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14/11/2017 | FRANCE | N°17BX01780,17BX01799

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 14 novembre 2017, 17BX01780,17BX01799


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 2 mai 2017 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1702038 du 10 mai 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté, enjoint au préfet de la Haute-Garonne de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de deux mois et de lui délivrer dan

s l'attente une autorisation provisoire de séjour, et mis à la charge de l'État la som...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 2 mai 2017 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1702038 du 10 mai 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté, enjoint au préfet de la Haute-Garonne de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de deux mois et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, et mis à la charge de l'État la somme de 800 euros à verser à Me D...en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée sous le n° 17BX01780, le 7 juin 2017, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 10 mai 2017.

Il soutient que le comportement de M. A...constitue une menace réelle actuelle et suffisamment grave à l'ordre public pour justifier une mesure d'éloignement sans délai de départ volontaire, laquelle ne porte pas atteinte à sa vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juillet 2017, M.A..., représenté

par MeD..., conclut au rejet de la requête et à ce que l'État verse à Me D...une somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi

du 10 juillet 1991.

M. A...soutient que n'ayant plus aucun lien au Maroc et toute sa famille résidant en France où il a passé la majeure partie de sa vie, l'arrêté du 2 mai 2017 portant obligation de quitter le territoire sans délai porte atteinte à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales alors qu'il n'a commis aucune infraction entre 2009 et 2013 et a créé une entreprise de nettoyage dont il tire des revenus.

II. Par une requête enregistrée sous le n° 17BX01799, le 9 juin 2017, le préfet de la Haute-Garonne demande de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 1702038 du tribunal administratif de Toulouse du 10 mai 2017.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juillet 2017, M.A..., représenté par

MeD..., conclut au rejet de la requête pour les mêmes motifs que ceux exposés sous le n° 17BX01780.

Vu :

- les autres pièces des dossiers ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de MmeC... ;

- et les conclusions de M. Katz, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes du préfet de la Haute Garonne sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

2. M. B...A..., né le 9 mai 1989, de nationalité marocaine, entré en France en août 2003 selon ses déclarations, a fait l'objet alors qu'il était détenu au centre pénitentiaire de Seysses, d'un arrêté du 2 mai 2017 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi. Le préfet de

la Haute-Garonne relève appel du jugement rendu par le tribunal administratif de Toulouse

le 10 mai 2017 annulant cet arrêté et lui enjoignant de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de deux mois et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour.

3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. /2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l' exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " .

4. Selon le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 7° Si le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ; ". Et aux termes du II du même article : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ;(...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants (...)f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2. ".

5. Pour refuser d'accorder à M. A...un délai de départ volontaire, le préfet de la Haute-Garonne s'est fondé sur la circonstance que son comportement constituait une menace pour l'ordre public et qu'il existait un risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français. Il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a été condamné

le 4 décembre 2013 par la Cour d'assises de la Haute-Garonne à la peine de cinq années d'emprisonnement pour avoir commis à Toulouse, le 4 mai 2009, un viol. M. A...a, en outre, été de nouveau condamné, le 17 mars 2016, à une peine de trois mois pour évasion à l'occasion d'une permission de sortir. Il n'a, par ailleurs, entamé aucune démarche pour renouveler son titre de séjour à son expiration en 2015 et ne dispose pas de document de voyage en cours de validité. En refusant, eu égard à la fois à ces faits et au comportement général de l'intéressé, de lui octroyer un délai de départ volontaire en dépit de la présence en France de sa mère et de ses frères et soeurs, le préfet a fait une exacte application des dispositions précitées et pouvait, dès lors, légalement refuser d'octroyer à M. A...un délai de départ volontaire.

6. Si M. A...fait valoir qu'il est entré en France alors qu'il était mineur, accompagné de sa mère et de ses trois frères et soeurs, lesquels y résident depuis sous couvert de cartes de résidents, et que son père, qu'il était venu rejoindre dans le cadre du regroupement familial, est décédé en 2008, ainsi, en 2013, que sa grand-mère, au Maroc, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé est célibataire et sans enfant sur le territoire français et qu'il a vécu jusqu'à l'âge de quatorze ans au Maroc où il a effectué l'essentiel de sa scolarité. Il ne démontre, par ailleurs, ni qu'il entretiendrait à la date de l'obligation de quitter le territoire contestée, des liens avec sa mère et ses frères et soeurs, ni qu'il aurait développé sur le territoire français des relations d'une intensité et une stabilité telles qu'elles justifieraient son maintien en France. Ainsi, à supposer même qu'il présenterait des perspectives d'intégration via l'entreprise de nettoyage qu'il a créée, dans les circonstances de l'espèce, eu égard à la nature et la gravité des faits commis, la décision contestée l'obligeant à quitter le territoire français sans délai n'a pas porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Elle n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. Le préfet de la Haute-Garonne est, par suite, fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le tribunal administratif de Toulouse a retenu l'unique moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour annuler son arrêté

du 2 mai 2017.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Toulouse et la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Toulouse doit être rejetée. Par voie de conséquence, les conclusions de l'intimé présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

9. La cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la requête du préfet de la Haute-Garonne tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de sa requête n° 17BX01799 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées

d'objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 10 mai 2017 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Toulouse et ses conclusions présentées en appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 17BX01799 tendant au sursis à l'exécution du jugement.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B...A.... Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme Aurélie Chauvin, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 novembre 2017

Le rapporteur,

Aurélie C...

Le président,

Éric Rey-BèthbéderLe greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 17BX01780, 17BX01799


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX01780,17BX01799
Date de la décision : 14/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Aurélie CHAUVIN
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : DERBALI

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-11-14;17bx01780.17bx01799 ?
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