Vu la procédure suivante :
Procédure antérieure :
Par deux recours enregistrés respectivement le 5 août 2014 sous le n° 2365 T et le 18 août 2014 sous le n° 2376 T, la société par actions simplifiée Casino Distribution France d'une part, et l'association des commerçants du centre commercial Auchan de Bias d'autre part, ont demandé à la commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) d'annuler la décision du 8 juillet 2014 par laquelle la commission départementale d'aménagement commercial de Lot-et-Garonne a accordé à la société civile immobilière Pujols Immo l'autorisation de créer un ensemble commercial de 1 725 m² de surface de vente à l'enseigne Super U sur la commune de Pujols.
Par une décision en date du 27 novembre 2014, la commission nationale d'aménagement commercial a admis ces recours et refusé le projet.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée au greffe de la cour le 20 mars 2015, et complétée par un mémoire enregistré le 17 janvier 2017, la commune de Pujols et la société civile immobilière Pujols Immo, toutes deux représentées par la SCP d'avocats CGCB et associés, demandent à la cour dans le dernier état de leurs écritures :
1°) d'annuler la décision du 27 novembre 2014 de la commission nationale d'aménagement commercial refusant la création de l'ensemble commercial en litige ;
2°) d'enjoindre à la commission nationale d'aménagement commercial de réexaminer la demande ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- la composition de la commission était irrégulière ; aux termes de l'article R. 751-8 du code de commerce, M. Valdiguié, membre de la Cour des comptes, ne pouvait valablement siéger en qualité de président suppléant de la commission qu'en cas d'absence ou d'empêchement du président titulaire, laquelle ne ressort pas des termes de la décision attaquée ; la commission, laquelle n'a pas produit en défense, doit être considérée comme ayant acquiescé à cette assertion ;
- la commission a estimé à tort que le projet n'entraînerait pas de diversification de l'offre commerciale dans la zone de chalandise ; la commune n'est à ce jour dotée d'aucune structure commerciale à dominante alimentaire et sa topographie particulière, soit un bourg médiéval en acropole et une partie basse urbanisée, ne permet pas l'installation de commerces dans un quelconque " centre ville " ; la zone de chalandise ne comprend que cinq enseignes dont deux de type hard discount, un hypermarché de plus de 8 000 m² et seulement deux supermarchés d'une surface de vente comparable à celle du projet en litige ; ce projet permet ainsi d'éviter l'évasion commerciale des habitants de la commune vers Villeneuve-sur-Lot ; il participe à un rééquilibrage de l'offre commerciale, aujourd'hui exclusivement située sur les communes du Nord de la Communauté de Communes du Villeneuvois, à l'échelle intercommunale ; le projet entend également privilégier la réalisation de partenariats avec les artisans et fournisseurs locaux ; il permet enfin la création de 30 emplois pour son exploitation ; par ailleurs, le projet prévoit la création d'un " drive " et d'un service de location de véhicules qui n'existent pas dans tous les magasins de la zone ; le projet s'insère sur le seul site réservé à l'accueil des équipements commerciaux au plan local d'urbanisme de la commune et au projet de Schéma de cohérence territoriale ;
- la commission a commis une erreur d'appréciation des effets du projet au titre du développement durable ; le terrain d'assiette est situé en zone à urbaniser du plan local d'urbanisme et n'est affecté par aucun risque hydraulique particulier ; le nombre de places de stationnement prévues est conforme à la réglementation ; la parcelle, relativement réduite, sera plantée sur 10 % de sa surface ; le projet prévoit des mesures spécifiques pour la récupération des eaux ; la gestion de l'éclairage n'est pas contraire à l'objectif de développement durable ; le risque d'étalement urbain, non mentionné par la commission, n'existe pas car le projet est situé en bordure de rocade, à proximité d'équipements créés par la commune et dans un secteur identifié par le projet de SCOT et le plan local d'urbanisme comme une zone de développement commercial ; la circonstance que la commune de Villeneuve-sur-Lot bénéficie de dotations au titre du FISAC ne saurait être de nature à interdire à une commune voisine de procéder également à un développement de sa propre offre commerciale, notamment quand les projets développés sont modestes et éloignés ;
- contrairement à l'appréciation de la commission nationale d'aménagement commercial, le projet s'insère harmonieusement dans son environnement ; il n'est pas visible depuis le centre-bourg médiéval et s'intègre parfaitement par rapport au bâti existant caractérisé par la présence d'un centre aquatique ; des mesures d'insertion paysagère ont été prévues, notamment en ce qui concerne la végétalisation des façades, la couleur du toit du magasin ou le positionnement en façade de l'enseigne, en partenariat avec l'architecte des bâtiments de France dont l'avis n'était pourtant nullement requis ; eu égard à ses caractéristiques architecturales et à la proximité d'un centre aqua-ludique comprenant des toboggans de couleur bleue, le projet n'aura pas d'impact visuel manifeste sur la vue depuis le centre-bourg médiéval ;
- outre les avantages liés à la diversification de l'offre, au développement de l'activité économique et à la création d'emplois, le projet comporte des aménagements propres à limiter le flux des véhicules particuliers ; les avis du conseil général et de la communauté de communes du Villeneuvois démontrent que la voie et les accès sont dimensionnés et qu'elle dispose d'une autorisation pour réaliser un tourne-à-gauche ;
- les pièces du dossier établissent que le projet comporte des avantages significatifs au titre de la limitation des consommations et des pollutions ; par ailleurs, le projet est raccordé aux transports en commun et aux voies cyclables ;
- la sécurité du consommateur est assurée ; le terrain d'assiette du projet est exempt de tout risque naturel ou technologique ; il propose des infrastructures permettant de limiter les risques d'accident de la circulation et des aménagements dédiés aux piétons et aux vélos, dont une voie douce en site propre ; il permet, outre la modernisation de l'appareil commercial, le rééquilibrage de l'offre avec le nord du territoire de la communauté de Communes du Villeneuvois et évité le risque que les consommateurs subissent une augmentation des prix ; les habitants de Pujols disposeraient, enfin, d'un établissement commercial de proximité leur permettant d'éviter de se rendre au nord de la communauté de communes pour réaliser des achats alimentaires de base.
- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme ne peut être utilement invoqué dès lors que la commission nationale d'aménagement commercial ne l'a pas retenu ; les parcelles concernées par le projet étaient classées en zone d'urbanisation future dans le POS approuvé en décembre 1981 et le sont restées après l'approbation du plan local d'urbanisme en 2012, qui a classé les parcelles en zone 1AUYa ; ces terrains étaient et restent à ce jour constructibles, et aucune dérogation au titre de l'article L. 122-2 n'était nécessaire.
Un mémoire en production de pièces, enregistré le 17 avril 2015, a été présenté par la commission nationale d'aménagement commercial.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 octobre 2015, l'association des commerçants du centre commercial Auchan Bias, représentée par MeF..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge des requérantes d'une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
L'association fait valoir que :
- la jurisprudence estime qu'en application de l'article R. 751-8 du code de commerce, le membre de la Cour des comptes peut valablement présider la séance de la commission lorsque son président est absent ou empêché, sans que cette mention n'ait à figurer dans la décision ; il ressort par ailleurs du procès-verbal de la séance de la commission nationale d'aménagement commercial du 27 novembre 2014 que M. Lagrange, président désigné par le décret du 20 mai 2009, était absent lors de la réunion ;
- le projet emporte des effets négatifs en matière d'aménagement du territoire ; les effets du projet sur la diversification de l'offre doivent être appréciés à l'échelle de la zone de chalandise et non de la seule commune d'implantation du projet ; or, dans un rayon de 3 kilomètres autour du projet, pas moins de cinq enseignes proposent une vaste sélection de produits alimentaires et non-alimentaires, notamment l'Intermarché de Villeneuve-sur-Lot, lequel est d'une surface de vente équivalente et offre les mêmes services ;
- le projet emporte des effets négatifs pour l'animation de la vie locale ; il est erroné d'affirmer que la commune serait dépourvue de centralité, alors qu'elle possède un centre-ville historique en vertu duquel elle est labellisée " un des plus beaux villages de France " ; l'implantation du projet dans la partie basse de la commune, caractérisée par une alternance de terrains naturels ou agricoles et de constructions, aurait incontestablement pour effet d'accroître l'étalement urbain ; le projet aura nécessairement un impact sur les centres villes des communes de Bias et de Villeneuve-sur-Lot ; un comité de centre-ville a d'ailleurs été créé au sein de la communauté d'agglomération afin de remédier à la baisse d'attractivité de ces commerces de proximité ; la création d'emplois aurait un effet nul compte tenu des suppressions d'emplois à craindre résultant de la fragilisation des commerces existants ; l'implantation d'un supermarché en forme de boîte et visible de la partie haute de la ville risque également d'entraîner des conséquences néfastes sur le bourg médiéval même de Pujols et sa fréquentation touristique ; enfin, le projet ne participe pas au rééquilibrage de l'offre commerciale à l'échelle intercommunale alors qu'il s'implantera à proximité des équipements existants ;
- le projet emporte des effets négatifs sur le flux de véhicules ; le dossier de demande ne permet pas d'établir que le projet sera neutre au regard des flux de transports ; les aménagements de voirie destinés à sécuriser et à fluidifier l'accès à l'ensemble commercial dont les appelants font état n'apparaissent pas certains, en l'absence de renseignement sur le mode de financement, les modalités juridiques et le calendrier de ces travaux ; la communauté d'agglomération ne peut valablement émettre un avis favorable de principe pour un aménagement (tourne-à-gauche) sur une voie dont elle n'est ni propriétaire, ni gestionnaire ; aucun élément ne vient garantir la réalisation, à l'ouverture de l'ensemble commercial, de cet aménagement de voirie alors que ce dernier est nécessaire pour assurer un accès sécurisé au site et éviter l'encombrement du trafic sur la voirie à proximité du bâtiment ;
- le projet emporte des effets négatifs en matière de développement durable ; la jurisprudence confirme qu'un projet ayant pour conséquence d'imperméabiliser des surfaces naturelles ou agricoles et d'accentuer l'étalement urbain est contraire aux objectifs fixés par la loi en matière d'aménagement du territoire et de développement durable ; la commission nationale n'a pas entendu fonder son refus sur un prétendu risque hydraulique mais a simplement relevé que la création d'un parking de plain-pied conduirait à imperméabiliser un terrain d'environ 11 000 m² ; la référence aux problématiques de récupération des eaux pluviales vise une des lacunes supplémentaires du projet, tenant en particulier à l'imprécision du dossier de demande sur ce point mise en avant par la direction départementale des territoires, lequel renvoie à la réalisation d'une étude ultérieure ; l'insuffisance des dispositifs de gestion d'éclairage est également pointée par la direction départementale des territoires ; le terrain d'implantation sera visible depuis le centre historique ; ni l'habillage en bois du bâtiment conçu sur le modèle d'une " boîte ", ni les " efforts de végétalisation " mis en avant par le pétitionnaire ne favoriseront, comme l'a estimé la commission, l'insertion de celui-ci dans son environnement et ne permettront de diminuer l'impact visuel du centre commercial et de son parc de stationnement ; la fréquence des bus desservant le site apparaît insuffisante pour inciter les clients à se rendre en bus au centre commercial ; aucun élément ne vient garantir la réalisation de la voie réservée aux piétons et cyclistes évoquée dans le dossier ;
- le projet emportera des effets négatifs sur la sécurité des consommateurs ; ainsi qu'il a été dit précédemment, les requérantes n'apportent aucun élément de nature à justifier du caractère certain de la réalisation des aménagements de voirie ; le projet, situé à proximité d'équipements commerciaux existants, ne viendra pas compenser le déficit d'équipement identifié au sud du périmètre de la communauté d'agglomération ;
- à titre subsidiaire, la commission était tenue de refuser le projet ; la commune de Pujols n'est pas couverte par un SCOT et il n'est pas établi que la zone dans laquelle est envisagé le projet ait été constructible avant l'entrée en vigueur de la loi Urbanisme et Habitat ; dans ce contexte, aucune autorisation d'exploitation commerciale ne pouvait être délivrée dans cette zone en l'absence de la dérogation prévue à l'article L. 122-2-1 du code de l'urbanisme ; or, la pétitionnaire ne justifie nullement d'une telle dérogation.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 13 décembre 2016 et 26 janvier 2017, la société par actions simplifiée Casino Distribution France, représentée par MeE..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge solidaire de la SCI Pujols Immo et de la commune de Pujols d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- M. D...Valdiguié était, à la date de la réunion de la commission nationale d'aménagement commercial le 27 novembre 2014, membre titulaire en qualité de conseiller maître honoraire de la Cour des comptes, en application du décret du 10 avril 2012 ; conformément à l'article R. 751-8 du code de commerce, il avait compétence pour suppléer le président de la commission, sans que l'empêchement ou l'absence du président titulaire doive faire 1'objet d'une mention expresse dans la décision attaquée ;
- en considérant que le projet n'entraîne pas de diversification de l'offre commerciale de la zone de chalandise ni ne participe à l'animation de la vie locale, la commission nationale d'aménagement commercial n'a commis aucune erreur d'appréciation ; ce projet de 1 800 m² de surface de vente, situé à 2 kilomètres au nord du bourg médiéval et à proximité de la rocade sud de Villeneuve-sur-Lot, concurrencera fortement l'activité commerciale du centre-ville de cette commune, laquelle dispose de nombreux commerces de proximité et a récemment obtenu des subventions au titre du FISAC ; ce projet est d'autant moins justifié qu'à l'échelle du territoire, l'augmentation de 2% de la population entre 2006 et 2011 sur l'ensemble de la zone de chalandise est faible et que cette dernière est déjà pourvue d'une offre commerciale dense ;
- la commission n'a commis aucune erreur d'appréciation en considérant que le projet emporterait des effets négatifs en termes de développement durable ; le projet est situé sur un terrain d'assiette d'une surface de 10 951 m² à l'état naturel ; en prévoyant une surface hors oeuvre nette de 3 612 m² et une surface de parking de 3 305 mètres carrés, le projet entraînera une imperméabilisation démesurée pour un ensemble commercial de 1 800 m² de surface de vente ; le demandeur ne précise pas les moyens mis en oeuvre pour récupérer les eaux pluviales pour le fonctionnement de la station de lavage ; l'engagement d'éteindre les lumières et l'éclairage de l'enseigne en dehors des heures d'ouverture ne figure pas dans le dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale ;
- l'insertion paysagère du bâtiment comporte des lacunes justifiant le refus prononcé par la commission nationale d'aménagement commercial ; le service instructeur devant la commission départementale a relevé, à juste titre, que le dossier développe peu la stratégie de composition paysagère en fonction du contexte, des aménagements d'infrastructure, de créations d'écrans au soleil et au vent ; le projet se situe à proximité immédiate d'un bourg médiéval, labellisé comme " un des plus beaux villages de France " et sur un terrain actuellement à l'état naturel ;
- la règle de constructibilité limitée des grandes surfaces commerciales fixée par l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme vise les communes non couvertes par un SCOT et situées notamment à moins de 15 kilomètres de la périphérie d'une agglomération de plus de 15 000 habitants ; il n'est pas contesté que le projet en litige remplit ces conditions, et les appelantes ne démontrent pas, en l'absence de production du règlement du POS approuvé en 1981, que cette zone à urbaniser n'était pas strictement inconstructible ; la commission nationale d'aménagement commercial ne pouvait en tout état de cause délivrer aucune autorisation d'exploitation commerciale dans cette zone en l'absence de la dérogation prévue à l'article L. 122-2-1 du code de l'urbanisme ;
- la desserte du projet n'est pas satisfaisante ; il va engendrer une augmentation importante du trafic générant des risques supplémentaires pour les usagers de la route sur des axes de desserte déjà importants ; la commission ne disposait pas, à la date où elle a statué, des garanties concernant la réalisation des aménagements routiers devant desservir le site ; la desserte par les transports en commun, limitée à un arrêt de bus situé à 150 mètres du site, est insuffisante ; l'ouverture d'une nouvelle ligne de bus n'a pas été décidée par la collectivité territoriale compétente ;
- les déplacements supplémentaires générés par le projet auront pour conséquence l'émission de gaz à effet de serre.
Par ordonnance du 26 janvier 2017, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 27 février 2017 à 12 heures.
Une demande de pièces en date du 2 octobre 2017 a été adressée à la commune de Pujols pour compléter l'instruction.
Par lettre du 2 octobre 2017, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour est susceptible de soulever d'office le moyen tiré de la compétence liée dans laquelle se trouvait la commission nationale d'aménagement commercial pour refuser le projet de la SCI Pujols Immo dès lors que la parcelle en litige n'était pas ouverte à l'urbanisation et qu'aucune dérogation n'avait été demandée à l'autorité en charge de l'élaboration du SCOT du Villeneuvois.
Par un mémoire, enregistré le 6 octobre 2017, la commune de Pujols et la SCI Pujols Immo ont présenté des observations en réponse au moyen d'ordre public. Elles font valoir que la zone NA du plan d'occupation des sols est une zone d'urbanisation ouverte où les parcelles sont constructibles notamment pour la réalisation de construction à usage d'habitation, de commerces, de bureaux ou de dépôts sous les réserves définies par l'article 1 NA. La rédaction du plan d'occupation des sols caractérisant l'existence d'une ouverture de l'urbanisation de la zone avant 2003, la création de l'ensemble commercial n'entrait pas dans le champ de l'article L. 122-2 III du code de l'urbanisme.
Par un mémoire, enregistré le 11 octobre 2017, la SAS Distribution Casino France a présenté des observations en réponse au moyen d'ordre public. Elle souligne, d'abord, l'absence de communication du document graphique du plan d'occupation des sols qui aurait permis d'écarter tout doute sur le classement des parcelles. Ensuite, elle fait valoir que les dispositions de l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme ne permettent la délivrance d'une autorisation d'urbanisme commercial que dans l'hypothèse où le document d'urbanisme applicable prévoit que les constructions à usage de commerce sont admises sous conditions. En l'absence de transmission du schéma d'organisation d'ensemble mentionné par l'article NA 1 du plan d'occupation des sols, les requérantes ne démontrent pas que les constructions à usage de commerce ne sont pas interdites par le plan d'occupation des sols. En dernier lieu, en l'absence de communication d'éléments suffisants concernant l'application de l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme à la CNAC, cette dernière avait compétence liée pour refuser le projet.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 ;
- le décret n° 2013-1289 du 27 décembre 2013 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 12 octobre 2017 :
- le rapport de Mme Cécile Cabanne ;
- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;
- et les observations de MeB..., représentant la commune de Pujols et la SCI Pujols Immo, de MeC..., représentant la Sas Distribution Casino France et de MeA..., représentant l'association des commerçants du centre commercial Auchan Bias.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 8 juillet 2014, la commission départementale d'aménagement commercial de Lot-et-Garonne a délivré à la SCI Pujols Immo l'autorisation de procéder à la création d'un ensemble commercial sur les parcelles cadastrées section AK n° 118 et 124 situées rue de Bir-Hakeim, lieu-dit Labade à Pujols, comprenant un supermarché à l'enseigne " Super U " d'une surface de vente de 1 600 m², une boutique abritant une activité de services d'une surface de 125 m², un parc de stationnement non couvert de 163 places, une station de distribution de carburant et de lavage ainsi qu'un point de retrait des achats effectués par voie télématique d'une emprise au sol de 75 m². La SAS Distribution Casino France d'une part, et l'association des commerçants du centre commercial Auchan Bias d'autre part, respectivement exploitant et représentant des exploitants de commerces situés dans la zone de chalandise du projet, ont chacune demandé à la commission nationale d'aménagement commercial l'annulation de cette décision. La SCI Pujols Immo et la commune de Pujols, par une requête commune, demandent à la cour d'annuler la décision du 27 novembre 2014 par laquelle la commission nationale d'aménagement commercial a admis ces recours et a refusé d'accorder l'autorisation d'exploiter cet ensemble commercial.
Sur les conclusions en annulation :
En ce qui concerne la procédure suivie devant la commission nationale :
2. Aux termes de l'article R. 751-8 du code de commerce, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le président de la commission nationale d'aménagement commercial est suppléé, en cas d'absence ou d'empêchement, par le membre de la Cour des comptes et, en cas d'absence ou d'empêchement de celui-ci, par le membre de l'inspection générale des finances. ".
3. Il résulte du procès-verbal de séance de la commission du 27 novembre 2014 que le président de la commission nationale d'aménagement commercial était absent lors de l'examen du recours formé contre l'autorisation accordée à la société SCI Pujols Immo par la commission départementale d'aménagement commercial de Lot-et-Garonne. Par suite, et alors qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose que l'absence ou l'empêchement du président fasse l'objet d'une mention expresse dans la décision attaquée, la présidence de la réunion a pu être sans irrégularité assurée, en application des dispositions de l'article R. 751-8 précité, par M. Valdiguié, conseiller maître honoraire à la Cour des comptes, nommé membre titulaire de la commission par décret du 10 avril 2012, en qualité de suppléant du président en titre de la commission.
En ce qui concerne l'appréciation de la commission nationale d'aménagement commercial :
4. D'une part, aux termes du troisième alinéa de l'article 1er de la loi du 27 décembre 1973 : " Les pouvoirs publics veillent à ce que l'essor du commerce et de l'artisanat permette l'expansion de toutes les formes d'entreprises, indépendantes, groupées ou intégrées, en évitant qu'une croissance désordonnée des formes nouvelles de distribution ne provoque l'écrasement de la petite entreprise et le gaspillage des équipements commerciaux et ne soit préjudiciable à l'emploi ". L'article L. 750-1 du code de commerce dispose que : " Les implantations, extensions, transferts d'activités existantes et changements de secteur d'activité d'entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu'au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine. / Dans le cadre d'une concurrence loyale, ils doivent également contribuer à la modernisation des équipements commerciaux, à leur adaptation à l'évolution des modes de consommation et des techniques de commercialisation, au confort d'achat du consommateur et à l'amélioration des conditions de travail des salariés ".
5. D'autre part, selon l'article L. 752-6 du code du commerce, dans sa rédaction alors en vigueur : " Lorsqu'elle statue sur l'autorisation d'exploitation commerciale visée à l'article L. 752-1, la commission départementale d'aménagement commercial se prononce sur les effets du projet en matière d'aménagement du territoire, de développement durable et de protection des consommateurs. Les critères d'évaluation sont : 1° En matière d'aménagement du territoire : a) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et de montagne ; b) L'effet du projet sur les flux de transport ; c) Les effets découlant des procédures prévues aux articles L. 303-1 du code de la construction et de l'habitation et L. 123-11 du code de l'urbanisme ; 2° En matière de développement durable : a) La qualité environnementale du projet ; b) Son insertion dans les réseaux de transports collectif. ".
6. Il résulte de ces dispositions que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.
7. Pour refuser d'autoriser l'exploitation du projet en litige, la commission nationale d'aménagement commercial s'est fondée sur trois motifs, tirés d'abord de ce que le projet, situé à deux kilomètres au nord et en contrebas du bourg médiéval de Pujols et à proximité de la rocade sud de Villeneuve-sur-Lot, n'entraîne pas de diversification de l'offre commerciale dans la zone de chalandise et ne participera pas à l'animation de la vie locale. Ensuite, relevant l'imperméabilisation excessive de l'emprise foncière et " les problématiques liées à la récupération des eaux de pluie et de la gestion de l'éclairage extérieur ", elle conclut aux effets négatifs du projet en termes de développement durable. Enfin, elle considère qu'en dépit de mesures particulières prévues par le pétitionnaire, le bâtiment ne s'insère pas de manière suffisamment harmonieuse dans son environnement et provoquera une dégradation du paysage naturel.
En ce qui concerne l'animation de la vie urbaine :
8. Si le terrain d'assiette du projet se situe en périphérie de la commune de Pujols, à 2 km du bourg médiéval situé sur un pic rocheux, la loi n'implique pas que le critère de contribution à l'animation de la vie urbaine ne puisse être respecté que par une implantation en centre ville. Il ressort des pièces du dossier que la commune de Pujols est dépourvue de commerces alimentaires et que le projet en litige est situé dans la partie basse de la ville où se situent les zones d'habitat, d'activités et de loisirs. L'avis favorable du ministre chargé du commerce est notamment motivé par la circonstance que le projet s'inscrit dans une zone urbanisée, en forte croissance, marquée notamment par la création d'un pôle médical et de services de 13 cellules en face du site du Super U. Si deux supermarchés concurrents situés à 2,5 km proposent également une offre alimentaire, le projet en litige d'une surface de vente de 1 800 m² est de taille modeste et contribue à compléter l'offre commerciale notamment par la présence nouvelle d'un " drive ". La circonstance invoquée en défense que la commune de Villeneuve-sur-Lot a bénéficié de fonds au titre du FISAC ne saurait à elle seule révéler que le projet méconnaîtrait l'objectif de protection des consommateurs ou celui de l'aménagement du territoire pour ce qui concerne son impact sur l'animation de la vie urbaine. Il ressort au contraire des pièces du dossier que le projet participera également au développement économique local en favorisant les partenariats avec les fournisseurs locaux et régionaux. Dans ces conditions, le projet est susceptible d'améliorer le confort d'achat des consommateurs sans avoir d'effet néfaste sur l'animation du centre-ville de Pujols ou des communes avoisinantes.
En ce qui concerne le développement durable :
9. D'une part, si la commission nationale d'aménagement commercial a considéré que le projet allait provoquer une importante imperméabilisation des sols, il ressort des pièces du dossier que les parcelles en litige sont classées en zone 1AUYa du plan local d'urbanisme, destinée à l'urbanisation à vocation notamment de commerces, dans un secteur urbanisé compris entre la rocade sud de Villeneuve-sur-Lot, la piscine de Malbentre et la zone pavillonnaire. Si la place accordée aux espaces verts ne représente que 10 % de l'emprise foncière, le terrain d'emprise du projet en litige de 10 951 m² demeure modeste. Par ailleurs, la société pétitionnaire a prévu la mise en place de dispositifs permettant de limiter les effets néfastes liés à la stérilisation des sols. En particulier, le projet prévoit un parc de stationnement végétalisé dit " evergreen " pour 45 des 163 places du parking. Les eaux de ruissellement seront traitées par séparateur à hydrocarbures et collectées dans des noues paysagères avec traitement naturel par des plantes hydrophiles et filtrantes. Sont également prévues des cuves de récupération des eaux pluviales des toitures, lesquelles seront utilisées pour le lavage des sols, des sanitaires et l'arrosage des espaces verts. Les effets du projet en termes d'imperméabilisation des sols ne font donc pas apparaître de risques particuliers. Enfin, si le rapporteur devant la commission départementale regrettait l'absence de dispositions éventuelles concernant la gestion de l'éclairage extérieur, il ressort au contraire du dossier de demande d'autorisation qu'est prévue la mise en place d'éclairage basse consommation pour les parkings et les façades, ainsi que leur arrêt, chaque soir, après la fermeture du magasin.
10. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que la réalisation du projet entraînerait une modification sensible de la qualité paysagère de l'environnement proche actuel, ni même une dégradation importante du paysage vu depuis le bourg de Pujols situé en surplomb, classé parmi " les plus beaux villages de France ", qui domine un secteur assez largement urbanisé. Le bâtiment sera de hauteur limitée. Les façades seront revêtues de bardage en bois et la toiture déclinera différents verts afin de fondre le magasin dans l'environnement. 109 arbres de hautes tiges d'essences locales seront plantés et contribueront, avec les haies vives et arbustes, à l'intégration paysagère de ce projet dans l'environnement.
11. Dans ces conditions, la société requérante et la commune de Pujols sont fondées à soutenir que la commission nationale d'aménagement commercial a fait une appréciation erronée de l'objectif de développement durable.
12. Si la SAS Distribution Casino France et l'association des commerçants du centre commercial Auchan Bias demandent que d'autres motifs soient substitués aux motifs erronés mentionnés aux points 7 à 10 ci-dessus, une telle substitution de motifs, sous réserve des moyens emportant une compétence liée, ne peut être demandée au juge de l'excès de pouvoir que par l'administration auteur de la décision attaquée, laquelle n'a pas produit de défense.
13. Aux termes de l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme, alors en vigueur, cas dans lequel la commission nationale d'aménagement commercial est en compétence liée : " I.-Dans les communes qui ne sont pas couvertes par un schéma de cohérence territoriale applicable, les zones et secteurs suivants ne peuvent être ouverts à l'urbanisation à l'occasion de l'élaboration ou d'une procédure d'évolution d'un document d'urbanisme : 1° Les zones à urbaniser d'un plan local d'urbanisme ou d'un document en tenant lieu délimitées après le 1er juillet 2002 ; (...) II.-Dans les communes qui ne sont couvertes ni par un schéma de cohérence territoriale applicable, ni par un document d'urbanisme, les secteurs situés en dehors des parties actuellement urbanisées des communes ne peuvent être ouverts à l'urbanisation pour autoriser les projets mentionnés aux 3° et 4° du I de l'article L. 111-1-2. III.-Dans les communes qui ne sont pas couvertes par un schéma de cohérence territoriale applicable, il ne peut être délivré ni d'autorisation d'exploitation commerciale en application de l'article L. 752-1 du code de commerce, ni d'autorisation en application des articles L. 212-7 et L. 212-8 du code du cinéma et de l'image animée à l'intérieur d'une zone ou d'un secteur rendu constructible après l'entrée en vigueur de la loi n° 2003-590 du 2 juillet 2003 urbanisme et habitat. V.-Jusqu'au 31 décembre 2016, les I à III du présent article ne sont pas applicables dans les communes situées à plus de quinze kilomètres du rivage de la mer ou à plus de quinze kilomètres de la limite extérieure d'une unité urbaine de plus de 15 000 habitants, au sens du recensement général de la population. (...) ".
14. Il résulte de ces dispositions que dans les communes mentionnées à l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme, et sous réserve que celles-ci ne soient pas couvertes par un schéma de cohérence territoriale applicable, il ne peut, sauf dérogation accordée par le préfet ou par l'établissement public auteur du schéma de cohérence territoriale ayant vocation à entrer en application, être délivré d'autorisation d'urbanisme commercial à l'intérieur des zones à urbaniser de ces communes ouvertes à l'urbanisation après l'entrée en vigueur de la loi du 2 juillet 2003 " urbanisme et habitat ". Lorsqu'une zone a été délimitée et ouverte à l'urbanisation avant l'entrée en vigueur de cette loi, les dispositions rappelées ci dessus ne trouvent pas à s'appliquer.
15. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet a été classé en zone 1AUYa autorisant notamment les activités commerciales par le plan local d'urbanisme approuvé le 17 avril 2012, et figurait dès le plan d'occupation des sols adopté en décembre 1981 en zone NA. Le règlement de ce plan, communiqué en réponse au moyen d'ordre public soulevé par la cour, autorise sous conditions la réalisation de constructions à usage d'habitation et des équipements commerciaux. Ainsi, les parcelles classées en zone NA étaient ouvertes à l'urbanisation avant l'entrée en vigueur de la loi du 2 juillet 2003 et aucune dérogation ne devait être demandée à l'autorité en charge de l'élaboration du SCOT du Villeneuvois. La circonstance qu'il ne ressort pas de la décision de la CNAC qu'elle se serait expressément prononcée sur la méconnaissance des dispositions de l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme est dans ses conditions indifférente. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme ne peut qu'être écarté.
16. Il résulte de tout ce qui précède que les requérantes sont fondées à demander l'annulation de la décision de la commission nationale d'aménagement commercial n° 2365 T - 2376 T du 27 novembre 2014.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
17. L'annulation de la décision n° 2365-2376 T implique nécessairement que la commission nationale d'aménagement commercial procède à un nouvel examen de la demande d'autorisation dont elle se trouve à nouveau saisie, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
18. Ces dispositions font obstacle à ce que les sommes que demandent la société Casino Distribution France et l'association des commerçants du centre commercial Auchan Bias soient mises à la charge de la SCI Pujols Immo et de la commune de Pujols, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance. En revanche, et dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser aux requérantes sur le fondement de ces mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La décision n° 2365 T - 2376 T du 27 novembre 2014 de la commission nationale d'aménagement commerciale est annulée.
Article 2 : Il est enjoint à la commission nationale d'aménagement commercial de se prononcer à nouveau sur la demande de la société civile immobilière Pujols Immo, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera la somme globale de 1 500 euros à la société civile immobilière Pujols Immo et à la commune de Pujols en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la société par actions simplifiée Distribution Casino France et l'association des commerçants du centre commercial Auchan Bias sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Pujols Immo, à la commune de Pujols, à la commission nationale d'aménagement commercial, à la société par actions simplifiée Distribution Casino France et à l'association des commerçants du centre commercial Auchan Bias. Copie en sera adressée au préfet de Lot-et-Garonne.
Délibéré après l'audience du 12 octobre 2017 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,
Mme Cécile Cabanne, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 novembre 2017.
Le rapporteur,
Cécile CABANNE Le président,
Catherine GIRAULT Le greffier,
Virginie MARTY
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 15BX00999 7