatoire en cas de cessation d'entreprise (...) ". Enfin, aux termes de l'article 286 ter du même code : " Est identifié par un numéro individuel : 1° Tout assujetti qui effectue des livraisons de biens ou des prestations de service lui ouvrant droit à déduction, autres que des livraisons de biens ou des prestations de services pour lesquelles la taxe est due uniquement par le destinataire ou par le preneur (...) ". Par application combinée des dispositions précitées, l'option prévue par l'article 260 du code général des impôts doit faire l'objet d'une déclaration expresse à l'administration et distincte pour chaque immeuble ou ensemble d'immeubles.

3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à l'impôt ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération.

4. Il résulte de l'instruction que le refus de remboursement de taxe en litige est fondé sur le défaut d'exercice, par la société Compagnie caribéenne immobilière d'investissements, de l'option prévue par l'article 260 du code général des impôts. La société requérante admet ne pas être en mesure d'établir avoir envoyé à l'administration, antérieurement à son courrier du 21 juillet 2010, des courriers d'option pour l'acquittement de la taxe pour chacun des immeubles en litige, éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter. Par ailleurs, dès lors que l'activité de la société revêt un caractère général portant sur " toutes opérations immobilières " et loue plusieurs immeubles pour lesquels elle est susceptible d'avoir exercé cette option, la production, en appel, de ses déclarations de taxe sur la valeur ajoutée souscrites au titre des années 2001 et 2003 à 2008, et la circonstance que l'administration lui a attribué un numéro d'identification à la taxe, ne permettent nullement d'établir l'exercice, avant son courrier du 21 juillet 2010, de son option pour l'assujettissement à la taxe de l'activité de location des immeubles susmentionnés. Elle ne saurait davantage être regardée comme ayant exercé cette option du seul fait que, selon ses dires, elle facturait la taxe aux locataires de ces immeubles, taxe qui est mentionnée sur les baux de location. Enfin, si la société requérante fait valoir que la décision du 14 mars 2006 par laquelle le service lui a refusé un précédent crédit de taxe au titre de l'année 2004 au motif tenant au caractère tardif de cette demande, et non en raison de son non-assujettissement à la taxe, révèlerait qu'elle avait opté pour l'acquittement de la taxe, il ne ressort cependant nullement de ce courrier que la demande de remboursement portait sur une taxe afférente à son activité de location des immeubles " " La Yole " et " Les Coteaux ".

5. La société Compagnie caribéenne immobilière d'investissements se prévaut également d'une décision de la Cour de justice de l'Union européenne n° C-385/09 du 21 octobre 2010, selon laquelle la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de la taxe sur la valeur ajoutée doit être interprétée en ce sens qu'elle s'oppose à ce qu'un assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée qui remplit les conditions de fond pour déduire celle-ci et qui s'identifie à la taxe sur la valeur ajoutée à partir de la réalisation des opérations qui donne lieu au droit à déduction puisse être privé de la possibilité d'exercer ce droit par une législation nationale qui interdit la déduction de la taxe acquittée à l'occasion de l'achat de biens dès lors que cet assujetti ne se serait pas identifié à la taxe sur la valeur ajoutée avant d'utiliser ceux-ci aux fins de son activité assujettie. Toutefois, cette décision, relative aux conditions formelles du droit à déduction de la taxe par les assujettis, ne concerne pas les modalités d'exercice du droit d'option pour l'acquittement de la taxe à raison d'activités exonérées telles que celle en litige de location d'immeubles.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la société Compagnie caribéenne immobilière d'investissements n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, être accueillies.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Compagnie caribéenne immobilière d'investissements est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Compagnie caribéenne immobilière d'investissements et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 12 octobre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 15 novembre 2017.

Le rapporteur,

Marie-Pierre BEUVE DUPUYLe président,

Aymard de MALAFOSSE

Le greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 15BX02026


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX02026
Date de la décision : 15/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux fiscal

Analyses

19-06-02-03 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Options.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : MOYSE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-11-15;15bx02026 ?
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